Lettres à Sixtine/Ainsi cette même qui m’écrivait

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Château de la Motte, jeudi matin
15 septembre.




AINSI cette même qui m’écrivait il y a quinze jours que hors de moi il n’y avait rien me raille aujourd’hui de ma tendresse, trouve qu’après quinze jours nous sommes physiquement étrangers l’un à l’autre — et cela à l’heure même où je ne l’ai peut-être jamais si passionnément désirée.

Il me semble que ma vie croule dans cette chambre même où je suis né. Lâchement j’ai pleuré ce matin, en m’éveillant, — dans la sensation que tout se retirait de moi. Je la voyais s’éloigner ironique : « Ah ! tu m’aimes ! Eh bien, aime ! »

Pourquoi me torture-t-elle ainsi ? Non, elle me fait vraiment trop souffrir, mon orgueil va reprendre le dessus. C’est la dernière plainte ; on ne me raillera plus.

C’est moi que l’on piétine ; cela souffre toujours, cela ne crie plus.

Je me roidis ; on ne broira qu’un morceau de marbre.

Ah ! tu me railles d’avoir fait de toi ma vie. C’est fini, tu ne sauras plus ni ce que je pense, ni ce que je sens ; j’ai mis un sceau sur mes lèvres.

Quel retour, quelle nuit à passer, — et quelle arrivée !

Je serai là, elle n’a qu’un pas à faire et elle ne le fera pas.

Faut-il donc que ce retour soit pire que le départ !

En la quittant, je la sentais à moi ; qui vais-je retrouver ?

Mais je ne cède pas ainsi. — Dépêche envoyée. Infiniment content. Patrice. C’est l’autre qui revient, pas l’auteur. — Aucune raison valable. Ce noir ni compris ni admis. Il faut être à l’Université. Retour M.P. 4h.