Aller au contenu

Lettres de Pline le Jeune/Tome premier/Panckoucke 1826/I. À Fabatus

La bibliothèque libre.
Traduction par Louis de Sacy revue et corrigée par Jules Pierrot.
éditeur Panckoucke (p. 251-253).
I.
Pline à Fabatus[1].

Vous désirez depuis long-temps nous voir ensemble, votre petite fille et moi : ce désir nous flatte, et nous le partageons ; nous ne sommes pas moins avides du plaisir d’être près de vous, et nous ne le différerons pas davantage. Nous faisons déjà nos préparatifs de voyage : nous hâterons notre marche, autant que les chemins le permettront : nous ne nous détournerons qu’une fois, et le détour ne sera pas long. Nous passerons par la Toscane, non pour voir l’état de nos biens en ce pays, car cela se peut remettre à notre retour, mais pour nous acquitter d’un devoir indispensable.

Près de mes terres est un bourg que l’on appelle Tiferne[2], sur le Tibre. Je sortais à peine de l’enfance, que ses habitans me choisirent pour leur protecteur[3] : il semblait que leur affection fût d’autant plus vive, qu’elle était plus aveugle. Depuis ce temps, ils fêtent toujours mon arrivée, s’affligent de mon départ, font des réjouissances publiques, toutes les fois que l’on m’élève à quelque nouvel honneur. Pour leur marquer ma reconnaissance (car il est honteux de se laisser vaincre en amitié), j’ai fait bâtir en ce lieu un temple à mes dépens. Comme il est achevé, je ne pourrais, sans impiété, en différer la dédicace. Nous y séjournerons donc le jour destiné à cette cérémonie, que j’ai résolu d’accompagner d’un grand repas. Peut-être demeurerons-nous encore le jour suivant ; mais nous n’en ferons ensuite que plus de diligence. Je souhaite seulement de vous trouver en santé, vous et votre fille : pour de la joie, j’ose être certain que vous en aurez, si nous arrivons heureusement. Adieu.


  1. Fabatus. Il y a dans le latin Fabato prosocero suo, c’est-à-dire à Fabatus, aïeul de sa femme.
  2. Tiferne. Aujourd’hui Città di Castello. D. S.
  3. Protecteur. Le texte porte patronum. De Sacy avait traduit par le mot d’avocat. Pouvait-on choisir un enfant pour avocat ? Il était moins ridicule de le choisir pour patron.