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Lettres de Mlle de Lespinasse/Lettre CLVII

La bibliothèque libre.
Garnier Frères (p. 349-350).

LETTRE CLVII

1776.

Oui, vous aurez un mot, mais rien qu’un mot. J’ai du monde ; vous, vous faites des visites, tout cela est d’un grand intérêt, il faut en convenir. Ah ! si l’on aimait, comme tout cela serait plat ! mais tout est bien, quand tout est mal. — À l’égard du logement, je n’ai que jusqu’à mercredi matin pour me décider, ainsi vos bontés et vos soins n’ont que cette latitude. — Je ne sortirai demain qu’à neuf heures du soir. Je dîne chez moi. — Je n’ai pas vu le baron ; au lieu de cela, j’ai été passer une heure et demie au chevet du lit d’une charmante créature : songez donc quel charme elle a pour moi, puisque le tête-à-tête ne me pèse point. — Vous avez dû voir qu’il m’est impossible de mentir. Pour ce qui concerne le secret de quelqu’un, cela me paraît impossible autrement. Je sais bien que l’on manque souvent à la morale ; mais il faut une distraction, ou un intérêt : ce serait faire le mal en pure perte. Bonsoir. — La semaine dernière j’ai pu dîner trois fois avec vous, et vous ne l’avez pas voulu. Je pouvais vous voir tous les jours, car l’ambassadeur, M. de Schomberg, M. d’Andezi, etc., logent aussi loin que vous ; mais ils ne tiennent pas à tant de choses, ni à tant de personnes, mais ils n’ont pas de chaînes qu’ils aient choisies, moyennant quoi, ils les mettent souvent à terre ; ils ont raison et vous n’avez pas tort : j’en aurais, moi, si je m’oubliais à vous écrire. Souvenez-vous donc de faire inscrire toutes les listes pour la répétition de mardi ; joignez-y M. et madame la baronne de Breil.

Mon Dieu ! ne vous occupez donc plus de ma santé, cet intérêt me pénètre ; mais je crains qu’il ne vous fasse souffrir.