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Lettres de Pline le Jeune/Tome premier/Panckoucke 1826/IV. À Calvina

La bibliothèque libre.
Traduction par Louis de Sacy revue et corrigée par Jules Pierrot.
éditeur Panckoucke (p. 93-95).
IV.
Pline à Calvina[1].

Si votre père avait laissé des créanciers, ou même un seul créancier autre que moi, vous auriez raison de délibérer si vous devez accepter une succession, dont un homme même redouterait le fardeau. Mais aujourd’hui (les liens qui nous unissent m’en imposaient le devoir), j’ai payé les plus incommodes[2], ou, pour mieux dire, les plus diligens, et je suis devenu votre créancier unique. J’avais déjà contribué à votre dot d’une somme de cent mille sesterces, outre celle que votre père s’était engagé à payer, en quelque sorte, sur mon bien ; car c’était moi qui devais en faire les fonds. Voilà des gages assez certains de mes dispositions pour vous. Avec cette assurance, il faut épargner une tache à votre père, en acceptant sa succession ; et, pour donner à mes avis toute la vertu que les effets donnent aux paroles, je vous envoie une quittance générale de tout ce que me doit la succession. N’appréhendez point qu’une telle donation me soit à charge. Je ne suis pas riche, il est vrai ; mon rang exige de la dépense, et mon revenu, par la nature de mes terres, est aussi incertain que modique. Mais ce qui me manque de ce côté-là, je le retrouve dans l’économie : voilà la source de mes libéralités. Je sais bien pourtant qu’il ne faut pas y puiser jusqu’à la tarir ; mais je garde cette précaution pour d’autres que vous. À votre égard, quand ma générosité passerait les bornes, j’aurai toujours bien calculé. Adieu.


  1. Calvina. Elle était parente, sans doute, de l’une des deux femmes de Pline, puisqu’il parle dans les premières lignes des liens (affnitatis officia) qui les unissent.
  2. J’ai payé, etc. Voici encore une grave infidélité de sens dans la traduction de De Sacy. Il suppose que Calvina a payé elle-même les autres créanciers, et que Pline n’ayant pas réclamé, par égard pour son alliance avec elle, le remboursement des sommes qui lui sont dues, il reste seul créancier. Pline a été plus généreux que De Sacy ne le fait entendre : c’est lui qui a payé les autres créanciers. La construction de la phrase latine, qui a pour sujet ego (Plinius), ne permet pas d’attribuer à Calvina l’action énoncée par ces mots, dimissis omnibus : ils ne peuvent se rapporter qu’au sujet.