Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/peint11
DORBON-AINÉ, (1, p. 81-82).
Chapitre XI. — De la peinture sur mur en clair-obscur de terres vertes variées ; comment on imite la couleur de bronze ; des sujets en terre verte peints à la colle, pour les arcs de triomphe et les fêtes publiques ; quel genre de peinture on appelle la gouache et à tempera.
Les peintres disent que le clair-obscur est un genre de peinture
qui tient plus du dessin que du coloris, parce qu’il est tiré de la
statuaire de marbre dont il imite les figures, ainsi que celles de
bronze et d’autres pierres variées. On en fait usage pour les façades
de palais et de maisons, sous forme de peintures qui simulent le
marbre ou la pierre, et qui paraissent être sculptées. En vérité,
imitant les différentes espèces de marbre, le porphyre, la pierre verte,
le granit rouge ou gris, le bronze ou d’autres pierres, à leur gré, les
artistes répartissent leurs peintures en plusieurs compartiments, dans
le but indiqué ci-dessus, et ce mode d’opérer est aujourd’hui fréquemment
employé pour les façades des palais et des maisons, tant à
Rome que dans toute l’Italie. On exécute ces peintures de deux manières,
ou à fresque, ce qui est la vraie manière, ou sur toile, pour
les arcs que l’on dresse pour l’entrée des princes dans les villes, ou
pour les triomphes, ou encore dans l’apparat des fêtes et des comédies,
parce que de semblables objets sont très agréables à voir. Nous parlerons
de la première manière et du travail à fresque ; puis nous nous
occuperons de l’autre. On fait le fond de ces peintures en terre à
modeler les vases, que l’on mélange avec du charbon écrasé, ou une
autre couleur noire, pour rendre les ombres plus foncées, et avec du
blanc de travertin, pour les parties plus éclairées ; on frappe des
lumières avec du blanc pur, et l’on termine les parties tout à fait
sombres avec du noir franc. Ce genre de peinture demande de la
dextérité, du dessin, de la force, de la vivacité et une belle manière ;
il veut être rendu avec de la bravoure qui manifeste le talent et non
pas la peine, parce qu’il est fait pour être vu et reconnu de loin. On
imite également de la même manière les figures en bronze. Elles
s’enlèvent sur un fond de terre jaune ou rouge, et s’ombrent avec des
teintes analogues ou des noirs ; le jaune franc sert pour les tons
intermédiaires, et les lumières se font avec du jaune ou du blanc.
Les peintres ont décoré les façades avec des sujets peints dans cette couleur et séparés par des statues ; cet ensemble a une grâce extrême.
Les peintures que l’on fait pour des arcs, des comédies ou des fêtes
s’exécutent après qu’on a couvert la toile de terre verte, c’est à dire
de terre ordinaire dont on fait des vases, et qu’on a détrempée dans
de la colle. Il faut que la toile soit humectée par derrière, pendant
que l’artiste la peint, pour faire mieux ressortir les clairs et les foncés
de son œuvre sur ce fond de terre verte. On adoucit généralement les
noirs avec un peu de détrempe ; on emploie la céruse pour les blancs,
le vermillon pour donner du relief aux objets qui simulent le bronze,
et le jaune pâle pour faire les lumières sur le vermillon. La même
terre jaune et rouge sert pour les fonds et pour les foncés ; les mêmes
noirs que pour le travail à fresque servent pour les intermédiaires et
pour les ombres. On fait aussi d’autres sortes de clairs-obscurs ombrés
avec diverses couleurs, comme la terre d’ombre ; les fonds sont en
terre verte, et l’on y emploie le jaune et le blanc. La terre noire sert
également ; c’est une terre analogue à reflets verdâtres, que l’on
appelle verdaccio.