Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/Gaddo GADDI

La bibliothèque libre.
Traduction par Weiss, Charles (18...-19...; commandant).
DORBON-AINÉ (1p. 153-155).
Gaddo GADDI
Peintre florentin, né en 1259 (?), mort après 1333

À la même époque, Gaddo[1], peintre florentin, fit preuve de plus de dessin dans ses œuvres, travaillées à la grecque, mais exécutées avec grand soin, qu’Andrea Tafi et que les autres peintres qui le précédèrent, ce qui provient peut-être de l’amitié qu’il entretint avec Cimabue dont il fréquenta assidûment la maison. Soit qu’ils fussent rapprochés par la conformité de leur humeur, ou par l’élévation de leur esprit, animés l’un pour l’autre d’une égale bienveillance, les fréquentes conversations qu’ils avaient ensemble, et leurs discours sur les difficultés de l’art, provoquaient dans leurs esprits de belles et grandes conceptions. Ils étaient, d’ailleurs, aidés par la subtilité de l’air de Florence, qui produit ordinairement des génies fins et inventifs, dégagés de cette rouille et de cette rudesse que, le plus souvent, la nature, l’émulation et l’application des préceptes ne peuvent enlever. Gaddo, qu’Andrea Tafi prit avec lui pour terminer les mosaïques de San Giovanni, et avec lequel il apprit grandement, profita si bien qu’il fit ensuite tout seul les Prophètes[2] que l’on voit, à l’intérieur, dans les cadres placés sous les fenêtres, travaux qui le mirent en grande réputation. Après cela, devenu plus hardi et décidé à travailler seul, il s’appliqua à étudier la manière grecque, conjointement à celle de Cimabue, et étant rapidement passé maître dans cet art, il lui fut demandé, par les fabriciens de Santa Maria del Fiore, de remplir le cadre demi-circulaire qui est à l’intérieur et au-dessus de la porte principale, et dans lequel il représenta en mosaïque le Couronnement de la Vierge[3], Ce travail terminé fut regardé par tous les maitres florentins et étrangers comme le plus beau de tous ceux qui se trouvaient alors en Italie, tant pour le dessin que pour le goût et l’exécution. Le renom de cet ouvrage s’étant répandu au loin, Gaddo fut appelé à Rome, l’an 1308 (une année après l’incendie qui consuma l’église et les palais de Latran), par le pape Clément V, pour lequel il termina plusieurs mosaïques laissées inachevées par Fra Jacopo da Turrita. Il exécuta ensuite dans la basilique de Saint-Pierre quelques mosaïques, tant dans la grande chapelle que dans le reste de l’église, en particulier un Dieu le Père, entouré de plusieurs figures, sur la façade antérieure [4] ; il aida également à terminer quelques mosaïques qui sont sur la façade de Sainte-Marie-Majeure, pour lesquelles il améliora sa manière et quitta un peu celle des Grecs, qui n’avait réellement rien de bon en soi. De retour en Toscane, il fut employé par les Tarlati, seigneurs de Pietramala, à des mosaïques dans le Dôme vieux d’Arezzo, hors la ville[5]. Il alla ensuite à Pise et, dans le Dôme, au-dessus de la chapelle de l’Incoronata, il représenta, dans une niche, la Vierge montant au ciel, et, au-dessus, le Christ qui l’attend, assis sur un siège richement orné[6]. Ce travail fut exécuté avec tant de soin qu’il s’est parfaitement conservé jusqu’à nos jours. Puis il retourna à Florence avec l’intention de se reposer ; il s’amusait alors à composer, avec une patience et un goût incroyables, de petits tableaux en mosaïques faites avec des coquilles d’œufs[7]. On peut en voir encore maintenant quelques-unes à San Giovanni de Florence.

Nous ne parlerons pas davantage de ses travaux dans cet art ; il peignit aussi beaucoup de tableaux, entre autres celui qui est à Santa Maria Novella[8], sur la cloison à côté de la chapelle des Minerbetti, d’autres encore qui furent envoyés en divers lieux de Toscane.

Il vécut soixante-treize ans et mourut en 1312[9]. Son fils Taddeo lui donna une sépulture honorable à Santa Croce. De tous ses fils, Taddeo seul, que Giotto tint sur les fonts baptismaux, s’adonna à la peinture dont il apprit les principes de son père et le reste de Giotto. Gaddo eut encore pour élève Vicino, peintre pisan, qui laissa quelques belles mosaïques dans la grande tribune du Dôme de Pise[10]. On peut voir le portrait de Gaddo, de la main de son fils, à Santa Croce, dans la chapelle des Baroncelli, parmi les personnages du Mariage de la Vierge ; à côté de lui, se trouve Andrea Tafi[11].


  1. Inscrit à la Matricule des Médecins et Pharmaciens en 1312.
  2. Attribution douteuse.
  3. Attribution douteuse ; mosaïque bien conservée.
  4. Ces mosaïques n’existent plus.
  5. Démoli au XVIe sièclesiècle.
  6. Description inexacte. La Vierge est sur un trône, entourée d’anges.
  7. On en conserve un fragment, aux Offices, représentant le Sauveur tenant un livre.
  8. Peinture perdue.
  9. Après 1333 ; à cette date, il est mentionné dans les Spogli del Manni.
  10. Terminées en 1321, d’après l’inscription.
  11. Ces deux portraits sont à gauche, à côté d’une femme vêtue d’une robe bleue.