Lettres de Vaucluse, trad. Develay, 1899/Deuxième partie/I. Au P. Dionigio Roberti

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Lettres de Vaucluse
Traduction par Victor Develay.
Ernest Flammarion (p. 85-101).
[1]I. — Au P. Dionigio Roberti, moine Augustin.


Son ascension sur le mont Ventoux.


J’ai monté aujourd’hui sur la plus haute montagne de cette contrée, que l’on nomme avec raison le Ventoux, uniquement dans le désir de voir la hauteur extraordinaire du lieu. Depuis plusieurs années, ce voyage me trottait dans la tête, car dès mon enfance, comme vous le savez, j’ai été conduit dans ces parages par le destin qui conduit les choses humaines. Cette montagne, que l’on découvre au loin de toutes parts, est presque toujours devant les yeux. La fantaisie me prit de faire une fois pour toutes ce que je faisais journellement, d’autant plus que la veille, en relisant l’histoire romaine de Tite-Live, j’étais tombé par hasard sur le passage où Philippe, roi de Macédoine, celui qui fit la guerre au peuple romain, gravit le mont Hémus en Thessalie, du sommet duquel il avait cru par ouï-dire que l’on apercevait deux mers : l’Adriatique et l’Euxin. Est-ce vrai ou faux ? Je ne puis rien affirmer parce que cette montagne est trop éloignée de notre région et que le dissentiment des écrivains rend le fait douteux. Car, pour ne point les citer tous, le cosmographe Pomponius Mêla déclare sans hésiter que c’est vrai[2] ; Tite-Lîve pense que cette opinion est fausse[3]. Pour moi, si l’exploration de l’Hémus m’était aussi facile que l’a été celle du Ventoux, j’aurais bientôt éclairci la question. Au reste, laissant de côté cette montagne pour en venir à l’autre, j’ai pensé qu’on excuserait dans un jeune particulier ce qu’on ne blâme point dans un vieux roi.

Mais en songeant au choix d’un compagnon, chose singulière, pas un de mes amis ne parut me convenir en tout point. Tant est rare même entre amis le parfait accord des volontés et des caractères. L’un était trop nonchalant, l’autre trop remuant ; celui-ci trop mou, celui-là trop vif ; tel trop triste, tel trop gai. Enfin, celui-ci était plus fou, celui-là plus sage que je ne voulais. L’un m’effrayait par son silence, l’autre par son effronterie ; celui-ci par sa pesanteur et son embonpoint, celui-là par sa maigreur et sa faiblesse. La froide insouciance de l’un et l’ardente curiosité de l’autre m’éloignaient. Quelque fâcheux que soient ces inconvénients, on les supporte à la maison, car la charité endure tout et l’amitié ne recule devant aucun fardeau, mais en voyage ils deviennent plus fâcheux. Ainsi mon esprit difficile et avide d’un plaisir honnête épluchait chaque chose sans porter atteinte à l’amitié et condamnait tout bas tout ce qu’il prévoyait pouvoir nuire au voyage projeté. Bref, à la fin, je me tourne vers une assistance domestique et je fais part de mon dessein à mon frère unique, moins âgé que moi et que vous connaissez bien. Il ne pouvait rien entendre de plus agréable et il se réjouit d’être pour moi un ami en même temps qu’un frère.

Au jour fixé, nous quittâmes la maison et nous arrivâmes le soir à Malaucène, lieu situé au pied de la montagne, du côté du nord. Nous y restâmes une journée et aujourd’hui enfin nous avons fait l’ascension sur la montagne avec nos deux domestiques, non sans de grandes difficultés, car c’est une masse de terre rocheuse taillée à pic et presque inaccessible. Mais le poète a dit avec raison : Un travail opiniâtre vient à bout de tout[4]. Longue journée, temps superbe, vigueur de l’âme, force et adresse du corps, tout favorisait nos pas. Seule la nature des lieux nous faisait obstacle. Nous trouvâmes dans une gorge de la montagne un pâtre d’un âge avancé qui s’efforça, par un long discours, de nous détourner de cette ascension. Il nous dit que cinquante ans auparavant, animé de la même ardeur juvénile, il avait grimpé jusqu’au sommet, mais qu’il n’avait rapporté de là que du repentir et de la fatigue, le corps et les vêtements déchirés par les pierres et les ronces. Il ajoutait que jamais, ni avant ni depuis cette époque, on n’avait ouï-dire parmi eux que personne eût osé en faire autant. Pendant qu’il disait cela d’une voix forte, comme les jeunes gens n’écoutent guère les donneurs d’avis, sa défense redoublait notre envie. Voyant donc que c’était peine perdue, le vieillard fit un pas en avant et nous montra du doigt un sentier ardu à travers les rochers, avec mille recommandations qu’il répéta derrière nous quand nous nous éloignâmes.

Après avoir laissé entre ses mains les vêtements et autres objets embarrassants, nous ne gardons que l’accoutrement nécessaire pour l’ascension et nous grimpons avec entrain. Mais, comme il arrive toujours, une prompte fatigue suit ce grand effort. Nous nous arrêtons donc non loin de là sur un rocher. Nous nous remettons ensuite en marche, mais plus lentement ; moi surtout j’avais une allure plus modérée. Mon frère, par une voie plus courte, se dirigeait vers le haut à travers les escarpements de la montagne ; moi, plus mou, j’inclinais vers le bas, et comme il me rappelait et me désignait une route plus directe, je lui répondis que j’espérais trouver d’un autre côté un passage plus facile, et que je ne craignais point un chemin plus long où je marcherais plus aisément. Je couvrais ma mollesse de cette excuse, et pendant que les autres occupaient déjà les hauteurs, j’errais à travers les vallées sans découvrir un accès plus doux, mais ayant allongé ma route et doublé inutilement ma peine. Déjà, accablé de lassitude, je regrettais d’avoir fait fausse route et je résolus tout de bon de gagner le sommet. Lorsque, plein de fatigue et d’anxiété, j’eus rejoint mon frère, qui m’attendait et s’était reposé en restant longtemps assis, nous marchâmes quelque temps d’un pas égal. À peine avions-nous quitté cette colline, voilà qu’oubliant mon premier détour, je m’enfonce derechef vers le bas de la montagne ; je parcours une seconde fois les vallées et, en cherchant une route longue et facile, je tombe dans une longue difficulté. Je différais la peine de monter ; mais le génie de l’homme ne supprime pas la nature des choses et il est impossible qu’un corps parvienne en haut en descendant. Bref, cela m’arriva trois ou quatre fois dans l’espace de quelques heures, non sans faire rire mon frère, mais à mon grand déplaisir. Après avoir été si souvent déçu, je m’assis dans une vallée.

Là, sautant par le vol de la pensée des choses matérielles aux immatérielles, je me parlais à moi-même en ces termes ou à peu près : « Ce que tu as éprouvé tant de fois aujourd’hui en gravissant cette montagne, sache que cela arrive à toi et à plusieurs se dirigeant vers la vie bienheureuse ; mais on ne s’en aperçoit pas aussi aisément parce que les mouvements du corps sautent aux yeux tandis que ceux de l’âme sont invisibles et cachés. Certes, la vie que nous appelons bienheureuse est située dans un lieu élevé ; un chemin étroit, dit-on, y conduit. Plusieurs collines se dressent aussi dans l’espace intermédiaire, et il faut marcher de vertu en vertu par des degrés éminents. Au sommet est la fin de tout et le terme de la route qui est le but de notre voyage. Tous veulent y parvenir, mais, comme dit Ovide : C’est peu de vouloir ; pour posséder une chose il faut la désirer vivement[5]. Pour toi sans doute, à moins que tu ne t’illusionnes en cela comme en beaucoup de choses, non seulement tu veux mais encore tu désires vivement. Qu’est-ce qui te retient donc ? Rien autre assurément que la route plus unie, et qui au premier aspect semble plus facile, à travers les plaisirs terrestres et infimes. Mais quand tu te seras longtemps égaré il te faudra ou gravir vers le faîte de la vie bienheureuse, sous le poids d’une fatigue différée à tort, ou tomber lâchement dans les bas-fonds de tes péchés ; et si (m’en préserve le ciel !) les ténèbres et l’ombre de la mort te trouvent là, tu passeras une nuit éternelle dans des tourments sans fin. » On ne saurait croire combien cette pensée redonna d’énergie à mon âme et à mon corps pour ce qu’il me restait à faire. Et plût à Dieu que j’accomplisse avec mon âme le voyage après lequel je soupire jour et nuit, de même que j’ai accompli avec mes jambes le voyage d’aujourd’hui en triomphant enfin de toutes les difficultés. Au fait, je ne sais pas si ce que l’on peut faire par l’âme agile et immortelle, sans bouger de place et en un clin d’œil, n’est pas bien plus facile que ce qu’il faut faire à la longue par l’office du corps mortel et périssable et sous le pesant fardeau des membres.

Le pic le plus élevé est nommé par les paysans le Fillot. J’ignore pourquoi, mais je suppose que c’est par antiphrase, comme il en est de certaines autres appellations, car il paraît véritablement le père de toutes les hauteurs voisines. Sur son sommet existe un petit plateau, où nous nous reposâmes enfin de nos fatigues. Et puisque vous avez écouté les réflexions qui ont assailli mon âme pendant que je gravissais la montagne, écoutez encore le reste, mon père, et accordez, je vous prie, une de vos vos heures à la lecture des actes d’une de mes journées.

Tout d’abord frappé du souffle inaccoutumé de l’air et de la vaste étendue de l’horizon, je suis resté comme en extase. Je regarde derrière moi ; les nuages étaient sous mes pieds. L’Athos et l’Olympe[6] me sont devenues moins incroyables en voyant sur une montagne de moindre renom ce que j’en avais entendu dire et lu. Je dirige ensuite mes regards vers la partie de l’Italie où mon cœur incline davantage. Les Alpes couvertes de neige et de glace, à travers lesquelles le cruel ennemi du nom romain[7] se fraya jadis un passage en perçant les rochers avec du vinaigre, si l’on en croit la renommée, me parurent tout près de moi quoiqu’elles fussent à une grande distance. J’ai soupiré, je l’avoue, après le ciel de l’Italie qui apparaissait à mon imagination plus qu’à mes regards, et je fus pris d’une ardeur inexprimable de revoir et mon ami et ma patrie. Je ne laissais pas toutefois de blâmer dans ce double désir la mollesse d’un sentiment peu viril, quoique je ne manquasse pas d’une double excuse sous l’égide de témoignages imposants.

Ensuite une nouvelle pensée s’empara de mon esprit et le transporta des lieux vers les temps. Je me disais à moi-même : « Il y a aujourd’hui dix ans que, libéré des études de ta jeunesse, tu as quitté Bologne. Mais ô Dieu immortel ! ô sagesse immuable ! que de grands changements cet intervalle a vu s’opérer en toi ! Je laisse de côté ce qui n’est pas fini, car je ne suis pas encore dans le port pour songer tranquillement aux orages passés. Il viendra peut-être un temps où je relaterai dans leur ordre tous les événements de ma vie en prenant pour texte cette parole de votre Augustin : Je veux me remémorer mes souillures passées et les corruptions charnelles de mon âme, non que je les aime, mais pour que je vous aime, mon Dieu[8]. Il me reste encore à accomplir une tâche très difficile et très pénible. Ce que j’avais coutume d’aimer, je ne l’aime plus[9]. Je mens. Je l’aime, mais moins. Voilà que j’ai menti une seconde fois. Je l’aime, mais en rougissant et avec tristesse. J’ai dit enfin la vérité. Oui, j’aime ; mais ce que j’aimerais à ne point aimer, ce que je voudrais haïr ! J’aime cependant, mais malgré moi, mais par force, mais avec chagrin et avec larmes, et je vérifie malheureusement en moi ce vers si fameux : Je haïrai, si je puis ; sinon j’aimerai malgré moi[10]. Trois ans ne se sont pas encore écoulés depuis que cette volonté perverse et coupable, qui me possédait tout entier et régnait seule sans opposition dans mon âme, a commencé à en rencontrer une autre rebelle et luttant contre elle. Depuis longtemps entre ces volontés il se livre dans le champ de mes pensées, au sujet de la prééminence du vieil homme et de l’homme nouveau, un combat très rude et maintenant encore indécis. » Je parcourais ainsi par la pensée mes dix dernières années. Puis je me reportais vers l’avenir et je me demandais : « Si par hasard il t’était donné de prolonger cette vie éphémère pendant deux autres lustres et de t’approcher de la vertu proportionnellement autant que depuis deux ans, grâce à la lutte de la nouvelle volonté contre l’ancienne, tu t’es relâché de ton premier endurcissement, ne pourrais-tu pas alors, quoique ayant non pas la certitude mais du moins l’espérance, mourir à quarante ans et renoncer sans regret à ce restant de vie qui décline vers la vieillesse ? »

Ces pensées, mon père, et d’autres semblables, me revenaient à l’esprit. Je me réjouissais de mon avancement, je pleurais mon imperfection et je plaignais l’inconstance ordinaire des actions humaines. Je paraissais en quelque sorte avoir oublié en quel lieu et pour quel motif j’étais venu, jusqu’au moment où, laissant de côté ces réflexions auxquelles un autre endroit convenait mieux, je regardai et vis ce que j’étais venu voir. Averti par le soleil qui commençait à baisser et par l’ombre croissante de la montagne que le moment de partir approchait, je me réveillai pour ainsi dire et, tournant le dos, je regardai du côté de l’occident.

On n’aperçoit pas de là la chaîne des Pyrénées, ces limites de la France et de d’Espagne, non qu’il y ait quelque obstacle que je sache, mais uniquement à cause de la faiblesse de la vue humaine. On voyait très bien à droite les montagnes de la province lyonnaise et à gauche la mer de Marseille et celle qui baigne AiguesMortes, distantes de quelques journées. Le Rhône était sous nos yeux. Pendant que j’admirais tout cela, tantôt goûtant les choses de la terre, tantôt portant mon âme en haut à l’exemple de mon corps, je voulus jeter les yeux sur le livre des Confessions d’Augustin, présent de votre amitié, que je garde en souvenir de l’auteur et du donateur, et que j’ai toujours entre les mains. J’ouvre ce manuel d’un très petit volume mais d’un charme infini, pour lire tout ce qui se présenterait, car que pouvait-il se présenter qui ne fût pieux et dévot ? Je tombai par hasard sur le dixième livre de cet ouvrage. Mon frère, impatient d’entendre de ma bouche quelque chose d’Augustin, se tenait debout, l’oreille attentive. J’atteste Dieu et celui qui était présent que mes yeux se posèrent tout d’abord sur ce passage : Les hommes s’en vont admirer la hauteur des montagnes, les grandes agitations de la mer, le vaste cours des fleuves, la circonférence de l’Océan, les évolutions des astres, et ils s’oublient eux-mêmes[11]. Je fus stupéfait, je l’avoue, et, priant mon frère avide d’entendre de ne pas me déranger, je fermai le livre. J’étais irrité contre moi d’admirer maintenant encore les choses de la terre, moi qui depuis longtemps aurais dû apprendre des philosophes mêmes des gentils qu’il n’y a d’admirable que l’âme pour qui, lorsqu’elle est grande, rien n’est grand[12]. Alors, trouvant que j’avais assez vu la montagne, je détournai sur moi-même mes regards intérieurs, et dès ce moment on ne m’entendit plus parler jusqu’à ce que nous fussions parvenus en bas.

Cette parole m’avait fourni assez d’occupation muette. Je ne pouvais penser qu’elle fût l’œuvre du hasard ; tout ce que je venais de lire, je le croyais dit pour moi et non pour un autre. Il me souvenait que jadis Augustin avait fait la même supposition, lorsque, lisant le livre de l’Apôtre, ce passage, comme il le raconte[13], lui frappa d’abord les yeux : Marchons loin de la débauche et de l’ivrognerie, des sales plaisirs et des impudicités, des dissensions et des jalousies. Mais revêtez-vous de Jésus-Christ Notre-Seigneur, et n’ayez point d’égard pour votre chair en ce qui regarde ses convoitises[14]. Même chose était arrivée auparavant à Antoine, lorsqu’ayant entendu l’Évangile où il est écrit : Si vous voulez être parfait, allez vendre ce que vous avez et donnez-le aux pauvres, et vous aurez un trésor dans le ciel ; après cela venez et suivez-moi[15], il prit pour lui ces paroles, suivant l’historien de sa vie Athanase, et se soumit au joug du Seigneur. De même qu’Antoine après cette audition n’en demanda pas davantage et de même qu’Augustin, après cette lecture, n’alla pas plus loin, toute ma lecture se borna au peu de mots que je viens de citer. Je réfléchis en silence à l’aveuglement des mortels qui, négligeant la plus noble partie d’eux-mêmes, se répandent de tous côtés et se dissipent en vains spectacles, cherchant au dehors ce qu’ils pourraient trouver en eux. J’admirai la noblesse de notre âme si, dégénérant volontairement, elle ne s’écartait pas de son origine et ne convertissait pas elle-même en opprobre ce que Dieu lui avait donné pour s’en faire honneur. Ce jour-là, en revenant, chaque fois que je me retournais pour regarder la cime de la montagne, elle me parut à peine haute d’une coudée en comparaison de la hauteur de la contemplation humaine, si on ne la plongeait pas dans la fange des souillures terrestres. Je me disais aussi à chaque pas : « Si je n’ai pas craint d’endurer tant de sueurs et de fatigues pour que mon corps fût un peu plus rapproché du ciel, quel gibet, quelle prison, quel chevalet devraient effrayer mon âme se rapprochant de Dieu et foulant aux pieds la pointe boursouflée de l’orgueil et les destinées humaines ? » Et encore : « À combien peu arrivera-t-il de ne pas s’écarter de ce sentier, soit par la crainte des souffrances, soit par le désir des voluptés ? Oh ! trop heureux celui-là s’il existe quelque part ! C’est de lui, j’imagine, que le poète a dit : Heureux qui a pu connaître les principes des choses et qui a mis sous ses pieds la crainte de la mort, l’inexorable destin et le bruit de l’avare Achéron[16]. Oh ! avec quel zèle nous devrions faire en sorte d’avoir sous nos pieds non les hauteurs de la terre mais les appétits que soulèvent les impulsions terrestres ! »

Parmi ces mouvements d’un cœur agité, ne m’apercevant pas de l’âpreté du chemin, je revins à la nuit close à l’hôtellerie rustique d’où j’étais parti avant le jour. Un clair de lune secondait agréablement notre marche. Pendant que les domestiques sont en train d’apprêter le souper, je me suis retiré seul dans un coin de la maison pour vous écrire cette lettre à la hâte et sans préparation, de peur que si je différais, mes impressions venant à changer par suite de la différence des lieux, mon envie de vous écrire ne se refroidît. Voyez, tendre père, combien je tiens à ce que rien en moi ne soit caché à vos regards, puisque je vous découvre si exactement non seulement ma vie tout entière, mais chacune de mes pensées[17]. Priez pour elles, de grâce, afin que si longtemps vagabondes et inconstantes elles s’arrêtent enfin et que, ballottées très inutilement de tous côtés, elles se tournent vers le seul bien vrai, certain, stable. Adieu[18].

Malaucène, 26 avril (1336).

  1. Lettres familières, IV, 1.
  2. Pomponius Méla, II, 2.
  3. Tite-Live, XII, 22.
  4. Virgile, Géorgiques, I, 145.
  5. Pontiques, III, 1, 35.
  6. Hautes montagnes situées : la première entre la Macédoine et la Thrace ; la seconde entre la Thessalie et la Macédoine.
  7. Annibal.
  8. Confessions. Pétrarque songe déjà, à écrire lui aussi ses Confessions. Il réalisa plus tard ce projet dans le livre intitulé : Mon secret.
  9. Est-il besoin de rappeler qu’il s’agit de Laure ?
  10. Ovide, Les Amours, III, 11, 35.
  11. Confessions, X, 8.
  12. Sénèque, Lettres, VIII.
  13. Confessions, VIII, 12.
  14. S. Paul, aux Romains, xiii, 13.
  15. S. Mathieu, xix, 21.
  16. Virgile, Géorgiques, II, 490-491.
  17. Le P. Dionigio Roberti était son directeur spirituel.
  18. Cette lettre où Pétrarque a mis son âme à nu n’est pas datée de Vaucluse ; Malaucène en est à quelques lieues ; mais l’intérêt capital qu’elle présente nous fera pardonner de l’avoir introduite dans ce recueil.