Les vitraux du Moyen âge et de la Renaissance dans la région lyonnaise/1.02

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VITRAUX DU CHŒUR

Fenêtre de l’étage inférieur.
xiiie siècle


Sept grandes baies, renfermant chacune sept médaillons légendaires, éclairent la partie inférieure de l’abside.

Nous les décrirons en suivant l’ordre qu’elles occupent, en commençant par la première fenêtre à droite et par le sujet inférieur.


Premier Vitrail.
Les Saints Fondateurs de l’Église de Lyon.

Fig. 15. — Saint Irénée promu à l’épiscopat.

1o  Départ de saint Pothin pour les Gaules.

2o  Saint Irénée reçoit le diaconat : ces deux premiers sujets sont d’exécution moderne ; mais, d’après le témoignage de M. Thibaud, ils ont été refaits d’après les débris des anciens, en trop mauvais état pour être utilisés.

3o  Saint Irénée promu à l’épiscopat (fig. 15).

4o  Voyage de saint Polycarpe (fig. 16) : c’est à l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe que le sujet de ce médaillon a été emprunté : « Saint Polycarpe s’était retiré dans une maison de campagne pour échapper aux recherches de ses persécuteurs ; mais il fut découvert dans sa retraite, alors on le mit sur un âne et on l’achemina ainsi vers la ville. C’était le jour du grand Samedi. Sur la route, ils rencontrèrent l’irénarque Hérode et son père Nicétas. Ceux-ci firent monter Polycarpe sur leur char et, l’ayant assis à côté d’eux, ils lui disaient pour le gagner : Quel si grand mal peut-il y avoir à dire : Seigneur César, et à sacrifier pour sauver sa vie ? Polycarpe ne répondit pas. Comme ils insistaient, il leur dit : Je ne ferai rien de ce que vous me conseillez. Perdant tout espoir d’obtenir son apostasie, Hérode et Nicétas l’accablèrent d’injures, puis ils le poussèrent si violemment qu’il fut précipité du char, et
Fig. 16. — Voyage de saint Polycarpe

que, dans sa chute, il se fractura la jambe. Polycarpe, sans rien perdre de son calme habituel, et comme s’il ne souffrait pas, s’avançait vers le stade avec une joie et une agilité surprenantes. (iv, 16.)

5° Saint Irénée en prison (fig. 17) : à droite, saint Irénée, revêtu des insignes épiscopaux, est en prison, tenant à la main son traité : Contra hæreses ;

Fig. 17. — Saint Irénée en prison
Fig. 18. — Translation des reliques de saint Irénée
à gauche, le juge fait comparaître devant lui le saint évêque de Lugdunum avant de l’envoyer au supplice.

6° Martyre de saint Irénée : un soldat tranche la tête du saint, sous les yeux du proconsul assis sur un trône, pendant qu’un chrétien trempe pieusement un linge dans le sang du martyr

7° Translation des reliques (fig. 18) : ce sujet ne repose sur aucune donnée historique. On ne saurait y voir qu’une glorification comme on en rencontre souvent dans la partie supérieure des verrières ou des tympans sculptés consacrés à de Saints confesseurs.


Deuxième Vitrail. — Vie de saint Jean l’Évangéliste.

1° Guérison d’un boiteux à la porte du temple de Jérusalem (Act, iii, 1 et suiv.)

2° Saint Jean dans la cuve d’huile bouillante : ces deux premiers médaillons sont modernes, mais reconstitués de façon à compléter l’enchaînement des faits et en s’aidant de sujets analogues, empruntés à des vitraux du treizième siècle.

3° L’ange dicte l’Apocalypse à saint Jean (fig. 19) (Apoc, i, 10 et suiv.) : sur le livre que saint Jean tient à la main on lit :

A P
PO S
CA I
LI 10
Fig. 19. — L’Ange dicte l’Apocalypse à saint Jean
Fig. 20. — Dieu apparaît à saint Jean

4o Dieu apparaît à saint Jean. (Apoc, i, 13 et suiv.) Cette magistrale composition est (fig. 20) la traduction littérale de la vision apocalyptique de l’apôtre saint Jean.

Entouré des sept chandeliers d’or et des sept étoiles, le Fils de l’homme, vêtu d’une longue robe et ceint au-dessous des mamelles d’une ceinture d’or, tient à la bouche le glaive à deux tranchants : « au moment où je l’aperçus, je tombai comme mort à ses pieds ; mais il mit sur moi sa main droite, et me dit : Ne craignez point, je suis le premier et le dernier. »

5o Vision de saint Jean : au déclin de sa vie, saint Jean, d’après la tradition et la Légende dorée, eut une vision dans laquelle Notre-Seigneur, entouré de ses apôtres, lui annonça la fin de sa vie militante. La place primitive et rationnelle de ce sujet était au rang suivant qui précède la mort de saint Jean.

6o Les évêques d’Asie prient saint Jean de laisser un écrit. D’après saint Jérôme, saint Jean composa son Évangile à la prière des évêques d’Asie. (Hyeronym., de Scripte Eccles.)

Fig. 21. — Mort de saint Jean

7o Mort de saint Jean : c’est encore au texte de Jacques de Voragine qu’il faut recourir pour expliquer les détails de cette composition (fig. 21). Saint Jean, âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans, vient de faire creuser sa tombe au pied de l’autel, dans l’église où il avait coutume de rassembler les fidèles et, revêtu de ses habits pontificaux, s’y ensevelit lui-même. Au nombre des disciples en pleurs qui l’entourent, nous retrouvons saint Polycarpe et saint Ignace d’Antioche, mitre en tête et le bâton pastoral à la main.

Fig. 22. — Renaud de Forez donateur du vitrail

Troisième Vitrail. — Vie de saint Jean-Baptiste.

Il convenait de consacrer au saint Précurseur, patron de la Primatiale, l’une des principales verrières de l’abside. Ce vitrail, arrivé jusqu’à nous dans son intégrité, est d’un intérêt exceptionnel, car la présence du donateur nous marque la date de son exécution et de celle des vitraux qui l’accompagnent.

Le donateur du vitrail : un évêque revêtu du costume épiscopal offre à sa cathédrale la verrière qu’il tient dans ses mains (fig. 22). Derrière lui, un clerc porte la crosse. Au bas du vitrail, simplement figuré par des ornements géométraux, on lit aldrain.
Fig. 23. — Salomé danse devant Hérode
À n’en pas douter, il s’agit de Renaud II de Forez, archevêque de Lyon de 1193 à 1226, dont les généreuses donations en faveur de sa cathédrale sont connues par l’Obituaire. L’inexactitude de l’inscription ne saurait s’expliquer que par une erreur du peintre, peu au courant de l’histoire locale, et qui aura interverti les deux lignes du nom qu’il avait à tracer aldrain au lieu de rainald

2° L’ange annonce à Zacharie la naissance d’un fils. (Luc, i, 8-20.)

3° Naissance de saint Jean. (Luc, i, 57.)

4° Zacharie donne à son fils le nom de Jean. (Luc, i, 63.)

5° Danse de la fille d’Hérodiade (fig. 23). (Math, xiv, 1-22 ; Marc, vi, 14-28 ; Luc, ix, 7-9.) 6o Décollation de saint Jean (fig. 24). (Marc, vi, 25.)

7o Salomé apporte à Hérode la tête de saint Jean. (Math., xiv, 11.)

Fig. 24. — Décollation de saint Jean


Quatrième Vitrail. — La Rédemption.

Le vitrail qui occupe la place d’honneur au centre de l’abside est de beaucoup le plus intéressant de l’ensemble. Comme les autres, il est composé de sept médaillons principaux, résumant l’œuvre de la Rédemption du monde depuis l’Annonciation jusqu’à l’Ascension. Chacun des médaillons est accompagné de deux sujets rectangulaires plus réduits, inscrits dans les rinceaux de la bordure, et représentant des scènes de l’Ancien Testament ou des animaux symboliques, destinés à développer la scène centrale et à en donner la signification mystique. Tout ce symbolisme a été longtemps décrit et discuté ; aujourd’hui, il est parfaitement connu et éclairci[1]. Il ne sera donc pas nécessaire de s’y étendre outre mesure.

À la suite de malencontreuses transpositions dans l’ordre des sujets, lors de la restauration exécutée par Thibaud en 1844, nous avons, comme d’autres, été induit en erreur, pour l’interprétation de quelques sujets et, en particulier, du deuxième médaillon central, pris pour la Visitation tandis que, en réalité, il n’est que le complément de l’Ascension et devrait être placé dans le haut ; du vitrail, dans l’un des deux médaillons au-dessous du Christ.

M. E. Mâle a définitivement élucidé cette question qui ne saurait maintenant être-discutée. Comment se fait-il donc que, lors des nouvelles restaurations exécutées aux hais de l’État en 1904, on se soit contenté de refaire toute la mise en plomb en replaçant aveuglément les panneaux dans le même ordre, alors qu’il suffisait de transposer quelques sujets pour rendre à la verrière sa disposition primitive avec son enseignement lumineux et rationnel ? Il est vrai que ces travaux de restauration furent exécutés par adjudication, au rabais, avec une précipitation sans exemple, puisque toute la remise en plomb des sept verrières, offrant une surface de plus de soixante-dix mètres carrés, a été achevée en moins de trois mois. Dans de telles conditions, on s’explique qu’il était difficile de se livrer aux recherches nécessaires[2].

Isaïe                                             Fig. 25. — L’annonciation                                             La Licorne

En négligeant intentionnellement l’ordre actuel, nous décrirons ce vitrail tel qu’il a été conçu, tel qu’il a été relevé par le P. Martin avant la restauration de 1844 et tel qu’il sera rétabli, nous n’en doutons pas ; il est inadmissible, en effet, que pareille bévue soit tolérée indéfiniment par l’administration compétente[3].

1o  L’Annonciation (fig. 25) : à droite, une jeune fille tenant une fleur à la main est assise sur la licorne, symbole bien connu de l’Incarnation de Notre-Seigneur dans le sein de la Vierge Marie, symbole qu’Honorius d’Autun avait déjà au dix-septième siècle emprunté aux Bestiaires. À gauche, le prophète Isaïe déroule une banderole sur laquelle est inscrit le texte annonçant la conception de Marie : ecce virgo (concipiet). La scène principale figure l’Annonciation. La Vierge, vêtue d’une longue robe verte, est assise et file la pourpre pour le voile du temple. L’influence orientale est manifeste. En Orient, les Annonciations nous montrent toujours la Vierge surprise dans des travaux domestiques, tandis qu’en Occident elle est représentée en prière ou avec un livre ouvert sur un pupitre

Fig. 26. — Le buisson ardent
L’ange porte à la main gauche un sceptre fleuronné, insigne de l’autorité divine, comme dans les miniatures et les mosaïques de l’Orient et de l’Italie byzantine.
Fig. 27. — La Toison de Gédéon

2o  La Nativité, accompagnée de ses deux symboles, le Buisson ardent de Moise (fig. 26) et la Toison de Gédéon (fig. 27), qui ont ici évidemment le même sens mystique que dans l’Office de la Vierge. Comme dans les miniatures byzantines, la Vierge est étendue sur une sorte de lit richement décoré de rinceaux.

3o  Le Crucifiement (fig. 28) et, dans la bordure, le Sacrifice d’Abraham (fig. 29) et le Serpent d’Airain de Moïse (fig. 30), qui sont le commentaire mystique du Calvaire.
vitraux de l’abside
La Rédemption    xiiie siècle    Disposition primitive des sujets.
Fig. 29. — Le sacrifice d’Abraham
4° La Résurrection, que complètent les deux figures symboliques de Jonas vomi par la baleine après être resté trois jours dans ses flancs (fig. 31.), et du lion ressuscitant ses lionceaux. Saint Épiphane, dans son Physiologus, et, après lui, tous les Bestiaires accordent au lion la vertu de rappeler à la vie ses lionceaux mort-nés depuis trois jours en soufflant sur eux (fig. 32).
Fig. 30. — Le Serpent d’airain
Fig. 28. — Le Crucifiement

L’origine de cette légende remonte à Aristote et à Pline l’Ancien, et les Pères de l’Église n’ont fait que s’en inspirer en lui donnant un sens symbolique. Dans le sujet central, les saintes Femmes portant les aromates s’approchent du tombeau surmonté d’une coupole, semblable à celles qu’on retrouve sur les ivoires byzantins.

Les trois derniers sujets sont consacrés au mystère de l’Ascension.

Fig. 31. — Jonas et la Baleine
5° Au centre, la Vierge Marie montre à saint Jean l’ascension au ciel de son divin Fils (fig. 33). À droite, dans la bordure, l’aigle symbolique apprenant à ses aiglons à fixer le soleil et à voler vers lui (fig. 34). À gauche, l’oiseau étrange dénommé par les Bestiaires « Charadrius » ou « Kladrius » (fig. 35). Cet animal avait la
Fig. 32. — Le Lion et ses Lionceaux
propriété de reconnaître si un malade était en danger de mort et, en ce cas, d’absorber sa maladie en tournant la tête vers lui et en s’envolent ensuite dans les rayons du soleil. La légende de ces deux oiseaux est également empruntée aux Bestiaires moralisés et figure seule, comme le fait si judicieusement observer M. E. Mâle, dans le sermon d’Honorius d’Autun du jour de l’Ascension.

6o Dans le médaillon central, plusieurs apôtres contemplent Jésus montant au ciel. À droite et à gauche, deux anges debout tiennent des banderoles, sur lesquelles on lit : Viri galilæi, quid statis aspicientes in cælum ?

7o Dans un nimbe amandaire soutenu par deux anges, le Christ porte sa croix triomphale et bénit de la main droite. Dans la bordure, deux anges à mi-corps sont en adoration.

Fig. 33. — La Vierge et les Apôtres assistent à l’Ascension

Tel est cet ensemble qui s’enchaînait de façon si logique et si claire avant que la scène du cinquième rang transposée au deuxième ne fût prise pour la Visitation qui, d’ailleurs, ne saurait trouver place dans un enseignement moral aussi étroitement résumé. Il en résulte que l’ordre des sujets latéraux est interverti et que la plupart n’ont plus leur signification primitive. Tels sont le Sacrifice d’Abraham et le Kladrius en regard de la Nativité, le Buisson ardent, la Toison de Gédéon en regard du sujet pris pour la Visitation.

M. Émile Mâle, dans son magistral ouvrage sur l’Art religieux en France, étudiant notre vitrail, fut le premier à découvrir qu’il n’était que la traduction littérale de l’un des sermons d’Honorius d’Autun, extrait de son Speculum Ecclesiæ, écrit au commencement du douzième siècle, mais encore très répandu au treizième. « Dans chacun de ces sermons, écrits pour les principales fêtes de l’année, il (Honorius) commence par faire connaître le grand événement de la vie du Sauveur que l’Église commémore en ce jour, puis il cherche, dans l’Ancien Testament, les faits qu’on en peut rapprocher et qui en sont les figures ; enfin, il

Fig. 34. — L’Aigle
demande des symboles à la nature elle-même et s’efforce de retrouver, jusque dans les mœurs des animaux, l’ombre de la vie et de la mort de Jésus-Christ[4]. »

C’est bien là exactement la méthode adoptée et suivie par l’auteur du vitrail de la Rédemption, et le moindre doute ne saurait subsister sur la nécessité de rétablir l’ordre primitif des sujets avec l’intention symbolique que le treizième siècle avait su leur donner.

Fig. 35. — La Calandre


Cinquième Vitrail. — Vie de saint Étienne.

La vie de saint Étienne, diacre et martyr, deuxième patron de la cathédrale, devait occuper une place d’honneur après celle de saint Jean-Baptiste, aussi figure-t-elle immédiatement à côté de la fenêtre médiane. L’artiste, dans la suite de sept compositions historiques, a suivi à la lettre le récit des Actes des Apôtres.

Fig. 36. — Saint Étienne promu au diaconat

1° Saint Étienne est promu au diaconat (fig. 36). (Act., vi, 1-6.) Saint Pierre, revêtu du costume épiscopal du treizième siècle, ordonne le premier archidiacre de l’Église, en lui posant l’étole sur l’épaule et en le bénissant.

2° Saint Étienne distribue les aumônes : c’était l’une des fonctions confiées à son ministère. Ce sujet est moderne.

3° Saint Étienne prêche les Juifs (fig. 37) (Act, vi, 9-10) : le saint diacre répand la parole de Dieu dans le peuple et soutient une discussion avec les docteurs juifs, dont l’un a le bonnet pointu caractéristique.
Fig. 37. — Saint Étienne prêche les Juifs

4° On le traîne devant le juge. (Act., vi, 11-12)

5° Saint Étienne admoneste les Juifs. (Act., vii, 1-54) Sujet moderne.

6° Martyre de saint Étienne (fig. 38.). (vii, 57-59) « Les Juifs, l'ayant entraîné hors de la ville, le lapidèrent et les témoins mirent leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme nommé Paul. »

7° Jésus-Christ assis au milieu des Apôtres. (vii, 55) C'est la traduction de la vision que le saint martyr eut au moment d'expirer.

Fig. 38. — Martyre de saint Étienne

Sixième Vitrail. — L’Enfance de Notre-Seigneur. Les Vertus et les Vices.

Deux idées bien distinctes ont présidé à la composition de cette sixième verrière. Au centre, dans sept grands médaillons, se développent les principaux faits de l’enfance de Jésus-Christ et, dans la bordure, quatorze présentent les allégories des Vertus et des Vices. Ces derniers sujets n’ayant aucun lien avec les compositions principales, nous devrons les énumérer séparément.

Fig. 39. — Adoration des Mages

1o Les Mages se rendent à Bethléem. (Math., ii, 1-2.) Sujet moderne.

2o Hérode donne aux Mages ses instructions. (Math., ii, 3-8.)

3o Adoration des Mages. (Math., ii, 9-11.) Assise sur un trône richement décoré, la Mère de Dieu offre son Fils à l’adoration des Rois Mages qui lui présentent l’or, l’encens et la myrrhe, reconnaissant ainsi la royauté, la divinité et l’humanité de l’Enfant-Dieu (fig. 39).

4o Les Mages retournent dans leur pays. (Math., ii, 12.) Les trois Mages, après avoir attaché leurs chevaux, dorment, étendus sur le sol. Un ange leur apparaît et leur ordonne de changer d’itinéraire pour déjouer les projets d’Hérode.

5o La Fuite en Égypte (fig. 40). (Math., ii, 13.) La Vierge Marie, montée sur l’âne, que saint Joseph conduit par la bride, emporte son précieux fardeau. Devant eux, une petite figurine précipitée d’un piédestal symbolise la chute des idoles, légende qui figure dans les Évangiles apocryphes et qui a été rapportée par de nombreux Pères de l’Église.

6o Massacre des SS. Innocents (fig. 41). (Math., ii, 16.) Hérode, assis sur son trône, préside au carnage, tandis qu’un diable velu s’efforce d’arriver à son oreille pour l’exciter par ses conseils perfides. Les soldats, en costume du douzième siècle, vêtus du
a) La Douleur                    Fig. 40. — La fuite en Égypte                    b) La Joie

haubert et des chausses de mailles et recouverts du surcôt à capuchon, accomplissent leur horrible besogne, malgré les cris des enfants et les supplications des mères.

7o La Purification. (Math., ii, 22-34.) La Vierge présente son fils à Siméon, au-dessus de l’autel du temple. Saint Joseph tient dans une corbeille les deux tourterelles, offrande des pauvres.

Fig. 41. — Massacre des SS. Innocents
Bordure du vitrail. — Les Vertus et les Vices.
Fig. 42. — L’ébriété
Nous ne saurions entrer ici dans l’étude iconographique des figures allègoriques de la Psychomachie, ou combat de l’âme, si fréquente dans le symbolisme figuré du Moyen Age. La lutte entre les Vertus et les Vices présente son enseignement moral aussi bien sur les enluminures des manuscrits et les tapisseries que sur les fresques, les vitraux et les sculptures de nos cathédrales et même d’édifices religieux d’importance secondaire[5].
Fig. 43. — La chasteté

Dans le vitrail de Lyon, sept Vertus et les sept Vices contraires occupent une série de petits médaillons inscrits dans la bordure. Toutes les Vertus, sous les traits de jeunes femmes, sont assises, chastement vêtues de robes et de manteaux largement drapés, la tête voilée et nimbée. Dans le haut ou le bas du médaillon, leurs noms sont tracés en lettres capitales.

Fig. 44. — La cupidité
La Chasteté porte dans chacune de ses mains une fleur ou une tige fleurie, symbole de la pureté virginale (fig. 43). En face, l’Ébriété, tenant la coupe de l’ivresse, semble vanter à sa voisine, par le geste de la main gauche, les délices de la capiteuse boisson (fig. 42). L’ivrognerie, sans être le vice directement opposé à la chasteté, n’en constitue pas moins une source d’impureté et peut ainsi autoriser cette anomalie qui se rencontre également dans une verrière de la cathédrale d’Auxerre.
Fig. 45. — La charité
Fig. 46. — L’avarice
La Charité (fig. 45) partage son vêtement avec un pauvre, tandis que la Cupidité (fig. 44), dans un geste d’effroi, serre des pièces d’or contre sa poitrine. Pendant que la Largesse (fig. 47) distribue son bien des deux mains, l’Avarice (fig. 40) cache avec méfiance ses trésors dans son coffre. Ces quatre dernières figures se rattachent à la même idée ; aussi est-il permis de deviner, dans cette insistance, une allusion à l’usure pratiquée par les Juifs et les Lombards qui, établis à Lyon au treizième siècle, avaient accaparé le commerce et étaient seuls détenteurs de l’argent.
Fig. 47. — La largesse

La Luxure (fig. 48) et la Tempérance ou la Sobriété sous une forme nouvelle : Castrimagia (fig. 49), viennent s’opposer à l’Ébriété et à la Chasteté déjà rencontrées. Bien que la Luxure ne soit pas le vice directement opposé à la Sobriété, Prudence avait déjà mis en scène ce nouveau couple, parce que la Luxure est fille de l’Intempérance : Sobrietas increpat Luxuriam extinctam.

Fig. 48. — La luxure
La Luxure (fig. 48), vêtue en courtisane, se contemple dans un miroir et semble s’adresser à sa voisine dénommée Castrimagia, qui figure sous les traits d’une jeune femme, tenant une croix à deux mains, telle que le poète avait dépeint la Sobriété dans sa Psychomachie.
Fig. 49. — La sobriété

L’identité de la Sobriété étant établie, pourquoi le peintre a-t-il désigné cette vertu par cette appellation étrange Castrimargia ou Gastrimargia que nous ne trouvons dans aucun glossaire ? Ducange donne au terme Gastrimargia ou Castrimargiala signification d’intempérance, de gloutonnerie, ventris voracilas, gulæ concupiscentia. Cela étant, n’est-il pas permis de croire que le peintre-verrier a cru pouvoir se passer la fantaisie d’un néologisme, où il trouvait l’occasion de faire un jeu de mots, en transformant Gastrimargia, intempérance, en Castrimagia, tempérance, par la suppression d’un r ? On sait que le c était souvent pris pour le g. Son raisonnement eût été celui-ci : le mot Gastrimagia est composé de deux termes : Gaster désignant les appétits déréglés du ventre, et Magia, une puissance dominante. Pourquoi Castrimagia ne signifierait-il pas, étymologiquement, domination dans les appétits du ventre[6] ? Ou n’est—ce pas tout simplement un contresens du peintre-verrier peu lettré, prenant le nom latin de l’Intempérance pour celui de la Tempérance ?

Fig. 50. — La Colère
Les attitudes de ces, deux figures ; la Joie et la Douleur (6g. 40. a et 5), sont particulièrement expressives. On ne saurait s’étonner de rencontrer ces allégories qui ne sont ni des vertus cardinales, ni des péchés capitaux, car la plupart des théologiens du Moyen Âge décrivent longuement les Béatitudes dont les justes jouiront dans la vie future, opposées aux peines réservées aux réprouvés. Saint Anselme, à la fin du onzième siècle, en mentionne quatorze qui figurent à l’une des voussures du porche septentrional de Chartres.
Fig. 51. — La Patience

Dans le calice que la Patience élève de la main droite, on peut reconnaître la coupe d’amertume dont elle a été abreuvée (fig. 51). La Colère, ainsi que dans la rose de Notre-Dame de Paris et le vitrail d’Auxerre, ne pouvait être mieux personnifiée que par ce jeune homme qui se donne la mort avec son épée dans un moment d’égarement (fig. 50).

Fig. 52. — L’Orgueil
L’Humilité (fig. 53), les mains modestement croisées sur la poitrine, est opposée à l’Orgueil, source de tous les vices. Elle assiste à la chute de la Superbe, précipitée la tête en bas dans l’abîme (fig. 52).

Il est à regretter que, lors de la dernière restauration, on ne se soit pas donné la peine de replacer les médaillons des trois premiers rangs dans leur ordre ancien, tel qu’il avait

Fig. 53. — L’Humilité
été conçu primitivement et relevé par le P. Martin, avant les remaniements de Thibaud, c’est-à-dire : la Cupidité et la Charité, l’Avarice et la Largesse, l’Ébriété et la Chasteté.


Septième Vitrail. — Résurrection de Lazare.

1° Mort de Lazare. (Jean, xi, 1-16.)

2° Marthe quitte sa sœur pour aller au-devant de Jésus. (Jean, xi, 19-20.)

Fig. 54. — Les Juif consolent Marie

Ces deux premiers médaillons sont modernes et datent de la restauration d’E. Thibaud.

3° Marie reçoit les doléances de ses parents (fig. 54) qui cherchent à la consoler de la mort de son frère.

4° Marthe revient chercher sa sœur (fig. 54). (Jean, xi, 23-28.) Marthe, confiante dans la parole de Jésus, qui vient de lui annoncer que son frère Lazare ressuscitera. retourne auprès de Marie et lui dit tout bas : « Le Maître est venu et il vous demande. » L’artiste a su rendre avec une parfaite justesse de mouvement l’air mystérieux de Marthe rapportant à sa sœur la bonne nouvelle.
Fig. 55. — Marthe retourne auprès de Marie

5° Marie aux pieds de Jésus. : Jésus accompagné de deux de ses disciples, écoute les supplications de Marie prosternée à ses pieds. Sur la droite du sujet, une construction indique le tombeau de Lazare.

6° Compassion de Jésus pour Marie. (Jean, xi, 33-35.)

7° Résurrection de Lazare (fig. 56). (Jean, xi, 38-44.) À la voix de Jésus, Lazare, enveloppé de bandelettes, sort vivant du tombeau ; il est à remarquer que les assistants se bouchent le nez pour rappeler le jam fœtet prononcé par Marthe. Marie, à genoux, contemple Jésus avec attendrissement, tandis que Marthe, prosternée à ses pieds, les inonde de larmes.

Tel est cet ensemble, dont les médaillons, de formes variées, à fond uniformément bleu, se détachent sur de brillantes mosaïques. Les rouges marbrés et fulgurants, les biens lumineux, les verts émeraude, les blancs cendrés et les jaunes variés s’y mélangent en une harmonie incomparable, illuminant l’abside de la cathédrale d’un jour éblouissant aux rayons du soleil levant ou d’une clarté mystérieuse, chaudement colorée, lorsque les brumes de l’hiver répandent la tristesse au dehors.

Fig. 56. — Résurrection de Lazare

VITRAUX DE LA PARTIE SUPÉRIEURE DE L’ABSIDE

Les Prophètes et les Apôtres
xiiie siècle

Au dessus du triforium de l’abside, se développe une deuxième série de verrières occupant les fenêtres hautes. Elle comprend, de chaque côté de l’abside, deux fenêtres à trois baies contenant chacune un grand Prophète entre deux petits et une série de fenêtres géminées occupées par les douze Apôtres. Au centre, une baie double

Aggée.                                        Jérémie.                                        Abdias.
Fig. 57. — Les Prophètes

Vitraux de l’abside, xiiie siècle
  1. PP. Cahier et Martin, Vitraux peints de Saint-Étienne de Bourges, Paris. 1842-1844. planche détude VIII. — F. de Lastyrie, Histoire de la peinture sur verre, p. 208. — L. Bégule. Monographie de la Cathédrale de Lyon, Lyon. 1880, in-fol. — E. Mâle, l’Art religieux du treizième siècle en France, Paris. 1902.
  2. Consulter, au sujet des restaurations des vitraux de la cathédrale de Lyon, l’article très documenté de M. G. Mougeot : « la Verrière de la Rédemption à Saint-Jean ; Histoire d’une restauration », dans la Revue d’Histoire de Lyon, mai-juin : 902. ainsi que la virulente notice de M. le vicomte d’Hennezel : « Une réparation de vitraux en 1904 » (Bulletin de la Société littéraire de Lyon, p. 80, 1904).
  3. Notre dessin d’ensemble du vitrail (planche hors texte) rétablit les sujets dans leur ordre rationnel. Le médaillon, pris si longtemps pour une Annonciation, est devenu l’un des deux sujets complémentaires de l’Ascension. Le P. Martin, dans l’une des planches d’étude des vitraux de Bourges, l’a présenté immédiatement au-dessous du Christ, bien que cet emplacement semble mieux convenir au deuxième sujet.
  4. E. Mâle, l’Art religieux du treizième siècle en France, p. 57.
  5. Voir sur ce sujet les développements que nous avons publiés dans la Monographie de le Cathédrale de Lyon, et surtout l’étude si complète, si documentée, que M. Émile Mâle a consacrée aux représentations des Vices et des Vertus dans son précieux ouvrage : l’Art religieux du treizième siècle en France, p. 123 et suivantes.
  6. Monographie de la Cathédrale de Lyon, p. 136.