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Lettres d’Helvétius/Lettre II

La bibliothèque libre.
Lettres d’Helvétius
Œuvres complètes d’HelvétiusP. Didottome 14 (p. 10-11).


LETTRE II.

Au même.

Je suis fatigué, monsieur et cher ami, d’avoir tant écrit de vile prose sans aucune espérance d’en voir jamais rien imprimé de mon vivant. Je n’ai plus le courage de faire de longues entreprises de travail ; ma mémoire s’affoiblit tous les jours. Il me faut des occupations que je puisse quitter et reprendre à volonté. J’ai repris le goût des vers, pour lesquels vous m’aviez si fort passionné il y a vingt-cinq ans et plus. On veut que je finisse le poëme du Bonheur. Il s’en faut bien que j’en aie si bonne opinion que mes amis. Vos vers m’ont dégoûté des miens. Mais vous n’aimeriez pas me voir commenter, comme Newton, l’Apocalypse. Pour amuser ma vieillesse, je ferai des vers. Avant de m’y remettre, cependant, je vous envoie cet échantillon. Dites-moi sincèrement si vous me conseillez de continuer. Je ne suis point attaché à cet ouvrage. Au nom de l’amitié, souvenez-vous, avant de me donner votre avis, que le médiocre en poésie est insoutenable.

Totus tuus, H.
De Voré, ce 15 octobre 1771.