Lettres sur les affaires municipales de la Cité de Québec/Chapitre VI

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Imprimerie de « L’Événement » (p. 13-15).

VI.


Quant à l’entretien des rues, il est important pour apprécier la condition du conseil à cet égard, de ne pas oublier la modicité des ressources dont il peut disposer pour cette partie de l’administration, et les difficultés exceptionnelles qu’elle présente. La partie basse de la ville est construite sur un terrain d’alluvion, que la moindre pluie convertit en un lac de vase. On ne peut maintenir solide la chaussée des rues, qu’à force de travaux ; on ne peut les égoutter qu’avec beaucoup de dépenses. La partie haute est remplie de côtes, qui constituent autant de torrents les jours d’orage. L’eau, dans sa descente rapide, emporte tout devant elle, et sillonne nos rues de ravins qu’il faut combler lorsque le beau temps est revenu.

Malgré tous ces obstacles, nos voies de communication ne sont pas dans un aussi mauvais état qu’on le dit. Les grandes artères qui mettent en communication les différentes parties de la ville, les rues les plus importantes, sont macadamisées. Depuis quelques années, on a planchéié les rues Fleury et St. François, et macadamisé les rues St. Pierre, St. Paul, St. Joseph, de la Couronne, St. Jean, de la Fabrique, Buade, Port-Dauphin et la côte de la Montagne ; on a élargi les rues St. Ours et Champlain. On aurait pavé les rues St. Pierre et St. Paul, si nos finances l’eussent permis.

Sans doute, on pourrait désirer que nos rues fussent balayées et arrosées plus souvent ; mais on admettra, que cela est moins nécessaire que d’y rendre la circulation facile. Avant le superflu le nécessaire.

D’ailleurs, on nous cite toujours Montréal ; mais, outre que cette ville dispose de ressources que tous les commissaires du monde ne pourraient nous procurer, il ne faut pas que l’on s’imagine que toutes les rues y sont comme la rue Notre-Dame et la grande rue St. Jacques, les seules que la plupart d’entre nous connaissent. Qu’on aille dans le Griffintown, dans le quartier Ste. Marie, dans le quartier St. Laurent, et l’on y trouvera facilement des rues, où la vue et l’odorat ne sont pas plus flattés que dans les plus mal tenues des nôtres. Qu’on ouvre les journaux de Montréal, et l’on y verra, qu’un jour un juge, et le lendemain une dame, se cassent la jambe dans un trottoir délabré. Et, à ceux qui voudraient reprocher au conseil de ne point nous donner au moins quelques rues aussi belles que les plus belles de Montréal, je dirai : quand vous aurez fait des constructions aussi élégantes et aussi somptueuses que celles que l’on trouve sur les rues Notre-Dame, McGill, St. Paul et St. Jacques, vous aurez droit d’exiger que l’administration municipale vous donne des trottoirs en asphalte, et des rues recouvertes de Nicholson’s pavement. Mais, tant que vous vous contenterez, comme aujourd’hui, d’élever des amas de caillous à peine dégrossis, de brique rouge mal cuite, ou bien de rafistoler des masures contemporaines de Champlain, de débarbouiller des cabanons en bois, non-seulement vous n’aurez pas le droit de vous plaindre, si l’on ne vous donne que des rues macadamisées avec des matériaux de démolition, mais vous devrez vous considérer comme trop bien traités, si l’on vous donne des voies de communication préférables à celles de la bourgade de Stadaconé.