Lettre pastorale/Édition Garnier

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Lettre pastorale à M. l’Archevêque d’Auch, J.-F. de MontilletGarniertome 25 (p. 469-470).


LETTRE PASTORALE
À M. L’ARCHEVÊQUE D’AUCH, J.-F. DE MONTILLET[1].
(1766)


Il parut sous votre nom, monsieur, en 1764, une Instruction pastorale qui n’est malheureusement qu’un libelle diffamatoire. On s’élève, dans cet ouvrage, contre le Recueil des assertions[2], consacré par le parlement de Paris : on y regarde les jésuites comme des martyrs, et les parlements comme des persécuteurs[3] ; on y accuse d’injustice l’édit du roi qui bannit irrévocablement les jésuites du royaume. Cette Instruction pastorale a été brûlée par la main du bourreau. Le roi fait réprimer les attentats à son autorité, les parlements savent les punir ; mais les citoyens qui sont attaqués avec tant d’insolence dans ce libelle n’ont d’autre ressource que celle de confondre les calomnies. Vous avez osé insulter des hommes vertueux que vous n’êtes pas à portée de connaître ; vous avez surtout indignement outragé un citoyen qui demeure à cent cinquante lieues de vous : vous dites à vos diocésains d’Auch que ce citoyen, officier du roi et membre d’un corps à qui vous devez du respect[4], est un vagabond et un fugitif du royaume, tandis qu’il réside depuis quinze années dans ses terres, où il répand plus de bienfaits que vous ne faites dans votre diocèse, quoique vous soyez plus riche que lui. Vous le traitiez de mercenaire dans le temps même qu’il donnait des secours généreux à votre neveu, dont les terres sont voisines des siennes : ainsi vous couronnez vos calomnies par la lâcheté et par l’ingratitude. Si c’est un jésuite qui est l’auteur de votre brochure, comme on le croit, vous êtes bien à plaindre de l’avoir signée ; si c’est vous qui l’avez faite, ce qu’on ne croit pas, vous êtes plus à plaindre encore. Vous savez tout ce que vos parents et tout ce que des hommes d’honneur vous ont écrit sur le scandale que vous avez donné, qui déshonorerait à jamais l’épiscopat, et qui le rendrait méprisable, s’il pouvait l’être. On a épuisé toutes les voies de l’honnêteté pour vous faire rentrer en vous-même. Il ne reste plus à une famille considérable, si insolemment outragée, qu’à dénoncer au public l’auteur du libelle comme un scélérat dont on dédaigne de se venger, mais qu’on doit faire connaître. On ne veut pas soupçonner que vous ayez pu composer ce tissu d’infamies, dans lequel il y a quelque ombre d’érudition ; mais, quel que soit son abominable auteur, on ne lui répond qu’en servant la religion qu’il déshonore, en continuant à faire du bien, et en priant Dieu qu’il convertisse une âme si perverse et si lâche, s’il est possible pourtant qu’un calomniateur se convertisse.

FIN DE LA LETTRE PASTORALE.
  1. Jean-François de Montillet, archevêque d’Auch, avait publié, le 23 janvier 1764, un mandement sur lequel Voltaire s’égaye ailleurs (voyez la xxiiie des Honnêtetés littéraires), et qui fut condamné au feu par le parlement de Bordeaux (voyez tome XX, page 280). Je pense que la Lettre pastorale est de mars 1766, et que c’est de cette pièce que Voltaire parle dans sa lettre à Damilaville, du 1er avril 1766. Il reparle du mandement dans une note de l’épilogue de la Guerre civile de Genève (voyez tome IX). (B.)
  2. Extrait des assertions dangereuses et pernicieuses en tout genre que les soi-disant jésuites ont, dans tous les temps et persévéramment, soutenues, enseignées et publiées, etc., 1762 ; quatre volumes in-12.
  3. Nos pères vous avaient appris à respecter les jésuites, etc., pages 34 et suivantes du mandement de M. d’Auch. (Note de Voltaire.)
  4. Pages 12, 13 et 14 du libelle. (Id.)