Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/DUCCIO

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Traduction par Weiss, Charles (18...-19...; commandant).
DORBON-AINÉ (1p. 227-228).
DUCCIO
Peintre siennois, mentionné pour la première fois en 1282,
la dernière fois en 1339

Sans aucun doute, les hommes qui se distinguent par quelque invention remarquable prennent une grande place dans les livres de ceux qui écrivent l’histoire, et cela provient de ce que, à leur apparition, les nouveautés excitent toujours plus d’admiration que tous les perfectionnements qu’on y apporte après coup. C’est ainsi que Duccio[1], peintre siennois, justement réputé, fut le premier à faire de ces travaux en marbre, qui sont pleins de figures gravées en creux[2], tels que ces merveilles qu’on voit actuellement sur le parquet du Dôme de Sienne. Il s’appliqua à imiter la vieille manière [3], et, possédant un jugement excellent, il donna de belles formes et une rare expression à ses figures, en dépit de toutes les difficultés que présentait son art. Imitant les peintures faites en clair-obscur, il composa et dessina le commencement du parquet dont nous avons parlé ci-dessus, et, pour la même église, il peignit un tableau qui fut d’abord placé sur le maître-autel, et qui fut remplacé ensuite par le tabernacle actuel. Ce tableau représente, comme le rapporte Lorenzo di Bartolo Ghiberti, un couronnement de la Vierge[4], où se confondent la vieille manière grecque et la manière moderne ; il est peint des deux côtés, car le maître-autel auquel il était destiné est complètement isolé, et sa partie postérieure contient les principaux faits du Nouveau Testament ; les figures en sont très belles et de petites dimensions. J’ai cherché à savoir où se trouve actuellement ce tableau, mais, malgré tous mes efforts, je n’ai pas pu le retrouver, ni apprendre ce qu’en fit le sculpteur Francesco di Giorgio Vecchietta, quand il refit en bronze le dit tabernacle, avec les ornements de marbre qui y sont[5]. Duccio peignit pareillement, pour la ville de Sienne, plusieurs tableaux sur fond d’or, et, pour Florence, une Annonciation que l’on voit à Santa Trinità. Il exécuta ensuite, pour diverses églises de Pise, de Lucques et de Pistoia, des travaux qui lui acquirent autant d’honneur que de profit[6].

On ne sait où il mourut et l’on ignore quels enfants[7], quels élèves et quelle fortune il laissa. Qu’il nous suffise de savoir qu’il laissa comme héritage la découverte de la peinture sur marbre en clair-obscur ; il mérite donc justement notre reconnaissance et doit être compté parmi les bienfaiteurs de l’art. On raconte à Sienne qu’il donna, l’an 1348, le dessin de la chapelle qui est sur la place, au bas de la façade du grand palais[8]. Ses œuvres datent de l’an 1350 environ.

  1. Duccio di Buoninsegna.
  2. La première mention de pareils travaux est de 1359.
  3. De Guido de Siena, dans son tableau de 1281.
  4. Erreur : une Madone entourée d’anges, actuellement à l’Œuvre du Dôme, signée en lettres majuscules : Mater Sancta Dei, Sis causa Senis requiei, Sis Ducio vita, te quia depinxit ita. Commandée le 9 octobre 1308, finie en 1311.
  5. Ce tabernacle fut fondu en 1472 pour l’église de l’hôpital et transporté dans le Dôme en 1506 à sa place actuelle. Les ornements de marbre datent de 1532 et furent dessinés par Baldassare Peruzzi.
  6. Toutes ces œuvres sont perdues.
  7. Il laissa deux fils, dont un, Galgano, fut peintre.
  8. Cette chapelle, construite par suite d’un vœu fait pendant la peste de 1348, fut commencée en 1352, et terminée, après plusieurs interruptions, en 1376.