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Loi du 12 février 1872

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12 février 1872


Ministère de la Justice


L’Assemblée nationale a adopté, Le Président de la République Française promulgue la Loi dont la teneur suit :


Article premier

Les Actes de l’État Civil de Paris et des Communes y annexées en 1859, dont les Registres ont été détruits pendant la dernière insurrection, seront reconstitués. Ce travail portera sur tous les actes antérieurs ou postérieurs à la loi de 1792 jusqu’en 1860, et, pour la Mairie du XIIe arrondissement (Bercy), depuis le 1er janvier 1870 jusqu’au 25 mai 1871.

Article 2

Une Commission, nommée par le Ministre de la Justice, sera chargée de la reconstitution des actes mentionnés en l’article précédent. Ces actes seront rétablis :

1o D’après les extraits des anciens registres délivrés conformes ;

2o Sur les déclarations des personnes intéressées ou des tiers et d’après les documents qui auront été déposés à l’appui ;

3o D’après les registres tenus par les Ministres des différents Cultes, les registres des hôpitaux et des Cimetières, les Tables de décès rédigées par l’administration des Domaines et toutes les pièces qui peuvent reproduire la substance de ces actes authentiques.

La Commission surveillera et contrôlera les travaux préparatoires faits par les soins de l’Administration.

Pour prendre ses décisions, elle pourra se diviser en sections de trois Membres au moins.

Article 3

Il sera dressé procès-verbal de chaque séance tenue par la Commission ou par une section de la Commission.

Ce procès-verbal, écrit sur un registre spécial et signé du Président de la Commission ou de la section, mentionnera sommairement chacune des décisions prises dans la séance.

Les actes admis par la Commission seront signés par un de ses Membres. Ceux dont l’authenticité aura été reconnue auront toute la valeur probante que leur attribue le Code civil ; les actes établis par la Commission feront foi jusqu’à preuve du contraire.

Article 4

En cas de rejet par la Commission, soit des extraits produits, soit des demandes en rétablissement d’actes, avis en sera donné dans la huitaine au déposant ou déclarant. En cas de contestation, il sera statué par le Tribunal de première instance qui pourra être saisi par les parties intéressées ou d’office par le Ministère public.

Article 5

Toute contestation sera instruite sans frais et jugée conformément aux articles 46, 99, 100 et 101 du Code Civil et 855 et suivants du Code de procédure.

Article 6

Toute personne qui détient, à quelque titre que ce soit, un extrait authentique d’un acte de naissance, de reconnaissance d’enfant naturel, de mariage, de divorce ou de décès, dressé dans le temps et dans les lieux ci-dessus marqués, devra, dans le délai d’un an à partir de la promulgation de la présente loi, en effectuer la remise ou l’envoi au dépôt central établi à cet effet à Paris.

Un récépissé sera délivré au moment de la remise. Après que la pièce aura été soumise à la Commission et au plus tard dans le délai d’un mois, ce récépissé sera échangé gratuitement contre une expédition sur papier libre qui fera la même foi que la pièce déposée.

Ce récépissé contiendra les indications suivantes :

1o Le numéro de l’arrondissement, ou le nom de l’ancienne Commune ou de l’ancienne paroisse ;

2o Pour les actes de naissance, l’année et le jour de la naissance, les nom et prénoms de l’enfant, les noms et prénoms de ses père et mère légitimes ou naturels.

Pour les actes de mariage ou de divorce, l’année et le jour du mariage ou du divorce, les noms et prénoms des époux et de leurs pères et mères.

Pour les actes de décès, l’année et le jour de la mort, les nom, prénoms et âge du défunt ; s’il était marié, veuf ou célibataire.

Si, à la suite de l’acte déposé, il y a une mention de reconnaissance, d’adoption, de rectification ordonnée par jugement, le récépissé contiendra l’extrait de cette mention.

Dans les départements autres que celui de la Seine, le détenteur pourra faire la remise des extraits ci-dessus mentionnés, soit à la Mairie, soit à la Justice de paix, soit au greffe du Tribunal Civil du lieu de sa résident, et, à l’Étranger, aux Chancelleries des Ambassades ou des Consulats. Il lui en sera donné, sur papier libre, une copie dûment certifiée qui servira de récépissé et qui sera échangée gratuitement contre l’expédition dont il est parlé au deuxième paragraphe du présent article.

Article 7

Toute personne qui détient plusieurs extraits du même acte de l’État Civil, dressés dans les lieux et dans les périodes ci-dessus indiqués, devra, dans le délai fixé et selon le mode déterminé par l’article précédent, les remettre ou les envoyer tous au dépôt central. Un de ces extraits sera gardé afin de servir d’original pour la confection des nouveaux registres. Les autres seront rendus au détenteur après avoir été marqués d’une estampille.

Article 8

Les administrations et tous les établissements publics, tels que Lycées, Collèges, Facultés, Écoles spéciales qui ont dans leurs archives des extraits d’actes de l’État Civil énoncés en l’article premier, devront les remettre ou les faire parvenir au dépôt central dans les formes ci-dessus indiquées.

Article 9

Tout fonctionnaire de l’Ordre administratif ou judiciaire, tout officier public ou ministériel, tout greffier, tout sequestre et administrateur judiciaire auquel sera remis, pour en faire usage, un extrait, non revêtu de l’estampille, d’un des actes indiqués dans l’article premier, devra en effectuer la remise ou l’envoi, conformément à l’article 6, dans le délai de trente jours.

Article 10

Tout Juge de paix qui, en dressant un procès- verbal de description après décès, tout Notaire ou tout Syndic de faillite, qui, en procédant à la confection d’un inventaire, un extrait d’un des actes indiqués en l’article premier, sera tenu d’en effectuer la remise ou l’envoi, conformément à l’article 6, dans les trente jours de la clôture des opérations.

Article 11

Si l’extrait d’un des actes de l’État-Civil indiqués dans l’article premier est trouvé dans les papiers d’une personne décédée avant ou sans qu’il y ait eu de procès-verbal de description ou d’inventaire, les héritiers ou ayant-cause à titre universel du défunt devront en effectuer la remise ou l’envoi conformément à l’article 6, dans le délai de six mois à partir de l’ouverture de la succession.

Dans tous les cas prévus par les articles 7, 9, 10 et 11, des récépissé ou des copies, selon les distinctions établies dans l’article 6, seront délivrées au moment du dépôt et changés, dans le délai d’un mois, contre des expéditions sur papier libre qui feront la même foi que les pièces déposées.

Quant aux dépôts faits par les administrations ou les établissements dont il est question dans l’article 8, il leur en sera délivré récépissé ; les expéditions ne seront échangées contre ces récépissés que sur une demande spéciale.

Article 12

Les Notaires tiendront leurs minutes à la disposition des vérificateurs ou employés de l’Enregistrement qui auront le droit d’y rechercher les extraits d’actes de l’État Civil déposés pour minutes ou annexés à d’autres actes antérieurement à la présente loi. Une copie certifiée des des extraits signalés par ces employés, ou réclamés par la Commission, sera délivrée sur papier libre et sans honoraires par le Notaire, et remise au dépôt central où elle restera.

Article 13

Un recensement sera fait à Paris par les soins des Maires de chacun des vingt arrondissements, à l’effet de recueillir dans chaque famille, en ce qui la concerne, la déclaration des naissances, mariages ou décès, dont les actes ont été détruits, avec l’indication des pièces qui peuvent aider à les refaire, ou des registres, tels que ceux des paroisses qui en ont gardé la mention. À la suite de ce recensement, les chefs de famille ou toutes autres personnes pourront être appelés, et, dans certains cas, devront se rendre devant la Commission pour compléter leur déclaration et produire les pièces à l’appui.

Dans les départements, toute personne majeure, née ou ayant contracté mariage à Paris ou dans les Communes annexées, devra, dans le délai de trois mois à partir de la promulgation de la présente loi, se présenter devant l’Officier de l’État Civil du lieu de son domicile ou de sa résidence, pour y faire une déclaration sur son état civil. Les père et mère d’enfants naturels devront faire semblable déclaration. La déclaration pour les mineurs, les femmes mariées et les autres incapables, sera faite par les tuteurs, maris ou représentants légaux.

Article 14

Ces déclarations contiendront les mentions essentielles aux divers actes de l’Etat Civil qu’elles auront pour objet de reproduire. Il y sera dit si la trace peut en être retrouvée dans les registres tenus par les Ministres des différents Cultes. Elles seront signées, après lecture, par la personne comparante, par le délégué ou par l’Officier Civil ; et, si le déclarant ne peut signer, mention en sera faite.

Elles seront adressées, avec copie ou extrait des pièces qui seraient présentées à l’appui, au dépôt central dont il est parlé ci-dessous.

Il sera donné au déclarant certificat de sa déclaration.

Hors de France, les déclarations seront reçues aux Ambassades, Légations ou Consulats, et expédiées à Paris dans les mêmes formes.

Article 15

L’envoi des extraits et des pièces ou déclaration sus- mentionnées sera fait par la poste, sans frais, avec toutes les garanties assurées aux lettres chargées.

Article 16

Indépendamment des extraits produits ou des déclarations faites par les particuliers, il sera procédé à la reconstitution des actes de l’Etat Civil au moyen des papiers publics que l’Administration possède ou des registres qu’elle se fera céder.

À cet effet, les doubles des registres tenus par les Ministres des différents Cultes seront remis en communication au dépôt central, pendant le tems nécessaire pour en prendre copie.

Article 17

Tout extrait authentique, toute déclaration reçue, toute pièce déposée ou envoyée du dehors pour la reconstitution des actes de l’Etat Civil, sera, à la date de l’arrivée, mentionnée sommairement sur un livre d’entrée avec un numéro d’ordre qui sera reproduit sur la pièce.

Article 18

Les extraits dont l’authenticité aura été reconnue, les déclarations admises par décision de la Commission, et les actes rétablis d’office, seront distribués en trois grandes divisions : 1o naissances, reconnaissances d’enfants et adoptions ; 2o mariages et divorces ; 3o décès, et rangés, selon leur date, en des portefeuilles correspondant, pour chacune de ces divisions, à chaque année ou partie d’année ; en attendant que le travail soit jugé assez avancé pour qu’ils soient reliés en registres.

Ces portefeuilles et ces registres constitueront le dépôt de l’Hôtel-de-ville.

Les doubles de ces actes, quand il en existera, ou les copies qui en seront faites, ainsi que les copies des actes rétablis de la Commission, formeront une seconde collection qui sera déposée au greffe du Tribunal de 1re instance. Après la confection des registres, les tables décennales seront rédigées d’après les fiches qui auront été dressées à mesure que les actes auront été admis.

Article 19

Toute personne qui aura sciemment retenu un extrait authentique, contrairement à l’article 6, ou qui aura négligé de remplir les prescriptions des articles 8, 9, 10 et 11, sera punie d’une amende de seize francs (16 fr.) à trois cents francs (300 fr.).

Toute personne qui n’aura pas fait les déclarations prescrites par les articles 13 et 14 pourra être punie de la même peine, sans préjudice de l’application de l’article 21 ci-après, s’il y a lieu.

Article 20

Quiconque aura caché, recelé, soustrait ou détruit un extrait d’un des actes indiqués dans l’article 1er, en vue de modifier ou de supprimer l’état civil d’une personne, sera puni de la réclusion.

Si l’acte a été caché, recelé, soustrait ou détruit, dans le desseins d’intervertir l’ordre de dévolution d’une succession ou en vue d’une combinaison frauduleuse quelconque, sans toutefois qu’il en résulte une modification ou une suppression d’état civil, la peine sera d’un an à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de cinquante francs (50 fr) à Trois mille (3.000 fr.).

Les mêmes peines seront prononcées, d’après les mêmes distinctions, contre tout individu qui, dans le dessein de modifier ou de supprimer l’état civil d’une personne, ou en vue d’une autre combinaison frauduleuse, aura fait une fausse déclaration ;

Sans préjudice de l’application des dispositions du Code pénal dans le cas où une infraction aux prescriptions de la présente loi se rattacherait à un acte qualifié crime ou délit.

Article 21

Les pères, mères, ou tuteurs, sont tenus de déclarer à la Mairie de leurs Communes respectives, la date de la naissance de leurs enfants ou pupilles soumis aux lois sur le recrutement de l’armée, et dont les actes de naissance, incendiés ou détruits, n’auraient pas été rétablis en vertu de la présente loi.

Cette déclaration aura lieu dans l’année qui précèdera celle de l’obligation sous les peines portées en l’article 38, titre IV de la loi du 21 Mars 1832.

Pour la Classe de 1871, la déclaration sera faite dans le délai de quinze jours à partir de la date de la promulgation de la loi d’appel.

Il n’est rien innové, en ce qui touche les obligations résultant pour les pères, mères, tuteurs et jeunes gens des dispositions des lois sur le recrutement.

Article 22

L’article du Code pénal est applicable aux peines édictées par la présente loi.

Article 23

Il sera fait par les soins des Maires des arrondissements de Paris, une copie littérale des registres de l’Etat civil des années 1860 à 1871 conservés dans les Mairies, et dont le double a été détruit dans l’incendie du Palais-de-Justice.

Chacun des actes recopiés sera signé par le Maire ou par l’un des Adjoints. La signature du Maire ou Adjoint sera précédée des mots : Pour copie conforme en remplacement de la Minute détruite pendant l’insurrection de 1871.

Après l’achèvement du travail, les doubles collationnés seront déposés au Greffe du Tribunal civil.

Il sera également fait, par les soins des Maires des Communes des arrondissements de Saint-Denis et de Sceaux, une copie littérale des registres de l’Etat Civil dont l’un des doubles est resté en leur possession, copie qui sera déposée au Palais-de-Justice à l’effet de remplacer la copie incendiée.

Article 24

Les registres destinés à recevoir les actes transcrits ou refaits en exécution de la présente loi seront exempts du timbre.

Article 25

Les dépenses auxquelles donnera lieu l’exécution de la présente loi seront supportées pour moitié par l’Etat et pour moitié par la ville de Paris et par les Communes des Arrondissements de Sceaux et de Saint-Denis en ce qui les concerne.

Article 26

Un Arrêté ministériel déterminera le mode d’exécution de la présente loi et fixera les indemnités à allouer aux Officiers publics, en raison des obligations qu’elle leur impose.

Délibéré en séance publique, à Versailles, le douze février mil huit cent soixante douze.

Le Président,
Signé : Jules Grévy


Les Secrétaires,
Bon de Barante, Vte de Meaux
Paul Bethmont, Paul de Rémusat


Le Président de la république,
A Thiers


Le Garde des Sceaux,
Ministre de la Justice
J Dufaure