Lettre 745, 1679 (Sévigné)

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1679

745. — de MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY RABUTIN.

Deux mois après que j’eus écrit cette lettre (no 728, tome V, p. 563), je reçus celle-ci de Mme de Sévigné.
À Paris, ce 24e octobre 1679.

Je suis persuadée que vous ne recevrez point cette lettre en Bourgogne, et je le souhaite, mon cher cousin ; je l’écris[1] au hasard. Ma nièce de Sainte-Marie m’a dit que vous veniez incessamment avec l’heureuse veuve. Je pensois qu’elle vînt seule, et je lui fis offrir le logement de ma fille ; mais j’ai bien aisément compris que vous ne vous sépariez non plus à Paris qu’ailleurs : vous ne sauriez être en meilleure compagnie.

J’ai perdu avec beaucoup de douleur celle de ma fille. La pauvre femme partit le 13e du mois passé, avec une santé assez délicate pour que j’en sois continuellement en peine. C’est l’état où je suis. J’ai passé beaucoup de temps à Livry : cette solitude me déplaisoit moins que la contrainte du monde et des visites. Je m’y en retourne encore passer la Toussaint, après quoi je reviendrai ici vous attendre : il me semble que c’est à peu près le temps que vous arriverez. Je suis si mal instruite des nouvelles, que je n’entreprendrai pas de vous en mander. Je vous écris tristement, mes pauvres enfants ; vous me remettrez dans mon naturel. Je l’espère de vos aimables esprits ; et en attendant, je vous embrasse tous deux de tout mon cœur.


  1. Lettre 745. — 1. Dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale : « je vous l’écris ; » quatre lignes plus loin : « que vous ne vous séparez ; » vers la fin de la lettre : « vous me remettrez en mon naturel. »