Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes/peint21

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Traduction par Weiss, Charles (18...-19...; commandant).
DORBON-AINÉ (1p. 97-98).
De la peinture : chapitre XXI

Chapitre XXI. — Des gravures sur bois, de la manière de les faire, et quel est leur premier inventeur ; comment avec trois planches on tire des gravures qui paraissent dessinées, et rendent la lumière, l’intermédiaire et les ombres.


Le premier inventeur des gravures sur bois en trois planches, pour rendre, outre le dessin, les ombres, les intermédiaires et les lumières, fut Ugo da Carpi. Celui-ci, en imitation des gravures sur cuivre, reproduisit leur procédé, en gravant sur des planches de poirier et de buis, qui sont des bois excellents pour ce travail, bien préférables à tous les autres. Il fit ses gravures en trois planches. Sur la première, il porta les profils et les traits de tous les objets ; sur la deuxième, tous les tons voisins du profil, avec une teinte d’aquarelle pour l’ombre ; sur la troisième, les lumières et le fond, laissant le blanc du papier pour les lumières, et teintant le reste pour le fond. Cette dernière planche qui porte la lumière et le fond, se fait de la manière suivante : on prend une épreuve tirée avec la première planche, où sont tous les profils et les traits, et, toute fraîche, on la pose sur la planche de poirier ; puis, en la chargeant avec d’autres feuilles qui ne soient pas humides, on frotte dessus de manière que la feuille qui est fraîche laisse sur la planche la trace de tous les profils des figures. Le peintre prend alors de la céruse à la gomme, et rend sur le poirier les lumières ; quand elles sont faites, le graveur les grave avec ses outils, selon qu’elles sont indiquées. Cette planche est celle qu’on emploie la première, parce qu’elle donne les lumières et le fond, si elle est imprégnée de couleur à l’huile ; grâce à cette teinte, la planche dépose partout de la couleur, le papier restant blanc en face des points où la planche est gravée. La deuxième planche est celle des ombres, elle est toute unie et teintée d’aquarelle, sauf là où il ne doit point y avoir d’ombres, parce que le bois est gravé. La troisième planche, qui est la première à être exécutée, est celle où le profil de toute chose est gravé, sauf là où il n’y a pas de profil indiqué par le noir de la plume. Les épreuves sont tirées à la presse, et on les y remet trois fois, c’est à dire une fois pour chaque planche, en ayant l’attention de bien les repérer. Certes, ce fut là une admirable invention.

On voit que tous ces genres et tous ces arts ingénieux dérivent tous du dessin, qui est nécessairement l’origine de tous. Si on ne l’a pas, on n’a rien. Bien que tous les secrets et les procédés soient bons, le dessin leur est supérieur. Par lui toute chose perdue se retrouve, et par lui toute chose difficile devient facile. On s’en rendra compte en lisant les Vies des Artistes, qui, aidés par la Nature et par leurs études, ont produit ces œuvres surhumaines, par le seul moyen du dessin.

Je terminerai par là l’Introduction des trois Arts, m’étant peut-être plus longuement étendu que je ne le pensais au début, et je vais entreprendre d’écrire les Vies des grands Artistes.