Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/arch5

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Traduction par Weiss, Charles (18...-19...; commandant).
DORBON-AINÉ (1p. 42-44).
De l'architecture : chapitre V

Chapitre V. — Comment on fait des fontaines rustiques avec des encroûtements et des congélations ; comment on imprime dans le stuc des coquillages et des coulées de terre cuite.

Les fontaines que les Anciens élevèrent dans leurs palais, dans leurs jardins et dans d’autres lieux, furent de diverses sortes : les unes isolées, avec des vasques et d’autres vases, les autres adossées à un mur avec des niches, des masques, des figures et des ornements tirés du monde marin ; d’autres encore, plus simples et peu ornées, pour servir à des bains ; d’autres enfin, semblables aux fontaines naturelles qui sourdent dans les bois. Pareillement sont de diverses sortes celles que les modernes ont élevées et élèvent encore maintenant. En les variant sans cesse, ils ont ajouté aux inventions des Anciens des compositions en style toscan, couvertes de matières coulées qui pendent, semblables à des congélations ou à de grosses racines pétrifiées, comme on en voit dans divers endroits où les eaux sont crues et fortes, non seulement à Tivoli, où le fleuve Téverone pétrifie les rameaux des arbres et toute autre chose qu’on y plonge, les recouvrant de croûte et de tartre, mais encore au lac de Piè di Luco, qui fait de remarquables pétrifications, et, en Toscane, à la rivière d’Eisa, dont l’eau fait des pétrifications si claires qu’elles paraissent du marbre, du vitriol, ou de l’alun. Infiniment plus belles et plus bizarres que toutes les autres sont les pétrifications qu’on a trouvées également en Toscane, derrière le Monte Morello, à 8 milles de Florence. Le duc Cosme en a fait faire dans son jardin dell’Olmo, à Castello, les ornements rustiques des fontaines que le Tribolo, sculpteur, a élevées. Ces blocs, enlevés de l’endroit où la nature les a produits, sont assemblés à l’œuvre que l’on veut décorer avec des tenons de fer, des tiges de cuivre scellées au plomb, ou d’une autre manière, et sont fixés dans les pierres de manière qu’ils restent suspendus. On maçonne ensuite le tout dans le style toscan, de manière que la fontaine puisse être vue de tous les côtés. Des tuyaux de plomb cachés et correspondant aux orifices font jaillir l’eau quand on tourne un robinet qui est à l’origine du tuyau. On dispose ainsi des conduites d’eau et des jets d’où l’eau coule ensuite à travers les congélations et, en coulant, donne autant de douceur à l’entendre que de beauté à la voir. On peut encore faire des grottes d’une composition plus rustique et dans lesquelles on imite les fontaines naturelles de la manière suivante : on prend des rochers poreux et, après les avoir assemblés, on fait pousser dessus de la verdure qui, dans une disposition qui paraît désordonnée et sauvage, donne au lieu un aspect très naturel et bien plus vrai. D’autres font les fontaines en stuc plus uni et y mélangent ces deux styles. Tandis que le stuc est encore frais, on y imprime, pour les frises et les compartiments, des coquilles, des coquillages, des tortues grandes et petites, en dressant ou en renversant ces ornements. On en fait aussi des vases et des festons dont les feuilles sont représentées par ces coquilles et les fruits pareillement par des coquillages. On y pose également des carapaces de tortues d’eau, comme à la villa que fit construire le pape Clément VII quand il était encore cardinal, au pied du Monte Mario, sous la direction de Giovanni da Udine.

On fait encore, en diverses couleurs un travail de mosaïque rustique très beau, en prenant de petits morceaux de matière coulée, défaits et trop cuits au fourneau, ainsi que d’autres morceaux de verre coulé, qui se produisent quand les poêlons de verre éclatent dans le fourneau, par excès de feu. La mosaïque en question se fait en fixant ces morceaux dans le stuc et en les séparant par des coraux et par d’autres branches marines, qui offent beaucoup de grâce et de beauté. On fait ainsi des animaux et des figures que l’on couvre d’émaux en plusieurs morceaux placés pêle-mêle ; cet ensemble est très original à voir. On en a fait à Rome, plusieurs fontaines modernes qui ont encouragé quantité d’artistes à tenter de pareils travaux. Actuellement, on emploie une autre sorte d’ornementation pour les fontaines, également d’ordre rustique, et qui se fait de la manière suivante : après avoir dressé l’ossature des figures ou de ce qu’on veut faire, après l’avoir couverte de chaux et de stuc, on fait l’extérieur, en guise de mosaïque avec des morceaux de marbre blanc ou d’autre couleur, selon le but à remplir ou encore, avec de petits cailloux de diverses couleurs. Ce travail, quand il est fait soigneusement, dure longtemps. Le stuc que l’on emploie pour ces verres est le même que celui dont nous avons indiqué la compostion. Quand il est frais, il retient tout ce qu’on y a imprimé. Dans ces fontaines de petits cailloux de rivière ronds et agglomérés on fait de la même manière le fond du bassin en maçonnant ces cailloux de champ, ce qui permet de retenir l’eau. On peut aussi faire des pavements très gracieux, en terre cuite, composés de carreaux de formes diverses et vitrifiés au feu, ayant des couleurs variées ou figurant des frises et des feuillages. Mais ce genre de pavement convient mieux aux étuves et aux salles de bains qu’aux fontaines.