Lettre du 6 juin 1668 (Sévigné)
1668
77. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE
DE BUSSY RABUTIN.
Je ne reçus point de lettres de la marquise, que l’année d’après, au mois de juin.
Je vous ai écrit la dernière, pourquoi ne m’avez-vous point fait de réponse ? Je l’attendois, et j’ai compris à la fin que le proverbe italien disoit vrai : Chi offende, non perdona[1].
Cependant je reviens la première, parce que je suis de bon naturel, et que cela même fait que je vous aime, et que j’ai toujours eu une pente et une inclination pour vous qui m’a mise à deux doigts d’être ridicule à l’égard de ceux qui savoient mieux que moi comme j’étois avec vous.
Mme d’Epoisse[2] m’a dit qu’il vous étoit tombé une corniche sur la tête, qui vous avoit extrêmement blessé.
Si vous vous portiez bien, et que l’on osât dire de méchantes plaisanteries, je vous dirois que ce ne sont pas des diminutifs qui font du mal à la tête de la plupart des maris : ils vous trouveroient bien heureux de n’être offensé que par des corniches. Mais je ne veux point dire de sottises ; je veux savoir auparavant comment vous vous portez, et vous assurer que par la même raison qui me rendoit foible quand vous aviez été saigné, j’ai senti de la douleur de celle que vous avez eue à la tête. Je ne pense pas qu’on puisse porter plus loin la force du sang.
Ma fille a pensé être mariée[3]. Cela s’est rompu, je ne sais pourquoi. Elle vous baise les mains, et moi à toute votre famille[4].
- ↑ Lettre 77. — i. Voyez la note 5 de la lettre 69.
- ↑ Germaine-Louise d’Ancienville, femme et cousine germaine d’Achille de la Grange d’Arquien, comte de Maligny, marquis d’Époisse, oncle de la femme de Sobieski. Leur fille unique avait épousé, le 21 mars 1661, le comte de Guitaut, et était morte en 1667. Le comte de Guitaut se remaria le 25 octobre 1669.
- ↑ La comtesse de Fiesque écrivait à Bussy, le 4 janvier 1668 : « Mlle de Sévigné épouse, dit-on, le comte d’Étauges ; il est riche, mais assez sot. » Bussy lui répondit, le 10 janvier : « Je suis ravi que Mlle de Sévigné se marie ; elle le seroit déjà, et fort bien, si le mérite étoit toujours heureux. Cependant si le futur est aussi sot que vous le dites, je crois que la demoiselle ne lui ôtera pas cette qualité. » Il avait été question antérieurement de quelques autres partis. Voyez la Notice, p. 102.
- ↑ Dans notre manuscrit, Mme de Coligny a ajouté la question que voici : « Ne faites-vous rien du côté de la cour ? Mandez-moi où vous en êtes. »