Lexique étymologique du breton moderne/R

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Texte établi par Faculté des lettres de Rennes, J. Plihon et L. Hervé (p. 229-237).
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R

Ra, particule marquant le subjonctif ; cf. cymr. ri- > rhy-, vbr. ro- > ru-, gaul. ro-, vir. ro- > ru-, ir. ro et gael. ro « très », particules intensives en composition et conjugaison : d’un celt. *ro pour *pro « avant », sk. prá, gr. πρὸ, lat. prŏ-, got. fra- (ag. fore, al. vor), lit. pra-, vsl. pro-, etc. Cf. 1 rak, lequel équivaut peut-être à un adj. dér. *pro-ko-.

*Ra-, particule verbale, tombée comme telle en désuétude, mais encore reconnaissable dans quelques dérivations, telles que ramps, reṅkout, réverzi, ros, diréza, etc. : identique au précédent.

Rabin, s. m., avenue. Empr. fr. ancien rabine « ravin », etc.

1 Rak, prép., devant, avant, cymr. rhag, corn. et vbr. rac id. : d’un celt. *rak pour *prak (dér. de *pro, cf. ra), qu’on peut rapprocher approximativement de sk. pràk « en avant », gr. πρόϰ-α « aussitôt », etc.

2 Rak, car : écourté de rak ma « parce que », où rak est identique au précédent. V. sous 5 ma et, pour le sens, cf. pérak.

Raktal, adv., de front > aussitôt. V. sous 1 rak et tâl.

Raden, s. m., fougère, mbr. radenn, corn. reden, cymr. rhedyn, gaul. ratis, ir. raith, ir. et gael. raith-neach > raineach id. : dér, d’un celt. *ra#-, pour *prati-, cf. lit. papàrtis, russe paporotï, dont le radical se retrouve dans sk. par-iyà « feuille », ag. fern et al. farn-kraut « fougère ».

Raé, s. m., raie (poisson). Empr. fr.

Ragéost, s. m., automne. V. sous 1 rak « devant »[1] et éost.

Rambré, s. m., rêverie, radotage : contamination possible de ambren et randon. V. ces mots, mais cf. ag. to r amble « errer ». — Conj.

Rampa, vb., glisser, mbr. rampaff. Empr. fr. ramper.

Ramps, s. m., géant, cf. ir. roimse « perche » : parait contenir le préf. ro- devant le radical de l’ir. mess « mesure[2] » > gael. meas « opinion », soit « grande taille ». V. sous *ra-, et cf. rems, mâd, amzer.

Ran, s. f., grenouille. Empr. lat. rāna > bas-lat. rána[3].

Raṅklez, adj., insatiable : dér. secondaire par rapport à cymr. rhangcol « très désireux », de rhangc « appétit ». — Étym. inc.

Raṅdon, s. m., rêverie, radotage. Empr. fr. ancien à randon, « à la hâte, au hasard », d’où aussi ag. at random.

Raṅjen, s. f., rêne (aussi reṅjen). Empr. bas-lat. *retina (> fr. rêne), qui eût donné br. *reden ou *rezen, contaminé du vb. fr. ranger [à l’obéissance] ou arranger [le harnais]. - Conj. très hasardée.

Rann, s. m., partie, corn. ran radn, cymr. rhann, vbr. pl. rannou « parties » et rannam « je partage », vir. rann et rannaim, ir. et gael. rann, etc. : d’un celt. *ranna^ pour *pr-annā, dér. de la rac. PERÄ « distribuer », que supposent gr. πορ-εῖν « fournir », πέ-πρω-ται « il est assigné », et lat. pars (pour *par-ti-s, cf. par-ti-m adv.), por-ti-ō* etc.

Raṅvel, s. f., seran à égrener le lin. V. sous rimia.

Raô, s. m., cordage en chaîne de fer (pour attelage), mbr. rou et raou, cymr. rhaw « chaîne » : rappelle d’un peu loin ag. rope « corde ». Empr. ags. ràp id., altéré par une influence inconnue ?

Raoskl, s. m., canne : dér. de raoz au moyen d’un suff. assez rare.

Raouen, s. f., empan, mbr. rouhenn, cymr. rhychwant id. : soit un celt. *rokk-inâ, pour *rog-n-inâ, dérivation assez compliquée et diversement altérée de rac. REG qu’on trouvera sous rén et reiz[4].

Raouia, raoula, vb., enrouer, s’enrouer, cf. le ppe raouet « enroué » : respectivement dér. et altéré d’empr. bas-lat. râvus (lat. ràvus id.).

Raoulin, s. m., linteau, mbr. raulhin id. : dissimilé pour *raourin < *ragourrin, soit le mot gourin « linteau » précédé du préf. *ra-. — Ern.[5]

Raoz, s. m., roseau : semble, comme fr. ros-eau, un empr. germanique très ancien ; cf. got. râus « roseau » (al. rohr « tuyau »).

Raskl (T.), s. m., tiroir. Empr. fr. (objet qui racle). Cf. araskl.

Rastel, s. f., râteau. Empr.fr. ancien rastel.

Rât, s. f., pensée, dessein, cf. vir. raith « il remarqua », etc. : d’un celt. *rat-â, dont on rapproche lat. inter-pret-[6], got. frath-jan « comprendre » et frôth-s « sage », lit. su-prant-ù « je remarque », etc.

Ratouz, adj., ras, tondu : contamination de 4 râz et touz. Cf. torgammed.

Ratoz, s. f., surtout dans a-ratoz « à dessein » : dér. de rât.

Raveṅt, s. m., sentier : soit *rav-heṅt « chemin en cordon » (qui se tord, sinueux). V. sous raô et heṅt. — Conj. (cf. gwénôden).

Ravesken (C.), s. f., synonyme de haṅvesken (V. ce mot) : soit donc *ra-haṅv-hesk- « stérile depuis plus d’une année ». — Ern.

1 Râz, s. m., rat. Empr. bas-lat. rattus.

2 Râz, s. m., chaux. Empr. lat. rasis « poix crue ». — Douteux.

3 Râz, s. m., détroit, courant en contre-marée : identique au suivant, au sens de « rasure, râclement des contre-courants ». — Conj. Ern.

4 Râz, adj., ras, plat, uni (aussi ràc’hV.) : abstrait de mbr. razaff (rahein V.) = cymr. rhath-u, « gratter, racler », le tout se ramenant à un celto-lat. *raz-dô « je racle », d’où procède aussi lat. râdô, sans autre équivalent sûr. V. un dér. secondaire sous rozel.

1 Ré, dans ar ré « ceux », va ré « les miens », etc., cf. cymr. rhai et rhyw « quelques-uns » : d’origine obscure et compliquée de contamination.

2 Ré, s. m., paire : identique au précédent[7].

3 Ré, trop : variante de ra pris au sens intensif. V. ce mot.

Réal, s. m., cinq sous. Empr. espagnol real.

Rébech, s. m., reproche, remords. Empr. fr. ancien rebecher « reprocher » < rebrecher < lat. rubricàre « marquer [une faute] à l’encre rouge ».

Rébet, s. m., violon. Empr. fr. ancien altéré rebec.

1 Réd, s. m., cours, course, flux, cymr. rhed « course » et rhed-u < courir », vir. reth-i-m « je cours », ir. riothaim et gael. ruith id. : d’un celt. *ret-o « je cours », lit. rit-u « je roule », et cf. la rac. RET fléchie sous rôd.

2 Réd : adj., nécessaire ; s. m., nécessité ; corn. reys et rès, cymr. rhaid id. : d’un celt. *ra-tyo-, qu’on peut ramener à rac. AR, « ajuster, mettre en ordre », ppe sk. ṛ-tá « ordre immuable » et ṛ-tú « saison », gr. ἀρ-αρ-ίσϰ-ω « j’ajuste », lat. ar-tu-s « articulation », etc.

Réga, vb., fouir, tracer de petits sillons : dér. de mbr. et vbr. rec « sillon », cymr. rhych et vir. -rech id., d’un celt. *riko-[8] et *rikko-, qui lui-même se ramène à un i.-e. *prko-, lat. porca « le rehaut entre deux sillons », ags. furk > ag. furrow, et al. furche « sillon ».

Régez, s. m., braise, corn. regihten, cymr. rhysod, vir. richis id. L’extrême dissemblance de ces formes ne permet pas de les ramener à l’unité.

Régi, vb., déchirer : variante probable de réga « sillonner ».

Réc’h, s. f., chagrin : soit originairement « déchirement » ; se ramène à *rikkâ, « sillon, déchirure ». V. sous réga et régi. — Ern.

Rei, vb., donner, mbr. reiff, corn. rei et ry, cymr. rhoi, et cf. vir. rath « grâce » (cymr. rhâd) et é-ra « refus » : rac. i.-e. RÊi, sk. rà-ti « il donne », ra-tâ « donné », rai et « richesse », lat. rë-s « chose ».

Reiz, s. f., ordre, loi, raison (aussi reih V.), mbr. reiz « juste », cymr. rhaith, vbr. reith, vir. recht, ir. et gael. reachd « loi » : d’un celt. *rektu-, à peu près identique à lat. rec-tu-s, got. raih-t-s, ag. righ-t, et al. rech-t, tous issus de rac. REG « diriger » ; sk. raj-â-ti « il s’étend » et rj-u « droit », gr. ὀ-ρέγ-ω « je tends », lat. reg-ere, vir. rig-i-m, got. -rak-jan et al. reck-en « étendre », etc., etc. Cf. encore rén et raouen.

Remm, s. m., rhumatisme. Empr. fr. ancien reume.

Rems, s. m., durée, cf. vir. rémes > ir. reimheas, lequel s’analyse « temps » et mess « mesure » (tous deux perdus en br.) : le premier est un doublet de vir. roe « espace », qu’on rattache à la même origine que lat. rus « campagne », ag. room et al. raum « espace » (cf. ir. et gael. raon « champ ») ; on trouvera le second sous ramps.

Rén, s. m., conduite, mbr. ren « conduire », cf. vir. ren « empan » : soit celt. *rég-no- « rection », dér. de rac. REG. V. sous reiz et raouen.

Reṅk, s. f., rang, ordre, cymr. rhencg. Empr. fr. ancien reng.

Reṅkout, vb., devoir : identique au cymr. rhyng-u « s’interposer », dér. de rhwng « entre » ; ou bien au vb. vir. ricc-i-m « je manque », qu’on explique par préf. *ro- (sous *ra-) et rac. ENEK du sk. àn-ârriç-a « j’ai atteint », gr. ἐν-εγϰ-εῖν, etc. [9] ; ou enfin cymr. rhangc (sous raṅklez).

Rendael, s. f., dispute : tiré de l’expression mbr. ren dael « mener dispute », et passé au fm. par analogie de dael tout court. — Ern.

Réô, s. m., gelée, mbr. reau, corn. rew, cymr. rhew, vbr. reu, vir. reo, ir. reo, et cf. vir. réud, ir. reodhadh, gael. reodh « gelée » : soit un radical celt. *rewos-, pour *prewos- ( ?), d’une rac. PRUS, que reproduisent lat pru-ïna « frimas » (< *pruso-ina), sk. prusva « gelée blanche », ags. frëos-an > ag. to freeze, vhal. frios-an > al. frier-en « geler », etc.

Réol, s. f., règle, corn. reol et cymr. rheol. Empr. lat. régula.

Réor, s. m., derrière, anus, cymr. rhefr id., et cf. cymr. rhef et vir. remor, « gros, gras » : soit un celt. *rem-ro-, peut-être pour *prem-ro- « fort », dont les équivalents sont peu sûrs. V. sous gourem[10].

Répui, vb., accueillir en hospitalité : dér. d’empr. fr. repu.

Réter, s. m., orient, ir. air-ther id. : altéré pour *er-der (?), d’un celt. *arei-tero- pour *parei-tero- « situé en avant », cf. gr. παροί-τερο-ς, forme de comparatif de la prép. primitive qui est devenue br. ar-[11].

Reûd, adj., raide, ferme. Empr. fr. ancien roide[12].

Réuein (V.), vb., variante de raoula. V. ce mot.

Reûn, s. m., crin, soie de porc, cymr. rhawn, ir. roinne, gael. roin, « poil, crin » : soit un celt. *râni-, pour *rà-mni-, et cf. sk. rà-man et lô-man « poil », mais sans lien phonétique appréciable.

Reûstla, vb., brouiller, mêler (aussi rouestla), cymr. rhwystro « empêcher », dér. de rhwystr « obstacle », et celui-ci de rhwyd. Cf. roued.

Reûz, s. m., malheur, mbr. reux « souci », cf. peut-être corn. wryth > ryth « malheureux » et wryth « chagrin ». Empr. ag. ancien reuthe « chagrin » > ag. ruth « pitié ». — Conj.

Reûzeûlen, s. f., butte, éminence : dér. de ros. V. ce mot.

Réverzi, s. f., grande marée, cymr. rhyferthwy « tempête », vir. ro-bar-ti, etc., « grande marée » : exactement « poussée en avant », préf. *ro- et rac. BHER « porter » avec suff. V. sous *ra-, aber, kémérout, etc. — Ern.

Révi, vb., geler : dér. de rév > réo V. ce mot.

Revr, s. m., variante de réor. V. ce mot.

Réz, adv., à fleur, à niveau. Empr. fr. ancien rez id.

Ribin, s. f.,. brèche. Empr. lat. rapina[13] (d’où aussi fr. racine).

Ribl, s. m., bord, corn. ryb « à côté ». Empr. lat. ripa et rîpula.

1 Ribla, vb., vagabonder : soit ribla « côtoyer », dér. de ribl, mais influencé sans doute dans un sens péjoratif par 2 ribla.

2 Ribla, vb., filouter, cf. mbr. ribler « brigand ». Empr. fr. (populaire ou argot) ribleur « voleur », et cf. ribaud, d’origine germanique.

Ribot, s. m., baratte. Empr. fr. ribotte id. (Bretagne et Bas-Maine).

Riboul, s. m., pompe : cf. fr. dialectal (Bas-Berry, etc.) rabouiller « tripoter dans l’eau » (Balzac, Un Ménage de Garçon). Abstrait d’empr. fr. probable, mais peu clair et en tous cas altéré.

Ridel, s. m., crible, corn. ridar, cymr. rhidyll, vir. rethar, gael. rideal. Empr. ags. hridder[14] > ag. ridil > ag. moderne riddle.

Riel (C.), s. m., glace, verglas : dér. du même radical que riou.

Richona, vb., gazouiller, caqueter. Empr. fr. popul. richonner « rire » ; cf. fr. ancien rinchon « sifflement du vent », fr. ricaner, rechigner, br. rinchana « beugler », et autres semi-onomatopées. — Ern.

Rimia, vb., frotter, racler (aussi rinvia, etc., et cf. ranvel). Empr. fr. ancien riffer, « griffer, gratter, racler ». — Ern.

Riṅkin, s. m., ris moqueur. Empr. fr. ricaner, et cf. richona.

Riṅchana, vb., meugler. Onomatopée, et cf. richona.

Riṅsa, vb., rincer, fourbir. Empr. fr. (d’origine germanique).

Riot, s. m., querelle. Empr. fr. ancien riote (d’où ag. riot).

Riou, s. m., froid : soit un radical *rinv-, empr. ags. hrîm « gelée » > ag. rime, et contaminé de réô ; ou dialectal pour *rew > réô.

Riska, riskla, vb., glisser : soit un celt. *rit-skô « je glisse », que reproduit à peu près exactement l’al. rut-schen « glisser », mais auquel on ne connaît non plus qu’à rutschen d’autre équivalent. Cf. ruza.

Riva, vb., refroidir : dér. de riou. V. ce mot.

Rizen, s. f., cordon, corniche (aussi rézen). Empr. fr. frise, contaminé de br. réz « de niveau avec ». V. ce mot. — Conj.

(V.), s. m., don, vœu : base du vb. rei. V. ce mot.

Rok, adj., brusque, arrogant. Empr. fr. rogue.

Rokéden, s. f., veste. Empr. normand roquet = fr. rochet. Cf. roched.

Rôd, s. f., roue, corn. ros, cymr. rhod t vir., ir. et gael. roth id. : d’un celt. *rot-o- et *rot-à< cf. gaul. latinisé petor-ritum « char à quatre roues », sk. rath-a « char », lat. rot-a, al. rad et lit. rât-a-s « roue ». V. la rac. sous 1 réd. (Ou tout simplement empr. lat. ?)

Rodella, vb., rouler, enrouler : dér. d’empr. lat. vulgaire rotellus « rouleau », et cf. rodel « boucle » < lat. rotella > fr. rouelle.

Roéṅv, roév, s. f., rame, mbr. roeff, corn. ruif, cymr. rhwyf (cf. vir. ràm qui est authentiquement celtique). Empr. lat. rëmus.

1 Rog, s. m., déchirure, accroc : abstrait de régi[15].

2 Rog, s. f., rogue. Empr. fr. d’origine germanique.

Roched, s. f., chemise d’homme. Empr. fr. rochet d’origine germ. (al. rock).

Roc’h, s. f., rocher, cf. fr. roc et roche. — Étym.inc.[16].

Roc’ha, vb., ronfler, râler, cf. cymr. rhoch « grognement », gael. roc « voix rauque » : contamination, sous la forme *rocc-âre, des empr. lat. roncâre, « grogner, ronfler », et raucàre « émettre un son rauque » ; cf. ag. rook « freux ». V. aussi raouia, roûkel et roûken.

Roll, s. m., rôle, rouleau. Empr. fr. ancien rolle.

Rollec’h, s. m., ornière (rod-lec’h). V. sous rôd et léac’h[17].

Roṅkel, s. f., râle (aussi roc’hken V.). Cf. roc’ha.

Roṅken, s. f., glaire (qui enroue). V. sous roc’ha.

Roṅsé, s. m., cheval, mbr. roncet et roncin. Empr. fr. nasalisé roussin, et cf. en fr. même (Bas-Maine) rose Dn. V. sous bendel.

Rob, s. m., tertre, cymr. rhos « plateau nu », vir. ross, « promontoire, bois », ir. et gael. ros « promontoire » : d’un celt. *rosto-, pour *pro-st-o-, « qui se tient en avant, qui prédomine » (cf. sk. prastha « plateau »), composé de préf. *pro- et rac. STÂ. V. sous *ra- et saô.

Rôst, s. m., rôti. Empr. fr. ancien rost (d’où aussi ag. roast).

Rouanez, s. f., reine, pervenche, clématite (sobriquet) : fm. refait sur une base *rouan-, soit celt. *rëg-enâ (mais la concordance vocalique est en défaut), à peu près identique au lat. rëg-ïna fm. de rëx. V. sous roué.

Rouaṅv (V.), s. f., variante dialectale de roéṅv.

Rouden, s. f., raie, marque : contamination d’un dér. de rôd, soit « ornière », avec l’empr. fr. route au sens de « trace, sentier ».

Roué, s. m., roi, mbr. roe, corn. ruy et ruif, cymr. rhwyf, gaul. -rîx et -rëx à la fin de beaucoup de noms propres : soit un celt. *rëg- > *rïg- y sk. râj et ràj-an « roi », lat. rëx, vir. ri (gén. rig), got. reik-s « chef » (empr. celt.), d’une forme allongée de la rac. qu’on trouvera sous reiz.

Roued, s. f., filet, corn. ros, cymr. rhwyd, vbr. pl. roit-ou. Empr. lat. rëtia « filets », pl. nt pris pour un fm. sg.

Rouez, adj., clair, rare, cymr. rhwydd, vbr. ruid, « vide, libre », vir. réid, ir. et gael. réidh « uni » : proprement « chevauchable, carrossable », d’un celt. *reid-i-, cf. got. ga-râid-s « bien disposé », ag* read-y et al. be-reit « prêt » ; tous issus de rac. REIDH, cf. ag. to ride et al. reiten « chevaucher », vir. riad-ai-m « je me fais voiturer », gaul. latinisé rēda « char » ; exclusivement celto-germanique. — Uhlenbeck.

Roufen, s. f., ride, froncis. Empr. ag. ruff « froncis ».

Rouñ, s. m., gale. Empr. fr. rogne.

Rousin, s. m., résine. Empr. fr. altéré, ou ag. rosin.

Roz, s. m., rose. Empr. fr. rose ou lat. rosa.

Rozel, s. f., instrument à étendre et aplatir (raser) la pâte : soit un bas-lat. *rāsella, de lat. rādere. Cf. 4 râz, qui est celtique.

Rufla, vb., humer, renifler. Empr. fr. populaire r’nifler.

Rujôden, s. f., rouge-gorge : pour rûz-jôd-en. V. ces mots.

Ruḷa, vb., rouler, mbr. ruilhal, etc. Empr. roman *rodulyāre > *roûllar, dér. de lat. rotulus ou *rotillus, etc.[18] Ou simplement fr. rouller.

Rumm, s. m., nombre, espèce, génération, mbr. rum « bande ». Il importe de bien préciser la relation de ce mot avec ses quasi-homophones ou quasi-synonymes. On distinguera : 1° br. ra-m, qui peut procéder d’un celt. *roi-mo- et dont le seul répondant à ce degré vocalique est corn. ru-th « foule » ; 2° le cymr. rhi-f « nombre » et cyf-rif « calcul », qui ramène à un type de même rac, soit *rl-mo-, que reproduit ags. rim « nombre » et al. reim « cadence », cf. gr. ἀ-ριθ-μό-ς à rac. réduite (mais avec une épenthèse inexplicable) ; 3° enfin, sans rapport avec ceux-ci, vbr. pl. ruimmein et cymr. rhwym « lien », dont on ne sait que penser, mais qu’en tout cas il faut séparer de *rigmen-, dér. nt. d’une rac. RIG « lier », cf. vir. ad-riug et con-riug « je lie », lat. (peut-être empr. gaul.) cor-rig-ia « courroie », en sorte qu’il n’y a qu’homonymie superficielle entre cymr. cyfrifeX br. kéfré. V. ce dernier mot[19].

Rûn, s. m., colline, mbr. reân id. : soit un celt. *roino-, perdu ailleurs qu’en br. ; cf. al. rain « éminencc », d’où fr. ancien rain.

Rusk, ruskl, s. m., écorce, corn. ruse, cymr. rhisg, vir. rdsc, ir. ruse, gael. rùsg, gaul. romanisé *rûsca id.[20] : le mot parait celtique, mais emprunté au rameau irlandais par le corno-breton, qui autrement aurait Vi cymrique ; on ne lui connaît nulle part d’équivalent.

Rusken, s. f., ruche (faite d’écorce) : dér. de rusk.

Rusia, vb., rougir (aussi ruia T., C, ruein V.). Cf. rûz.

Rust, adj., rude, brutal. Empr. fr. rustre.

Rustériou, s. f. pl., hémorrhoïdes : altéré, par l’influence de rûz, pour mbr. rudher, qui paraît se rattacher, comme gael. ruith- « flux » ( ?), à la rac. « courir > couler » qu’on trouvera sous 1 réd. — Ern.

Rûz, adj., rouge, corn. rudh, cymr. rhûdd, vir. rûad, ir. et gael. ruadh id. : d’un celt. *roud-o-> dér. de rac. RUDH, sk. loh-â, ràh-ita et rudhirâ, « rouge, sang », gr. ἔ-ρευθ-ος « rougeur » et ἐ-ρυθ-ρό-ς « rouge », lat. ruf-u-s (empr. d’autres dialectes italiques) et rub-er, got ràuth-s, ags. rêad > ag. red, vhal. rôt > al. rot, lit. raud-à « rougeur », etc.

Ruza, vb., glisser, se glisser, ramper, cf. mbr. rusaffa tromper ». Empr. fr. ancien reûser > ruser[21] « faire des détours pour tromper la meute » (de la bête de chasse qui rentre en cachette au gîte). — Ern.

Ruzel, s. f., rougeole : dér. de râz.

Ruziéruz, s. m., liseron : dér. probable de ruza.

  1. Le sens peut être pris à la lettre : au mois d’août on a l’automne devant soi.
  2. La rac. bien connue MED « mesurer » (lat. mod-iu-s « boisseau », got. mit-an, ag. to mete, al. mess-en, etc.) n’a pas laissé de descendant direct en breton.
  3. D’où aussi fr. raine (rue Chantereine) et rainette.
  4. Comme gr. ὄργυια « brasse » paraît se rattacher à ὀρέγω « tendre », et cf. fr. toise lat. populaire tēsa ppe de tendere.
  5. Ou contamination de *raok-hin « limite d’avaut » (cf. 1 rak et araok) par *roll-hin » rouleau-limite » ?
  6. « Qui sert d’intermédiaire pour la compréhension ».
  7. Ré est pris pour marque de pluriel, en sorte que la locution eur ré indique que l’objet est à la fois unité et pluralité. Au surplus, le cymr. rhyw est un substantif qui signifie proprement « espèoe ».
  8. Ou féminine, soit gaulois latinisé *rica, d’où viennent ital. riga « ligne », fr. raie et rigole, etc.
  9. Pour la première hypothèse, remarquer que la locution « cela s’interpose » aboutit aisément au sens de « cela est nécessaire » ; pour la seconde, comparer le fr. « il faut », qui étymologiquement veut dire « il manque ». Mais, dans l’une et dans l’autre, il reste des complications et des obscurités.
  10. Stokes. Mais ailleurs il pose un celt. *rb-ra apparenté an lat. orb-i-s.
  11. C’est en regardant l’est que s’orientent les peuples primitifs.
  12. Prononcer roued, et pour le vocalisme comparer reûstla.
  13. Donnant accès à une bête de proie (conj. Ern.) ; mais peut-être plus simplement variante de révin < empr. fr. ruine.
  14. Dér. de la rac. qu’on trouvera sous karza, krouer, etc.
  15. D’après le rapport de skei à skô, de rei à rà, etc. V. ces mots.
  16. Ag. rock est sûrement empr. fr. roc, et ir.-gael. roc peut fort bien être empr. ag. rock. Dans ces conditions, il est impossible de savoir si le roman rocca vient du celtique, ou si br. roc’h, malgré son c’h, est empr. fr. roc.
  17. « Place de la roue ». Mais néanmoins contamination évidente de rolla « rouler ».
  18. On voit que les congénères du fr. rouler datent en br. d’époques fort différentes : l’ordre chronologique de formation ou d’emprunt est rôd — rodel — rua — roll.
  19. Il est possible qu’il se soit produit, entre la plupart de ces mots, des contaminations très anciennes et par conséquent indéterminables.
  20. Qui semble attesté par l’ital. (dialectal) rusca et le provençal rusco « écorce d, le fr. ru&che a ruche ». V. le suivant.
  21. Peu probable, si ce mot est contenu dans keûruz, qui est un composé de type ancien. Serait-ce un celt. primitif *roud-o « je glisse », recelant à l’état fléchi la rac. inconnue qui se cache aussi dans l’ai, rutschenl Cf. riskla.