Lettres d’un innocent/Saint-Martin de Ré

La bibliothèque libre.
Ed. de l’Aurore (p. 81-105).


Janvier et Février 1895
SAINT-MARTIN de RÉ


19 janvier 1895.
Ma chérie,

Jeudi soir, vers dix heures, on est venu me réveiller pour m’emmener ici, où je suis seulement arrivé hier soir. Je ne veux pas te raconter mon voyage pour ne pas t’arracher le cœur ; sache seulement que j’ai entendu les cris légitimes d’un peuple vaillant et généreux contre celui qu’il croit un traître, c’est-à-dire le dernier des misérables. Je ne sais plus si j’ai un cœur.

Ah ! quel sacrifice vous ai-je fait en vous promettant le soir de ma condamnation de ne pas me tuer ! Quel sacrifice fais-je au nom que portent mes pauvres chers petits, pour supporter tout ce que je subis ! S’il y a une justice divine, il faut espérer que je serai récompensé de cette longue et effroyable torture, de ce martyre de toutes les minutes et de tous les instants. L’autre jour, ton père me disait qu’il eût préféré être mort, et moi donc !… Je préférerais cent mille fois être mort. Mais ce droit, nous ne l’avons ni les uns ni les autres ; plus je souffre et plus cela doit activer votre courage et votre résolution pour trouver la vérité. Cherchez donc, sans trêve ni repos, en proportion de toutes les souffrances que je m’impose. Veux-tu être assez bonne pour demander ou faire demander au ministre les autorisations suivantes que lui seul peut accorder : 1o Le droit d’écrire à tous les membres de ma famille, père, mère, frères et sœurs ; 2o Le droit d’écrire et de travailler dans ma cellule. Actuellement je n’ai ni papier, ni plume, ni encre. On me remet seulement la feuille de papier sur laquelle je t’écris, puis on me retire plume et encre ; 3o La permission de fumer.

Je ne te conseille pas de venir avant que tu ne sois complètement guérie. Le climat est très rigoureux et tu as besoin de toute ta santé pour nos chers enfants d’abord, pour le but que tu poursuis ensuite. Quant à mon régime ici, il m’est interdit de t’en parler.

Je te rappelle enfin qu’avant de venir ici, il faut que tu te munisses de toutes les autorisations nécessaires pour me voir, demander le droit de m’embrasser, etc., etc.

Quand serons-nous réunis, ma chérie ? Je vis dans cet espoir et dans celui bien plus grand de la réhabilitation future, mais que je souffre moralement. Dis à toute la famille qu’il faut travailler sans trêve ni repos, car tout cela est épouvantable et tragique. Écris-moi bien vite. Je t’embrasse comme je t’aime,

Alfred.
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Le 21 janvier 1895
(Mardi, 9 heures du matin)

Comme tu dois souffrir !… Le drame dont nous sommes les victimes est certainement le plus épouvantable de ce siècle. Avoir tout pour soi, bonheur, avenir, intérieur charmant, et puis tout à coup, se voir accusé et condamné pour un crime monstrueux !

Ah ! le monstre qui a jeté ainsi le déshonneur dans une famille aurait mieux fait de me tuer, au moins il n’y aurait que moi qui aurait souffert.

Vois-tu, ce qui me torture, c’est cette pensée du nom infâme qui est accolé à mon nom. Si je n’avais à supporter que des souffrances physiques, ce ne serait rien, les souffrances supportées pour une noble cause vous grandissent ; mais souffrir parce que je suis condamné pour un crime infâme, ah ! non, vois-tu, c’est de trop, même pour une énergie comme la mienne.

Ah pourquoi ne suis-je pas mort, je n’ai même pas le droit de déserter de mon plein gré la vie ; ce serait une lâcheté, je n’aurai le droit de mourir, de chercher l’oubli que lorsque j’aurai mon honneur.

L’autre jour, quand on m’insultait à la Rochelle, j’aurais voulu m’échapper des mains de mes gardiens et me présenter la poitrine découverte à ceux pour lesquels j’étais un juste objet d’indignation et leur dire : « Ne m’insultez pas, mon âme que vous ne pouvez pas connaître est pure de toute souillure, mais si vous me croyez coupable, tenez, prenez mon corps, je vous le livre sans regrets. » Au moins alors, sous l’âpre morsure des souffrances physiques, quand j’aurais encore crié : « Vive la France ! » peut-être qu’alors eût-on cru à mon innocence !

Enfin, qu’est-ce que je demande nuit et jour ? Justice, justice ! Sommes-nous au XIXe siècle ou faut-il retourner de quelques siècles en arrière ? Est-il possible que l’innocence soit méconnue dans un siècle de lumière et de vérité ? Qu’on cherche, je ne demande aucune grâce, mais je demande la justice qu’on doit à tout être humain. Qu’on poursuive les recherches ; que ceux qui possèdent de puissants moyens d’investigation les utilisent dans ce but, c’est pour eux un devoir sacré d’humanité et de justice. Il est impossible alors que la lumière ne se fasse pas autour de ma mystérieuse et tragique affaire.

Ô Dieu ! qui me rendra mon honneur qu’on m’a volé, qu’on m’a dérobé ?

Ah ! quel sombre drame, ma pauvre chérie ! Il est certain qu’il dépasse, comme tu le dis si bien, tout ce qu’on peut imaginer.

Je n’ai que deux moments heureux dans la journée, mais si courts. Le premier, quand on m’apporte cette feuille de papier afin de pouvoir t’écrire ; je passe ainsi quelques instants à causer avec toi. Le second, quand on m’apporte ta lettre journalière. Le reste du temps, je suis en tête à tête avec mon cerveau, et Dieu sait si mes réflexions sont tristes et sombres.

Quand cet horrible drame finira-t-il ? Quand aura-t-on enfin découvert la vérité ? Ah, ma fortune tout entière à celui qui sera assez habile et adroit pour déchiffrer cette lugubre énigme !

Donne-moi des nouvelles de tous les nôtres.

Embrasse tout le monde de ma part.

Je n’ose te parler de nos bons chéris. Quand je regarde leurs photographies, quand je vois leurs yeux si bons, si doux, les sanglots me montent du cœur aux lèvres. Quand on souffre pour quelque chose ou pour quelqu’un, c’est compréhensible… Mais pourquoi, et surtout pour qui cet odieux martyre ?

Je te serre sur mon cœur,

Alfred.

Ne viens pas avant d’être complètement rétablie et en excellente santé. Nos enfants ont besoin de toi.

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Le 23 janvier 1895.
Ma chérie,

Je reçois tous les jours de tes lettres ; on ne m’a encore remis de lettre d’aucun membre de la famille ; de même, de mon côté, je n’ai pas encore l’autorisation de leur écrire. Je t’ai écrit tous les jours depuis samedi ; j’espère que tu es en possession de mes lettres.

Il ne faut pas s’étonner, ma chérie, de la scène de la Rochelle. Moi, je la trouve toute naturelle ; ce qui m’étonne bien plus, c’est qu’il ne se soit encore trouvé personne pour dire ce que sont vraiment nos familles dont les noms sont synonymes de loyauté et d’honneur. Ah ! la lâcheté humaine, j’en ai mesuré l’étendue dans ces jours tristes et sombres !

Quand je pense à ce que j’étais il y a quelques mois à peine, et quand je le compare à ma situation misérable d’aujourd’hui, j’avoue que j’ai des défaillances, des colères farouches, contre l’injustice du sort. Je suis, en effet, la victime de l’erreur la plus épouvantable de notre siècle. Ma raison se refuse parfois à y croire ; il me semble que je suis le jouet d’une terrible hallucination, que tout cela va se dissiper… mais, hélas ! la réalité est tout autour de moi.

Pourquoi ne sommes-nous pas tous morts avant cette tragique histoire ? Certes cela eût été préférable. Et aujourd’hui nous n’avons plus le droit de mourir ni les uns ni les autres, il faut que nous vivions pour laver notre nom de la souillure qui lui a été faite. Ma conviction est absolue ; je suis sûr que tôt ou tard la lumière jaillira, il est impossible à une époque comme la nôtre, que les recherches n’aboutissent pas à trouver le véritable coupable. Mais comment serai-je à ce moment là, moralement et physiquement ? Je crois que la vie n’aura plus alors aucun attrait pour moi, et si je m’y rattacherai encore, ce sera pour toi, ma bonne chérie, dont le dévouement a été héroïque dans ces horribles circonstances, et pour mes chers enfants dont je veux faire d’honnêtes gens.

Mais, quoi qu’il arrive, je suis sûr que l’histoire rétablira les choses à leur véritable point. Il se trouvera bien, dans notre beau pays de France, si prompt aux emballements, mais si généreux aux infortunes imméritées, un homme honnête et assez courageux pour chercher à découvrir la vérité.

Quant à moi, ma chérie, que te dire ? Que j’ai l’âme brisée ; on l’aurait à moins. Mais sois tranquille ; jusqu’à mon dernier souffle, je ne baisserai ni ne fléchirai la tête ; mon honneur vaut celui de qui que ce soit au monde. Faites comme moi et demandez justice. C’est la seule grâce que je sollicite ; je ne demande rien autre chose que la vérité, que toute la vérité.

Et cette vérité, si on veut bien la poursuivre, il est impossible qu’on ne l’ait pas, il est impossible qu’une pareille erreur ne se découvre pas.

Quand je regarde en arrière, mes souffrances sont tellement épouvantables que j’en éprouve des secousses nerveuses horribles. Je regarde toujours en avant avec l’espoir que bientôt tout se découvrira et qu’on me rendra mon honneur, ce que j’ai de plus cher en ce monde.

Fasse Dieu et la justice que ce moment arrive bientôt ! Vraiment j’ai assez souffert. Nous avons tous assez souffert.

J’espère que tu te soignes toujours ; il te faut, ma chère adorée, toutes tes forces physiques pour pouvoir supporter les tortures morales qu’on t’inflige.

Comment vont tous les membres de nos deux familles ? Donne moi de leurs nouvelles, puisque je ne puis en avoir directement.

Embrasse nos deux chéris, tout le monde pour moi. Je t’embrasse de toutes mes forces.

Alfred.
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Le 24 janvier 1895.
Ma chère Lucie.

D’après ta lettre datée de mardi, tu n’as encore reçu aucune lettre de moi. Comme tu dois souffrir, ma pauvre chérie ! Quel horrible martyre pour tous deux ! Sommes-nous assez infortunés ! Qu’avons-nous donc fait pour subir une pareille infortune ? C’est précisément ce qu’il y a de plus épouvantable : c’est qu’on se demande de quel crime on est coupable, quelle faute on expie.

Ah ! le monstre qui a jeté la honte et le déshonneur dans une honnête famille, en voilà un qui ne méritera aucune pitié ! Son crime est tellement épouvantable, que la raison se refuse à comprendre tant d’infamie unie à tant de lâcheté. Il me semble impossible qu’une pareille machination ne se découvre tôt ou tard ; un crime pareil ne peut rester impuni.

Cette nuit, à un moment, la réalité m’est apparue comme un songe horrible, étrange, surnaturel… dont j’ai voulu me réveiller, dont j’ai voulu sortir… Mais, hélas, ce n’était pas un songe ! Je voulais échapper à cet horrible cauchemar, me retrouver dans la réalité, telle du moins qu’elle devrait être, c’est-à-dire entre vous tous, dans tes bras, ma chérie, près de mes chers enfants.

Ah ! quand ce jour béni arrivera-t-il ? N’épargnez, pour cela, ni vos peines, ni vos efforts, ni l’argent. Que je sois ruiné, cela m’est égal, mais je veux mon honneur, c’est pour lui que je supporte ces effroyables tortures.

Tu me demandes comment je supporte mon supplice ? Hélas, comme je le peux. J’ai parfois des moments d’abattement terribles, pendant lesquels il me semble que la mort serait mille fois préférable à la torture morale que j’endure, mais par un effort violent de volonté, je me ressaisis. Que veux-tu, il faut bien parfois se laisser aller à la douleur, on la supporte ensuite avec d’autant plus de fermeté.

Enfin, espérons que cet horrible calvaire aura une fin, c’est la seule raison de vivre, c’est là mon unique espoir.

Les journées et les nuits sont longues, mon cerveau est constamment à la recherche de cette énigme épouvantable qu’il ne peut déchiffrer. Ah ! que je voudrais pouvoir déchirer à coups d’épée ce voile impénétrable qui entoure ma tragique histoire ! Il est impossible qu’on n’y arrive pas.

Donne moi des nouvelles de vous tous, puisque les seules lettres que je reçoive sont les tiennes. Parle-moi de nos chers enfants, de ta santé. Je t’embrasse comme je t’aime,

Alfred.
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Le 25 janvier 1895.
(Vendredi)
Ma chère Lucie,

Ta lettre d’hier m’a navré, la douleur y perçait à chaque mot.

Jamais, vois-tu, deux infortunés n’ont souffert comme nous. Si je n’avais foi en l’avenir, si ma conscience nette et pure ne me disait pas qu’une pareille erreur ne peut subsister éternellement, je me laisserais certes aller aux plus sombres idées. J’ai déjà, comme tu le sais, résolu une fois de me tuer ; j’ai cédé à vos remontrances, je vous ai promis de vivre, car vous m’avez fait comprendre que je n’avais pas le droit de déserter, qu’innocent je devais vivre. Mais, hélas, si tu savais combien parfois il est plus difficile de vivre que de mourir !

Mais sois tranquille, ma chérie, malgré toutes mes tortures, je ne démentirai pas vos généreux efforts, je vivrai… tant que mes forces physiques et surtout morales le permettront.

Toute la nuit j’ai pensé à toi, mon adorée, j’ai souffert avec toi. Je t’ai écrit chaque jour depuis samedi dernier, j’espère que mes lettres te seront parvenues à l’heure qu’il est.

Je ne sais ni sur qui ni sur quoi fixer mes idées. Quand je regarde le passé, la colère me monte au cerveau, tant il me semble impossible que tout me soit ainsi ravi ; quand je regarde le présent, ma situation est si misérable que je pense à la mort comme à l’oubli de tout ; il n’y a que lorsque je regarde l’avenir que j’ai un moment de soulagement, car, comme je te le disais déjà plus haut, l’espoir seul me fait vivre.

Tout à l’heure, j’ai regardé pendant quelques instants le portrait de nos chers enfants ; mais je n’ai pu supporter leur vue longtemps tant les sanglots m’étreignaient la gorge. Oui, ma chérie, il faut que je vive, il faut que je supporte mon martyre jusqu’au bout pour le nom que portent ces chers petits. Il faut qu’ils apprennent un jour que ce nom est digne d’être honoré, d’être respecté, il faut qu’ils sachent que si je mets l’honneur de beaucoup de personnes au-dessous du mien, je n’en mets aucun au-dessus.

Ah ! mais il serait vraiment grand temps que cet horrible martyre que nous subissons tous prit fin. Je n’ose y penser, tout en moi se gonfle, prêt à éclater… Je t’embrasse mille et mille fois ainsi que nos bons chéris,

Alfred.
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Vendredi, 4 heures.

On me remet ta lettre d’hier vendredi dans laquelle tu m’annonces avoir reçu ma première lettre. Tu es priée de t’abstenir de faire aucune réflexion sur les mesures prises à notre égard. Je n’aurai plus dorénavant le droit de t’écrire que deux fois par semaine. Tu pourras m’écrire chaque jour ; fais-le, ma chérie, car c’est la seule chose qui me donne le courage de vivre. Si je ne sentais pas ta chaude affection, celle de tous les miens, lutter avec moi pour mon honneur, je n’aurais pas le courage de poursuivre cette tâche presque surhumaine. De même on ne me donne aucune lettre d’aucun membre de la famille, et je n’ai pas le droit de leur écrire.

Le ministre seul peut modifier cet état de choses.

Tu ne peux te figurer, ma pauvre enfant, comme je suis malheureux ; nuit et jour je pense à cet horrible mot accolé à mon nom, mon cerveau parfois se refuse à admettre pareille chose. Je me demande dans mes nuits agitées si je suis réveillé ou si je dors. Avec cela, aucune occupation qui me permette de me distraire de mes sombres pensées.

Je t’embrasse mille fois ainsi que tous les nôtres,

Alfred.
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28 janvier 1895.
Ma chère Lucie,

Voilà un des jours heureux de ma triste existence, puisque je puis venir passer une demi-heure avec toi, à causer et à t’entretenir. Tu sais que je ne puis t’écrire que deux fois par semaine.

J’ai reçu tes deux lettres de vendredi et de samedi.

Chaque fois qu’on m’apporte une lettre de toi, un rayon de joie pénètre dans mon cœur profondément ulcéré. Ce que tu me dis dans ta lettre de samedi est exact ; j’ai comme toi la conviction absolue que tout se découvrira, mais quand ? — Tu comprends qu’à la longue tout s’émousse, même le courage le plus héroïque. Et puis, entre le courage qui fait affronter le danger quel qu’il soit et le courage qui permet de supporter sans faiblir les pires outrages, le mépris et la honte, il y a une grande différence. Je n’ai jamais baissé la tête, crois-le bien ; ma conscience ne me le permettait pas. J’ai le droit de regarder tout le monde en face. Mais que veux-tu, tout le monde ne peut pas descendre dans mon âme et conscience ! Le fait est là, hélas, brutal et terrible. C’est pourquoi chaque fois que je reçois une de tes lettres, j’ai un rayon d’espoir, j’espère enfin apprendre quelque bonne nouvelle. Si les Léon sont venus à Paris, leur impatience ne leur permettant pas d’attendre, pense un peu ce qu’il en est de moi. Je sais bien que vous souffrez tous comme moi, que vous partagez mes peines et mes tortures, mais vous avez l’activité qui vous distrait un peu de ces horribles douleurs, tandis que je suis là, impatient, en tête à tête nuit et jour avec mon cerveau.

Vraiment, je me demande encore aujourd’hui comment mon cerveau a pu résister à tant de coups répétés, comment je ne suis pas devenu fou.

Il est certain, ma chérie, qu’il n’y a que ton profond amour qui puisse me faire encore aimer la vie. Avoir consacré toutes ses forces, toute son intelligence au service de son pays, et puis se voir un beau jour accusé, puis condamné pour le crime le plus horrible, le plus monstrueux qu’un soldat puisse commettre, avoue qu’il y a de quoi dégoûter de la vie ! Aussi, quand mon honneur me sera rendu, — ah ! que ce soit le plus tôt possible — alors je me consacrerai tout entier à toi et à nos chers enfants.

Et puis, songe au chemin terrible qu’il me reste encore à parcourir avant d’arriver au terme de mes pérégrinations. Une traversée de 60 à 80 jours, dans des conditions épouvantables. Je ne parle pas, bien entendu, des conditions matérielles de la traversée — tu sais que mon corps m’a toujours peu inquiété — mais des conditions morales. Me trouver pendant tout ce temps-là en face de marins, d’officiers de marine, c’est-à-dire d’honnêtes et loyaux soldats qui verront en moi un traître, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus abject parmi les criminels ! Tu vois, rien qu’à cette pensée, mon cœur se serre.

Je ne crois pas que jamais au monde un innocent ait enduré les tortures morales que j’ai déjà supportées et celles qui m’attendent encore. Aussi tu peux croire si dans chacune de tes lettres je cherche, enfin, ce mot d’espoir, tant attendu, tant désiré.

Écris-moi chaque jour longuement. Donne-moi des nouvelles de tous les membres de la famille, puisque je ne reçois pas leurs lettres et que je ne puis leur écrire. Tes lettres sont, comme je te l’ai déjà dit, mes seuls moments de bonheur. Toi seule, tu me rattaches à la vie.

Regarder en arrière, je ne le puis. — Les larmes me saisissent quand je pense à notre bonheur passé. Je ne puis que regarder en avant, avec le suprême espoir que bientôt luira le grand jour de la lumière et de la vérité.

Embrasse tout le monde pour moi, ainsi que nos chers enfants.

Mille baisers pour toi,

Alfred.
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31 janvier 1895. — Jeudi
Ma chère Lucie,

Enfin voici de nouveau le jour heureux où je puis t’écrire. Je les compte, hélas, les jours heureux ! En effet, je n’ai plus reçu de lettres de toi depuis celle qui m’a été remise dimanche dernier. Quelle souffrance épouvantable ! Jusqu’à présent, j’avais chaque jour un moment de bonheur en recevant ta lettre. C’était un écho de vous tous, un écho de toutes vos sympathies qui réchauffait mon pauvre cœur glacé. Je relisais ta lettre quatre ou cinq fois, je m’imprégnais de chaque mot,— peu à peu les mots écrits se transformaient en paroles dites… il me semblait bientôt t’entendre me parler tout près de moi. Oh ! musique délicieuse qui allait à mon âme ! Puis, depuis quatre jours, plus rien, la morne tristesse, l’épouvantable solitude.

Je me demande vraiment comment je vis ; nuit et jour mon seul compagnon est mon cerveau, aucune occupation si ce n’est celle de pleurer sur nos malheurs.

La nuit dernière, quand j’ai pensé à toute ma vie passée, à tout ce que j’ai peiné, travaillé, pour acquérir une situation honorable… puis, quand j’ai comparé cela à ma situation présente, des sanglots m’ont saisi à la gorge, il me semblait que mon cœur se déchirait et j’ai dû, pour que mes gardiens ne m’entendissent pas, tant j’étais honteux de ma faiblesse, étouffer mes pleurs sous mes couvertures.

Vraiment, c’est trop cruel !

Ah ! combien j’éprouve aujourd’hui qu’il est parfois plus difficile de vivre que de mourir !

Mourir, c’est un moment de souffrance, mais c’est l’oubli de tous les maux, de toutes tortures.

Tandis que porter chaque jour le poids de ses souffrances, sentir son cœur saigner et chacun de ses nerfs torturé, toutes les fibres de la sensibilité tressaillir l’une après l’autre… souffrir enfin le long martyre du cœur… Voilà ce qu’il y a de vraiment épouvantable !

Mais ce droit de mourir, je ne l’ai pas, nous ne l’avons ni les uns, ni les autres. Nous ne l’aurons que lorsque la vérité sera découverte, que lorsque mon honneur me sera rendu. Jusque là il faut vivre. Je fais tous mes efforts pour cela, j’essaie d’annihiler en moi toute la partie intellectuelle et sensible pour vivre en bête uniquement préoccupée de satisfaire ses besoins matériels.

Quand donc cet horrible martyre sera-t-il fini ? Quand donc reconnaîtra-t-on la vérité ?

Comment vont nos pauvres chéris ? Quand je pense à eux, c’est un torrent de larmes. Et toi, j’espère que ta santé est bonne. Il faut te soigner, ma chérie. Les enfants d’abord, la mission que tu as à remplir ensuite, t’imposent des devoirs auxquels tu ne peux manquer.

Pardon de mon style baroque et décousu. Je ne sais plus écrire, les mots ne me viennent plus, tant mon cerveau est délabré. Il n’y a plus qu’un point fixe dans ma tête : l’espoir de connaître un jour la vérité, de voir mon innocence reconnue et proclamée. C’est ce que je balbutie nuit et jour, dans mes rêves comme dans mon réveil.

Quand pourrais-je t’embrasser et retrouver dans ton profond amour la force qui m’est nécessaire pour aller jusqu’au bout de cet épouvantable calvaire ?

Embrasse tout le monde pour moi.

Baisers aux chéris.

Je t’embrasse comme je t’aime,

Alfred.
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Le 3 février 1895.
(Dimanche)
Ma chérie,

Je viens de passer une semaine atroce. Je suis sans nouvelles de toi depuis dimanche dernier, c’est-à-dire depuis huit jours. Je me suis imaginé que tu étais malade, puis que l’un des enfants l’était… J’ai fait ensuite toutes sortes de suppositions dans mon cerveau malade… J’ai bâti toutes sortes de chimères.

Tu peux t’imaginer, ma chérie, tout ce que j’ai souffert, tout ce que je souffre encore. Dans mon horrible solitude, dans la situation tragique dans laquelle des événements aussi bizarres qu’incompréhensibles m’ont placé, j’avais au moins cette unique consolation, c’est de sentir près de moi ton cœur battre à l’unisson du mien, partager toutes mes tortures.

La nuit de jeudi à vendredi surtout a été épouvantable. Je ne veux pas te la narrer, elle t’arracherait le cœur. Tout ce que je puis te dire, c’est que je me débattais contre l’accusation qui avait été portée contre moi, que je me disais que c’était impossible… puis je me réveillais et je constatais la triste réalité.

Ah ! pourquoi ne peut-on pas m’ouvrir le cœur et y lire à livre ouvert ; on y verrait au moins les sentiments que j’ai toujours professés, ceux que j’ai encore. Mais non, vois-tu, il me semble impossible que tout cela dure éternellement… la vérité doit se faire jour !

Par un effort inouï de ma volonté, je me suis ressaisi. Je me suis dit que je ne pouvais ni descendre dans la tombe, ni devenir fou avec un nom déshonoré. Il fallait donc que je vive, quelle que dût être la torture morale à laquelle je suis en proie.

Ah ! cet opprobre, cette infamie qui couvrent mon nom, quand donc les enlèvera-t-on ?

Qu’il vienne donc, le jour béni où mon innocence sera reconnue, où l’on me rendra mon honneur qui n’a jamais failli !… Je suis bien las de souffrir.

Que l’on me prenne mon sang, que l’on fasse ce que l’on voudra de mon corps…, tu sais que j’en fais fi…, mais qu’on me rende mon honneur.

Personne n’entendra donc ce cri de désespoir, ce cri d’un malheureux innocent qui, cependant, ne demande que justice !

Chaque jour qui se lève, j’espère que ce sera celui où l’on reconnaîtra ce que j’ai été, ce que je suis, un loyal soldat digne de mener au feu les soldats de la France…; puis le soir vient…, et rien, rien encore.

Ajoute à cela que je ne reçois aucune lettre de toi, que je suis isolé avec ma torture morale, et tu peux, ma chérie, te rendre compte de mon état. Mais sois rassurée, je suis de nouveau fort. Je me suis traité de lâche, je me suis dit tout ce que tu aurais pu me dire toi-même si tu avais été auprès de moi ; un innocent n’a jamais le droit de désespérer. Puis, quoique je sois sans nouvelles directes, je sens tous vos cœurs, toutes vos âmes vibrer avec mon cœur et avec mon âme, souffrir avec moi de l’infamie qui couvre mon nom et chercher à la dissiper.

Quand pourras-tu venir passer quelques heures avec moi ? Comme ce serait heureux si je pouvais puiser de nouvelles forces dans ton cœur !

Aurai-je une lettre de toi aujourd’hui ? Je n’ose plus trop l’espérer puisque chaque jour mon espoir est déçu, et la souffrance est chaque fois trop cruelle.

Enfin, ma chérie, que te dire ?… Je ne vis que d’espoir. Nuit et jour, je vois devant moi, comme une étoile brillante, le moment où tout sera oublié, où mon honneur me sera rendu.

Embrasse bien, bien fort, mes chéris pour moi.

Baisers à tous les membres de nos familles.

Quant à toi, je t’embrasse comme je t’aime, c’est-à-dire de toutes mes forces,

Alfred.
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Le 7 février 1895.
(Jeudi.)
Ma bonne Lucie,

J’ai reçu dimanche dernier un paquet d’une quinzaine de lettres, toutes antérieures au dimanche 27 janvier. Remercie bien tous les membres de la famille de leur chaude affection dont je n’ai jamais douté. Je suis donc sans nouvelles de toi depuis plus de dix jours. Te dire mes tortures est impossible.

Puis, me trouver encore en face de soldats que j’étais si fier de commander hier, que je suis digne de commander encore aujourd’hui, et qui verront en moi le dernier des misérables — vois-tu, c’est épouvantable ! Mon cœur cesse de battre à cette seule pensée.

Mon histoire est trop horrible, ma tête n’en peut plus.

J’ai pu résister pendant assez longtemps parce que mon âme pure et honnête me disait que mon devoir était là, que mon innocence si complète et si absolue ne tarderait pas à éclater… ; mais cette avanie lente est tout ce qu’il y a de plus épouvantable.

J’eusse préféré le peloton d’exécution ; au moins, là, il n’y aurait pas eu de discussion possible et vous eussiez réhabilité ma mémoire.

Mais ne crains pas que je veuille attenter jamais à mes jours. Je t’ai promis de n’en rien faire et tu sais que je n’ai qu’une parole. Sois donc sans inquiétude aucune à ce sujet. Mais jusqu’où mes forces me mèneront-elles, jusqu’à quand mon cœur continuera-t-il de battre dans cette atmosphère de mépris, moi si fier de mon honneur sans tache, moi orgueilleux, voilà ce que je ne sais pas !

Ah ! s’il n’y avait eu que des tortures physiques à supporter, s’il n’y avait eu qu’à souffrir en attendant la vérité, j’aurais été de taille à le faire, à supporter le martyre épouvantable. Mais supporter le mépris… pendant si longtemps… c’est horrible !

Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu un innocent qui ait enduré des tortures pareilles aux miennes.

Quant à toi, ma pauvre et bien aimée femme, il faut que tu gardes tout ton courage et toute ton énergie. C’est au nom de notre profond amour que je te le demande, car il faut que tu sois là pour laver mon nom de la souillure qui lui a été faite, il faut que tu sois là pour faire de nos enfants de braves et honnêtes gens. Il faut que tu sois là pour ieur dire un jour ce qu’était leur père, un brave et loyal soldat, écrasé par une fatalité épouvantable.

Aurai-je des nouvelles de toi aujourd’hui ? Quand apprendrai-je que j’aurai le plaisir et la joie de t’embrasser ? Chaque jour je l’espère, et rien ne vient égayer mon horrible martyre.

Du courage, ma chérie il t’en faut beaucoup, beaucoup, il vous en faut à tous, à nos deux familles. Vous n’avez pas le droit de vous laisser abattre, car vous avez une grande mission à remplir, quoiqu’il advienne de moi.

Embrasse tout le monde pour moi. Embrasse bien, bien fort, nos deux pauvres chéris pour moi, et toi reçois les meilleurs baisers de celui qui t’aime tant,

Alfred.
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Le 10 février 1895.
(Dimanche.)
Ma chère Lucie,

J’ai reçu vendredi soir tes lettres jusqu’au 2 février inclus.

J’ai vu avec plaisir que vous vous portez tous bien. J’espère que tu as reçu également mes lettres.

Je ne te parlerai pas de moi ; tu dois comprendre quelle est l’agonie lente de mon cœur. Mais rien ne sert de gémir. Ce qu’il te faut, ce qu’il vous faut à tous, c’est de la vaillance et du courage ; il ne faut pas que vous, vous vous laissiez abattre par l’adversité, si terrible qu’elle soit.

Il faut que vous arriviez à prouver à la France entière que j’étais un digne et loyal soldat, aimant sa patrie au dessus de tout, l’ayant servie toujours avec dévouement.

C’est là le but principal, le but primordial, bien au-dessus de ma propre personnalité. Il y a un nom qu’il s’agit de laver de la souillure qui lui a été infligée, un nom jusqu’ici pur et sans tache, et qui doit de nouveau briller d’un éclat aussi pur que jadis. C’est d’ailleurs le nom que portent nos chers enfants et ceci déjà doit te donner tout le courage nécessaire.

Merci de toutes les nouvelles que tu me donnes des nôtres. Moi aussi, je regrette de ne pouvoir leur écrire. Tu sais quelle grande affection j’avais pour eux tous. Embrasse bien les parents, ta chère famille, la nôtre pour moi. Dis leur bien ce que je pense, ce dont je voudrais te convaincre : c’est que moi je ne viens qu’en second lieu, c’est qu’il y a un nom qu’il faut réhabiliter.

Personne ne peut faillir à cette tâche suprême.

Te dire l’état dans lequel je suis, c’est inutile. Comme je te disais plus haut, ton cœur est là pour te le faire sentir mieux que ma plume ne saurait le faire. J’irai tant que mon cœur battra, avec toujours devant moi, nuit et jour, l’espoir suprême qu’on me rendra la place que je mérite.

Vois-tu, chérie, un homme d’honneur ne saurait vivre sans son honneur. On a beau se dire en soi-même qu’on est innocent, le cœur vous ronge. Les heures sont longues dans la solitude, et mon esprit ne peut encore concevoir tout ce qui m’arrive. Jamais romancier, si riche que soit son imagination, n’aurait pu écrire une histoire plus tragique.

Je suis convaincu comme toi que la vérité se fera jour tôt ou tard. Les bonnes causes triomphent toujours. Mais quel sera alors mon état, c’est ce que je ne saurais dire… Le cœur est là qui, du matin au soir et du soir au matin, souffre et palpite.

J’espère que je pourrai t’embrasser au moins avant mon départ.

Merci des détails que tu me donnes des enfants. Il faut les élever sérieusement et solidement, s’occuper aussi bien du physique que du moral. D’ailleurs, je te connais, je n’ai nulle inquiétude à ce sujet. Je sais que tu en feras des âmes généreuses et belles, ardentes pour tout ce qui est noble et beau, marchant toujours dans la voie du devoir.

Embrasse mille et mille fois ces bons chéris pour moi.

Je te prie aussi d’embrasser tout le monde pour moi. Reçois les baisers les meilleurs de ton mari qui t’aime, qui ne vit qu’avec ta pensée,

Alfred.
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Le 14 février 1895.
Ma chère Lucie,

Les quelques moments que j’ai passés avec toi m’ont été bien doux, quoiqu’il m’ait été impossible de te dire tout ce que j’avais sur le cœur.

Mon temps se passait à te regarder, à m’imprégner de ton visage, à me demander par quelle fatalité inouïe du sort j’étais séparé de toi. Plus tard, quand on racontera mon histoire, elle paraîtra invraisemblable.

Mais ce qu’il faut bien nous dire, c’est qu’il faut la réhabilitation. Il faut que mon nom brille de nouveau de tout l’éclat qu’il n’aurait jamais dû perdre.

J’aimerais mieux voir nos enfants morts que de penser que le nom qu’ils portent est déshonoré.

C’est pour nous tous une question vitale, on ne vit pas sans honneur. Je ne saurais assez te le répéter.

J’aurai bientôt un nouveau pas à franchir dans mon étape douloureuse.

Je ne crains pas les fatigues physiques, mais pourvu, mon Dieu, qu’on m’épargne les tortures morales ! Je suis las de sentir mon nom méprisé, moi si fier, si orgueilleux précisément de mon nom sans tache, moi qui ai le droit de regarder tout le monde en face ! Je ne vis que dans cet espoir, c’est de voir, bientôt mon nom lavé de cette horrible souillure.

Tu m’as de nouveau rendu le courage. Ta noble abnégation, ton héroïque dévouement me rendent de nouvelles forces pour supporter mon horrible martyre.

Je ne te dirai pas que je t’aime encore plus ; tu sais quel est mon amour profond pour toi. C’est lui qui me permet de supporter mes tortures morales, c’est l’affection de vous tous pour moi.

Embrasse bien tout le monde pour moi, les membres de nos deux familles, tes chers parents, nos enfants, et reçois pour toi les meilleurs et les plus tendres baisers de ton dévoué mari

Alfred.
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Le 21 février 1895.
Ma chère Lucie,

Quand je te vois, le temps est si court, je suis si anxieux de voir l’heure s’écouler avec une rapidité que je ne connaissais plus, tant les autres heures que je passe me semblent horriblement longues, que j’oublie de te dire la moitié de ce que j’avais préparé dans mon imagination.

Je voulais te demander si le voyage ne te fatiguait pas, si la mer t’avait été clémente ? Je voulais te dire toute l’admiration que j’ai pour ton noble caractère, pour ton admirable dévouement ! Plus d’une femme aurait vu son cerveau sombrer sous les coups répétés d’un sort aussi cruel, aussi immérité.

Je voulais te parler longuement de nos enfants, de leur santé, de leur régime. Je voulais aussi te prier de remercier toutes nos familles de leur dévouement à la cause d’un innocent, te demander des nouvelles de leur santé à tous. Il faudrait une longue journée pour épuiser tous ces sujets et nos minutes sont comptées ! Enfin, il faut espérer que les jours heureux reviendront, car il est impossible, il est contraire à la raison humaine, qu’on n’arrive pas à mettre la main sur le véritable coupable.

Comme je te l’ai dit, je ferai mon possible pour dompter les battements de mon cœur ulcéré, pour supporter cet horrible et long martyre, afin de voir avec vous luire le jour heureux de la réhabilitation.

Je souffrirai sans gémir le mépris si naturel, si justifié qu’inspire l’être que je représente, je comprimerai les convulsions de mon être contre un sort aussi épouvantable, aussi horrible.

Oh ! ce mépris autour de mon nom, autour de ma personne, comme j’en souffre ! La plume est incapable de traduire un pareil supplice.

Je me demande vraiment comment un homme qui a véritablement forfait à l’honneur peut continuer à vivre ? Mais je ne vis que grâce à ma conscience, grâce à l’espoir que bientôt tout se découvrira, que le véritable criminel sera puni de son horrible crime, qu’on me rendra enfin mon honneur.

Quand je serai parti, écris-moi bien longuement. Je pense qu’aussi à ce moment vous pourrez tous m’écrire et que je recevrai des nouvelles de tous les membres de nos familles.

Au premier envoi que tu feras, veux-tu être assez bonne pour ajouter la méthode Ollendorf que j’ai pu juger ici et que je trouve préférable à celle de ton professeur ? Tu y joindras le corrigé des thèmes qui forme un volume à part et qui sera aussi mon professeur.

Embrasse bien nos chéris, tes parents, tous ceux que tu vois enfin de ma part et reçois les baisers affectueux de ton dévoué

Alfred.
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