Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/peint12
DORBON-AINÉ, (1, p. 82-83).
Chapitre XII. — Des graffites dans les maisons, qui résistent à l’eau ; quelles matières on emploie pour les faire. Comment on exécute les grotesques sur les murs.
Les peintres ont un autre genre de peinture, qui est à la fois du dessin
et de la peinture, et qu’on appelle sgraffito. Il ne sert qu’à la décoration
des façades des maisons et des palais, que l’on exécute de cette
manière bien plus rapidement et qui résiste sûrement à l’eau. Tous les
contours, en effet, au lieu d’être dessinés au charbon, ou avec une
matière semblable, sont creusés au fer par la main du peintre, ce qui
se fait de la manière suivante. On prend de la chaux mélangée avec
du sable, à la manière ordinaire, et avec de la paille brûlée on la teint
en foncé, de façon à obtenir une couleur intermédiaire, qui tire sur
l’argentin, mais plutôt foncée que claire. Cet enduit sert à crépir la
façade. Cela fait, et le crépi étant bien égalisé, on blanchit la façade
avec de la chaux blanche de travertin. On décalque ensuite les contours,
où l’on dessine ce que l’on veut représenter. On suit les contours
en les creusant et en enlevant ainsi la chaux, laquelle recouvrant un
fond noir montre toutes les égratignures du fer, comme si l’on avait
dessiné sur la façade. On gratte généralement le fond blanc, et l’on se
sert d’une teinte d’aquarelle foncée, très aqueuse, avec laquelle on fait
les foncés, comme si l’on peignait sur le papier. De loin, l’effet est surprenant ; quant aux grotesques ou aux feuillages à représenter sur
le fond, on les ombre avec la même teinte d’aquarelle. Tel est le travail
que les peintres appellent sgraffito, ou travail égratigné au fer.
Reste maintenant à parler des grotesques que l’on représente sur le
mur. Pour ceux qui doivent être sur fond blanc, comme le mur
n’est pas recouvert de stuc et comme la chaux n’est pas blanche, on
couvre tout le fond d’une légère couche de blanc. On décalque ensuite,
et l’on travaille à fresque avec des couleurs solides ; ce travail n’aura
jamais la grâce de celui que l’on exécute sur le stuc. On peut de cette
manière peindre des grotesques d’un dessin simple ou fouillé ; on les
exécute de la même manière que l’on peint les figures à fresque, ou
sur le mur.