Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/Masolino da PANICALE

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Traduction par Weiss, Charles (18...-19...; commandant).
DORBON-AINÉ (1p. 310-312).
Masolino da PANICALE
Peintre florentin, né en 1383, mort vers 1447

Masolino da Panicale[1], du Val d’Elsa, fut disciple de Lorenzo Ghiberti ; dès sa jeunesse, il se montra excellent orfèvre et Lorenzo n’eut pas de meilleur auxiliaire pour polir et réparer les portes de San Giovanni, car il était très adroit dans le travail des draperies. Dans le ciselage de ses pièces d’orfèvrerie, il reproduisait avec beaucoup d’habileté les plis des membres humains, de même que les brisures des draperies. A l’âge de dix-neuf ans, il s’adonna à la peinture à laquelle il se consacra entièrement, ayant appris la pratique des couleurs de Gherardo Stamina. Étant allé à Rome pour étudier, il décora une salle de la maison Orsini[2], sur le Monte Giordano ; mais l’air de ce pays lui ayant donné de violents maux de tête, il revint à Florence, où il peignit, dans l’église del Carmine, à côté de la chapelle del Crocifisso, un saint Pierre que l’on voit encore[3]. Cette figure, qui fut très admirée des artistes, fut cause qu’on lui alloua, dans la même église, la chapelle des Brancacci, où il représenta l’histoire de saint Pierre[4]. Il en termina une partie, ainsi que la voûte où sont peints les quatre Evangélistes. Les scènes qu’il retraça sont les suivantes : quand Jésus-Christ fait quitter les filets à André et à Pierre ; le reniement de Pierre et sa première prédication ; la barque des apôtres agitée par la tempête ; et quand Pierre guérit Pétronille, sa fille. Dans cette dernière fresque, on le voit, avec Jean, aller au temple, devant le portique duquel un pauvre malade leur ayant demandé l’aumône, Pierre, qui n’a ni or ni argent à lui donner, le rappelle à la santé avec un signe de croix. Les figures de toutes ces compositions se distinguent par autant de grâce que de grandeur, par un coloris harmonieux et par un dessin plein de vigueur et de relief. Elles furent très estimées, pour la nouveauté de leur style, et pour ces qualités complètement en dehors de la manière de Giotto ; mais elles restèrent inachevées, par suite de la mort de Masolino. Celui-ci eut un esprit fertile et ses peintures montrent beaucoup d’unité et de facilité ; elles sont, de plus, achevées avec un soin et un amour incroyables. Cette assiduité, et le travail continuel auquel il se livra, ruinèrent sa constitution et abrégèrent ses jours en l’enlevant trop tôt au monde. La mort le frappa jeune, à l’âge de 37 ans[5] et détruisit toutes les espérances qu’il avait fait concevoir. Ses productions datent de l’an 1440 environ.

Ayant souvent considéré les œuvres de Masolino, j’ai toujours trouvé que son style différait complètement de celui de ses devanciers. Il donna de la majesté à ses figures ; ses draperies sont souples et offrent de beaux plis. Ses têtes sont plus expressives, surtout dans le mouvement des yeux ; il en est de même d’autres parties du corps. Comme il commença à bien entendre le jeu des ombres et de la lumière et comme il travaillait également en relief, il sut bien rendre quantité de raccourcis difficiles, comme on le voit dans la figure du pauvre qui demande l’aumône à saint Pierre, et dont la jambe paraît entrer dans le mur, grâce aux contours du dessin et aux ombres du coloris. Il commença aussi à donner plus de grâce et de beauté aux têtes et aux costumes des femmes et des enfants et à bien comprendre la perspective. Mais, où il réussit surtout, c’est dans la peinture à fresque ; ses couleurs sont fondues et unies avec tant de grâce que les chairs en ont une délicatesse inimaginable. S’il avait possédé l’entière perfection du dessin (et il est probable qu’il y serait arrivé s’il eût vécu plus lontemps), il se serait certainement placé au premier rang parmi les meilleurs peintres, car il réunissait déjà à une manière large et facile un coloris moelleux et délicat et même un dessin qui ne manquait ni de vigueur, ni de relief, s’il n’est pas en tous points parfait [6].


  1. Tommaso, fils de Cristofano di Fino, plâtrier; immatriculé le 18 janvier 1423. — En 1427, son père déclare que Tommaso est né en 1383 et que pour le moment il est en Hongrie. L'artiste qui aida Ghiberti est un nommé Tommaso di Cristoforo di Braccio, immatriculé à l'Art des Orfèvres, le 30 septembre 1409 et mort le 13 janvier 1431.
  2. Ces peintures n’existent plus.
  3. Détruit en 1675, quand on construisit la chapelle Corsini.
  4. Les peintures delà chapelle Brancacci existent encore, mais il est difficile de dire la part qui en revient à Masolino et celle de Masaccio. Voir une note à la fin de la Vie.
  5. D’après le registre des Morts de Florence, un certain Tommaso di Cristofano est enterré le 18 octobre 1447 à Santa Maria del Fiore. C’est peut-être Masolino.
  6. Masolino est également l’auteur des fresques de la Collégiale et du Baptistère de Castiglione d’Olona, près de Milan. Les premières sont datées 1428 et les secondes 1435. Sur la voûte du choeur, dans la Collégiale, on lit cette inscription : MASOLINUS DE FLORENTIA PINSIT. — Ces fresques, découvertes en 1843, furent commandées à Masolino par le cardinal Branda da Castiglione. La chapelle Brancacci fut fondée par Felice Brancacci et les peintures furent commandées par lui, comme il appert de son testament daté du 26 juin 1422.