Lettres du séminaire/01

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Calmann-Lévy (p. 1-2).

I


Paris, 31 août 1838.


Mon Ernest,

Ma lettre te semblera d’une folie, mais la joie m’ôte toute raison. Tu viens d’être nommé il y a trois heures pour une bourse entière au séminaire de Paris ; elle t’est accordée jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans, mais à la condition expresse que tu seras ici le 6 ou le 7 au plus tard : cette époque passée, la place redeviendrait vacante. Je t’en conjure, mon ami, aussitôt ma lettre reçue, monte dans le courrier avec le plus d’effets que tu pourras emporter ; le reste viendra plus tard, mais, sale ou blanc, emporte tout ton linge. C’est une providence inespérée qui a travaillé pour nous, car l’ami qui a agi en ma considération t’a fait connaître de personnages qui peuvent tout dans ton avenir. Mon Ernest, encore une supplication ; tu recevras ma lettre dimanche soir, sois à Guingamp pour le courrier de lundi et monte sans faute dans la malle-poste ; je t’attends mercredi soir ou jeudi. Tu prendras de l’argent chez mon oncle Forestier à qui j’écris de t’en prêter ; je le lui rembourserai à mon passage qui sera au plus tard le 15. Dis à maman que c’est un avenir tout entier pour son enfant et que mon voyage en Bretagne aura maintenant un autre but, celui de ne point la laisser dans la situation où elle se trouve.

Adieu, pars, je t’attends et te chéris.


henriette