Lotus de la bonne loi/Appendice 8

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Lotus de la bonne loi
Version du soûtra du Lotus traduite directement à partir de l’original indien en sanscrit.
Traduction par Eugène Burnouf.
Librairie orientale et américaine (p. 553-647).
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No VIII.
SUR LES TRENTE-DEUX SIGNES CARACTÉRISTIQUES D’UN GRAND HOMME.
(Ci-dessus, chap. ii, f. 29 b, p. 356.)

Comme le sujet dont j’ai traité dans la présente note est assez varié, j’ai cru nécessaire, pour faciliter les recherches du lecteur, de diviser cette note en sections distinctes où se trouveront réunies les matières de même nature. J’examinerai donc, dans une première section, les trente-deux signes caractéristiques d’un grand homme ; dans une seconde, les quatre-vingts signes secondaires ; dans une troisième section, je donnerai un court résumé des deux sections précédentes ; et enfin dans une quatrième, j’examinerai ce, que nous apprennent les Buddhistes sur l’empreinte du pied de Buddha, qu’on dit exister à Ceylan et dans d’autres contrées de l’Inde transgangétique.


SECTION Ire.
DES TRENTE-DEUX SIGNES CARACTÉRISTIQUES.

Il est fréquemment question chez les Buddhistes de ce qu’on nomme les trente-deux Mahâpuracha lakchaṇâni, ou « signes caractéristiques d’un grand homme, » et les Buddhistes du Sud comme ceux du Nord les rappellent, à tout instant. Ce sont des caractères extérieurs et des particularités de conformation qui constituent la supériorité physique et la beauté d’un Buddha. Il y a déjà bien des années, et lorsque l’étude du Buddhisme commençait à peine, l’attention des orientalistes fut attirée sur un de ces caractères, sur celui qu’offre la chevelure frisée des statues du Buddha, que l’on connaissait par les Singhalais, les Barmans, les Chinois et les Mongols. Privés, comme les érudits l’étaient alors, de la connaissance des textes originaux, et n’ayant pas le moyen de vérifier le degré de confiance qu’il était permis d’accorder aux exposés de Deshauterayes, de Pallas et d’autres voyageurs, les orientalistes se trouvaient naturellement portés à chercher dans l’étude des caractères extérieurs qui distinguent ces statues, la solution des questions relatives à la race et à la patrie de celui dont elles représentent l’image. Mais nous pouvons déjà dire qu’ils eurent tort de s’en tenir uniquement à cet ordre de considérations, et que c’était trop se hâter que d’en conclure si vite que /le fondateur du Buddhisme appartenait à la race nègre[1].

Les premières objections qu’on fit contre cette hypothèse furent empruntées à l’ordre de considérations mêmes sur lesquelles elle s’était appuyée ; c’était à l’aide d’un caractère physique constaté sur les statues du Buddha qu’on avait cru pouvoir établir son origine africaine ; ce fut également par l’énumération des signes caractéristiques d’un Buddha qu’on répondit qu’il devait être Indien. On verra plus bas jusqu’à quel point il est possible de porter ici la précision, si l’on veut arriver à des conclusions qui puissent être acceptées par l’ethnographie. En ce moment il me suffit de rappeler comment on fut conduit à faire de l’étude des caractères physiques d’un Buddha une question de premier ordre, au début des recherches dont le Buddhisme était devenu l’objet dès le commencement de notre siècle.

Ce fut M. A. Rémusat qui insista avec le plus de force sur la nécessité de cette étude, et qui contribua le plus efficacement à ruiner l’hypothèse africaine dans son Mémoire sur les signes caractéristiques d’un Buddha[2]. Il avait trouvé ces signes dans le Vocabulaire pentaglotte buddhique, recueil de catégories ou de termes philosophiques et religieux, dont la base est un catalogue par ordre de matières conçu d’après le plan des lexiques indiens[3]. Il traduisit les deux sections de cet ouvrage, qui énumèrent les trente-deux signes caractéristiques d’un grand homme et les quatre-vingts signes secondaires ; puis analysant d’une manière habile un grand nombre des articles de cette double énumération, il s’efforça de montrer qu’aucun d’eux ne pouvait s’appliquer au type africain. Plus récemment la question vient d’être reprise, mais d’une manière plus générale, par un des ethnographes les plus accrédités le Dr J. C. Prichard, qui dans une dissertation approfondie sur les diverses races de l’Inde, a définitivement démontré qu’aucune d’elles n’avait une origine africaine[4]. Ses conclusions méritent en ce point d’autant plus d’attention, qu’au commencement de ses recherches il inclinait vers ce sentiment, que les aborigènes de l’Inde étaient une race de nègres ou un. peuple caractérisé par une chevelure laineuse et par les traits que l’on rapporte généralement au type africain. Après un examen consciencieux des arguments qu’on pourrait faire valoir en faveur de cette hypothèse, il se décide formellement pour la négative. Selon lui, non-seulement la race indo-arienne pure ne peut en aucune façon être ramenée au type du nègre, mais ces tribus presque barbares elles-mêmes, qui dispersées dans les districts montagneux de l’Hindoustan, passent à bon droit pour les restes de la population primitive, ne peuvent davantage être ramenées à ce type, parce qu’elles ne possèdent aucun des traits qui caractérisent le nègre africain. Appliquée à la question spéciale qui doit seule nous occuper ici, celle des caractères physiques du Buddha, la solution générale donnée par J. G.Prichard nous autorise à dire que quelle que soit la race à laquelle ait appartenu Çâkyamuni, qu’il soit sorti d’une tribu ario-indienne pure ou d’une famille d’aborigènes, il ne doit pas plus dans un cas que dans l’autre être considéré comme un Africain.

Il ne m’appartient pas d’insister davantage sur le côté physique de la question, et je dois me hâter de reprendre le sujet spécial de cette note, qui est de montrer ce que nous apprennent les textes buddhiques sur ces deux énumérations des caractères extérieurs d’un Buddha dont l’ensemble monte à cent douze. J’ai dit tout à l’heure que c’est au Vocabulaire pentaglotte des Chinois que M. Rémusat les avait empruntés ; leur authenticité n’eut donc d’abord d’autre garantie que celle de ce recueil même. J’avouerai volontiers avec I. J. Schmidt que M. Rémusat s’exagéra quelquefois à ses propres yeux l’importance de ce recueil, et qu’il céda même, involontairement sans doute, à la tentation de faire croire qu’on y trouvait plus qu’il ne donne en réalité. Mais il faut être juste aussi et tenir compte des temps. et des faibles secours qui étaient alors entre les mains des érudits. Quelle ne devait pas être la satisfaction de M. Rémusat, lorsque convaincu comme il l’était de l’origine purement indienne du Buddhisme, il découvrait une liste considérable de termes sanscrits relatifs à cette doctrine, et restituait ainsi aux idées qu’il ne pouvait apercevoir qu’à travers une interprétation étrangère, leur forme et leur expression originales ! Personne alors ne pouvait pressentir les belles découvertes de M. Hodgson ; rien ne donnait lieu de prévoir que la plus grande partie des écritures buddhiques originales dût être un jour retrouvée en sanscrit et en pâli. L’obscurité où restaient encore ensevelis ces monuments littéraires faisait en réalité la plus grande partie de la valeur du Vocabulaire pentaglotte. Aujourd’hui qu’ils sont plus accessibles, cette valeur est, il faut le reconnaître, singulièrement diminuée. Le Vocabulaire pentaglotte n’est plus qu’une compilation moderne, exécutée dans la seconde moitié du dernier siècle[5], d’après des matériaux plus anciens ; et son autorité repose uniquement sur la plus ou moins grande conformité qu’il offre avec ces matériaux, dont la source, en ce qui regarde l’Inde, doit être cherchée plutôt dans les livres sanscrits du Népal, que dans les livres pâlis de Ceylan. Ajoutons que le copiste auquel est due la partie sanscrite de ce vocabulaire ignorait complètement non-seulement le sanscrit, mais même les règles les plus vulgaires de l’orthographe indienne, que même il n’est pas certain qu’il ait su lire parfaitement les listes originales qu’il était chargé de transcrire ; ou bien que s’il les a exactement lues, c’est jusqu’à ces listes elles-mêmes qu’il faut faire remonter le reproche de négligence et d’inexactitude.

La valeur du Vocabulaire pentaglotte est encore diminuée davantage par la connaissance que nous avons aujourd’hui du grand Dictionnaire sanscrit-tibétain buddhique, dont mon savant confrère, M. Stanislas Julien, a obtenu la communication de l’Académie de Saint-Pétersbourg, et dont M. Foucaux a exécuté une belle et exacte copie pour la Bibliothèque nationale. Ce recueil surpasse beaucoup en étendue le Vocabulaire pentaglotte ; et quoiqu’il ne soit pas exempt d’erreurs, et d’erreurs quelquefois assez graves, la variété et l’abondance des matériaux qu’il renferme en rachètent en partie les imperfections.

Après ces observations, le lecteur sera moins surpris de me voir critiquer si fréquemment les phrases sanscrites du Vocabulaire pentaglotte, quoique je continue de reconnaître que c’est ce recueil qui donna le premier aux orientalistes le moyen d’étudier ce que les sectateurs du Buddha Çâkyamuni ont entendu exprimer anciennement par les signes caractéristiques d’un grand homme, et spécialement d’un monarque souverain et d’un Buddha. Longtemps après la publication qu’A. Rémusat avait faite de ces signes, d’après cette compilation trop souvent fautive, M. Hodgson en donna : de nouveau la liste en caractères dévanâgaris ; il l’avait empruntée à un ouvrage découvert par lui au Népal et intitulé Dharma saggraha, sorte de catalogue raisonné de la terminologie religieuse et philosophique des Buddhistes népalais. Cette liste fut insérée par M. Hodgson dans deux recueils anglais, le Journal de la Société asiatique de Londres[6], et plus tard dans le Journal de la Société asiatique du Bengale[7]. C’est à ces deux recueils que j’emprunterai les termes dont je vais m’occuper tout à l’heure.

Les trente-deux caractères de beauté sont encore énumérés par le Lalita vistara, ouvrage dont nous possédons à Paris plusieurs exemplaires manuscrits, sans compter la version tibétaine, dont M. Foucaux a publié récemment une traduction française. Cette circonstance est intéressante pour la question qui nous occupe. Elle nous prouve que la liste en question est admise par les livres canoniques eux-mêmes, qu’elle en partage l’autorité, qu’elle est conséquemment plus qu’une de ces énumérations populaires qu’on rencontre dans quelques parties de la littérature brahmanique, sans en pouvoir retrouver l’origine ni en vérifier rigoureusement l’authenticité. On verra par les observations qui vont suivre le genre de secours que m’a fourni l’étude de l’énumération que j’ai empruntée au chapitre VII du Lalita vistara[8].

Ce n’est pas tout encore : à ces documents que nous devons aux Buddhistes népalais et tibétains, il nous est possible d’en joindre d’aussi nombreux et de non moins authentiques, puisés aux sources singhalaises. Ce fait est déjà par lui-même très-digne d’attention ; il nous apprend qu’il n’existe parmi les Buddhistes de toutes les écoles, parmi ceux du Nord comme parmi ceux du Sud, qu’une seule et même manière d’envisager les caractères physiques du fondateur et du chef de la doctrine. S’il se présente quelques différences dans les descriptions des Buddhistes de Ceylan, comparées avec celles des Buddhistes du Népal, il nous faudra sans doute en tenir compte, et les apprécier, s’il se peut, à leur véritable valeur. Mais si ces deux ordres de descriptions s’accordent complètement, pu seulement dans leurs traits vraiment caractéristiques, il en devra résulter que le type physique du Buddha n’a pas été tracé arbitrairement, au Nord sur le modèle de.la nature tibétaine, au Sud sur celui de la nature singhalaise ; mais que les Buddhistes tibétains, comme les Singhalais, ont conservé le souvenir et la description d’un type unique, observé et reproduit par l'art et le langage, antérieurement aux événements qui ont partagé le Buddtisme en deux écoles, celle du Nord et celle du Sud.

Les descriptions des caractères physiques du Buddha sont fréquentes dans les livres de Ceylan, et elles nous sont données par des traités d'une authenticité au moins égale et d'une antiquité probablement supérieure à celles du Lalita Vistara, Premièrement, un Sutta du recueil intitulé Digha nikâya, le Lakkhana sutta, est consacré tout entier à l'énumération des trente-deux signes de beauté, et à l'indication des vertus, qui en assurent la possession à l'homme ami de. la morale et du devoir[9]. Cette énumération se retrouve, quoique avec moins de développement, vers la fin an Mahâpadhâna sutta de la même collection[10]. Enfin elle paraît au commencement du Dharma pradxpikâ, ouvrage composé en singhalais vulgaire, mais entremêlé de textes empruntés à des ouvrages religieux écrits en pâli[11]. Voilà les six sources, dont trois sont sanscrites et trois pâlies, mais qui toutes six sont indiennes, auxquelles j'emprunterai les éléments des analyses qui vont suivre. Je dis six sources d'après les livres, où paraissent les listes des caractères ; mais je puis, en réalité, comparer entre elles sept de ces listes, parce que le Lakkhana sntia nous en offre à lui seul deux qui diffèrent et par l'ordre, et par le développement. La première de ces deux listes énumère les. trente-deux caractères d'un Buddha, à la suite les uns des autres et d'ordinaire sans aucun développement. La seconde liste, au contraire, en nous indiquant à la pratique de quelles vertus est due la possession de ces caractères, les développe quelquefois par une sorte de glose, les groupe souvent deux par deux ou trois par trois, et les dispose dans un ordre un peu différent de celui de la première liste. Ces différences n'ont pas toujours une grande importance ; je les noterai cependant chaque fois qu'elles se présenteront, parce qu'il pourra être de quelque intérêt plus tard de constater lequel de ces divers ordres ont suivi les Buddhistes étrangers à Un de, comme les Chinois, les Tibétains et les Mongols. Je n'omettrai pas davantage les différences que présente la classification des listes du Sud, comparée à celle des listes du Nord, prises les unes et les autres dans leur ensemble. Ces remarques me fourniront enfin les éléments d'un tableau comparatif et d'un, résumé qui mettra le lecteur à même d'apprécier la valeur relative de ces diverses classifications.

Je commencerai par la liste du Lalita vistara, non pas que je la croie en elle-même ou plus ancienne ou plus régulière que la classification des livres de Ceylan, mais parce qu'elle est empruntée à un livré qui jouit d'une autorité considérable parmi les Buddhistes du Nord, qu'elle est écrite en sanscrit, circonstanee qui nous garantit une plus grande exactitude pour ce qui regarde la composition et l'orthographe des termes, enfin parce que vérifiable sur trois manuscrits et comparable à une traduction tibétaine, elle est beaucoup plus correcte que la liste du Vocabulaire pentaglotte et même que celle du Dharma saggraha qu'a extraite M. Hodgson. Un numéro placé à gauche de chaque terme marquera l'ordre de ce terme dans cette liste ; pour les six autres listes, j'emploierai les abréviations suivantes : les numéros 1, 2, 3, 4, etc. précédés d'un V, de cette manière, V1, V2, V3, etc. indiqueront le Vocabulaire pentaglotte ; d’un H, de cette manière, H1, H2, H3, etc. la liste de M. Hodgson ; d’un Le, de cette manière, Lc1, Lc2, Lc3, etc. la liste commentée du Lakkhaṇa sutta pâli ; d’un L, de cette manière, L1, L2, L3, etc. la liste non commentée du même ouvrage ; d’un M, de cette manière, M1, M2, M3, etc. la liste du Mahapadhâna sutta ; d’un D, de cette manière, Di, D2’, D3, etc. la liste du Dharma pradîpikâ singhalais.

1 Uckṇichaçîrchaḥ ; V1, H 23, uchṇîchaçiraskatâ ; Lc23, L32, M31, D32 uṇhîsasîsô. Malgré l’apparente clarté des termes dont se compose ce premier caractère, il n’est pas facile de déterminer ce qu’il y faut voir en réalité. Selon Wilson, uchṇicha signifie 1° « un turban, » puis 2° « les cheveux frisés avec lesquels un Buddha vient ^u inonde et qui indiquent sa « sainteté future[12]. » Nous aurions donc dès l’abord le choix entre ces deux interprétations, « il a un turban sur la tête, » ou « il a sur la tête une chevelure frisée. » Mais il n’y a aucun doute que la première interprétation ne doive être abandonnée, parce qu’à ma connaissance il n’existe aucune statue, ni représentation graphique de Çâkyamuni Buddha qui nous le montre portant une coiffure quelconque ; on le voit, au contraire, la tête abondamment pourvue de cheveux qui sont disposés d’une manière caractéristique, ainsi que je le dirai plus bas. On devrait donc s’en tenir au sens indiqué par Wilson et dire : « Sa tête est couverte d’une chevelure frisée ; » mais les Tibétains nous en suggèrent un autre qui est préféré par les Buddhistes, en même temps qu’il semble confirmé par les statues et les images du Buddha. Ce sens est exprimé ainsi par M. Foucaux, d’après le Lalita vistara tibétain : « Il a une excroissance qui couronne sa tête[13]. » Enfin M. A. Rémusat donne une traduction de ce caractère, qui conforme en partie à celle des Tibétains, y ajoute un détail relatif à la disposition de la chevelure : « Il a les cheveux rassemblés en nœud sur un tubercule charnu placé au sommet de la tête[14]. »

Du rapprochement de ces diverses interprétations il résulte, ou bien que le terme d’uchṇîcha désigne des cheveux frisés ; c’est le sens déduit du Dictionnaire de Wilson : ou bien que gardant en partie sa signification première de « coiffure en forme de turban, » il désigne une manière de tourner en rond et de ramasser les cheveux sur le sommet de la tête ; c’est une portion du sens donné par A. Rémusat : ou bien encore que prenant une signification nouvelle, il désigne une protubérance du crâne ; c’est le sens des Tibétains et en partie celui de Rémusat. Que la traduction de cheveux frisés ne puisse convenir ici, c’est ce qui résultera clairement de l’examen d’un autre caractère, où sont décrits les cheveux disposés en boucles régulières. Restent donc les deux autres interprétations entre lesquelles nous avons à choisir, savoir, celle de « tubercule charnu placé au sommet de la tête, et celle de « chevelure rassemblée en nœud sur le sommet du crâne. » Dans l’état où nous sont parvenues les statues et les représentations du Buddha, il n’est pas toujours facile d’invoquer leur témoignage avec quelque confiance en faveur de l’une plutôt que de l’autre interprétation. Le tubercule qui se montre en réalité sur le sommet de la tête des Buddhas est-il l’effet du rassemblement de la chevelure ou d’une protubérance du crâne ? c’est là un point que je ne me chargerais pas de décider aujourd’hui, quoique la vraisemblance soit en faveur de la seconde supposition. Faut-il au contraire, avec M. Rémusat, réunir en un seul tes deux caractères, et admettre que uchṇîcha désigne à la fois et la chevelure ramassée en nœud, et la protubérance qui couronne le crâne ? j’avoue que cela me paraît bien difficile, et que rien à mes yeux n’autorise cette extension du sens attribué au terme indien primitif.

Sur les statues barmanes et singhalaises, telles que nous les représentent les voyageurs anglais, les cheveux frisés en boucles parfaitement régulières paraissent trop courts pour autoriser la supposition qu’on aurait pu les rassembler en nœud sur le sommet de la tête. Or comme ces statues sont couronnées par une éminence très-reconnaissable, cette éminence doit donc appartenir au crâne même. Sur les représentations coloriées des Buddhas népalais, dont M. Hodgson a eu la bonté de m’envoyer quelques spécimens exécutés avec un grand soin dans les détails, le caractère qui nous occupe paraît exagéré et eu quelque façon doublé. La chevelure d’un noir bleu couvre exactement la tête, et descend symétriquement des deux côtés jusqu’aux oreilles. La tête est couronnée d’abord d’une espèce de calotte assez haute qui en occupe la partie supérieure ; cette calotte, noire comme le reste de la chevelure, est, selon toute apparence, l’effet exagéré d’un renflement du crâne ; je ne crois pas qu’on y puisse voir un produit de la chevelure qui serait réunie et tournée en rond. Enfin au sommet et dans la partie centrale de cette calotte paraît un demi-cercle destiné à soutenir ou plutôt à accompagner une boule.qui se termine par en haut en une forme un peu ovale, et qui doit figurer une flamme. Le demi-cercle et la boule sont l’un et l’autre de couleur d’or. Cette flamme, qui semble être la représentation de l’intelligence plus qu’humaine attribuée à un Buddha, paraît également sur un bon nombre de statues singhalaises où elle a la.figure d’une sorte de lyre ou de trident à divisions très-rapprochées l’une de l’autre. Elle prend quelquefois même des proportions assez considérables ; et Joinville nous apprend que sur les grandes statues de dix-huit coudées qu’on rencontre assez souvent dans les Vihâras singhalais, elle n’a pas moins.de trois pieds deux ou trois pouces anglais[15].

Il est facile de reconnaître ici un type façonné et exagéré d’après des idées conventionnelles ; on peut même déterminer en partie du moins ce que ce type essentiellement arbitraire a dû ajouter à la nature ; la flamme est certainement une de ces additions. Je suis même convaincu que cette dernière est assez moderne, car je ne la remarque pas sur la tête des statues ou représentations de Çâkyamuni qu’on a découvertes de nos jours dans les cavernes de l’ouest de l’Inde. Il faut en effet tenir compte de la distance considérable qui nous sépare de l’époque où l’on a pour la première fois tracé l’image du Buddha ; et ce serait sans doute trop accorder au sentiment de respect avec lequel les Buddhistes ont dû conserver la tradition de cette première image, que de croire que nous l’avons actuellement sous les yeux. Il suffit de l’examen le plus rapide pour se convaincre que la plupart des traits propres à caractériser un personnage réel se sont effacés sous les efforts qu’a faits l’artiste pour exprimer par la simplicité, et je dirais presque la nudité des lignes, le plus haut degré de quiétude où un homme puisse être absorbé. Le témoignage des représentations figurées est donc ici inférieur à celui des descriptions écrites, et il ne peut être adopté sûrement qu’en tant qu’il s’accorde avec ces descriptions-mêmes. Or ce qu’il y a de commun entre la description écrite et la représentation figurée, c’est l’indication d’un renflement de la partie supérieure de la tête ; ce qu’il y a de dissemblable, c’est que ce renflement appartient au crâne, selon l’interprétation tibétaine appuyée par le témoignage des représentations figurées, tandis que la valeur de l’expression originale sanscrite ne nous autorise à y voir qu’une disposition particulière de la coiffure. Ce dernier témoignage est à mon avis de beaucoup inférieur à celui que nous apportent l’interprétation tibétaine réunie à l’apparence que nous offrent les représentations figurées. Il ne peut donc exister qu’un seul moyen de concilier avec ces témoignages si parlants la signification classique du mot uchṇîcha ; c’est d’admettre que ce mot a reçu chez les Buddhistes une acception particulière, et que signifiant dans le principe une coiffure de tête, et selon toute apparence une coiffure destinée à garantir la tête contre les effets redoutables du soleil de l’Inde, il a fini par désigner, chez les Buddhistes, cette protubérance du crâne que leurs statues de Buddha représentent avec une exagération marquée. Du reste quelle que puisse être l’origine de la signification spéciale donnée ainsi à uchṇîcha, il est à peu près certain qu’elle appartient en propre au Buddhisme et qu’elle est déjà ancienne. Je propose donc de traduire le premier des signes caractéristiques d’un grand homme comme le font les Tibétains, et comme le veulent les monuments figurés : « Sa tête est couronnée par une protubérance [du crâne]. »

2. Bhinnnândjana mayûrakalâpâbhinîla vallita pradakchiṇâvarta kéçah ; V2 pradakchiṇyavattâkêçaḥ. Ce second caractère, tel qu’il est défini par le Lalita vistara, doit s’exprimer ainsi : « Ses cheveux qui tournent vers la droite sont bouclés, d’un noir foncé, et brillent « comme la queue du paon ou le collyre aux reflets variés. » Les Tibétains traduisent avec un peu plus de liberté, mais à peu près dans le même sens : « Sa chevelure brillante « de reflets azurés comme le cou des paons, tressée et nattée, est rassemblée à droite. » M. Foucaux a justement fait remarquer que les Tibétains avaient substitué le cou à la queue du paon que donne le texte[16]. J’ajouterai, quelque mince que paraisse au premier coup d’œil cette remarque, qu’en préférant le mot chevelure à celui de cheveux, on modifie ce caractère d’une manière essentielle. Si, en effet, il faut voir ici la masse de la chevelure tressée et nattée, qui serait rassemblée à droite, nous devrons nous représenter le Buddha portant sur la partie droite de la tête quelque marque de la présence de cette chevelure ainsi ramassée ; or cela ne se reconnaît sur aucune de ses images. Je montrerai plus bas, en traitant du 79e des caraçtères secondaires lequel est relatif aux cheveux bouclés, qu’il n’est pas permis de trouver ici des cheveux nattés, comme semblent le vouloir les Tibétains. Ensuite, il est également impossible que pradakchiṇâvarta signifie « rassemblé à droite ; » cette épithète signifie seulement « tourné vers la droite. »

La définition du Lalita répond parfaitement à l’apparence des images et statuettes jusqu’ici connues des Buddhas ; elle décrit les boucles de cheveux que ces images portent sur la tête, et elle les décrit fidèlement ; car le mot vallita, que deux de nos manuscrits lisent à tort vatnita, doit signifier, « qui est en manière de liane, qui tourne comme une liane ; » et il est également facile de voir sur les statues mêmes, que ces petites boucles si régulières partent de la gauche pour se diriger vers la droite. La version tibétaine est du reste complètement d’accord avec le texte sanscrit en ce qui touche la couleur des cheveux ; ils sont d’un noir foncé, et offrent des reflets comme la queue ou le col du paon, ou comme le collyre noir composé d’antimoine dont les Indiens se servent pour teindre leurs sourcils et leurs paupières. Le sens que j’attribue ici à bhinna en composition avec andjana ne sera probablement pas accepté par tous les indianistes ; car on sait que M. Gildemeister a essayé d’établir par une discussion étendue, que bhinna añdjana désignait « du collyre séparé qui s’en va par parties, » comme les nuages noirs que la violence du vent sépare et déchiqueté en masses irrégulières[17]. Je ne crois cependant pas m’éloigner davantage du sens primitif de bhinna, en le traduisant par « du collyre à la couleur changeante ; » car Westergaard, qui est généralement une autorité très-sûre pour le sens propre des racines indiennes, le rend par diversus, dispar, varius[18]. La mention de la queue ou du col du paon, à laquelle se rapporte aussi l’épithète de bhinna, montre évidemment qu’il s’agit ici de reflets ; les interprètes tibétains le disent en termes positifs : il y a donc toutes sortes de raisons pour croire que bhînnândjana signifie « du collyre changeant, » c’est-à-dire du collyre noir, sur la surface duquel la lumière fait apparaître des reflets changeants.

Les observations précédentes portent uniquement sur le n° 2 de la liste du Lalita ; il est temps de signaler les ressemblances et les différences des autres listes. On remarquera que le Vocabulaire pentaglotte ne saisit dans ce caractère que la direction des cheveux, quand il dit que « le Buddha a les cheveux tournés vers la droite ; » son énoncé est d’ailleurs une altération barbare d’un mot qui devrait se lire pradakchiṇâvartaJtéçaḥ. Il est assez singulier que la liste népalaise, ainsi que les quatre listes de Ceylan, omettent ce caractère ; il est probable qu’ils l’ont cru identique avec le signe défini au n° 22 du Lalita vistara. Cela est en effet assez naturel, et nous verrons, en résumant plus bas ces remarques, ce qui doit résulter de cette identification pour le nombre total des caractères composant ces diverses listes.

Nous sommes actuellement en mesure d’apprécier la justesse des inductions que quelques savants, au commencement de ce siècle, tiraient de l’apparence des cheveux tracés sur les statues des Buddhas. Ces statues, pas plus que les autorités écrites qui les décrivent, ne nous parlent de cheveux crépus, mais bien de cheveux bouclés, deux choses qui sont assez dissemblables pour ne pas être confondues. J’ignore si les savants qui ont vu dans la chevelure d’un Buddha une véritable chevelure d’Africain, avaient sur les caractères distinctifs des races humaines des connaissances plus approfondies que celles qu’un lecteur intelligent peut puiser dans l’étude des livres spéciaux ; à en croire A. Rémusat, les faits sur lesquels s’appuyait W. Jones n’auraient pas tous été admis par les physiologistes[19]. Quant à moi, mon dessein n’est pas de m’aventurer à leur suite sur ce terrain difficile, et je m’en tiens jusqu’à présent à l’opinion de Pritchard que j’ai rappelée au commencement de ces recherches. C’est au lecteur compétent de décider s’il lui semble que la frisure des cheveux d’un Buddha soit la représentation idéalisée d’une chevelure africaine, ou seulement l’exagération d’une de ces chevelures bouclées comme celle que les poètes aiment à célébrer dans l’Indien Krichna, ou comme celle qui a fait donner au guerrier Ardjuna le nom de Gudâkêça, « celui dont les cheveux sont ramassés en boule[20].

Je n’examinerai pas davantage la question de savoir si lorsque des cheveux plats dans l’origine ont été arrachés, ils ne peuvent repousser qu’en formant de petites boucles semblables à celles que nous voyons sûr la tête des Buddhas. Cette explication qui s’est présentée à un voyageur embarrassé de l’apparence africaine de la chevelure de Çâkyamunî[21], ne me paraît pas ici parfaitement à sa place ; car aucun texte ne nous apprend que ce sage se soit jamais épilé la tête, comme on dit que le font les Djâinas. Les meilleures autorités, au contraire, nous montrent que quand il quitta le palais de son père pour entrer dans la vie religieuse, il se coupa la chevelure avec son glaive ; et elles désignent cette chevelure par le nom indien de tchûḍâ, qui signifie à proprement parler la mèche de cheveux qu’on laisse sur le vertex, au moment où se célèbre la cérémonie de la tonsure légale[22]. Comment concilier, dit Çâkya, cette mèche de cheveux avec l’état de Religieux mendiant ? C’est de cet événement que date la règle de discipline qui ordonne aux néophytes de couper leurs cheveux et leur barbe, quand ils veulent devenir Religieux. Nulle part, je le répète, il n’est dit ou que Çâkyamuni se soit jamais arraché les cheveux, ou qu’aucun de ses disciples se soit astreint à cette pratique. Il est vrai que la règle de la discipline, eu faisant au Religieux une injonction de la nécessité de se jaser la tête, donne lieu à une difficulté nouvelle, celle de savoir comment il se fait que Çâkyamuni ne soit pas représenté le crâne parfaitement nu, comme le sont ses principaux disciples, au moins sur les peintures népalaises. Je suis porté à croire que dans le principe les règles relatives à la chevelure ordonnaient seulement aux Religieux de ne pas la laisser pousser à la manière des laïques, et que l’usage de tenir constamment la tête rasée ne se sera introduit que peu à peu. Peut-être même a-t-on voulu, en le généralisant, effacer un des traits les plus apparents par lesquels pouvaient se distinguer entre eux les Religieux sortis de toutes les castes, des plus infimes comme des plus élevées, les uns ayant des cheveux rudes et mêlés, les autres portant la chevelure fine et lisse des Brahmanes. Ce qu’il y a de certain, c’est que, Çâkyamuni dut, pendant la durée de sa longue prédication, conserver des cheveux, puisque diverses légendes parlent de ceux qu’il distribua en présent à quelques dévots. Et il ne paraît pas que les Buddhistes de Ceylan soient embarrassés de la circonstance des cheveux bouclés qui paraissent sur les statues et les images peintes du Buddha ; car quand, en 1797, le colonel C. Mackenzie leur demanda si l’on n’avait pas eu dessein de représenter ainsi la chevelure d’un Africain, ils rejetèrent avec horreur cette supposition, et rappelant la légende qui fait de Çâkya le fils d’un roi indien, ils ajoutèrent que le jeune prince, au moment où il quittait le monde, abattit sa chevelure d’un coup de son glaive, et que c’est le reste de cette chevelure ainsi écourtée que l’artiste a eu l’intention de figurer sur les images qui le représentent[23].

3. Samaviputalalâṭaḥ, « Il a le front large et uni, » Ce caractère ne se présente dans aucune des autres listes qui sont entre mes mains ; mais il fait partie des quatre-vingt-quatre signes secondaires dont nous nous occuperons plus bas, à l’occasion du n° 70. Il est très-probable que ce signe aura été placé ici par une erreur des copistes du Lalita vistara, toutefois l’erreur doit être ancienne, puisqu’elle se trouve également dans la version tibétaine de cet ouvrage.

4. Urnâ hhravôr madhyê djâtâ himaradjataprakâçâ ; V4 djarṇya kêça ûrṇya ; H17 ûrṇâlag̃krĭtamukhatâ ; Lc25, L31, M30, D31, uṇṇâ bhamukantarê djâtâ hôti ôdâtâ madutûlasannibhâ. Ce caractère signifie littéralement, « Une laine est née entre ses sourcils, ayant l’éclat de la neige ou de l’argent, » Les Tibétains le traduisent fort exactement par cette phrase : « Entre ses sourcils est né un cercle de poils de la couleur de la neige et de l’argent. » Il n’y a aucun doute sur la signification littérale ni sur la valeur religieuse de ce caractère chez les Buddhistes de toutes les écoles. Le Dictionnaire de Wilson nous apprend que le mot ûrṇâ, outre son sens de laine, a également celui de « cercle de poils « qui pousse entre les deux sourcils, et qui est le signe d’une grandeur future. » Tous les Buddhistes sont d’accord sur ce caractère ; seulement il ne faut pas s’arrêter à la manière barbare dont le représente le Vocabulaire pentaglotte La liste népalaise de M. Hodgson, qui exprime les trente-deux signes d’une manière abstraite, définit celui-ci en ces termes : « L’état d’avoir la face ornée par le cercle de poils nommé ûrṇâ, » c’est-à-dire duvet laineux. Les quatre listes de Ceylan l’expriment ainsi : a Dans l’intervalle qui sépare ses « sourcils est poussé un cercle de poils blancs, semblables à du coton doux. » Et une de ces listes, celle qui a le plus de développement, ajoute ce vers :

Sêtâ susukkâ mudutûlasannibhâ uṇṇâssa djâtâ bhamukantarê ahu[illisible]

« Entre ses deux sourcils naquit un cercle de poils blancs, très-purs, semblables à un doux coton. » Ce cercle de poils joue, comme on sait, un rôle très-important dans les légendes et dans les Sûtras du Nord. C’est de sa partie centrale que s’échappent les rayons miraculeux qui vont éclairer les mondes à de prodigieuses distances ; nous en avons un exemple au commencement du Lotus de la bonne loi[24].

Je crois même le reconnaître sur les statues des Buddhas, et notamment sur celles qui décorent le grand temple de Boro Budor à Java. Sur le front de ces statues, exactement au-dessus du nez, on aperçoit un signe qui figure un rond ou un cercle. Il n’est pas creusé dans la pierre, mais il fait saillie à la base du front en formant une élévation circulaire sur sa surface ; c’est ce qu’indique clairement l’examen du profil reproduit dans un des dessins de Raffles[25]. M. G. de Humboldt, qui s’est livré sur ce sujet à une discussion conduite avec sa sagacité et sa circonspection habituelles, ne pouvait méconnaître la signification élevée de ce caractère ; en effet quand il s’agit de représentations aussi peu ornées que le sont celles des Buddhas, le moindre signe peut avoir une valeur considérable[26]. Rapprochant de ce caractère signalé sur les statues javanaises la représentation d’un Tchâitya népalais, à la base duquel sont les linéaments d’un visage humain[27], et où il croit retrouver la figure de ce célèbre cheveu de Çâkya, qui joue un si grand rôle dans les légendes, M. de Humboldt pense que le cercle frontal des statues de Buddha pourrait bien n’être que l’image de ce cheveu lui-même. Dans la représentation de signes de ce genre, où tout est à peu près conventionnel, l’apparence extérieure est d’une importance secondaire pour l’appréciation de l’objet réel qu’on a voulu figurer. On doit cependant convenir que le trait dessiné entre les yeux du Tchâitya n’est pas sans analogie avec la forme d’un cheveu s’enroulant à son extrémité supérieure. Mais que ce signe soit à cause de cela identique avec le rond ou le cercle qui distingue le front des statues de Java, c’est un point qui ne me parait pas également démontré. Je remarque en, outre que parmi les trente-deux signes de la grandeur humaine que nous étudions en ce moment, le cheveu si Ayante n’est pas nommé une seule fois. Il n’en est pas de même du cercle de poils doux et blancs dont toutes les énumérations reconnaissent également l’existence. Cette circonstance me décide à le voir sur les statues javanaises ; cependant je me garderai bien d’être tout à fait affirmatif en ce point, et parce que je ne connais ces statues que par des dessins considérablement réduits, et parce que j’hésite toujours à m’éloigner du sentiment de M. de Humboldt, quand il s’agit d’un sujet sur lequel.il a porté la lumière de son esprit pénétrant.

5. Gôpakchmanêtraḥ ; V6 gôpakcha ; Lc22, L30, M2g, D30 gôpakhumô. Ce caractère signifie, « Il a les cils comme ceux de la génisse. » C’est exactement de cette manière que l’entendent les Tibétains. Le Vocabulaire pentaglotte l’écrit d’une façon très-fautive, et qui ne pourrait signifier que ceci, « Il est du parti de la génisse. » M. A. Rémusat le traduisait par » les paupières comme le roi des éléphants, « j’ignore sur quelle autorité[28]. Les quatre listes pâlies de Ceylan sont ici, comme dans le plus grand nombre de cas, d’accord pour l’orthographe comme pour la place de ce caractère : gôpakhumô est exactement le pâli du sanscrit gôpakchman.

6. Abhinîlanêtraḥ ; V5 àbhinâlanêtra ; HSa abhinilanétratâ ; Lc2l, L29, M28, D29 àbhinîlanéttô. Ce caractère signifie, « Il a l’œil d’un noir foncé. » Les Tibétains l’exagèrent un peu en traduisant, « Il a l’œil grand, blanc et noir ; » A. Rémusat le reproduisait avec plus d'exactitude en disant, « Les yeux de la couleur d'un métal bleu noirâtre[29]. » Les listes du Sud sont ici parfaitement d'accord entre elles et avec celles du Nord.

7. Samatchatvârirhçaddantah ; V7 tchatvârimaçadantah ; H3i samatchatvârîmçaddantatâ ; Lc26, L23 ichattâriçadantô ; M22, D23 tchattâlisadanto. Ce caractère signifie, «Il a quarante dents égales ; » c'est ce que comprennent également les interprètes tibétains. La comparaison de l'énoncé du Lalita vistara et de la liste népalaise avec celui du Vocabulaire pentaglotte et des listes de Ceylan permet de supposer que le Lalita vistara réunit avec raison en un article deux caractères très-voisins, le nombre des dents et leur égalité, caractères dont les listes du Sud font deux articles à part. C'est ce que je montrerai plus bas dans mon résumé.

8. Aviraladantah ;Vg aviraladantah ; H3o aviraladantatâ ; LC27, L25, M24,D25 avivaradantô. Ce caractère signifie, « Il aies dents serrées, » littéralement, « sans interstices. » Les Tibétains disent, « ïi a les dents solides. » Cette traduction est exacte sans doute, puisque avirala signifie épais, gros, solide ; cependant ce sens n'est que secondaire, car avirala veut dire proprement « sans interstices. » Les listes du Sud écrivent avivaradantô, ce qui signifie uniquement « qui a les dents sans interstices ; » c'est, on le voit, dans ce dernier sens qu'il faut entendre avirala du Lalita vistara. Le Vocabulaire pentaglotte est ici correct.

9. Çukradantah ; Vio suçuhladantah ; Lc32, L26, M25, D26 susukkadâlM. Ce caractère signifie, « Il a les dents parfaitement blancbes. » Les interprètes tibétains l'entendent exactement de même. Toutes les listes sont ici unanimes, sauf celle des Népalais, où ne paraît pas ce caractère ; mais il est fort probable que le n° 27 de la liste népalaise çuklahanutâ, « la qualité d'avoir la mâchoire ou la joue blanche, » n'est qu'une mauvaise transcription de çukladantatâ. On sait que, dans les anciennes formes du dêvanâgari, le द​ da peut quelquefois être confondu avec le ha, et surtout le न्त nta avec le नु nu ; hanutâ peut donc se ramener à dantatâ. De plus ce caractère tiré des joues ou de la mâchoire ne se retrouve dans aucune autre de nos listes. Les textes pâlis, en employant le mot dâṭhâ au lieu de danta, entendent par là désigner les œillères et les canines ; nous reviendrons sur cette distinction en parlant des caractères secondaires.

10. Bràhjnasvarak ;iU Brahmasvarah ;hc2 g, L28, M27, D28 BraJimassarô. Ce caractère signifie, «Il a le son de voix de Brahmâ, » exactement comme l'ont entendu les Tibétains. Il manque dans la liste népalaise, mais je soupçonne ici encore quelque faute venant du copiste népalais ; car je trouve dans sa liste, sous le n° 25, un attribut dont je ne rencontre le correspondant nulle part, et qui est écrit prastamvaratâ ; la confusion de ira avec pra, de hma avec sta et de mva avec sva aura transformé Brahmasvaratâ en prastamvaratâ, qui d'ailleurs ne donne aucun sens. Les listes de Ceylan augmentent ce caractère d'une addition justifiée par les textes ; c'est celle de karavîkàbhânî, « qui a la voix du « Karavîka. » Les Buddhistes du Nord connaissent également ce caractère, et je le trouve formellement exprimé dans deux autres passages du Lalita vistara, dont l’un est ainsi conçu : KalavigkaghôchasvaraJk, « qui a le son de voix du Kalavîgka[30]. » Wilson donne à halavîgka la signification deimoineaa ; le pâli kaîavîka, qui-, n’en diffère que par la suppression d’une nasale-laquelle est compensée par l’allongement de la voyelle, a probablement le même sens. —Je dois avertir cependant que l’énumération du Dharma pradîpikâ lit Kàravabhdnî, « ayant la voix du corbeau, » au lieu de karavîka ; c’est là une faute évidente. De plus le compilateur singhalais du recueil que je viens de citer explique ainsi ce second caractère, « il a la voix du Kôkila indien ; » mais il lit karavîka, qui en singhalais désigne le cucalus melanoleucas. Quand nous serons plus avancés dans la connaissance de ce dernier dialecte et surtout dans la synonymie des noms désignant les êtres naturels, nous aurons peut-être le moyen de décider si karavîka et karavîka ne sont pas un seul et même mot désignant le même oiseau, et si cet oiseau n’est pas le caculas meîanoîeucus des Indiens. Quoi qu’il en soit, le Lalita vistara indique dans un autre passage le caractère de ces deux sons de voix, celle de Brahmâ, et celle du Kalavigka, comme l’écrit le texte : la voix de Brahmâ est ainsi nommée, parce qu’elle domine toutes les voix ; et celle du Kalavigka, kâyatchittôdvilyakaranatayâ, « parce qu’elle remplit de satisfaction le corps et l’esprit[31]. « Nous retrouvons ici, pour le dire en passant, le mot vdvilya, dont j’ai déjà essayé de déterminer les significations diverses[32]. Dans un autre passage du Dharmapradîpikâ, je remarque la citation d’un texte pâli sur la perfection de la voix d’un Buddha, texte que je dois rapporter ici, parce qu’il forme un véritable commentaire à l’article qui nous occupe. AUhaggàsamannâgatô khô panassa Bhagavatô mukhatô ghôsô nitchtcharati vissatthôtcha viniiêyôtcha mandjuicha savanîyôtcha vinnatcha avisârîtcha gamhhirôtçha ninnâdîicka. Yatkâ parisafh kMpana sô Bkagavâ sarêna vinnâpéti navassa hahiddhâ parisâyam ghôsô nitchtcharati Brohmossarô khôpana sô Bhagavâ karavîkàbhânî. c De la bouche de Bhagavat sort une voix qui est douée de huit caractères : elle inspire la confiance ; elle est intelligible ; elle est belle ; elle est agréable ; « elle est savante ; elle ne se disperse pas ; elle est profonde ; elle est » retentissante. Lorsque « Bhagavat instruit l’Assemblée avec sa voix, le son n’en sort pas hors de l’Assemblée ; c’est « que Bhagavat a le son de voix de Brahmâ, qu’il a la voix du passereau. » Voici encore un autre passage où paraissent ces deux caractères réunis : Karavîkamandjunâ kannasukhéna panditadjanahadayânafh amatâbhisêkasadisêna. Brahmasarêna hhâsatô Bhagavatô vaichanam ahhinandimn anumôdimsutcha, « Ils accueillirent avec satisfaction et assentiment le « discours de Bhagavat qui parlait avec sa voix de Brahmâ, douce comme celle du passereau, agréable à l’oreille, et qui était pour le cœur des hommes sages comme une pluie « d’ambroisie[33]. »

11. Rasarasâgrûvân ; V11 Taparapâgraiâ ; E2i ra^arasâgratâ ; Lc20, L21, Mao, D21 rasaggasaggî. Ce caractère semble signifier, « Il a le sens du goût excellent, » littéralement, « il a la supériorité du goût des saveurs ; » c’est du moins de cette manière que l’entendent les interprètes tibétains. L’orthographe barbare du Vocabulaire pentaglotte s’explique par la confusion qu’aura faite le copiste des deux lettres tibétaines pa et sa. Mais quelle confiance pourrait-on avoir en ce recueil, si l’on était uniquement réduit aux indications fautives dont il est rempli ? A. Rémusat traduit ainsi ce caractère, « salive de haut goût ; » ce qui donne un sens singulier et qu’il ne me paraît pas facile de comprendre. Les quatre listes de Ceylan, qui sont unanimes, peuvent s’accorder avec le sens tibétain, mais en substituant un autre terme ; en effet, le mot rasaggasaggi doit être en sanscrit rasagrasâgri, littéralement, » il a l’extrémité ou la supériorité de l’organe qui saisit les saveurs, » c’est-à-dire, il a le sens du goût excellent, » Le compilateur singhalais du Dharma pradîpikâ représente cet article par Rasagrâsa agra. Mais une des listes du Lakkhanasnttaie fait suivre d’une glose qui n’est pas parfaitement claire pour moi, et où il semble que le terme final, agga, conserve son sens physique, au lieu de prendre le sens figuré que lui attribuent les Tibétains. Voici cette glose : nddhaggassa rasaharaniyô givâya djâtâ hônti samabhivâhiniyô. Cela veut-il dire que les sécrétions qui saisissent et entraînent les saveurs, naissent chez lui à l’extrémité supérieure de la langue, au fond de la gorge même ? Cela est possible ; mais alors l’énoncé du caractère rasaggasaggî est d’une concision un peu obscure, car il signifie seulement, si aggî garde sa valeur physique, « il a l’extrémité de « ce qui perçoit les saveurs, » ou encore ; « il a une extrémité qui saisit les saveurs. » Quoiqu’il en soit de cette difficulté de détail, le résultat de cette glose pâlie ne nous éloigne pas sensiblement de celui dé la version tibétaine ; car un être assez heureusement doué pour percevoir les saveurs au delà du point où s’opère chez les autres hommes l’action du goût, a vraisemblablement le sens du goût excellent. C’est jusqu’ici la seule conciliation que j’aie pu trouver entre la version tibétaine et la glose pâlie.

12. Prabhâtatanudjihvah ; V13 prahhâtatanndjihvak ; Haà prabhâiadjihvaiâ ; Lc28, L27, Ma 6, D27 pahûtadjivhô. Ce caractère signifie, « Il a la langue large et mince ; » les Tibétains le traduisent, « il a îa langue longue et effilée. » Glough, dans son Dictionnaire singhalais, donne à l’énoncé pâli, pour lequel nos quatre listes sont unanimes, le sens que j’ai préféré. Les Buddhistes du Sud s’accordent ici encore avec ceux du Nord, sauf qu’ils suppriment l’épithète de tanu, « mince. »

13. Sim̃hahanuh ; V12 sim̃hahanu ; H26 sim̃hahanutâ ; Lc30, L22, M21, D22 sîhahanu. Ce caractère signifie, « Il a la mâchoire du lion ; » les Tibétains ne l’entendent pas autrement. Ici encore les Buddhistes de Ceylan-sont d’accord avec ceux du Népal. Le lion, considéré comme le symbole de la plus grande force physique parmi les animaux, donne, ainsi qu’on le verra, plus d’un caractère à cette énumération des perfections d’un homme supérieur. On sait que le grand-père de Çâkya se nommait Sim̃hahanu.

14. Susam̃vrĭtaskandhaḥ ; V15 supam̃vrĭttakandhaḥ ; H19 susam̃bhrĭtaskandhatâ ; Lc19, L20, M19, D20 samavattakkhandhô. Littéralement interprété, ce caractère signifierait, « Il a les épaules parfaitement arrondies ; » mais A. Rémusat traduit déjà cet article par, « les bras arrondis et pleins, » et il se peut que skandha ait désigné la partie supérieure du bras. C’est dans ce sens que je traduirais l’énoncé du Lalita, « il a le bras bien arrondi. » Les trois listes du Nord s’accordent à exprimer ainsi ce caractère, y compris le Vocabulaire pentaglotte, malgré la barbarie de son orthographe. Les quatre listes du Sud, unanimes ici comme dans le plus grand nombre de cas, ajoutent l’idée de sama, « égal ; » ce qui donne ce sens, « il a les bras égaux et ronds. »

15. Saptôtsadah ; Vi6 saptÔdapadah ; H5 saptôtchhandatâ ; Lc6, Lxô^ Mi5, Di6. Ce caractère signifie proprement, « Il a les sept protubérances, » comme nous l’apprennent les interprètes tibétains. Mais quelles sont ces sept protubérances, c’est ce que je n’ai pas trouvé jusqu’ici dans les livres buddbiques sanscrits que j’ai pu consulter. A. Rémusat exprime ainsi ce caractère, « les sept lieux pleins[34]. » Cette version, encore obscure, offre cependant déjà quelque analogie avec la glose que donne le compilateur singhalais du Dharma pradîpikâ ; il remplace en effet satinssadaipar saptasthâna, « leè sept places ; » seulement il ne dit pas quelles sont ces sept places. En employant le participe utsanna, il ne nous permet pas de douter que le pâli xissada ne réponde au sanscrit utsâda, pris dans le sens d’élévation. Le Vocabulaire pentaglotte est ici très-incorrect et à peine intelligible ; quant à l’orthographe de la liste népalaise, elle nous offre le provincialisme de tchha pour tsa. La combinaison des éléments que je viens de rappeler donne cette traduction, « il a les sept parties rebondies. » Enfin le texte pâli du Lakhhana sutta énumère ces parties sur lesquelles doivent apparaître des élévations : « Les protubérances des sept [membres] sont celles-ci : sur les deux mains, il y a des protubérances ; il y en a sur les deux pieds, sur les deux épaules ; il y en a sur les bras. » À ce compte, il semble qu’on devrait trouver huit membres marqués par des élévations ou protubérances ; mais le texte ne disant pas les deux bras, tandis qu’il se sert positivement du nombre deux en parlant des autres parties du corps, il est probable que les bras sont envisagés ici collectivement et comme un seul tout.

16. Tchitâniarâm̃çah ; V17 tchitântaram̃pa ; H20 tchitântarâggatâ ; Lci8 M17, D18 tckitantaram̃sô, L18 tchiitataram̃sô. Ce caractère paraît signifier, « Il a l’entre-deux des « épaules couvert. » Je ne m’explique pas la version tibétaine, » il a le dessus de la main « large, » à moins de supposer que les interprètes ont eu sous les yeux un texte différent du nôtre. A. Rémusat, dans sa version inédite du Vocabulaire pentaglotte, qui est fautif ici encore, traduisait, « les deux épaules arrondies et pleines[35]. « Les listes singhalaises sont ici d’accord avec les Népalais et les Tibétains ; une seule de ces listes a tchittataraîhsô, ce qui est une faute de copiste.

17. Sûkckmasuvarṇatchtchhaviḥ ; V18 sakchmatchavik’; H15 çuklaichhavitâ ; Lc12, L13, Mil, D12 sahhumatchkavi. Ce caractère signifie littéralement, « Il a le lustre [d’une « peau] fine et dorée, » ce que les Tibétains rendent exactement par « la peau fine et de « la couleur de l'or. » Il manque cependant à cette version l'idée de lustre qui est fondamentale ici ; car il est certainement question en cet endroit moins de la peau que de son poli, de son lustre, qualités qui proviennent de sa finesse. C'est ce qui résulte de ces deux remarques, la première, que la couleur d'or de la peau fera plus tard l'objet d'un caractère spécial, comme je le montrerai dans mon résumé ; la seconde, que trois listes singhalaises accompagnent cet article de l'explication suivante : Sulihumaitâ tchkaviyâ radjô djallam kâyé na npalippati. «Par suite du poli qui résulte de la finesse [de sa peau], la « poussière mêlée à l'eau ne forme pas d'enduit sur son corps. »

18. Sthitô'navanatapralambabâhuḥ ; Lc16, L10, M8, D9 ṭhitakôva anônamantô abhôhi pânitalêhi djannuîcâni paHmasati pàrimadjdjati. Ce caractère signifie : « Debout et sans qu'il se baisse, ses bras lui descendent jusqu'aux genoux. » C'est ce qu'exprime également bien la version tibétaine ; « Quand il est debout et sans qu'il se penche, sa main arrive à a son genou. » Si ce' caractère ne manque pas à la liste népalaise, il y est singulièrement altéré sous le n° 12, pataruvâkatâ. Pâtura est-il quelque mot népalais qui aurait le sens de pendant ? est-ce seulement une altération, par le fait du copiste, de pralamba ? Je ne pourrais le décider absolument, mais la dernière supposition me paraît la plus probable. Cet attribut ne se trouve pas davantage dans le Vocabulaire pentaglotte ; cependant ce recueil, ne l'omet pas absolument, puisqu'il le place sous le n" di des quatre vingts signes secondaires de beauté, ainsi que nous le verrons plus bas. Il y est incorrectement écrit sihitâdjnanavanatapraîambaJiutâh ; il faudrait lire sihita évânavanatapralamhdbâhutâ', « la qualité d'avoir les bras pendants jusqu'aux genoux, étant debout et sans se baisser. » C'est exactement à cela que revient la définition des listes singhalaises, dont le sens est : « Tout en restant debout, et sans se baisser, il touche et frotte ses genoux de la paume de ses deux mains. » On sait que ce mérite est un de ceux dont les poètes brahmaniques aiment le plus à faire honneur aux héros indiens.

19. Sim̃hapûrvârdhakâyah ; V20 sidhasûrvârdhakâyah ; H18 sifnhapûrvârdhahâyatâ ; Loi 7, L17, M 16, D17 sihapubhaddhakâyô. Ce caractère signifie : « Il a la partie antérieure du corps semblable à celle du lion ; » c'est exactement de cette manière que l'entendent les interprètes tibétains. Il est évident que par cet énoncé on désigne la poitrine de l'homme privilégié dont on parle. Le compilateur singhalais du DharmapTadîpikâ cite, à l'occasion de ce caractère, un passage qui est très-probablement emprunté à un livre canonique ; je le rapporte ici à cause de l'idée curieuse qu'il renferme : Manâpiyêvn khô bJiikkhavê kammavipâké patcJitchupatihité yêhi aggêhi dighéhi sôlhati tdni aggâni dîghâni sanihihanti ; yêhi aggêhi rassêhi sôhhati tâni aggâni rassâni sanihihanti ; yêhi aggéhi thûléhi sôhhati tâni aggâni thûlâni sanihihanti ; yêhi aggêhi kisêhi sôhhati tâni aggâni kisânisanihihanti ; yêhi aggêhi puihuîêhi sôhhati tâni aggâni puthulâni sanihihanti ; yêhi aggéhi mandéhi sôhhati tâni aggâni mandâni santhihanti[36]. Ce texte formé par la répétition de six courtes phrases, répétition qui est tout à fait conforme au génie antique, signifie : « Quand la rétribution des œuvres, ô Religieux, amène un résultat favorable, l’homme conserve les parties de son corps telles qu’elles étaient auparavant, qu’elles fussent longues ou courtes, pleines ou « maigres, larges ou étroites ; » c’est-à-dire que, quand après une vie de bonnes œuvres l’homme passe dans une autre existence pour y être récompensé, il y conserve son corps tel qu’il était auparavant. Le seul mot qui me laisse des doutes est mandâni, que je ne suis pas sûr de bien lire, et que je traduis comme l’opposé de puthulâni.

20. Njagrôdhaparimandalah ; V21 nyagrôdhaparimandala ; H22 nyagrôdhapanmandalatâ ; Lc15, L19, M18, D19 nigrôdhaparimandalô. Ce caractère signifie littéralement : « Il a la taille d’un Nyagrôdha ; » mais comme le sanscrit nyagrôdha signifie à la fois brasse et figuier (le ficus Indica), on n’aperçoit pas du premier coup ce que les Buddhistes ont voulu exprimer par ce caractère. Les Tibétains, qui l’appliquent à la taille de l’homme supérieur, y voient le nom du figuier indien, et traduisent : « il a le cpïps arrondi comme la tige du nyagrôdha. » Toute idée d’arbre a disparu de la traduction que proposait, il y a déjà longtemps, A. Remusat, « majesté pleine et suffisante ; » mais cette idée reparaît dans les versions mongoles et mantchoues, « corps tranquille et majestueux comme l’arbre Nyagrôdha[37]. » Cette dernière traduction est, à proprement parler, un commentaire ; elle nous montre cependant que les Mongols sont d’accord avec les Tibétains pour entendre par le mot de nyagrôdha l’arbre si commun dans l’Inde, et que nos botanistes appellent ficus Indica. C’est à cette opinion que je crois également devoir m’arrêter ; mais sans rien préciser positivement sur les caractères à l’aide desquels on peut assimiler la taille d’un homme au figuier dit nyagrôdha, je crois cependant nécessaire d’ajouter le mot de tige ; car c’est sur la rondeur, ou la direction parfaitement droite de cette tige, que doit reposer l’assimilation exprimée ici. Je traduis donc : « il a la taille comme [la tige de] l’arbre Nyagrâdha. « D’un autre côté, les Buddhistes singhalais préfèrent donner à nyagrôdha la signification de brasse, comme on peut le voir par la glose que reproduisent trois de nos listes : âvatakvassa kdyô tâvatakvassa vyâmô yâvatakvassa vyârriô tàvatakvassa kâyô. « Quel est son corps, telle est une brasse ; quelle est une brasse, tel est son corps. » Voilà une définition qui nous donne une idée suffisante du volume d’un homme éminent, selon les idées buddhiques, et aussi selon les idées indiennes qui comptent l’ampleur de la taille parmi les mérites d’un souverain. La traduction d’A. Rémusat, dont je ne puis d’ailleurs garantir l’exactitude, ne parle ni de volume, comme les Singhalais, ni de rondeur, comme les Tibétains ; mais cette idée de « majesté pleine et suffisante » nous rapproche cependant un peu de l’interprétation des Buddhistes du Sud, puisque chez les Indiens l’ampleur de la taille est un des signes essentiels de la majesté. Je dois cependant avertir que ce caractère ainsi entendu ne se retrouve pas sur les statues ou représentations figurées des Buddhas qui nous sont actuellement connues ; ces statues les représentent avec une taille droite, et très-mince. Le seul moyen qu’on aurait de concilier la définition des Singhalais avec les représentations de l’art, serait d’admettre que cette circonférence d’une brasse est proportionnelle à la hauteur totale du corps, qui dans cette supposition serait celui d’un géant. Quand on songe qu’il s’agit ici de décrire les perfections d’un être qui sera ou’un Buddha, ou un monarque souverain des quatre continents fabuleux, ii est moins surprenant qu’on lui ait attribué une taille plus qu’humaine. On remarquera de plus, que lorsque une statue du Buddha Çâkyamuni, soit assis, soit couché, se trouve dans un temple ou un vihâra de Ceylan, entourée de scènes représentant les actions de sa vie mortelle, scènes ordinairement figurées sur les murs de ces temples, cette statue est toujours d’une grandeur démesurée, et généralement du double ou du triple au moins de la hauteur des autres personnages.

Lc24, L14, M12, D13 ékêkalômô. Ce caractère signifie : « Ses poils naissent un à un, » ainsi que l’ont bien rendu les interprètes tibétains. Les leçons du Vocabulaire pentaglotte et de la liste népalaise, qui ajoutent ici l’idée de la direction des poils, de cette manière, « ses poils naissent un à un et sont tournés à droite, » réunissent ensemble deux caractères qui dans le Lalita vistara et dans les listes singhalaises sont nettement séparés, ainsi qu’on va le voir immédiatement. Ces dernières listes donnent, pour plus de clarté, cette courte glose : dkékâni lômâni lômakâpêsa djâtâni, et na îômakûpêsu dvê adjâyifhsu, « les poils naissent un à un dans ses pores, » et « dans ses pores il ne naît jamais deux poils à la fois. » Voilà un caractère en apparence peu significatif ; mais on en comprendra mieux la valeur, si l’on pense qu’il s’agit ici d’un homme né sous le climat de l’Inde, où la chaleur Stimule énergiquement l’action des tissus placés à la surface du corps, et peut donner lieu au développement exagéré des poils.

22. Urdhâgrâbhipràdakchinâvartarômâ ; V23 ûrdhaggarôma ; H10 ûrdhvâggarômutâ ; Lc10, L15, M13, D14 uddhaggalômô. Ce caractère signifie : « Ses poils sont tournés vers la droite à leur extrémité supérieure. » La version tibétaine a donné à M. Foucaux la traduction suivante : « Les poils de ses membres supérieurs sont tournés de droite en haut. » Il me semble que cette interprétation est peu exacte ; du moins elle n’est pas justifiée par les leçons des autres listes. Celle du Vocabulaire pentaglotte et des Népalais peut sans doute se traduire, « il a des poils à la partie supérieure du corps ; » mais quand on pense à la facilité avec laquelle peuvent se confondre ngà (gga) et gga, il est à peine permis de douter que la vraie leçon soit agra, en pâli agga, et non agga. Or, de cette leçon résultera cette version exacte : « ses poils ont la pointe en haut, » ou « ses poils sont dressés. » Le Mahâpadhâna sutta développe ainsi ce caractère : addhaggâ?u[illisible] lômâni djâtâni nîlâni andjanavannâni kandalùvidiani padakkkinavaitâni djâtâni ; le Lakkhana sutta et le Dharma pradîpikâ ont à peu près la même formule, sauf quelques modifications, dont la plus importante est l’omission de kundatavattâni. Cette formule signifie : « Ses poils, une fois nés, ont la pointe dressée, son noirs, de la couleur du collyre, tournés en forme d’anneau, se dirigeant vers la droite. » On voit que la description des Buddhistes du Sud, en ce qui touche aux lómans, est identique avec celle du Lalita vistara, placée sous le n° 2 de la présente liste. Cela doit être, si l’une se rapporte aux poils en" général, y compris les cheveux, et l’autre aux cheveux en particulier. Cela peut être encore, si l’on veut que l’une ne parle que des poils, et l’autre que des cheveux ; car ces deux produits de la peau doivent présenter des caractères analogues, sur quelque partie du corps qu’ils prennent naissance.

23. Kôçôpagatavastiguhyah ; V24 kôckôgatdvtistigahyah ; H13 kochagatavcistigahyatâ ; Lc14, L11, D10 kôsôhitavatihagayhô ; M9 kôsôhitavatthiguyhô. Ce caractère signifie : « L’organe secret de la région pubienne est rentré dans son étui, » ou, comme le disent les interprètes tibétains : « Ce qu’il faut cacher est rentré et caché. » Les listes du Nord suivent uniformément la même leçon, où le trait fondamental est vasti, « le bas-ventre, la région hypogastrique, » car gahya désigne seulement d’une manière générale « ce qui doit être caché. » Une seule des quatre listes singhalaises a ce mot, qui est en pâli vattki. Les trois autres listes ont vatiha, ce qui donne ce sens : « il a ce qui doit être caché par le vêtement rentré dans son étui ; » et le texte singhalais du Dharma pradîpikâ appuie cette leçon en lisant vastra. A, Rémusat avouait ne pas comprendre ce caractère, à cause du peu de secours qu’il avait entre les mains.

24. Suvartitôrah ; V25 suvaratitôru. Ce caractère, qui signifie : « Il a les cuisses parfaitement rondes, » manque dans cinq listes, celle des Népalais pour le Nord, et les quatre listes pâlies pour le Sud ; il est probable qu’on le confondait avec le caractère suivant. Nous en retrouverons d’ailleurs bientôt l’analogue dans la liste des quatre-vingts signes secondaires.

25. Ainêyamrïgarâdjadjagghàh ; V32i ênêyandjâghàh ; HIl âinéyadjaggatd ; Lc11, L9, D8 énidjagghô. Ce caractère signifie : « Il a la jambe du roi des gazelles ou de l’antilope femelle. » Les Tibétains ont traduit : « sa jambe est comme celle de l’Âinaya, roi des gazelles. » Mais je crois que le Lalita vistara prend ici deux animaux distincts pour terme de comparaison ; car,. à s’en tenir au sanscrit classique,. âinêya signifie « qui appartient à Véni ou à l’antilope femelle. » Cette interprétation est appuyée par les trois listes singhalaises qui ont énidjagghô, « il a la jambe d’une ênî, » c’est-à-dire d’une femelle d’antilope. Il n’est pas probable qu’on ait appelé cette antilope « le roi des gazelles. » Ensuite, mrïgarâdja désigne plus souvent le lion que tout autre animal sauvage ; de sorte que s’il s’agissait d’un sanscrit régulier, on devrait traduire cet article ainsi : « il a la jambe du lion n ou de l’antilope femelle. » Je remarque que ce caractère manque dans la liste du Mahâpadhâna ; mais ce doit être une omission du copiste,

26. Dirghâggnlih ; V3 dtrghagguli ; H6 dîrghâggulitâ ; Lc4, L4, M4, D4 dighaggnli. Ce caractère signifie : « Il a les doigts longs, » comme l’entendent exactement les Tibétains. Toutes les listes sont d’accord sur cet article, sauf les incorrections du Vocabulaire pentaglotte. Il est très-probable qu’il s’agit ici des doigts des pieds.

27. Ayatapârchnipâddh ; V3i âyaiapâdapâTchih ; H7 âyatapârcknitâ ; Lc3, L3, M3, D3 âyatapanhi. Ce caractère signifie : « Ses pieds ont le talon développé ; » les Tibétains le rendent de la même manière. La leçon des listes de Ceylan donne la même version, et deux de ces listes font suivre ce caractère de cette courte glose, vipuladîghapânikô, « il a le « talon large et long. » La traduction que proposait A. Rémusat, « la plante des pieds suffisamment remplie, » ne doit pas être exacte.

28. Utsag^gapâddk ; ^26 utchtchhafhkhapâdak ; Hg utsafhgapâdatâ ; Lcg, L8, M7, D7 ussaihkhapâdô. Ce caractère me paraît signifier : « II. a le cou-de-pied saillant. » Les Tibétains traduisent cette définition un peu plus vaguement, de cette manière : « il a le dessus du pied relevé. « A. Rémusat proposait de dire : « il a l’os du genou agréablement arrondi. » Je ne crois pas que cette dernière traduction puisse être admise. On remarquera que nos listes se partagent en deux leçons, selon Tortiiographe qu’elles adoptent pour le premier terme du composé ; le Lalita et la liste népalaise ont utsagga ; les quatre listes de Ceylan et le Vocabulaire pentaglotte ont utchtchharhkJia, et en pâli ussafhkha. En sanscrit utsagga désigne la hanche, et la pente ou la descente d’une montagne ; l’autre mot, utchtchhafhkha, qui ne se trouve pas, mais qui est composé de ut et de çagkha, devrait signifier, « qui a l’os du front saillant. » On voit que la définition du caractère qui nous occupe applique à la description du pied deux termes déjà employés dans la langue pour désigner d’autres parties du corps. Cela nous prouve que ces termes doivent « être pris ici dans leur sens étymologique et avec une certaine latitude d’application. Ainsi, que l’on préfère la leçon utsaglga, « pente d’une » montagne, » et l’on en déduira naturellement cette traduction « son pied a une pente, c’est-à-dire que son pied a un point élevé d’où il descend en pente, en d’autres fermes, « il aie cou-de-pied haut. » Au contraire, que l’on choisisse utchtchhagkka, et l’on aura cette interprétation, « son pied a un os saillant comme est « l’os du front, » ce qui semble nous conduire plus directement à la cheville qu’à toute autre partie du pied. C’est même le sens que j’aurais préféré, si nous ne trouvions pas au n° 8 des attributs secondaires un caractère tout à fait contradictoire, celui de la cheville cachée. Je ne crois donc pas pouvoir m’éloigner du sens donné par les Tibétains au terme de utsagga, où je propose de voir la signification de « cou-de-pied élevé. »

29. Mrtdutarunahastapâdàh ; V27 mrïdutanahastapâdatala ; H 4 mrïdatarunahastapâdatalatâ ; hcj, L6, M5, D5 mudaialunahattkapâdô. Ce caractère signifie : « Il a les pieds et « les mains douces et délicates. » Il y a unanimité entre les listes sur cet article ; cependant le Vocabulaire pentaglotte et la liste népalaise lui donnent un peu plus de précision en le terminant par tala, « la paume de la main, et la plante du pied. » Cela n’est certainement pas une preuve que cette leçon soit plus ancienne que l’autre ; elle se trouve cependant déjà dans la version tibétaine.

30. Djâlaggulihastapâdah ; V 28. djâlâhandhahastapâta ; H3 djâlâvaddhavadjrâggalipânipâdaialatâ ; Lc8, Ly, M6, D6 djâlahatthapâdô. Ce caractère signifie : « Les doigts de ses pieds et de ses mains sont marqués de réseaux, » littéralement, « Il a des pieds et des mains dont les doigts ont des réseaux. » Les quatre listes de Ceylan ne parlent pas des doigts, et donnent uniquement ce détail : « Ses pieds et ses mains ont des réseaux. » Quant à ce qu’il faut entendre par « des pieds, des mains, des doigts qui ont des réseaux, » le Vocabulaire pentaglotte et la liste népalaise ajoutent à leur définition un terme qui ne permet pas le moindre doute ; c’est le mot âbandha, ou plus correctement âbaddha, signifiant, « attaché à, attaché sur. » Les leçons de ces deux autorités doivent donc se traduire littéralement, celle du Vocabulaire pentaglotte, « il a des pieds et des mains sur lesquelles sont attachés des réseaux ; » et celle de la liste népalaise, « la qualité d’avoir sur la plante de < ses pieds, sur la paume de ses mains, sur ses doigts précieux des réseaux attachés. » Il me paraît évident qu’il ne peut être ici question de réseaux qu’on aurait attachés aux mains et aux doigts de l’homme dont on entend décrire les perfections physiques, mais qu’on exprime ainsi figurativement les lignes qui se croisent sur les mains et les doigts potelés des personnes corpulentes et un peu âgées. C’est un caractère assez singulier sur lequel je ne manquerai pas de revenir, quand j’apprécierai la valeur ethnographique et historique de cette double énumération des trente-deux signes de beauté et des quatre-vingts attributs secondaires.

La version tibétaine a cependant fourni à M. Foucaux une interprétation très-différente de celle que je viens d’exposer, et qui, je l’avoue, me parait assez inattendue ; la voici : « Les doigts de ses pieds et de ses mains sont réunis par une membrane. » Veut-on dire par là que les doigts du Buddha laissent voir à leur base une peau, ou si l’on veut, une membrane lâche destinée à les réunir sans en gêner l’écartement ? cela n’aurait rien d’extraordinaire, et je doute qu’il valût là peine de le remarquer. Veut-on dire au contraire positivement la chose même qu’expriment ces termes si précis, « sont réunis par « une membrane, » savoir qu’une membrane rattache les uns aux autres les doigts des mains et des pieds dans toute leur étendue ou seulement en partie.’* alors cela ne va à rien moins qu’à faire passer celui qu’on représente comme le modèle de l’humanité dans la classe des palmipèdes, ce qu’aucune nation buddhiste à ma connaissance, au Tibet ou ailleurs, n’a certainement pu vouloir dire. Le système de littéralité absolue que suivent les Tibétains est probablement la cause de cette équivoque. En sanscrit elle n’est pas possible, car djâla n’y signifie jamais membrane. Outre sa signification primitive en tant que dérivé de djala, « eau, » le mot djâla désigne un filet, un réseau, puis un treillage, comme ceux qu’on place aux fenêtres et dont on voit la figure sur les monuments et les peintures indiennes. Il ne m’appartient pas de décider si le terme tibétain dra ba, par lequel l’interprète du Lalita vistara remplace le sanscrit djâla, signifie à la fois réseau et memèrane ; mais quand cela serait, je ne verrais pas de raison de préférer à la première acception, qui donne un sens raisonnable, la seconde, d’où résulte une interprétation que ne justifient d’aucune façon les peintures ni les statues de Çâkya, où les doigts longs et parfaitement détachés les uns des autres n’offrent aucune trace de membrane qui les unisse. J’ajouterai que les textes buddhiques du Nord qui sont à ma disposition ne m’ont pas jusqu’à présent fourni le moyen de décider définitivement entre mon interprétation et celle des Tibétains. Ainsi j’avais cru pouvoir trouver quelques lumières dans le Lalita vistara a. l’endroit où il énumère les causes qui font qu’un Buddha est doué des plus hautes qualités intellectuelles. Mais est-ce bien sérieusement que les Buddhistes ont pu dire qu’un Buddha est djâlaggulihastapâda, parce que pendant un très-long temps il a fatigué son corps « t ses mains à servir, à baigner et à frotter de substances onctueuses son père, sa nlère et d’autres personnages respectables[38] ?

31. Adhah kramatàlayôç ichakré djâtê tchitrê artchichmatî prabkdsvarê’site sahasrdrê sanêmikê sanâbhiké ; V29 ichakrârhkitahastapâdatala ; Hi tchakrâgkitapânipâdatalatâ ; Lc2, L2, M2, D2 hêtikâpâdatalésa tchakkâni djâtdni hônti sahassarâni sanêmikâni sanâbhikâni sabbâkâraparipûrâni savibhattantarâni. Ce caractère, qui est ici développé avec tant.de mots, signifie : « Sous la plante de ses deux pieds sont nées deux roues belles, lumineuses, brillantes, blanches, ayant mille rais retenus dans une jante et dans un moyeu. » C’est aussi là le sens que donne.la version tibétaine. Les quatre listes de Ceylan, qui sont unanimes, sauf de très-légères variantes qui n’altèrent pas le sens, expriment aussi ce caractère presque dans les mêmes termes : « Sous la plante de ses pieds sont nées deux roues « aux mille rais, ayant une jante, un moyeu, accomplies de tout point, et dont les intervalles sont régulièrement partagés. » Ce caractère est un dé ceux auxquels les Buddhistes de toutes les contrées attachent le plus de prix ; on en aperçoit la trace sur la plante des pieds d’un grand nombre de Buddhas assis ; enfin il occupe le premier rang parmi les signes qui, dans l’opinion des Buddhistes, apparaissent sur les empreintes célèbres du pied fortuné, ou du pied de Çâkyamuni, que plusieurs nations voisines de l’Inde se vantent de posséder ; c’est ce que nous verrons bientôt dans la quatrième section de la présente note. On remarquera que le Vocabulaire pentaglotte et la liste du Dharma saggraha donnent ce caractère avec la concision d’une énumération dogmatique et sans aucun des développements des autres listes.

32. Saprafisthitasamapâdah ; V3o supratichihatapâda ; H2 supratichthitapânipâdatalata ; Lci, Li, Ml, Di suppatilihiiapâdô. Ce caractère signifie : « Il a les pieds unis et bien posés ; » les Tibétains le traduisent d’une manière analogue, d’après M. Foucaux : « Il se tient parfaitement droit sur ses pieds égaux. » Le Vocabulaire pentaglotte est, comme à l’ordinaire, extrêmement incorrect. La liste du Dharma saggraha extraite par M. Hodgson ajoute à la description des pieds celle des mains, de cette manière : « La propriété d’avoir la plante « des pieds et [la paume] des mains bien établie, bien dressée. » Cet énoncé doit être fautif, car outre que les mains n’ont rien à faire en cet endroit, le mot sama, « uni, » qui est indispensable à la description, manque complètement ; or ce que la description veut dire ici, c’est que l’homme dont il est question est parfaitement droit sur ses jambes, et que ses pieds sont unis. Les quatre listes du Sud, unanimes comme dans le plus grand nombre de cas, donnent exactement la même interprétation que celle du Lalita vistara. Celle que proposait A. Rémusat, « le dessous du pied plein et rempli[39], » n’est pas aussi éloignée de l’interprétation littérale qu’on pourrait le croire au premier coup d’œil ; elle veut dire qu’il n’y a pas de vide sous la plante de ses pieds ; or c’est exactement ce qu’on trouve dans la glose singhalaise du Dharma pradîpikâ qui accompagne le caractère qui nous occupe. Cette glose rapporte encore quelques textes pâlis en vers qu’on est vraisemblablement dans l’usage de citer à l’occasion de ce caractère ; je crois utile de les reproduire ici, quoique je ne puisse encore dire à quel ouvrage ils appartiennent.

Ninnam̃ ṭhânam̃ unnamati yatchtchhantê lôkànâyakê
Unnatañtcha samam hôli paṭhavîtcha atchêtanâ
Pâsânâ sakkharâtchêva kaṭhalâ khânukaṇṭhakâ
Sdbbê sammaggâ vidjdjanti gatckichhantê lôkanâyakê
Gaichtchhato Buddhasêtthassa hêṭṭhâ pâdatalam̃ muda
Samam̃ samphusatê bhûmim̃ radjasânupalimpati
Nâgavikkantavârô sô gamanê sôbhatî djinô
Pâram̃ gatchtchhati lôkaggô bhâsayantô sadêvakam̃
[40].

« Là où s’avance le chef du monde, les lieux bas se relèvent, et les endroits élevés deviennent unis, ainsi que la terre insensible. Les pierres, le gravier, le sable, les trous, « les endroits raboteux, tout devient un bon chemin, là où s’avance le chef du monde. « Quand marche le plus parfait des Buddhas, la plante de ses pieds qui est douce, est par « tous les points également en contact avec la terre, et n’est pas souillée par la poussière. « Avec le pas balancé d’un éléphant, le Djina brille par sa démarche ; le chef du monde « atteint l’autre rive, le remplissant de splendeur, ainsi que les Dêvas. » Ces vers expriment avec un peu de diffusion, l’idée indiquée par le trente-deuxième caractère de la liste du Lalita vistara, « La plante des pieds du Buddha est unie ; » et cette perfection recherchée est chez lui si grande, qu’elle se communique aux surfaces inégales qu’il vient à rencontrer dans sa marche.

Dans le cours des analyses qui précèdent, j’ai signalé les nombreuses ressemblances qui existent entre les sept listes des caractères distinctifs d’un grand homme. Ces ressemblances sont telles, et par leur nombre, et par la nature des signes sur lesquels elles portent, qu’on en doit hardiment conclure que toutes ces listes partent d’un fonds primitivement identique. Quant aux différences, elles ont été également indiquées, et l’on a dû apprécier combien peu elles sont importantes. Il en est cependant plusieurs sur lesquelles il est nécessaire de revenir, parce que voulant grouper autour de la liste du Lalita vistara tous les caractères analogues qui se trouvent dans les autres listes, je n’ai pu toujours indiquer comment était exprimé dans ces listes mêmes un caractère manquant au Lalita. Il faut donc donner ici en quelques mots le résumé de toute cette recherche, pour qu’on puisse mesurer d’un coup d’œil les ressemblances et les différences qu’on remarque dans les diverses autorités qui sont à ma disposition.

Je présenterai d’abord en un tableau l’ordre selon lequel sont disposés, dans chacune des sept listes, les caractères qui leur sont communs à toutes. Dans ce tableau les chiffres placés entre crochets désignent les caractères appartenant en propre aux six dernières listes, et ne se trouvant pas dans le Lalita vistara.


LALITA VISTARA. VOCABULAIRE PENTAGLOTTE. DHARMA SANGGRAHA. LAKCHANA SUTTA C. LAKCHANA SUTTA MAHÂPADHÂNA SUTTA DHARMA PRADÎPIKÂ

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9
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13
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3
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[14]
7
[29]
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25
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.5
20
15
[12]
18
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16
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11
6
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4
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16
17
15
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10
14
[5]
[]
4
3
9
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2
1

32
[24]
[12]
31
30
29
23
25
26
28
21
27
22
20
16
18
13
10
17
19
114
15
11
[5]
9
4
3
8
6
7
2
1

31
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On voit maintenant de quelle nature sont les ressemblances et les différences, quant à la disposition des caractères dans ces diverses listes comparées entre elles. Les trois premières listes sont empruntées à des ouvrages rédigés en sanscrit ; les quatre autres, qui paraissent ici pour la première fois, le sont à des livres faisant autorité chez les Buddhistes de Ceylan, livres rédigés en pâli, et dont deux sont des luttas. De ces sept listes, les quatre dernières se suivent, avec une régularité, presque parfaite ; sauf un seul caractère omis vraisemblablement par le copiste du Mahâpadhâna sutta, et que j’ai indiqué par un zéro, ces quatre listes peuvent passer pour émanées d’un même original. Comparées aux trois autres listes, à celles du Nord, qui ont été écrites en sanscrit, elles offrent des ressemblances et des différences qu’il importe de noter. Les ressemblances sont frappantes entre l’es listes de Ceylan et celle du Dharma saggraha qu’a publiée M. Hodgson. Ainsi ces listes commencent toutes également par la description des parties inférieures du corps, et c’est aussi de cette manière que commence l’énumération de M. Hodgson. Malgré quelques déplacements, cette liste marche de pair avec celles du Sud ; et ce qu’il faut surtout remarquer, c’est que là où les’listes du Sud diffèrent de la liste du Lalita vistara par la substitution d’un caractère, l’énumération de M. Hodgson en diffère aussi de la même façon. Une fois cette énumération mise de côté et ramenée au type des listes de Ceylan, les différences ne subsistent plus qu’entre ces listes d’un côté et le Lalita vistara et le Vocabulaire pentaglotte de l’autre. J’attache, je l’avouerai, beaucoup moins d’importance au Vocabulaire pentaglotte qu’au Lalita vistara : quoi qu’on ait pu dire de ce recueil, ce n’est qu’une compilation extrêmement fautive ; et un ouvrage de ce genre ne peut balancer l’autorité des textes originaux, soit sanscrits, soit pâlis. Reste donc le Lalita vistara, qui diffère des listes du Sud et par la disposition générale des caractères, en ce qu’il place au premier rang les parties supérieures du crps, et par l’adoption de quelques caractères qui dans les listes du Sud, sont représentés par d’autres attributs. Cela se remarque aux nos 2 et 3, ainsi qu’au n° 24 du Lalita ; de son côté le Vocabulaire pentaglotte se tient assez près du Lalita, puisqu’il ne s’en éloigne qu’au n° 3 et au n" 18. Quelques mots feront voir de quelle nature sont ces divergences.

En analysant le n° 2 du Lalita, j’ai montré que le caractère qu’il exprimé, savoir:« ses cheveux qui tournent vers la droite sont bouclés, d’un noir foncé, » quoique manquant aux quatre listes pâlies et à celle du Dharma saggraha, ne devait pas être considéré comme réellement absent de ces listes, puisque, sauf la substitution du mot poils au mot cheveux, il se retrouve dans les articles des autres listes qui sont analogues au n° 22 du Lalita vistara. Il résulte de cette observation, que le Lalita vistara et aussi le Vocabulaire pentaglotte qui l’imite, dédoublant un caractère qui pour les cinq autres listes reste unique, il y a lacune d’un caractère, non pas pour ces cihq listes, mais pour le Lalita vistara et pour le Vocabulaire pentaglotte.

Au n° 3 du Lalita vistara, « Il a le front large et uni, » correspond un autre caractère dans les six autres listes ; cependant ici encore la lacune ne doit pas être imputée à ces listes, mais bien au Lalita vistara, qui place parmi les trente-deux signes de la supériorité physique, un caractère appartenant aux quatre-vingts marques secondaires nommées anuvyañdjâna ; c’est ce que nous reconnaîtrons tout à l’heure sous le n° 70, en passant en revue ces caractères. Nous constatons donc une seconde lacune dans la liste du Lalita vistara.

On n’en peut plus dire autant du n° 24 du Lalita vistara, que suit le Vocabulaire pentaglotte, savoir : « Il a les cuisses parfaitement rondes ; » j’ai conjecturé que ce caractère devait avoir été confondu par les autres listes avec le caractère suivant, qui assimile les jambes d’un homme supérieur à celles de l’antilope femelle[41]. Ainsi le Lalita vistara et le Vocabulaire pentaglotte donnant un caractère, qui manque dans les autres listes, constatent pour ces listes la lacune d’un caractère.

En résumé, quand on compare la liste du Lalita vistara avec les cinq autres listes, celles des Népalais et des Singhalais (car je laisse à dessein de côté le Vocabulaire pentaglotte qui se range auprès du Lalita), on trouve que la plus grande différence qui existe entre le Lalita et ces listes, c’est l’omission de deux caractères qui manquent dans le Lalita, tandis que ces listes les possèdent, et l’omission dans ces listes d’un caractère par la confusion de deux attributs en un seul.

Ainsi la liste du Dkarma saggraha donne sous le n° 8, Rîdjugâtratâ, caractère qui dans les autres listes se trouve sous la forme suivante : Lc5, L5, M i4, Di5 Brahmudjdjagattô. Ce caractère doit signifier : « Il a les membres droits comme Brahmâ. » La liste de M. Hodgson se contente de dire : « Il a les membres droits. » Le Lakkhana suttâ ajoute quelques mots pour éclaircir cet article : Bràhmaviyadjdju sabhô sudjâtigattô. « Comme Brahmâ, il est droit, beau, il a les membres bien formés. » L’accord des listes de Ceylan avec le Dharma saggraha prouve la parfaite authenticité de ce caractère ; il doit donc être rétabli dans la liste générale. Et quant à la divergence qu’offrent ici le Lalita vistara et le Vocabulaire pentaglotte y elle s’explique vraisemblablement pour le second recueil par ^e peu de soin avec lequel il a été exécuté, et pour le premier, parce que quand il parle des trente-deux caractères, il n’en donne pas, comme je l’ai cru remarquer, une énumération technique, mais seulement un exposé général et presque oratoire, qui vient à l’occasion de la naissance du Buddha.

Au n° 14 de la liste du Dharma saggraha nous trouvons savarnavarnatâ ; à cet article répondent, dans les listes suivantes, Vig suvarnnatchtchhavih, hciS, Lia, Mio, Du suvannavannô. Ce caractère signifie : « Il a la couleur de l’or » ou « l’éclat de l’or. » Le Lakkhana sutta ajoute quelques mots pour donner plus de précision à ce caractère : Kantehanasannihhattatchô hanakatanunïbhô. « Sa peau a l’éclat de l’or, il ressemble à un corps d’or. » J’ai montré, en analysant le n° 17 du Lalita vistara[42], que ce dernier ouvrage n’avait pas omis entièrement ce signe, puisqu’il l’avait confondu avec l’article relatif au lustre de la peau. Il est certain qu’on n’en comprendrait pas aisément l’omission, car il est de première importance, sous le rapport ethnographique et religieux à la fois. Déjà M. Rémusat avait montré combien cette définition d’une peau de couleur d’or convenait au teint des Hindous en général, et c’était un de ses meilleurs arguments contre l’hypothèse africaine[43]. Aujourd’hui nous pouvons ajouter que les artistes sectateurs de Çâkyamuni ont pris au propre cette description, et que les statues et les représentations graphiques des Buddhas sont positivement dorées, tant dans les pays voisins de l’Inde septentrionale, qu’à Ceylan et dans l’Inde transgangétique. C’est ce qui explique la dénomination de l’homme d’or, qui joue un rôle très-important dans l’histoire des premières communications des Religieux indiens avec la Chine.

J’ai dit tout à l’heure qu’en ce qui regarde les listes du Sud, je supposais que le n° 24 du Lalita vistara y était omis ; de sorte qu’en résumé, et pour en finir avec ces détails qui ont pu fatiguer l’attention du lecteur, il y aura un caractère à réintroduire dans les listes du Sud, et deux à replacer dans les listés du Lolita et du Vocabulaire pentaglotte. Pour les listes du Sud, on trouvera la place nécessaire en réunissant en un seul attribut les n°’2 3 et 24 de L, 26 et 3 1 de Le, 22 et 23 de M, etc. Pour l’énumération du Lalita vistara, on supprimera le n° 3 qui appartient aux signes secondaires dils Annvyandjana, ce qui fera une place ; et en réunissant en un seul article les n"’2 et 2 2, on aura la seconde place nécessaire. Quoique ces légers changements ne soient que des conjectures, je suis porté à croire qu’ils nous conduisent bien près de la vérité.

Les trente-deux Lakchanas, ou signes caractéristiques d’un grand homme, que nous venons d’examiner, occupent une place considérable dans le système religieux du Buddhisme primitif, puisqu’en les reconnaissant sur la personne de leur maître, les disciples de Çâkya en ont fait comme le présage et la condition de sa grandeur. Il existe, à cet égard i un texte classique annonçant la destinée promise à l’homme assez heureux pour porter ces précieuses marques. Ce texte est vulgaire dans les deux écoles, dans celle du Nord comme dans celle du Sud, et de plus il est ancien, puisqu’il ne peut se trouver à la fois dans l’une et dans l’autre, sans être antérieur à l’époque de leur séparation. Il tient si intimement à l’énumération des trente-deux signes caractéristiques de Ia supériorité humaine, qu’il n’en peut être séparé ; il en marque, en quelque façon, le terme et le but.

Au chapitre troisième du Lalita vistara, à l’endroit où il est question de la naissance future du Bôdhisattva, le narrateur annonce que le Bôdhisattva sera doué des trente-deux signes caractéristiques d’un grand homme, et qu’en conséquence sa destinée sera double. Voici ce texte même, d’après nos manuscrits:Sa dvâtriniçatâ mahâpuruchalakchanâih samanvâgaiô hhavati yâih samanvâgaiasja dvê gaii hhavaiô na irîtiyâ. Sa tchéd agâraw adhyâvasati râdjâ bhavati tchakravarti tchafuraggô vidjitavân dhdrmikô dharmarâdjah saptaratnasamanvâgatah ; tasjémâni saptaratndni bhavanti ; iadyathâ tchakraratnam. hastiratnani açvaratnam siriratnam maniratnalh grïhapatiratnqm parinâyakaratnam éva saptamam[44]. « Il est doué des trente-deux signes caractéristiques d’un grand homme ; or, pour celui qui est doué de ces signes, s’ouvrent deux voies et non trois. S’il préfère le séjour de la maison, il devient un roi Tchakravartin, ayant une armée composée de quatre corps, victorieux, juste, roi de justice, possesseur des sept joyaux. Voici maintenant quels sont les sept joyaux qu’il possède; ce sont : Le joyau de la roue, le joyau de l’éléphant, le joyau du cheval, « le joyau de la femme, le joyau de la pierre précieuse, le joyau du maître de maison, « et le joyau du général, qui fait le septième. » Le Lalita vistara expose ensuite ce qui se rapporte à chacun de ces objets précieux formant le trésor d’un roi Tchakravartin : j’omets à dessein ce développement, que le lecteur trouvera dans la traduction française de M. Foucaux ; je me contente d’en extraire le détail relatif aux fils du roi Tchakravartin, parce qu’il se retrouve presque mot pour mot dans la rédaction des Buddhistes du Sud : Eihih saptaratnâih samanvâgato hhavichyati.tckâsya pulrasahasram bhavati sârânâfh uîrânâm varâggarâpinâm parasâinyapramardakânâm ; sa imâm mahâprithivirh sasâgaraparyantâm akhilârh ahanthakâm adandênâçastrénâbhinirdjityâdhyâvasati[45]. « Ce sont là les sept joyaux dont il est doué ; et il aura mille fils, braves, héros, ayant une forme et des membres parfaits, sachant écraser les armées de leurs ennemis. Pour lui, il réside [dans la maison], après avoir soumis la grande terre dans sa totalité jusqu’aux limites de l’Océan, sans y laisser d’épine, et en n’employant ni le châtiment, ni le glaive. » Si au contraire il renonce à la vie du monde, voici la destinée qui lui est promise : Sa tchêd agârâd anagârikâm pravradjichyati vâniaichhandarâgô hêtâ ananyadêvak çâstd dêvânântcha manuchyânântcha[46]. « Mais s’il sort de la maison pour se faire mendiant, alors vide de passions et de désirs, devenu le guide [du monde], ne reconnaissant pas les autres Dieux, il sera le précepteur des Dieux et des hommes. » Le lecteur exercé reconnaîtra ici autant d’expressions consacrées qui reviennent toujours les mêmes quand il est question de ce sujet.

Voici maintenant de quelle manière les Suttas pâlis expriment ces mêmes idées ; on les retrouve plusieurs fois répétées dans le Digha nikâya, noiamment dans YAmbhutlha sutta, et dans le Lakkhana sutta, c’est-à-dire dans le Sutta relatif aux signes mêmes qui nous ont occupés et dont il s’agit d’exposer l’effet. Ce dernier texte est ainsi conçu : Dvattimsa hhik^ khavê mahâpurisassa Iakkhanâni yéhi samannâgatassa mahâpnrisassa dvé gatiyô hhavanti ûnannà ; satché agâram adjdjhâvasati radjâ hôti tchakkayattî dhammikâ dhammarâdjâ tchâtarantô vidjiiâvidjanapadatthâvariyappattô sattaratanasamannâgatô. Tassimânisatta ratanâni bkavanii sêyyatliidam tchakkaratanam hatthiratanam assaratunam. tnaniratunam itthiraianam gahapatiratanam parinâyakaralanam êva sattamam. Parôsakassafk khôpanassa puUâ hhavanti sârâ vîraggarûpâ parasênappamaddanâ. Sô imam patkavim. sâgarapariyantam adandéna asatthêna dhamména dbhividjîya adjdjhâvasati. Satché kKôpanâgârasmâ anagâriyam pahbadjdjati araham hôti sammâsambuddhô lôkê vivattatchtchhaddô[47]. « Il y a, ô Religieux, trente-deux signes caractéristiques d’un grand homme ; le grand homme qui en est doué voit s’ouvrir devant lui deux voies et non une autre. S’il préfère le séjour de la maison, il devient un roi Tchakkavatti, juste, roi de justice, maître des quatre points de l’horizon, victorieux ayant acquis la propriété des campagnes, possesseur des sept joyaux. Voici maintenant quels sont les sept joyaux qu’il possède ; ce sont : le joyau delà roue, le joyau de l’éléphant, le joyau du cheval, le joyau de la pierre précieuse, le joyau de la femme, le joyau du maître de maison, le joyau du général, qui fait le septième. Il a plus de mille fils, braves, ayant la forme et les membres des héros, sachant écraser les armées de leurs ennemis. Pour lui, il réside [dans la maison], après avoir soumis cette terre jusqu’aux limites de l’Océan, en n’employant ni le châtiment ni le glaive, et par la justice seule.

« Si au contraire il sort de la maison pour se faire mendiant, alors il devient Arhat, parfaitement et complètement Buddha, n’ayant que du dégoût pour le monde. »

Il est impossible de méconnaître l’identité fondamentale de ces deux exposés ; il est évident qu’ils partent tous deux d’un même original. Les différences de rédaction que l’on remarque entre la formule sanscrite et la formule pâlie s’expliquent aisément par la différence des temps et des lieux ; elles ne portent pas d’ailleurs sur des points importants. Si même nous possédions des manuscrits plus anciens, il est quelques-unes de ces différences dont on pourrait découvrir directement l’origine. Passons-les rapidement en revue. Dans la rédaction sanscrite, parmi les épithètes du roi Tchakravartin, nous trouvons le titre de tchaturagga, auquel on ne peut guère assigner d’autre sens que celui de « ayant les quatre corps d’armée. » Dans la rédaction pâlie, au contraire, on lit tchâtaranta, mot où l’allongement de la voyelle, marque de dérivation, semble annoncer un adjectif d’une composition plus perfectionnée que le tchaturagga sanscrit ; littéralement cette épithète signifie seulement ceci : « celui qui a les quatre extrémités, » c’est-à-dire, comme le disent les Brahmanes avec d’autres mots, « celui qui est vainqueur de l’univers jusqu’aux quatre coins de l’horizon. » Les deux expressions ne sont pas grandement éloignées l’une de l’autre ; car il faut que le monarque souverain soit à la tête d’une armée composée, selon les idées indiennes, de quatre corps de troupes, pour porter la victoire jusqu’aux limites de l’univers. Eh bien, je ne doute pas que cette différence elle-même ne disparût dans quelqu’une de ces anciennes écritures que ia sagacité de J. Prinsep a si heureusement déchiffrées. Si le lecteur exercé veut bien se remettre sous les yeux la forme du t et celle du gf dans les inscriptions de Piyadasi et dans celles des cavernes de l’ouest de l’Inde, il reconaîtra qu’il n’y a rien de si facile à confondre que ces deux consonnes, surtout lorsqu’elles forment la seconde partie d’un groupe. On a donc pu lire très-facilement tchâtaranta pour tchaturagga, et réciproquement. Quant à moi, je crois que la leçon la meilleure et la plus authentique doit être celle de tchaturagga.

Dans la rédaction sanscrite nous ne voyons pas de trace de cette épithète curieuse de djanapadatthâvariyappatta, qui veut dire littéralement, « qui a acquis la propriété immobilière des campagnes. « Serait-ce que cette, épithète aurait été ajoutée plus tard, à Ceylan peut-être, et sous l’influence d’un système qui attribuait aux rois la propriété exclusive des terres ?

Parmi les épithètes des mille fils du monarque souverain, nous trouvons dans, la rédaction sanscrite vîrânâm varâggarâpinâm, « héros, ayant une formé et des membres parfaits,» et dans la rédaction pâlie, vîraggarûpâ, « ayant la forme et les membres des héros. » Il est bien évident que ces deux leçons sortent l’une de l’autre, soit par développement, soit par contraction. La seconde supposition me paraît la plus vraisemblable, et j’aime mieux croire que vîraggarûpâ est une contraction plus ou moins factice de vîrâ varâggarâpinah, que d’admettre que cette seconde leçon s’est développée postérieurement à la première.

Enfin la dernière et peut-être la plus singulière des différences que présentent nos deux textes, c’est que la version pâlie a tchhadda au lieu de tchhanda, c’est-à-dire vomissement au lieu de désir. Lorsque l’homme prédestiné à l’une des deux destinées supérieures dont il a été parlé, devient Buddha, le Lalita vistara le désigne par cette épithète vântatchhandarâga, qui signifie littéralement, « celui qui a vomi tout désir et toute passion. » Cette image un peu crue, mais familière aux Indiens, a laissé sa trace dans la rédaction pâlie ; toutefois elle s’y est transformée d’une manière bizarre : les termes que j’ai traduits par « n’ayant que du dégoût pour le monde, » lôkê vivattatcKhaddô, signifient mot pour mot, « cHî vomitas excitas erga ninndam. » Ici encore, il semble que la version pâlie résulte du texte sanscrit, ou mal lu, ou bouleversé dans ses termes : de vanta vient vivdtta ; de tchhanda, tchhadda ; et peut-être lôhé n’est-il que la transformation de râga. Le sens qui résulte de cette nouvelle rédaction du texte n’est pas fort éloigné de celui que donne la version sanscrite ; mais il en diffère en ce qu’il est obtenu d’une manière indirecte et au moyen d’une expression tourmentée, tandis que ïa version du Lalita vistara est aussi simple pour le fond que pour la forme. Il se peut qu’ici encore on doive recourir à une cause première aussi peu importante que la figure des lettres. Le double dda et le rida se ressemblent considérablement dans l’écriture singhaiaise ; on en doit dire autant du double tta et du nia. Il ne serait donc pas impossible que la rédaction du texte pâli, tel que nous le possédons actuellement, n’eût eu lieu que postérieurement à l’arrivée des écritures canoniques à Ceylan, et que consignée d’abord dans un caractère bien moins arrêté que le sanscrif de nos jours, elle eût subi plus lard, par le fait des copistes ou des lecteurs, les modifications que je crois pouvoir rapporter à la confusion de quelques signes plutôt qu’à la différence des écoles.


SECTION II.
DES QUATRE-VINGTS SIGNES SECONDAIRES.

Outre les trente-deux Lakchanas ou signes caractéristiques d’un grand homme dont on vient de voir les nobles effets, les Buddhistes connaissent encore quatre-vingts signes secondaires dits Anuvyanfijana ou marques de beauté, auxquels j’ai déjà fait plus d’une allusion, et qu’il nous faut examiner pour avoir une idée complète du type de perfection physique qu’ils cherchent dans leur sage ou dans les fabuleux monarques nommés « Rois « qui font tourner la roue. » J’en connais jusqu’ici quatre listes puisées à quatre sources diverses : la première est donnée par le Lalita vistara, à la suite des trente-deux signes dits Lcdîclmnas ; la seconde forme la section quatrième du Vocabulaire pentaglotte ; la troisième a été publiée par M. Hodgson, d’après le Dharma saggraJia ; la quatrième et dernière est empruntée ati Dharma pradipikâ singhalais[48]. Lès trois premières sont rédigées en sanscrit, la dernière l’est en pâli ; c’est la seule de ce genre, que j’aie rencontrée jusqu’ici, car à la différence des trente-deux Ldkchanas, les quatre-vingts signes secondaires ne se trouvent ni dans le Lakkhana sutta ni dans le Mahâpadhâna sutta pâlis. Comme les livres qui m’ont fourni ces quatre listes sont les mêmes que ceux auxquels j’ai emprunté tout à l’heure l’énumération des trente-deux signes de perfection, je continuerai à les désigner par les mêmes lettres : ainsi l’expression qui suivra le premier chiffre étant celle du Lalita vislara, V désignera le Vocabulaire peiitaglotte, H la liste du. Dharma saggraha publiée par M. Hodgson, et celle du Dharma pradipikâ singhalais. De plus je suivrai, pour l’examen des signes secondaires, la méthode que j’ai appliquée aux marques de la beauté.

1. Tugganakhah ; V3 tamraganakhah ; H3, Dd tagganakhatâ. Ce caractère signifie, « Il a « les ongles bombés ; » suivant les interprètes tibétains, relevés. La leçon du Vocabulaire pentaglotte est très-fautive ; mais on peut l’expliquer en partie en supposant que le groupe nga ङग aura été lu à tort rga र्ग ; l’écriture Randjâ donnerait aisément lieu à une confusion de ce genre. Quoi qu’il en soit, on remarquera ici deux choses : la première, que deux de nos listes sont unanimes quant à la place de ce caractère ; la seconde, que la liste pâlie du Dharma pradipikâ le présente sous la forme d’un terme abstrait, comme fait la liste de Hodgson, de cette manière : « la qualité d’avoir les ongles bombés. » Cet accord se continuera généralement dans la suite des deux listes ; je le signale au début de cette analyse comme un des traits les plus frappants de l’analogie des autorités népalaises et des textes singhalais en ce qui touche ce point important de la doctrine.

2. Tâmranakhah ; Va âtamranakhah ; Hi âtâmranakhatâ ; D4 tambanakhatâ. Ce caractère signifie : « Il a les ongles de la couleur du cuivre rouge. » Les Tibétains ne l’entendent pas autrement. Le Vocabalaire pentaglotte n’est ici fautif que par l’abrègement de la seconde voyelle. Du reste il s’accorde avec la liste de M. Hodgson pour faire précéder le mot tâmra, « suivre, » de la préposition â qui ajoute ici l’idée de « analogue à, tirant sur. » La liste singhaiaise se rapporte ici à celle du Lalita vistara. En résumé, nos quatre listes se divisent en deux groupes, dont l’un exprime ainsi ce caractère tiré des ongles, « il a « les ongles couleur de cuivre rouge, » et dont l’autre le rend avec une nuance légère, « il a les ongles tirant sur la couleur du cuivre rouge. »

3. Snigdhanakhah ; Va snigdhanakhàk ; Ha snigdhanakhatâ ; D6 siniddhanakhatâ. Ce caractère signifie, « Il a les ongles lisses ; » les Tibétains l’entendent de la même manière. Dans la liste du Dharma pradîpikâ, le mot siniddha est l’altération pâlie du sanscrit snigdha, « lisse, poli, luisant. » Cette liste recule ce caractère un peu plus bas que les autres autorités qui sont entre mes mains ; cela vient de ce qu’elle débute par la description des doigts, avec laquelle elle mêle celle des ongles. Malgré ces différences, il n’en est pas moins évident que quatre listes commencent par des caractères très-voisins les uns des autres, à la différence des listes des Lakchanas, qui, comme nous l’avons vu, montrent en ce point de notables divergences.

4. Vrïttâggulih ; V à. vintâggulih ; D3 vattaggulitâ. Ce caractère signifie, « Il a les doigts arrondis, » comme l’entendent les Tibétains. Il est reproduit d’une manière fautive par le Vocabulaire pentaglotte, et manque dans la liste du Dharma saggraha népalais, peut-être par un oubli du copiste.

5. Tchitrâggnlih ; V6 pariaggulih ; H4 tchhatrâggulitâ ; Ti tchitâggulitâ. Ce caractère signifié, « Il a les doigts beaux ; » mais la variété des leçons que présentent nos quatre listes me laisse dans l’incertitude sur le sens véritable. Le Lalita vistara a tchitra aggulih, composé qui n’est guère susceptible d’un autre sens que de celui que je propose. Cependant les Tibétains, d’après la traduction de M. Foucaux, y voient le sens de long, pour lequel on attendrait dîrgha. La leçon du Dharma pradîpikâ singhalais donne lieu à cette incertitude particulière, que si tchita est le substitut de tchitra, c’est ichitta qu’on devrait écrire ; et qu’au contraire, si tchita est la leçon régulière, on pourrait le traduire par couvert, plein, comme j’ai proposé de le faire pour le n° 16 des signes dits Lakchanas qui se rapporte aux épaules[49], de cette manière, « il a les doigts pleins ; » mais je crains qu’on n’objecte que ce sens rentre presque complètement dans la définition des doigts arrondis du n° k’J’avoue que je ne puis rien faire de la leçon de la liste népalaise tchhatrâggnlih, <i il a les doigts en forme de parasol. » Faut-il voir ici une allusion à ces doigts réunis par une sorte de membrane, dont il semble que parlent les Tibétains, mais dont j’ai suspecté plus haut la réalité ? Je ne le pense pas, et j’aime mieux supposer que tchhatra est une faute de copiste pour tchitra. Enfin que devra-t-on faire du pariaggulih du Vocabulaire pentaglotte ; que Rémusat proposait de traduire par « doigts ronds[50] ? » C’est uniquement par conjecture que je place ici cet énoncé ; mais le Vocabulaire pentaglotte s’accordant sur les autres caractères tirés de cette partie du corps avec les trois listes collatérales, pariaggulih doit remplir la place vacante de tchitrâggnlih.

6. Anupurvatchitrâqgulih ; V5 anùpûrvaggulih ; H5 anupûrvâggulitâ ; J)2 anapabbaggulitd. Ce caractère signifie, « Il a les doigts effilés, » comme l’ont bien vu les Tibétains ; mais en traduisant ainsi, j’omets le mot tchitra, qui suit anapûrva et qui fait répétition avec le n° 5, lequel, ainsi qu’on l’a vu, donne lieu à quelques difficultés. Pour traduire exactement le n° 6 du Lalita vistara, il faudrait dire : « Il a les doigts beaux et effilés. » Cependant, comme le Lalita vistara est seul à répéter le mot tchitra, je crois qu’il est nécessaire de l’omettre dans une traduction destinée a reproduire systématiquement l’ensemble des caractères secondaires dits Anuvyaiidjona. Et à ce sujet je dirai que cette répétition du mot tchitra ne doit pas étonner en ce qui touche le Lalita vistara, qui est moins une énumération systématique des quatre-vingts signes secondaires de beauté, que la description suivie et jusqu’à un certain point oratoire de l’homme qui possède ces caractères. C’est là une remarque qu’il ne faut pas perdre de vue, parce que c’est ainsi qu’a dû commencer l’énumération de ces caractères : on en a parlé longtemps par tradition avant de les cataloguer d’une manière régulière ; et des listes comme celles du Dharma saggraha et du Dharma pradîpikâ sont certainement postérieures à des textes comme ceux du Lalita vistara. On comprend alors que les répétitions qui pouvaient s’être glissées dans les textes ont dû nécessairement disparaître, des listes. Quant au sens du seul élément qui doive subsister, celui d’anapûrva, il doit être exactement rendu par effilé, puisque anapûrva s’applique à tout ce qui se développe successivement dans un ordre régulier.

7. Gûḍhaçiraḥ ; V7 nighûdhapiraḥ ; H6 gûḍhaçiratâ ; D49 nig͂gulhasirasatâ. Ce caractère signifie, « Il a les veines cachées, » comme l’entendent les Tibétains ; c’est évidemment un effet de la rondeur et de la plénitude de formes rebondies. Aussi A. Rémusat le commentait-il fort bien par ces mots:« veines profondes. qui ne font point saillie au dehors[51]. » On reconnaît aisément en quoi est fautif le Vocabulaire pentaglotte, qui confond d’ordinaire.9 ou f avec p. Ce caractère est exprimé dans le Dharma pradîpikâ avec une particularité d’orthographe qui ne peut cependant faire difficulté; il s’agit de l’addition d’une nasale g après la préposition ni, addition qui est dans l’esprit du singhalais:niggulha revient donc au pâli nigulha, qui est lui-mênàè le sanscrit nigûdha.

8. Gâdhagulphah ; Yq gddhagulphal}. ; RS gddhagulphatâ ; Dj nigulhagôpphakatâ. Ce caractère signifie, « Il a la cheville cachée » ou couverte, comme l’entendent les Tibétains. Le Vocabulaire pentaglotte est encore ici incorrect ; les autres listes s’accordent entre elles, sauf celle des Singhalais, qui lit nigulha au lieu de gûdha. Le Vocabulaire pentaglotte omet ici la préposition ni qu’il avait admise pour l’article précédent ; en ce point il est correct, sauf toutefois la mauvaise orthographe de dh pour dk.

9. Ghanasandkih ; V8 nirgrarnlhipirah; H7 nigranthiçiratâ. Ce caractère signifie:« Il a les articulations solides. » Cependant les interprètes tibétains le traduisent, d’après M. Foucaux, par « les articulations invisibles ; » ce qui semble indiquer que ghana a été pris par eux dans le sens à l’impénétrable, pour dire que les articulations sont engagées dans un corps si plein et si charnu qu’elles ne sont pas apparentes. Quant à la leçon, de la liste népalaise, et aussi à celle du Vocabulaire pentaglotte (sauf la faute déjà signalée qui la termine), elle s’éloigne au premier abord sensiblement de la version du Lalita vistara ; elle signifie : « II a les veines ou les muscles sans nœuds. » Cette divergence n’est cependant pas aussi considérable qu’on le pourrait croire ; car dire d’un homme que les muscles de ses membres n’ont pas de nœuds, c’est dire quelque chose de bien semblable à ceci, que « ses articulations ne sont pas apparentes. » On sait le vague qui existe sur la signification propre du mot cira, qu’on prend dans les diverses acceptions de « veine, nerf, muscle, tendon ; » et l’on.conçoit de même que les points où les membres s’attachent, c’est-à-dire les points de sandhi, puissent être attribués à la rencontre des cira. Je n’ai donc pas hésité à mettre sur le même rang nos trois listes ; il eût fallu sans cela constater une lacune, soit dans le Lalita vistara, soit dans le Vocabulaire pentaglotte et le Dharma sag͂graha réunis. Je n’ai pas indiqué la présence de cet attribut pour la liste singhalaise ; il y doit cependant exister, car je trouve, sous le n° 48, un caractère ainsi conçu, sirasatâ, caractère incomplet que le copiste de mon exemplaire du Dharma pradîpikâ n’avait sans doute pu lire en entier sur son original, ou qu’il n’y avait pas trouvé, car il a laissé à gauche de sirasatâ un blanc destiné à marquer la lacune d’un mot. Le Dharma pradîpikâ ayant donné, sous le n° 49, un caractère correspondant au n° 7 du Lalita vistara, il est très-probable que nous devrions trouver ici l’analogue du n° 7 de la liste népalaise.

10. Avichamasamapâdah ; V10 avisamapâdah ; H9 avichamapâdatâ ; D8 samapâdatâ. Ce caractère signifie, « Il a les pieds égaux et non inégaux ; » et les Tibétains l’entendent exactement de la même manière. Les trois autres listes s’accordent pour ce sens, les unes disant, « Il a les pieds non inégaux, » et la dernière, « La qualité d’avoir les pieds égaux. » Ici encore nous trouvons dans l’énoncé du Laîita vistara la trace d’un développement qui a disparu des autres listés qui sont des énumérations plus techniques. Et ce développement qui consiste à joindre à l’affirmation du positif celle de l’absence du négatif, est tout à fait dans l’esprit du Buddhisme ; on en rencontre d’aussi fréquents exemples dans les livres du Sud que dans ceux du Nord.

11. Âyatapâdapârchnih. Ce caractère, qui manque dans les trois autres listes, signifie, « Il a le talon large, » ou « gros, » suivant les Tibétains.

12. SnigdhapdnHékhah ; V45 snigvapâiiilékhah ; H44 snigdhapânilêkhita ; D40 rutchirasanthânalékhatâ. Ce caractère signifie, « Il a les lignes de la main lisses, » ou, comme disent les Tibétains, « brillantes. » Le Laliia vistara, qui a suivi jusqu’à présent avec assez de régularité l’ordre des trois autres listes, s’en écarte considérablement ici, en passant de la description des pieds à celle des mains. On reconnaît sans peine la cause de la mauvaise leçon du Vocabulaire peniaglotte ; le copiste a confondu les groupes dha et gva. Dans l’énoncé de la liste népalaise il faut lire lêkhatâ au lieu de lékkita. Quant à celui de la liste’du Dharma pradîpikâ singhalais, il doit se traduire ainsi : « Il a les lignes belles et « semblables ; » il faut entendre par là les lignes de la main, car dans cette liste ce caractère vient le dernier de tous ceux qui se rapportent à la main. Je crois que nous trouvons ici réunis sous un même article deux caractères que le LaUta vistara sépare en deux numéros. Les lignes dites rutcliira ou ielles répondent aux lignes snigdha ou lisses des autres énumérations ; et les lignesde la main saṇṭhâna ou semblables répondent aux talya, « semblables ou égales, » du Lalita, que nous allons voir sous le numéro suivant.

13. Tulyapâṇilêkhah. Ce caractère signifie, « Il a les lignes de la main semblables, » ou, comme disent les Tibétains, « régulières. » Cet attribut manque dans les autres listes, sauf dans celle des Singhalais, où, comme je le disais tout à l’heure, il est réuni au caractère des lignes belles ou lisses. Toutefois je trouve dans le Vocabulaire pentaglotte un énoncé très-fautif et même incomplet, qui, s’il ne représente pas directement ce caractère, en doit être ou la transformation altérée, ou, si on l’aime mieux, l’analogue et la substitution. Il est placé sous le n° 44, et ainsi conçu, « Kulapatrĭçasu, » c’est-à-dire, selon l’interprétation d’A. Rémusat, « mains délicates comme un tissu de Kieou-lo, » ou, selon le mandchou, « comme le coton[52] » Pour retrouver ce sens, il suffirait de lire tâla, « coton, » au lieu de kula, et sadrĭça au lieu de patrĭça ; mais il resterait une lacune plus ou moms considérable à la fin du composé, car je n’oserais substituer le mot pâni, « main, » à la syllabe su. Quoi qu’il en soit, deux points me paraissent évidents ici ; l’un, qu’il n’est pas impossible de retrouver dans l’énoncé sanscrit le sens que les Chinois lui assignent ; l’autre, que si cet énoncé a sa place quelque part dans cette énumération des caractères secondaires, ce doit être auprès de nofre n° i3, dont il diffère par le sens, mais dont il est l’analogue par suite de la ressemblance qu’ont les deux mots talya et tâla. Je n’hésite pas davantage à ramener ici, quoique je ne l’entende pas entièrement, le ù" 43 de la liste népalaise, gandhasadrïçasukumârapâniti, « la qualité d’avoir lés mains très-douces et semblables au « gandha. » Quelle substance ou quel objet entend-on désigner par le gandha ? est-ce le soufre, où le bouton de quelque fleur ? c’est ce que je ne saurais dire. Ce doit être, selon toute apparence, un objet remarquable par sa douceur, comme est le coton, qui sert de point de comparaison dans le Vocabulaire pentaglotte.

14. Gambhirapâailékhàh ; V46 gamhhirapânilékha ; H45 gambhîrapânilêhhitâ ; D37 gamhhîrapâîiildkhaiâ. Ce caractère signifie, « Il a les lignes de ’a main profondes, » comme l’entendent les Tibétains, Nos quatre listes sont unanimes sur ce point.

15. Adjihmapânilékhah ; DSg udjukalêkhatâ. Ce caractère signifie, «Il a les lignes de la « maiA non tortueuses, » comme l’entendent les Tibétains, ou « droites y » comme le disent les Singhalais. Ce caractère manque dans le Vocabulaire pentaglotte et dans le Dharma saggraha népalais.

16. Anupûrvapânilêkhah ; V^y ayatapdnilékhah ; H4.6 âyatapânilékhitâ ;D58 âyatalékhatâ. Ce caractère signifie, «Il a les lignes de la main allongées, » ou, suivant les Tibétains, « très-régulières. » Je crois que la première traduction est préférable, parce qu’elle est appuyée par la leçon des autres listes, âyata, « étendu, prolongé. » On ne fera pas difficiilté de donner ici le sens d’allongé à l’adjectif anupûrva, puisque nous l’avons traduit déjà par effilé, en parlant des doigts, ci-dessus sous le n° 6. Il en doit être de même des lignes de la main qui se prolongent en s’amincissant jusqu’au point où elles disparaissent.

17. Vimbôchthah ; V^Q bimpaprativimba ; Hliè bimbapratibimbôchthatâ ; 1)55 ratiôtthatâ. Ce caractère signifie, « 11 a les lèvres comme le fruit du Vimba, à quoi les Tibétains ajoutent, « rouges comme le fruit du Vimba ; » on sait que le Vimba ou Bimba est le fruit rouge du momordica monadelpha, auquel les poètes comparent les lèvres rougies par l’usage du bétel et de l’arec. Le Vocabulaire pentaglotte oublie ici le mot ôchtha, « lèvre ; » mais il fait suivre vimba de prativimbà, « imagé, ressemblance, » comme le fait aussi la listé népalaise. Les Singhalais se contentent de diie : « La qualité d’avoir les lèvres rouges.

18. Nôtchtchaçahdavatchanah ; V48 nâtyâyatamadnah ; H47 nâtyâyatavatchanatâ ; D36 âyatavadanatâ. Ce caractère signifie « Il a une voix dont le son n’est pas trop élevé, » ou, comme disent les Tibétains, « Le son de sa voix est sans rudesse, » ce qui ne me paraît pas une traduction suffisamment exacte. Nos trois autres listes diffèrent sensiblement de la définition du Lalita vistara. Ainsi le Vocabulaire pentaglotte, qui est très-fautif, puisqu’il lit madnah au lieu de vadanah, veut dire de deux choses l’une, ou : « Sa bouche n’est pas « trop grande, » ou « Son visage n’est pas trop allongé-, » c’est ce dernier sens que proposait Rémusat, quand il traduisait : « visage plein et arrondi. » La liste singhalaise dit exactement le contraire : « La qualité d’avoir la bouche grande ou le visage allongé ; » mais il y a certainement ici une faute qui consiste dans l’omission de la négation. De toute façon if n’est question, d’après ces deux listes, que de bouche ou de visage, mais non de voix ni de parole. Ce dernier sens paraît dans la liste népalaise : « Sa voix n’est pas trop élevée ; » mais il n’est exprimé nettement que dans le Lalita vistara. Entre ces sens divers, nous n’avons pour nous décider que la vraisemblance ; or la vraisemblance est, à mon avis du moins, en faveur de la liste singhalaise et du Vocabulaire pentaglotte corrigés l’un et l’autre. Le caractère dont il s’agit ici doit être tiré du visage ou de la-bouche, par cela seul que toutes nos listes s’accordent à le placer auprès du caractère tiré des lèvres. Entre la face et la bouche, j’inclinerais pour cette dernière partie, parce qu’il est plus facile d’arriver à la voix en partant de la bouche qu’en partant du visage. Aussi pensé-.je qu’on a, dans l’origine, entendu dire : « Il n’a pas la bouche trop grande ; » et qu’ensuite confondant vadana, « la bouche, » avec vatchana, « la parole, » quelque copiste aura cru qu’il s’agissait de la voix, dont il sera parlé plus bas, et qu’une fois cette opinion entrée dans son esprit, il aura substitué à nâtyâyata, « pas trop long, » le mot nôtchtcha, « pas élevé. » Cette dernière substitution serait fort aisée à comprendre, si l’on supposait que le mot nâtyâyata s’est présenté dans le principe sous une forme populaire, comme celle qu’il aurait en pâli, nâtchtchâyata.

19. Mrïdataranatâmradjihvah ; V50, 51, 52 mrïtadjihvali, tanadjihvah, raktadjihvah ; H49, 50, 52 mrïdadjihvatâ, tanudjihvatâ, raktadjihvatâ ; D46 mudatanutarattadjihvatâ. Ce caractère signifie : « Il a la langue douce, délicate et couleur de cuivre rouge. » Les Tibétains, au lieu de délicate, disent souple, ce qui est une traduction incomplète de tanu et un peu libre de taruna ; cette dernière leçon, d’ailleurs, me paraît devoir être abandonnée en présence du témoignage unanime des trois autres listes qui ont tanu, tout en l’écrivant deux fois fautivement tana et tanata, et surtout parce que nous trouvons sous le n° 12 des Lakchanas ce caractère d’une langue mince déjà positivement exprimé. Il arrive cependant plus d’une fois que les caractères secondaires ne sont que la répétition d’un des trente-deux signes ou Lakchanas, ou. qu’ils n’y ajoutent que des traits de peu d’importance : l’addition ici consisterait uniquement dans le terme de tâmra, « couleur de cuivre rouge, » que nos trois autres listes remplacent par rakta, ou ratta, « rouge. » On remarquera de plus que ces listes font trois articles de ces attributs relatifs à la langue, attributs que le Lalita vistara exprime en un seul terme composé. Cette circonstance vient encore à l’appui de l’observation que j’ai déjà faite et plusieurs fois répétée sur le caractère peu systématique de l’exposé du Lalita vistara[53].

20. Gadjagardjitâbhistanitamêghasvara madhura mandja ghôçha ; V53 et 54 djvamutaghôchah, tchârasvarah ; H51 et 53 méghagardjitaghôchatâ, madharatchârumandjusvaratâ. Ce caractère signifie : « Sa voix douce" et belle a le son du cri de l’éléphant ou du nuage « qui tonne. » M. Foucaux traduit également. dans ce sens d’après le Lalita vistara tibétain. Nos deux autres listes disent la même chose avec un peu plus de précision et aussi plus de netteté. De ce caractère unique elles font deux attributs, de cette manière:« L’état d’avoir la voix semblable au grondement du nuage ; l’état d’avoir une voix douce, agréable et belle ; » la vraisemblance veut en effet que ces attributs soient distingués les uns des autres. Le Vocabulaire pentaglotte nous donne l’expression la plus concise ; seulement il est singulièrement incorrect en lisant djvamata, au lieu de djîmûta, « nuage. » La liste singhalaise omet ces deux caractères.

21., Paripârnavyandjanah ; V24 paripârnavyafidjanah ; H23 paripûrnavyandjanatâ; D15 paripunnapurchavyandjanatâ. Ce caractère signifie : « Il a les organes sexuels complets. » Les Tibétains traduisent : « Il a les marques secondaires parfaites et accomplies[54]. » Mais ce qui prouve que vyañdjana ne peut avoir ici le sens de anuvyañdjana, « marque secondaire, » c’est la leçon de la liste singhalaise qui ajoute purcha pour paracha, « les organes du sexe masculin. »

22. Pralambabâhuh ; V41 sihitâdjnanavanatapralarnbdhulâh. Ce caractère signifie : « Il a les bras longs ; » le Vocabulaire pentaglotte le développe et l’explique de cette manière : « Debout et sans qu’il se baisse, ses bras touchent à ses genoux. » Je n’hésite pas à reconnaître dans le texte confus et fautif du Vocabulaire pentaglotte, l’expression même qui forme le dix-huitième des signes caractéristiques d’un grand homme. J’ai déjà fait plus haut ce rapprochement[55], et j’ai montré que le Vocabulaire pentaglotte avait rejeté parmi les quatre-vingts Anuvyañdjanas l’un des trente-deux Lakchanas. Cette conjecture est pleinement confirmée, aujourd’hui que nous voyons la liste népalaise et celle des Singhalais omettre de l’énumération des Anuvyañdjanas un attribut que le Lalita et le Vocabulaire y placent à tort.

23. Çutckigâtrah vastusampannah ; V21 sûtchigâtrah ; H20 çutchigâiratâ ; D60 vimala gattatâ. Ce caractère signifie, « Ses membres brillants sont vêtus ; » suivant les Tibétains, « Tous les vêtements de son corps sont purs. » La manière dont se présente ici le texte du Lalita vistara annonce deux articles qu’il faudrait traduire ainsi : « Il a les membres brillants ; il est couvert de vêtements : » en effet, dans le texte même de nos manuscrits, chacun des quatre-vingts caractères est suivi de la conjonction tcha ; or cette conjonction est répétée ici après le premier comme après le second terme. Mais outre que les interprètes tibétains ne voient ici qu’un attribut unique, qu’ils rapportent, à tort selon moi, plutôt au vêtement qu’au corps, il est clair que l’idée principale est celle de l’éclat des membres, comme le prouve le témoignage du Vocabulaire pentaglotte et de la liste népalaise. En effet ces deux dernières autorités ne parlent pas du vêtement, ni dans cet article, ni dans aucun autre ; c’est là une addition propre au Lalita vistara, et qui tient au caractère plus développé de son exposition. L’addition d’ailleurs est tout à fait conforme aux idées des Buddhistes sur l’indécence de la nudité ; et il est aisé de comprendre comment un Religieux, en parlant pour la première fois des membres de l’homme supérieur qu’il décrit, n’ait pu se le figurer que couvert de vêtements. Je dis vêtements, quoique je reste encore dans le doute sur la lecture et la signification du mot que je transcris vastu, et que nos trois manuscrits lisent vamta ; pour trouver ici le sens de vêtement, il faut substituer vastra à ce terme obscur ; peut-être même résulte-t-il de la confusion des groupes tu et tra. On remarquera la variante de la liste singhalaise, qui substitue l’idée de pur à celle de brillant, à cause de l’analogie de signification qu’offrent les mots çutchi et vimala.

24. Mrïdugutrah ; V22 mrïdugâtrah ; H21 mrïdagâtratâ ; D61 kômalagattatâ. Ce caractère signifie : « Il a les membres doux. » Les Tibétains disent : « Son corps est beau ; » j’ignore la raison de cette divergence. Je vois d’autant moins de motifs pour modifier ici la signification primitive de mrïdu, que deux autres listes reproduisent également ce même mot, et que les Singhalais le remplacent par un synonyme, kômala, qui en détermine nettement le sens[56]. On sait d’ailleurs que le mérite d’une peau douce est très-recherché des Indiens ; la légende d’Açôka, qui n’était pas aimé de ses femmes à cause de la rudesse de sa peau, en offre une curieuse preuve[57].

25. Viçâlagâtrah ; V23 viçuddhagâtrah ; H22 viçuddhagâtratâ ; D27 visuddhagattatâ. Ce caractère signifie, « Il a les membres larges ; » mais ici les Tibétains s’éloignent considérablement de l’interprétation littérale, en traduisant : « Son corps est insensible à la crainte. » Auraient-ils eu sous les yeux, pour adopter ce sens, un mot comme viçârada ? c’est ce que je ne saurais dire : ce qui me paraît très-probable, c’est que nous n’avons pas là l’expression véritable et primitive de ce caractère. Je doute même que la leçon du Lalita vistara, telle que la donnent nos trois manuscrits, soit préférable à celle des trois autres listes, qui lisent viçuddha, « pur ou parfait. » De viçuddha à viçâla il n’y a pas assez loin pour qu’on ne puisse croire à quelque confusion de ces deux termes. Et si l’on admet que viçuddha ait exprimé plutôt l’idée de parfait, accompli, que celle de pur, on comprend sans peine comment de l’idée de perfection un Indien a passé à celle de largeur et de développement, idée qui dans l’Inde exprime un des attributs les moins contestés de la perfection physique. Ainsi s malgré l’apparente divergence de ces deux caractères, « Il a les membres larges, » et « Il a les membres parfaits, » je n’hésite pas à les placer dans le même article, et par suite à donner la préférence au second.

26. Adînagâtrah ; V29 adâfhhagâtrah ; H28 adînagâtratâ ; D24 katchinagattatâ, Ce caractère signifie, « Ses membres ne sont pas pauvres, » ou, comme le disent les Tibétains, « Son « corps est exempt d’abattement » Les listes du Népal et de Ceylan sont d’accord sur la valeur de cet attribut ; car la le^on atcliîna est, selon toute apparence, une faute pour adina, et je m’aperçois même que dans mon manuscrit le signe du tckv est surchargé et peu lisible. Le Vocabulaire pentaglotte est plus gravement incorrect, et la traduction que proposait A. Rémusat pour cet article, « membres sans courbure, » donnerait à supposer qu’il faut trouver adambha dans adâihba ; mais, correction pour correction, je préfère encore supposer que le copiste du Vocabulaire pentaglotte a eu sous les yeux et a mal transcrit adîna, le même terme que les autres listes. Je ne crois pas d’ailleurs que adambha puisse être employé au sens physique.

27. Anunnatagâtrah ; V30 utsadagâtrah ; H29 utsâhagâtratâ ; D23 atiussannâsannasabbagattatâ. Ce caractère signifie : « Ses membres n’offrent pas de saillie. » Les Tibétains disent, « Son corps est bien régulier, » ce qui me paraît un peu trop vague. Cet article d’ailleurs exige une attention particulière à cause de la divergence que présentent les énoncés des diverses listes. La traduction que je viens de donner se rapporte au texte du Lalita vistara ; mais elle serait inexacte pour les trois autres définitions. Ainsi celle du Vocabulaire pentaglotte ne peut signifier autre chose que, « Il a les membres rebondis, » et c’est à peu près de cette manière que l’entendait A. Rémusat, quand il traduisait : « corps d’un embonpoint suffisant et agréable[58]. » La leçon de la liste népalaise est certainement moins satisfaisante ; « la qualité d’avoir les membres de l’effort, » sans doute pour dire, « des membres « vigoureux, » nous éloigne trop de l’idée que nous devons chercher dans ce caractère ; mais de plus uf5a/îa paraît n’être qu’une faute pour utsada. Enfin l’énoncé des Singhalais reproduit en partie celui du Lalita vistara avec un degré de précision de plus, car il signifie : « Tous ses membres sont sans saillie et sans dépression. » Le composé anassannâsanna, que je divise ainsi, anussanna âsanna, est pour moi synonyme du composé sanscrit unnaiânata, « inégal, onduleux[59], » composé dont la leçon du Lalita vistara nous offre la première partie, La leçon des Singhalais me paraît même si satisfaisante, que j’irais jusqu’à supposer que celle du Lalita vistara n’en est qu’une sorte de fractionnement, et qu’on rétablirait l’énoncé primitif enlisant anunnatânatagâtroh, a celui dont les membres sont « sans saillie et sans dépression. » Quant au Vocabulaire pentaglotte et à la liste népalaise, je crois leurs leçons fautives, en présence de celles du Dharmo prodipikâ singhalais et même du Lalita vistara tibétain ; il est certainement question ici d’un mérite exprimé sous la forme de la négation d’un défaut.

28. Susamâhitagâtrah ; V31 susamhatagâtrah ; D28 kôtisohassahatthibalodhâranatâ. Ce caractère signifie, « Ses membres sont parfaitement achevés ; » et, suivant les Tibétains, « Son corps est remarquable par sa vigueur. » Il est évident que, pour traduire ainsi, ils avaient sous les yeux une autre leçon que susamâhita ; et cette autre leçon devait être susam̃hata, c’est-à-dire celle du Vocabulaire pentaglotte, qui signifie littéralement : « Ses membres sont parfaitement solides. » Cette solidité des membres fait la vigueur du corps, et c’est ce dernier caractère, effet naturel du premier, qu’ont exprimé les Tibétains. Rémusat l’entendait exactement de même en traduisant cet article par « corps robuste. » La liste singhalaise pousse cet énoncé jusqu’à l’exagération, endisant : « la faculté de « posséder la forcé d’un millier de Kôtis d’éléphants. » Malgré cette différence de leçon, c’est bien à cet article que se rapporte le n° 28 du Dharma pradîpikâ. J’ajoute que la conséquence de tout ceci, c’estqu’on devrait substituer dans nos manuscrits du Lalita le mot susam̃hata à susamâhita. Quant à la liste des Népalais, je n’y ai rien trouvé qui réponde à ce caractère.

29. Suvibhaktagâtrah ; V32 suvihhagtag̃gasratyag̃ga ; H32 savibhaktâg̃gapratyag̃ga ; D20 suvibhattagattatâ. Ce caractère signifie, « Il a les membres bien proportionnés, » ainsi que l’entendent les Tibétains qui disent, « Son corps est bien proportionné. » A. Rémusat en a donné une interprétation assez singulière, « les extrémités des os comme un cadenas crochu, » ou, suivant la version mandchoue, « les articulations des niembres très-distinctes. » Ces traductions ont été exécutées sur un texte où on lisait aggapratyagga au lieu de gâtra, ainsi que font le Dharma saggraha des Népalais et le Vocabulaire pentaglotte, malgré les fautes grossières qui défigurent son énoncé, comme gta pour kta, et sra pour pra. Elles donneraient à croire que les Buddhistes attribuaient à pratyag̃ga le sens d’articulation. Telle n’est cependant pas l’explication que Wilson nous fournit, car il traduit pratyag̃ga par « membre inférieur du corps. » Jusqu’à ce que l’interprétation des Buddhistes soit prouvée par un plus grand nombre de textes, je continuerais à traduire ainsi l’énoncé le plus développé de nos quatre listes : « Son corps et les parties de son corps sont bien proportionnés. » Cela revient à la définition du Lalita vistara.

30. Prithuvipulasuparipûrnadjânumandalah ; V25 prithutcharamandalagâtrah ; H24 prïthutchâramandalagâtratâ ; D14. samantatôtchâradjânamandalatâ. Ce caractère signifie : « Il a la rotule du genou large, développée et parfaitement pleine. » C’est exactement de cette manière que l’entendent les interprètes tibétains ; d’où l’on doit conclure qu’ils ont eu sous les yeux un texte comme celui du Lalita vistara, auquel celui de la liste singhalaise se rapporte dans sa partie la plus essentielle. Ils n’auraient pu traduire de cette manière s’ils n’avaient eu à leur disposition que l’énoncé du Vocabulaire pentaglotte ou de la liste népalaise, où ne paraît pas l’idée du genou, et qui signifient seulement, « ses membres « ont un contour beau et large, » si tant est que mandala puisse se prêter au sens de contour. Je n’hésite pas à penser que ce dermer énoncé est inexact, et que le véritable est l’un de ces deux-ci, soit celui du Lalita vistara que je viens de traduire, soit celui du Dharma pradîpikâ singhalais, dont voici la traduction : « La qualité d’avoir la rotule du genou complètement belle. » L’omission du mot djânu dans les énoncés du Vocabulaire pentaglotte et de la liste népalaise vient probablement de l’assonance des deux mots tchâru et djânu, dont le premier aura été substitué au second, ou, si on l’aime mieux, dont le second aura disparu, en supposant qu’ils aient été placés primitivement l’un auprès de l’autre dans le même composé.

31. Vrĭttagâtraḥ ; V18 prĭttagdtraḥ ; H17 vrĭttagâtratâ. Ce caractère signifie, « Ses membres sont arrondis, » ainsi que l’entendent les Tibétains, qui ici comme dans les autres composés analogues substituent l’idée de corps à celle de membre. Je ne trouve pas cet attribut dans la liste singbalaise ; il aura probablement été confondu avec celui du n° 33, anupuhbagattatâ, « la qualité d’avoir des membres réguliers, » c’est-à-dire qui vont en s’amincissant d’une manière régulière, comme les bras, les cuisses, les jambes. Ce qui me ferait croire qu’il y a ici une confusion qui est du fait de la liste singhalaise, c’est i° que ce caractère des membres réguliers reparaîtra tout à l’heure au n°-2 6 de cette même liste, avec l’addition du mot beau^ 2° que l’attribut qui nous occupe est placé dans cette liste au n° 2 1, immédiatement après l’attribut des membres bien proportionnés, ce qui est aussi, à peu de chose près, la disposition des autres listes, où l’attribut des membres arrondis n’est pas très-éloigné de celui des membres proportionnés.

32. Suparimrĭchiagâtraḥ ; V19 mrĭchlagâtraḥ ; H18 mrĭchtagâtratâ ; D22 matthagattatâ. Ce caractère signifie, « Ses membres sont parfaitement polis, » ou, suivant les Tibétains, « Son corps est très-gracieux. » Je ne crois pas que cette traduction soit suffisamment exacte ; il semble qu’il doit être question ici des membres sur lesquels ne paraît aucune souillure, rien n’y adhérant par suite de l’extrême poli d’une peau que soutiennent des chairs nourries par la plénitude de la santé. C’est en ce point que je séparerais le caractère du présent article de celui qu’exprime l’article 23. Que l’on traduise, en effet, l’épithète çiitchi de ce dernier article par brillant ou par pur, cette épithète se distinguera toujours du mrĭckla de notre n° 32 ; car çutchi représentera ou l’éclat, ou la pureté naturelle et constitutive, celle qui consiste dans l’absence de taches de quelque espèce que ce soit, tandis que mrĭckta sera le poli qui résulte de la finesse et de la pureté d’une peau sur laquelle le passage de la main ne signale aucune aspérité.

33. Adjilimavrîchabkagâtraḥ, annpûrvagâtraḥ ; V20 anupûrvagatra ; H19 anupûrvagâtratâ ; D26 anupubbaratchiragattatâ. Le premier de ces énoncés, celui du Lalita vistara, se compose de deux-termes et signifie, « Ses membres, semblables à ceux d’un taureau, ne sont pas de travers, ses membres sont réguliers ; » ou, suivant les Tibétains, « Son corps est « sans imperfection, développé avec symétrie. » Le Lalita vistara est seul à détailler ainsi ce caractère, que nos trois autres listes traduisent uniformément : « Ses membres sont réguliers, » ou « la qualité d’avoir des membres beaux et réguliers. » Le témoignage de ces listes prouve que l’addition du premier terme appartient en propre au Lalita vistara, et que ce terme n’a pas dû se trouver dans la liste primitive quelle qu’elle soit, d’où dérivent toutes celles que nous possédons aujourd’hui. Il faut donc l’en retrancher, d’autant plus que le nombre total des Anuvyaâdjanas, en suivant à la lettre l’énumération actuelle du Lalita vistara, serait de quatre-vingt-trois, et non de quatre-vingts, comme il doit l’être, et comme il le devient en réalité, lorsque l’on fait rentrer les uns dans les autres quelques caractères dédoublés, ainsi que je l’ai proposé déjà une fois plus haut à l’occasion du n° 23, et comme je le propose en ce moment. Peut-être même trouverait-on la cause de ce dédoublement dans l’influence qu’a pu exercer sur le rédacteur du Lalita vistara le souvenir de quelques caractères voisins. Ainsi l’idée de taureau est probablement empruntée au n° 41, où la marche de l’homme accompli est comparée à celle du taureau ; cette idée d’ailleurs manque à la leçon du manuscrit de la Société asiatique. L’autre idée, celle de non tortu, droit, va se représenter dans des caractères voisins ; Tout nous invite donc à supprimer de la liste primitive la première partie du n » 33 du Lalita vistara.

34. Gambhîranâbhih ; V38 gambhxranâbhih ; H38 gamihîranâbhitâ. Ce caractère signifie, « Il a le nombril profond, » comme le disent exactement les Tibétains. Les Singhalais semblent le remplacer par l’un des deux énoncés du numéro suivant.

35. Adjihmandbhih, anupûrvanâbhih ; V39 pradakckinavartinâbhih ; H39 pradakchinâvartandbhitâ ; D16 atchtchhiddanâbhitâ ; D18 dakkhinâvattanâbhitâ. Les deux termes dont se compose cet article du Lalita vistara signifient, « Son nombril n’est pas de travers, son —• nombril est régulier ; » ou, suivant les Tibétains, « Son nombril est sans difformité et régulier. » La liste singhalaise, quoique différente dans les termes, rentre complètement dans la définition du Lalita vistara ; car elle a aussi deux énoncés, l’un sous le n° 16 et qui signifie « La qualité d’avoir un nombril sans défaut, » l’autre sous le n° 18, a La qualité d’avoir le nombril tournant vers la— droite. » Les deux autres listes s’éloignent de cet énoncé, en ce qu’elles n’en adoptent que la dernière partie, « Son nombril tourne vers la « droite ; » mais cette différence n’est pas, en réalité, aussi considérable qu’on le pourrait croire au premier coup d’œil. Le Lalita dit d’une manière générale ce que les autres listes expriment techniquement par un caractère spécial ; car on sait que pour les Buddhistes la perfection des corps ou des objets qui décrivent un mouvement circulaire consiste en ce que ce mouvement parte de la gauche pour se diriger vers la droite. J’incline donc à croire que le véritable énoncé de ce caractère se trouve dans nos trois dernières listes plutôt que dans l’énumération du Lalita vistara ; et je profite de cette divergence pour ramener sous un seul numéro les deux énoncés de cet ouvrage, ce qui me permet de réduire à quatre-vingts le nombre des Anuvyandjanas, qui d’après le Lalita vistara serait trop élevé de trois.

36. Çutchyâtchârah ; V42 çutchipamâtcharah ; H41 çatckisamadâtchâratâ ; D33 viçuddhiiiàriyatâ. Ce caractère signifie, « Il a une conduite pure, » et, selon les Tibétains, « Il fait des œuvres pures. » M. Foucaux a joint à ce caractère une note dont je ne saisis pas bien la portée ; il semble croire que ces mots, « Il fait des œuvres pures, = ne se trouvent pas dans le texte sanscrit[60] ; cependant je puis affirmer que les trois exemplaires du Lalita vistara que j’ai sous les yeux ont certainement çutchyâtchârah; seulement le second des ma nuscrits de M. Hodgson a fautivement çutchyâpârah. Quant à la phrase que M. Foucaux croit être substituée à ce caractère par le texte sanscrit, j’y reviendrai dans l’article suivant. Les listes du Vocabulaire pentaglotte et du Dharma saggraha népalais emploient, au lieu du terme âtchâra, deux mots analogues qui expriment deux nuances légèrement différentes. Pris au propre, âtchâra signifie « usage, pratique[61] ; » de sorte que çutchyâtchârali est un composé possessif signifiant, « celui qui suit des pratiques, pures. » La leçon fautive du Vocabulaire pentaglotte, qu’il faut rem’plsLcer "par çutchisamàtchârah, donne samâickârah, dont le sens exact est conduite, de façon que l’énoncé du Vocabulaire devra se traduire : « celui qui a une conduite pure. » Enfin le samudâlchâra de la liste de M. Hodgson signifie « disposition, intention, » d’où il faudra traduire le composé par « celui qui a des dispositions pures. » Quant à l’énoncé du Dharma pradîpikâ singhalais, c’est uniquement par conjecture que je le ramène sous le présent article, car il ne signifie que « la qualité d’avoir des sens parfaitement purs. » Mais dans cette liste singhalaise, qui présente de si nolables divergences avec les autres énumérations, je ne trouve pas de terme plus approchant de celui de « la conduite pure, » pas plus que je ne trouve, dans les trois premières h’stes, d’énoncé plus analogue à celui de « la pureté des sens. »

37. Bïchabhavafsamantaprâsâdikah ; V40 samantapraçâdikah ; H40 samantaprâsâdikatâ. Ce caractère signilie, « Comme le bœuf, il est tout aimable, » à peu près comme l’entendent les Tibétains, « Il est agréable de tous points. » Il paraît, d’après une note de M. Foucaux, que les interprètes du Tibet auraient lu rïchivat, « comme un Richi, » et qu’ils auraient fait rapporter ce terme de comparaison au numéro précèdent, de cette manière : « Comme un Rïchi, il fait des œuvres pures. » Il est possible qu’ils aient eu sous les yeux, un texte différent de celui que nous connaissons aujourd’hui ; tel que le donnent les manuscrits de M. Hodgson, ce texte ne se prèle pas à l’interprétation tibétaine. Il ne jDo paraît pas conduire davantage à la traduction proposée par M. Foucaux, « Il est fier comme un jeune taureau ; » car si l’on divise ainsi le composé richabhavatsa, « petit d’un taureau, » que fera-ton de mantaprâsâdikah ? Mais il se peut que rîchabhavat n’ait pas existé dans la liste primitive, puisqu’il manque dans celle du Vocabulaire pentaglotte et dans celle du Dharma saggraha népalais. Toutefois, du moment qu’il est exprimé comme dans le Lalita vistara, il ne peut se rapporter qu’au présent article et non au précédent. Je regrette de ne l’avoir pu découvrir dans l’énumération du Dharma pradîpikâ singhalais.

38. Paramasuviçuddhavitimirâlôkasamantaprabhah ; V33 vitimiraviçuddhalàkah ; H33 utliniiraçuddhâlôkatâ ; D41 parimandalakâyappdbhàvattatâ. Ce caractère signifie : « Il répand autour de lui l’éclat d’une lumière supérieure, parfaitement pure, qui dissipe les ténèbres ; » c’est à peu près en ces termes que M. Foucaux rend la. version tibétaine de cet article. Les énoncés des autres listes reviennent également à ce sens, mais avec moins de mots ; au lieu de lôkah du Vocabulaire pentaglotte, il faut lire âlôkah et traduire : « Il répand une lumière qui dissipe les ténèbres et est parfaitement pure ; » c’est, sauf la forme abstraite et l’emploi de la préposition vi, l’énoncé même de la liste népalaise. Quant à la leçon des Singhalais, elle diffère un peu plus par les termes. Il faut d’abord corriger une faute qui altère la fin du mot et lire ppabhâvattâ, « la qualité d’avoir une lumière ; » alors on obtient la traduction suivante : « La qualité d’avoir une lumière qui s’écbappe de son corps et se « répand autour de lui, » ou plus simplement, « La splendeur de son corps se répand autour de lui. » Ce caractère s’applique dans les légendes au Buddha Çâkyamuni, dont le corps était environné d’une splendeur qui s’étendait à la distance d’une brasse ; et cette splendeur est figurée sur des peintures népalaises par un vaste cercle en halo qui enveloppe l’image tout entière du Buddha, et qui est souvent traversé de lignes d’or qui ondulent. Je ne pense pas qu’il puisse exister le moindre doute sur la valeur de ce caractère, où A. Rémusat proposait de voir ce sens : « yeux sortants de leurs antres (orbites) et resplendissants de lumière[62]. »

39. Nâgaviîamhitagatih ; V12 nâgavikrântagâmî ; H11 nâgavikrântagâmitâ ; D9 gadjasamânakkamatâ. Ce caractère signifie : « Il a la démarche lente de l’éléphant. » Nos trois listes sont d’accord, sauf qu’au lieu de vilamhita elles donnent les unes vikTânta, et la dernière samâna, ce qui nous fournit cette double traduction : « 11 a la démarche héroïque de l’éléphant, » et « Sa démarche est semblable a celle de l’éléphant. » Les Tibétains ont adopté le sens de majestueux ; ce qui semble prouver qu’ils traduisaient sur un texte qui lisait vikrânta, leçon certainement préférable à celle de nos manuscrits actuels.

40. SimhavikrâniagatihfYii ; V11 siggkavikrântagâmî ; H10 sifhkavikrântagâmitâ ; D10 sihasamânakkamatâ. Ce caractère signifie, « Il a la démarche héroïque du lion ; » je ne sais sur quel fondement les Tibétains ajoutent, «i les manières (et la démarche du lion). » L’unanimité de nos quatre listes ne permet aucun doute sur la valeur de cet article.

41. Vrïchahhavikrântagatih ; V14 vrïchahhavikrantagâmi ; H13 vrïchahhavikrântagâmiîâ ; D12 usahhasamânakkamatâ. Ce caractère signifie : » Il a la démarche héroïque du taureau ; » ici encore les Tibétains traduisent : « les manières et la démarche. » Nos trois listes sont unanimes, sauf les deux fautes du Vocabulaire pentaglotte qu’il faut corriger ainsi, vikrântagâmï.

42. Harhsavikrântah ; V13 hansavikrântagâmî ; H12 hafhsavikrântagâmitâ ; D11 hamsasamânakkamatâ. Ce caractère signifie, « Il a la démarche de l’oie, » ou du cygne, comme le veulent les interprètes tibétains. La liste siughalaise dit très-explicitement : « La qualité d’avoir la démarche semblable à celle de l’oie, » ce qui, comme on sait, passe chez les Indiens pour un mérite. De la comparaison de cet énoncé avec celui, du Lalita vistara, et surtout de ce que le mot gati, « marche, » manque à ce dernier, je crois pouvoir conclure que l’adjectif vikrânta n’y signifie pas héroïque ou majestueux, comme dans les énoncés précédents, mais qu’il faut le prendre dans le sens de « pas, enjambée, marche. » Si l’on admettait ce point, il faudrait reconnaître que les définitions du Vocabulaire pentaglotte et de la liste népalaise sont ici moins correctes que celles des Tibétains et des Singhalais.

43. Abhipradakchinâvartagatiḥ ; V15 pradakchinyavariagâmi ; H14 pradakchinagâmitâ ; D13 dakkkinâvattagatitâ. Ce caractère signifie, « Il marche en se tournant vers la droite, » et, suivant les Tibétains, «le port agréablement incliné du côté droit. » Les trois autres listes donnent exactement la même interprétation, sauf les variantes peu importantes qui résultent de la suppression d’abhi, de pra ou cVâvarta. Le Vocabulaire pentaglotte est ici fautif, comme cela lui est le plus ordinaire.

44. Vrïtiakukchiḥ ; V34 vrïtlakakchili ; H34 vrUtamgakukchitâ. Ce caractère signifie, « Il a les flancs arrondis, » comme l’entendent les Tibétains. L’énoncé des Népalais est très-fautif, et la liste singhalaise omet entièrement cet attribut.

45. Mrïchiakakchik ; V35 mrïchûhakchiḥ ; H35 mTïchtakukchitâ. Ce caractère signifie, « Il a les flancs polis, » ou, suivant les Tibétains, « le côté bien fait. « L’accord de nos trois listes ne laisse ici place à aucune observation particulière ; je remarque seulement que ce caractère manque encore dans la liste des Singhalais.

46. Adjihmakukchïḥ ; V36 abhugnakukckiḥ ; H36 abhayakakchitâ. Ce caractère signifie, « Ses flancs ne sont pas de travers, » ou, selon les Tibétains, « Il a le côté sans défaut. » Cet attribut revient à dire que sa taille, à en juger par ses flancs, ne dévie pas de la ligne droite. Le Vocabulaire pentaglotte donne exactement la même interprétation, mais avec un autre qualificatif, abhugna, « non courbé, non infléchi. » Cette variante a de l’intérêt, en ce qu’elle me donne le moyen d’expliquer la leçon de la liste népalaise, qui sans ce secours serait à peu près inintelligible, car abhayakakchitâ ne donne que ce sens bizarre, ’ la qualité d’avoir les flancs libres de crainte ; » mais en rapprochant abhaya d’abkagna, il est facile de reconnaître que la première leçon est une altération de la seconde. Ce caractère manque encore dans la liste singhalaise.

47. Tchâpôdaraḥ ; V37 kchâmôdaraḥ ; H37 akchôbhakakchitâ. Ce caractère signifie, « Il a le ventre en forme d’arc, » ou, comme disent les interprètes tibétains, « arrondi en arc. » L’énoncé du Vocabulaire pentaglotte est certainement fautif ; il y faut lire tchâpa au lieu de kchâma. Quant à celui de la liste népalaise, je ne saurais être aussi affirmatif ; car akchôbhakukclntâ donne ce sens, « la qualité d’avoir un ventre qui n’est pas ébranlé, sans doute pour dire, « qui est immobile, » par suite de sa fermeté. Il se pourrait cependant que cette leçon ne fût qu’une faute pour ichvâsakakchitâ, ce qui nous ramènerait à l’idée de « ventre arrondi en arc » des autres énumérations. Cet attribut manque à la liste singhalaise.

48. Vyapagatatchtchhavidôchanîlakâduchṭaçarîraḥ ; V43 vyapagatatikâlalîagâtraḥ ; H42 vyapagatâilakâlagâtratâ ; D25 tilakâdirahitagattatâ. Ce caractère signifie : « Son corps est exempt de tout ce qui peut en altérer l’éclat, et de toutes les taches noires qui pourraient le déparer ; » les Tibétains disent plus brièvement, mais moins littéralement : « Son corps est exempt de taches bleues ou noires, » à peu près comme les Chinois, « corps sans taches de différentes couleurs. » Il ne peut exister le moindre doute sur le sens de l’énoncé du Lalita vistara, tel que je viens de le reproduire ; on doit remarquer seulement que, d’après Wilson, il faudrait lire nîlika, au lieu de nîlaka que donnent nos trois manuscrits. Ce point n’est d’ailleurs pas d’une grande importance, les deux orthographes de ce mot, dont le sens n’est pas douteux, ayant pu coexister à la fois. Quoique moins développé et très-certainement fautif, l’énoncé du Vocabulaire pentaglotte nous conduit sans aucun doute au même sens. Il y manque, il est vrai, tchtchhavidôcha, « imperfection qui altère l’éclat ; » mais les quatre syllabes tikâlaka, qui, telles qu’elles sont ici, ne donnent pas de sens, doivent cacher soit le nîlaka, « taches noires » du Lalita vistara, soit le tilaka de la liste singhalaise, qui revient«à peu près au même. La liste népalaise est, selon toute apparence, fautive aussi ; quant à celle des Singhalais, elle se traduit très-littéralement et tout à fait d’accord avec le Lalita vistara par : « la qualité d’avoir les membrs exempts de taches ou « de toute autre imperfection. »

49. Vrittadamchtrah ; V55 vrïttadamchtah ; H54 vrïttadafhchiraiâ ; D34 vattadâthatd. Ce caractère signifie, « Il a les dents canines, arrondies, » comme disent les Tibétains, qui cependant ne distinguent pas ici dafhchtrâ de danta, comme cela serait nécessaire. L’unanimité de nos trois autres listes nous dispense de toute observation ; on remarquera seulement que le Vocabulaire pentaglotte est ici fautif, comme presque toujours. J’ajoute ici, une fois pour toutes, la preuve que les lexicographes indiens ne confondent pas dafhchirâ avec danta. Le plus récent de tous, Râdhâ Kânta Dêva, dans son Trésor de la langue sanscrite, donne sur le mot dafhchtrâ cette définition, dantaviçêchah, « c’est une espèce particulière de dent[63] » et il renvoie au Vocabulaire de Hêmatchandra, où nous trouvons ces trois mots dâdhâ, dafhchirâ, djambhah, exactement traduits dans Boehtling par le mot œillère[64]. Il est probable que dafhchirâ désigne non-seulement les œillères, mais aussi les quatre canines en général ; car dafhchtrâ signifie également les défenses du sanglier, les dents de Téléphant. Quoi qu’il en soit, dafhchtrâ ne peut être confondu avec danta. Je remarque encore l’analogie que l’un des synonymes donûé par Hêmiatchandra, dâdhâ. offre avec le pâli dâthâ, qui correspond au sanscrit dafhchtrâ ; on ne peut méconnaître dans dâdhâ l’influence très-visible du pràkrit ou du pâli.

50. Tikchnadafhchtrah ; V56 tikchnadafhchtah ; H55 tikchnadafïichtratâ. Ce caractère signifie, « Il a les canines pointues ; » les Tibétains disent moins exactement, . : Il a les dents incisives. » Les deux autres listes sont d’accord sur cet attribut qui manque dans la liste singhalaise. L’énoncé du Vocabulaire est très-fautif ; il faut le corriger par celui du Lalita vistara.

51. Anupûrvadam̃chṭraḥ ; V59 anupûrvadam̃chṭraḥ ; H58 Anupûrvadam̃chṭratâ. Ce caractère signifie, « Il a les canines régulières, » comme disent les Tibétains, sauf la confusion de dam̃chtrâ avec danta. Cet attribut ne peut signifier « les dents minces, » comme le proposait A. Rémusat ; il manque d’ailleurs à la liste singhalaise.

52. Tugganâsaḥ ; V60 tugganâsaḥ ; H59 tagganâsikatâ ; D29 tugganâsatâ. Ce caractère signifie, « Il a le nez proéminent, » ou, comme disent les Tibétains, « Il a le nez élevé avec grâce. » Cet attribut, sur lequel nos quatre listes sont unanimes, est un de ceux dont s’autorisait avec le plus de confiance A. Rémusat pour contester l’origine nègre du Buddha Çâkyâmuni[65] ; mais depuis qu’il est prouvé qu’il existe des nègres au nez aquilin, cet argument a beaucoup perdu de sa valeur.

53. Çutchinayanaḥ ; çutchinâsah ; H60 çutchinâsikatâ. Ce caractère signifie, « Il a les yeux brillants, » et c’est bien ainsi que l’entendent les Tibétains ; mais nos deux autres listes, celle du Vocabulaire pentaglotte et celle des Népalais, donnent ici une leçon toute différente et qui signifie, « Il a le nez beau, » Il se peut que le voisinage du présent article et du précédent, lesquels sont immédiatement rapprochés l’un de l’autre dans nos trois listes, ait entraîné le compilateur des listes népalaise et chinoise à substituer nâsa, « le nez, » à nayana, « l’œil. » Quant à présent, il ne me paraît pas que l’accord de ces deux dernières, énumérations, dont l’une est très-moderne, doive prévaloir contre l’autorité du Lalita vistara. Nous ne pouvons malheureusement pas invoquer ici le témoignage de la liste singhalaise, où manquent également ces deux énoncés.

54. Vimalanayanah ; V62 viçaddhanâitrah ; V27 çuddhanêtrah ; H26 viçuddhanêtratâ. Ce caractère signifie, « Il a l’œil pur, » ou, comme disent les Tibétains, « l’œil sans tache, » Nos trois listes sont unanimes ; mais cet attribut manque encore à la liste singhalaise. Dans le Vocabulaire pentaglotte il paraît dédoublé en deux articles.

55. Prahasilanayanah ; D44 pantchappasâdavattanéttatâ. Ce caractère signifie, « Il a les yeux souriants, » comme le disent les. Je ne le trouve ni dans le Vocabulaire pentaglotte, ni dans la liste népalaise. Chez les Singhalais il paraît sous une forme très-différente de celle du Lalita vistara, et qui serait à peu près inintelligible sans le Dictionnaire singhalais de Clough. Selon cet auteur, on entend par pantchaprasâda, la joie à ses cinq degrés, depuis le sentiment ordinaire de la satisfaction, jusqu’à la manifestation la plus exaltée du plaisir[66]. C’est là certainement le terme sanscrit qui est devenu en pâli pantchappasâda, et qui figure dans l’énoncé de la liste singhalaise, dont le sens doit être, « la qualité d’avoir des yeux qui expriment les cinq degrés de la joie, » ou encore « de la bienveillance. »

56. Ayatanayanah ; D43 âyatavisâlanéttatà. Ce caractère signifie, « Il a les yeux allongés, » comme disent les Tibétains ; il manque dans le Vocabulaire pentaglotte et dans la liste népalaise, sans doute parce qu’on l’a réuni au caractère que nous allons voir sous le numéro suivant, comme le veut la liste singhalaise, qui ici même ne fait qu’un seul attribut de « la qualité d’avoir des yeux allongés et grands. » Dans l’état où sont actuellement nos listes, il est bien difficile de dire si c’est le Lalita vistara qui a raison de voir ici deux attributs distincts, ou si ce sont les Singhalais qui font bien de réunir ces attributs en un seul article.

57. Viçâlanayanah ; V63 viçalanétrah ; H61 viçâlanêtratd ; D43 âjatavisâlanêttatâ. Ce caractère signifie, « Il a l’œil grand, » Nous avons ici, en faveur de l’énoncé du Lalita vistara, le témoignage du.Vocabulaire pentaglolte ; je n’en ai pas moins cru nécessaire de répéter ici la définition de la liste singhalaise, qui a été examinée tout à l’heure sur l’article précédent.

58. Nîlakuvalayadalasadrïçanayanah ; V65 qitâqitàkamaladàlaba-kalonayanah ; H63 sitâsitakamaladalanêtratâ. Ce caractère signifie, «Il a l’œil semblable au pétale d’un nymphaea bleu, » ainsi que l’entendent les Tibétains. C’est également à ce sens que reviennent les énoncés de nos deux autres listes ; car cet attribut manque à la liste singhalaise. Il faut cependant noter la variante suivante de la liste de M. Hodgson, Sitâsitakanialadala, « les « pétales d’un nymphaea blanc et d’un nymphasa bleu ; » cela veut dire, ce me semble, que le noir de la prunelle^ opposé au blanc du globe de l’œil, ressemble au pétale d’un lotus bleu rapproché du pétale d’un lotus blanc. Le Vocabulaire penlaglotte est ici encore manifestement fautif surtout pour la fin du mot. Je n’ai pas besoin de faire remarquer conibien les six derniers caractères que nous venons de passer en revue, conviennent au type reconnu de la beauté indienne.

59. Sahitabhrâh ; D52 susanLhânabhotnahatâ. Ce caractère me paraît signifier, « Il a « les sourcils égaux ; « Les Tibétains le traduisent ainsi : « Il a le poil des sourcils égal. » L’idée d’égalité ou de ressemblance paraît dans cette version comme dans la mienne ; il semblerait toutefois que cette interprétation s’applique mieux à un énoncé comme le n° 68 du Vocabulaire pentaglotte, samarômabhrûh, « Il a des sourcils dont les poils sont égaux. » Quoi qu’il en puisse être, sahita doit avoir ici le sens de « qui est en compagnie « de, qui va de pair, qui est appareillé ; » or des sourcils appareillés sont des sourcils égaux ou semblables. Je me trouve confirmé dans cette interprétation par la leçon de ia liste singhalaise qui signifie « la qualité d’avoir des sourcils parfaitement semblables ; » car il ne faut pas oublier que l’idée d’association, de concomitance se trouve aussi bien dans santkâna, pour le sanscrit safhsthâna, que dans sahita. Ajoutons que l’énoncé pâli que je traduis ainsi, occupe dans la liste singhalaise exactement la même place que saliitahhiiih dans le Lalita vistara. De part et d’autre ce caractère est le premier de ceux qui se rapportent aux sourcils. Je constate qu’il manque dans le Vocabulaire pentaglotte et dans la liste népalaise de M. Hodgson.

60. Tchitrahhrâh ; H66 susnigdhahhnîkatâ. Ce caractère signifie. « Il a les sourcils beaux, et suivant la liste népalaise, « La qualité d’avoir les sourcils bien luisants. » Le Vocabulaire pentaglotte, pas plus que la liste singhalaise, ne donne cet attribut. Aussi douté-je fort de la parfaite exactitude de la relation que j’établis entre le Lalita vistara et la liste népalaise. Les caractères tirés des sourcils sont entre les plus variables de ceux dont se composent nos quatre énumérations.

61. Saḡgatàbhrûh ; D55 mahantabhâmukatâ. Ce caractère signifie, «Il a les sourcils réunis, » ou, comme le disent les interprètes tibétains, « les sourcils toujours joints. » Il ne se trouve que dans le Lalita vistara, et c’est par conjecture que j’y joins ce caractère de la liste singhalaise, « La qualité d’avoir les sourcils grands. » On pourrait encore rapprocher de l’attribut des sourcils réunis celui des sourcils allongés, que j’ai placé sous le n° 63. De toute façon il est aisé de voir quelle confusion règne dans cette partie de l’énuniération des signes de la beauté.

62. Anapârvalhrâh ; V68 samaràmabhrâh ; D54 anulômabhâmukatâ. Ce caractère signifie, "Il a les sourcils réguliers, «ou, comme disent les Tibétains, « bien dessinés. » L’énoncé de la liste singhalaise donne à croire que la régularité des sourcils consiste en ce que les poils qui les forment se suivent régulièrement sans se hérisser «n désordre. C’est aussi à cela que revient la leçon du Vocabulaire pentaglotte, « Il a des sourcils dont les poils sont égaux, » leçon que semblent avoir eue sous les yeux les interprètes tibétains, quand ils ont traduit par « Il a le poil de.s sourcils égal, » le premier des caractères relatifs à ce trait du visage.

63. Asitabhrûh. Ce caractère signifie, « Il a les sourcils noirs. » Je ne trouve rien dans nos autres listes qui y réponde. L’isolement de cet attribut pourrait nous engager à le retrancher, et même à croire qu’il n’a jamais fait partie de l’énumération primitive ; mais alors la liste du Lalita vistara deviendrait incomplète d’un attribut. J’aime mieux supposer qu’il se trouve dans nos autres listes, mais sous une forme différente. Ainsi on pourrait se fonder sur la ressemblance extérieure des mots asita et âyata, pour ramener ici le caractère suivant dé nos trois autres listes, YQQ âyaiabhrûh,H6li âyatakrïkatâ, D56 âyatabhamukaiâ, ce qui signifie : « Il a les sourcils allongés, et la qualité d’avoir les sourcils « allongés. » Je remarque en passant que, dans l’énoncé de la liste népalaise, krïkatâ est une pure faute typographique pour bhrûkatâ.

L’analyse que je viens de donner des cinq articles du Lalita vistara qui se rapportent aux sourcils d’un grand homme, ne ferait pas connaître complètement les idées des Buddhistes à cet égard, si je n’y joignais l’indication des énoncés qu’on trouve dans les autres listes. Ainsi le Vocabulaire pentaglotte, outre les n" 66 et 68 dont j’ai parlé sous les n"’ 62 et 63 du Lalita vistara, donne sous le n° 67 çlakchnabhrâh, qui signifie, « Il a les sourcils minces. » À ce caractère répond le n° 53 de la liste singhalaise, sanhabhamukatâ. « La qualité d’avoir des sourcils minces. » La liste du Népal a de son côté, sous le n° 65, çuklabhrâkalâ, « La qualité d’avoir des sourcils blancs ; » mais je crois cet énoncé fautif : çukla, « blanc, » aura été écrit par erreur au lieu de çlakchṇa, « délié, mince ; »

Je termine cette analyse en réunissant sous un seul point de vue les quatre listes qui m’ont fourni les remarques précédentes ; je les placerai les unes auprès des autres, d’après le nombre des attributs qu’elles énumèrent.


LALITA VISTARA. LISTE SINGHALAISE. VOCABUL. PENTAGLOTTE. LISTE NÉPÂLAISE.




59. Il a les sourcils égaux.
52. Sourcils parfaitement semblables.
66. Il a les sourcils allongés.
64. Sourcils allongés.
60. Il a les sourcils beaux.
53. Sourcils minces.
67. Il a les sourcils minces.
65. Sourcils minces.
61. Il a les sourcils réunis.
54. Sourcils réguliers.
68. Les poils de ses sourcils sont égaux.
66. Sourcils lisses.
62. Il a les sourcils réguliers.
55. Sourcils grands.
63. Il a les sourcils noirs.
56. Sourcils allongés.

64. Pinagaṇḍah ; D42 paripuṇṇakapôlatâ. Ce caractère signifie, « Il a les joues pleines ; » les Tibétains disent, « Il a le cou gros ; » d’où l’on peut conclure qu’ils avaient sous les yeux un texte différent du nôtre, peut-être un texte où on lisait ghâtâ, « le derrière du col, la « nuque. » La listé singhalaise est la seule qui reproduise cet attribut, et en des termes qui ne permettent aucun doute sur sa valeur, « La qualité d’avoir les joues parfaitement « pleines. »

65. Avichamagaṇḍah. Ce caractère signifie, « Ses joues ne sont pas inégales. » Ici encore les Tibétains disent le cou, comme à l’article précédent. Je ne trouve ce caractère dans aucune de nos autres listes.

66. Vyapagatagandadôchak. Ce caractère signifie, « Ses joues ne présentent aucune imperfection. » Les Tibétains voient encore ici le cou ; ce caractère ne se trouve d’ailleurs pas plus que le précédent dans mes trois autres listes.

67. Anupahatakrachiah. Ce caractère signifie, « Il est à l’abri de l’injure et du blâme. » Les Tibétains disent d’une manière différente : « Son aspect n’annonce ni la menace ni la « colère ; » ou ils ont eu un texte qui ne ressemblait pas au nôtre, ou ils ont admis un changement de sens un peu fort, en traduisant anapahata par « celui auprès duquel on ne « trouve pas la menace, » et anupakrachta par « celui auprès duquel on ne rencontre pas la « colère, » Notre texte se prête à une interprétation plus littérale qui revient à dire que l’irréprochable perfection de sa personne le met à l’abri de ces injures et de ces outrages auxquels sont exposés les hommes qui ont quelque défaut corporel. Je ne trouve ce caractère dans aucune de nos autres listes. Je remarque seulement dans la liste népalaise, sous le n° 69, un terme commençant par anupahata, et ainsi conçu, anupahatakarnéndrijatd, « la qualité d’avoir l’organe de l’oreille sans aucun défaut. » C’est l’énoncé que le Vocabulaire pentaglotte lit fautivement, sous le n° 71, anupahatakarnintrayah. Ne serait-il pas possible que les deux rédactions anupahatakruchta et anapahatakarnéndriya aient eu pour base première un même original ? Je ne saurais dire cependant quel il a dû être, quoique j’incline ici en faveur de la liste népalaise et du Vocabulaire pentaglotte. On voit que nous aurions besoin d’un plus grand nombre de manuscrits pour nous fixer sur cet article.

68. Saviditêndriyah. Ce caractère signifie, «Ses organes sont parfaitement éclairés,» c’est-à-dire que ses organes, dont l’action n’est viciée par aucune imperfection, lui donnent une instruction sûre et positive. Les Tibétains traduisent, «Il a les sens parfaitement « domptés ; » ce qui est peut-être un peu moins exact, mais ce qui suppose pour original suvinftêndriyah : qui sait même si ce n’est pas la meilleure leçon ?

69. Suparipûrnêndriyah. Ce caractère signifie, «Ses organes sont parfaitement accomplis. » Les Tibétains, d’après M. Foucaux, en donnent une interprétation qui prouverait qu’ils ont eu sous les yeux un texte très-différent de celui de nos trois manuscrits : « Il «porte vraiment sur le front le cheveu parfaitement accompli ;» sur quoi M. Foucaux ajoute en note : « Sanscrit ûrnâ, cheveu au milieu du front des Buddhas, annonçant la « puissance et la grandeur[67]. » J’avoue que je ne trouve dans nos manuscrits du Lolita vistara ni les éléments de ce sens, ni ceux de la note qui l’accompagne. Ce n’est pas le substantif ûrnâ qui paraît dans ces manuscrits, mais l’adjectif paripurna, « accompli, complet ; » cela ne peut faire l’objet d’un doute. Puis ûrnâ, en supposant qu’il en fût question ici, ne désignerait pas le cheveu placé au milieu du front dont il est parlé dans quelques légendes ; c’est, comme l’indique le sens ordinaire du mot, un duvet laineux qui croît, non au milieu, mais au bas du front, entre les deux sourcils : c’est en un mot ce cercle de poils dont les Tibétains eux-mêmes reconnaissent l’existence parmi les trente-deux Lakchanas, ou caractères d’un grand homme[68]. Appeler ce cercle de poils un cheveu placé au milieu du front, c’est prendre l’un pour l’autre deux caractères très-différents ; et l’on a peine à comprendre comment les interprètes tibétains ont pu tomber dans une telle confusion. Quant au caractère même qui fait l’objet de cet article, il ne reparaît dans aucune de nos trois autres listes.

70. Saggatamiikhalalâiah. Ce caractère signifie, « Il a la face et le front en harmonie l’un avec l’autre ; » ou, comme le disent les Tibétains, « Son visage et son front s’accordent bien ensemble. » Je ne rencontre pas cet attribut dans nos autres listes ; cependant on y trouve un ou plusieurs caractères tirés du Iront. Ainsi la liste singhalaise en a un qui est placé sous le n° 5 i, âyataputhulalâlasôbhatâ, « la beauté d’un front grand et large ; » c’est le n° 73 du Vocabulaire pentaglotte : srïtulalàfah pour prïthulalâtah, « il a le front large, » et le n° 71 de la liste népalaise, pnthalalâtatâ, « la qualité d’avoir un front large. » Outre ce caractère, nous avons encore dans le Vocabulaire pentaglotte, sous le n° 72, suparinatalalâtah, « Il a le front bien arrondi, » à quoi correspond le n° 70 de la liste népalaise, aparisthanalalâtatâ, mais ce dernier énoncé doit être fautif ; du moins il m’est impossible de rien faire de a-paristhana-lalâtatâ. Cette leçon est très-probablement une faute pour saparinata, que je viens d’expliquer. On a vu plus haut que le Lolita vistara avait placé un caractère analogue au nombre des trente-deux Lakchanas et sous le n° 3[69].

71. Paripârnôitamâggah ; V74 Suparipnrnôttamâfhgah ; H72 Suparipârnôttamârhgatâ ; D50 tchhattanibhatckdrusirasatâ. Ce caractère signifie, « Il a la tête bien développée, » comme l’ont exactement vu les interprètes tibétains. Il faut qu’il se soit introduit quelque déplacement dans la version chinoise du Vocabulaire pentaglotte, pour qu’Abel Rémusat ait traduit ainsi cet attribut : « cheveux d’un noir bleuâtre comme la pierre d’azur[70]. » Deux listes sur trois reproduisent unanimement ce caractère ; l’énumération singhalaise en donne seule une approximation assez éloignée : « La qualité d’avoir la tête belle et semblable à un parasol. »

72. Asitakéçah ; H73 hhramarasadnçahéçatâ ; D72 sanîlakêsatâ. Ce caractère signifie, « Il a les cheveux noirs, » comme l’ont entendu les Tibétains. Il manque dans le Vocabulaire pentaglotte, et les autres listes en donnent des équivalents qui diffèrent dans les termes, mais qui ont en définitive la même valeur. La liste népalaise signifie, «La qualité d’avoir « les cheveux semblables à l’abeille (noire) ; » et la liste singhalaise doit se traduire, « La « qualité d’avoir les cheveux très-noirs. »

73. Sahitakéçah ; D74 susanthânakésatâ. Ce caractère signifie, « Il a les cheveux égaux, » ou, comme le disent les Tibétains, « Sa chevelure est égale. » Il manque dans le Vocabulaire pentaglotte et chez les Népalais ; mais les Singhalais le reproduisent avec cette variante dans l’adjectif que j’ai signalée plus haut sur le premier des articles, le n° 59, qui est relatif à l’égalité des sourcils. C’est là que j’ai’ montré comment sahita devait signifier « appareillé, » surtout quand il est remplacé par un mot signifiant «parfaitement égal. » Au reste, l’égalité dont il s’agit ici doit porter plutôt sur la chevelure en général que sur les cheveux en particulier elle doit exprimer cette circonstance, que les cheveux sont également et symétriquement répartis sur la tête, comme on le remarque sur les statues et les images peintes du Buddha. Voilà pourquoi j’ai rapproché de ce caractère le susanthânakêsa de la liste singhalaise, et non le samakésa de la même liste, que j’ai placé plus bas sous le n° 78.

74. Susaggatakéçah ; V75 tchitrakêçah ; H74 tchitrakéçatâ ; D73 dakkhinâvatlakésatâ. Ce caractère signifie, « Il a les cheveux bien arrangés. « Je n’en trouve pas la traduction littérale chez les interprètes tibétains, à moins que ce ne soit là le caractère qu’ils rendent par « chevelure bien en ordre. » Le Vocabulaire pentaglotte et la liste népalaise ont ici, « Il a les cheveux beaux, » et la liste singhalaise, « La qualité d’avoir les cheveux tournés à droite. » Ce caractère se rapproche beaucoup de celui que nous rencontrerons tout à l’heure, sous le n° 78, et qui est relatif aux cheveux réguliers.

75. Surabhikêçah ; V79 surabhikêçah ; H78 surahhikêçatâ ; D71 sugandhamuddhantâ. Ce caractère signifie, « Il a la chevelure parfumée, » cGmme l’entendent les Tibétains. Toutes nos listes sont unanimes sur cet attribut, sauf celle des Singhalais qui lit sugandhamuddhantâ, leçon dont je ne puis rien faire qu’en lisant sugandhamuddhatâ, ce qui donne pour sens « La qualité d’avoir la tête parfumée. »

76. Aparuchakêçah ; V78 apataçâkéçah ; H77 aparachakêçatd ; D79 kômalakêsatâ. Ce caractère signifie, « Ses cheveux ne sont pas rudes. » Je ne vois pas de trace de cet attribut dans la version tibétame du Lalita vistara. Cependant nos quatre listes sont unanimes à ie reproduire, et il n’est pas possible de douter de sa valeur. Le Vocabulaire pentaglotte décrit fautivement avec un t et le troisième a long ; quant à la liste singhalaise, elle ie représente par une expression synonyme dont la signification est positive, de cette manière : « Il a les cheveux doux. »

77. Anâkulakêqah ; V77 apaïhlutitakéçah ; H76 asam̃gunitakéçatâ ; D77 alulitakésatâ. Ce caractère signifie, « Ses cheveux ne sont pas mêlés, » comme l’entendent aussi les Tibétains. Nos listes offrent ici d’assez grandes divergences ; mais, sauf un mot, ce ne sont là que des variantes d’orthographe, ou même des fautes qu’on peut corriger par la comparaison des divers énoncés entre eux. Au lieu du mol anâkula, « non confus, » les Singhalais disent ahilita, « non brouillé, non mêlé ; » ce qui est la variante la plus forte, mais ce qui donne le même sens. Ce mot aluîita permet de corriger l’énoncé si fautif du Vocabulaire pentaglotte, aparhluiiia, qu’on doit certainement lire asafhluliia, « qui n’est pas mêlé. » Quant à l’énoncé de la liste népalaise, il n’est pas certain qu’elle ne cache pas un mot nouveau, comme asamgadita, « qui n’est pas en boule, en masse ; » de sorte que l’attribut qui nous occupe devrait se traduire, «Ses cheveux ne forment pas une masse. » Dans le Journal de la Société asiatique de Londres ce terme est lu asammunita ; la leçon que j’ai reproduite précédemment est celle de la Société asiatique du Bengale. Cette divergence laisse planer du doute sur l’exactitude parfaite de l’un et de l’autre énoncé. Aussi se pourrait-il qu’il ne fallût pas aller chercher si loin la correction, et qu’on’ dût prendre asamgunita pour une altération de asam̃lulita.

78. Anapdrvakéçalj. ; D78 samakésatâ. Ce caractère signifie, « Il a les cheveux réguliers, » ou selon les Tibétains, « bien en ordre ; » mais cette traduction littérale ne fait pas suffisamment saisir ce qu’on doit entendre par cet attribut. J’y vois l’analogue du caractère précédent, « ses cheveux ne sont pas mêlés ; » c’est-à-dire que le n° 78 représente des cheveux qui se suivent dans un sens naturel, au lieu de se hérisser dans des directions divergentes. Il n’y a pas là proprement de répétition ; car après avoir montré dans l’article 77 que les cheveux de l’homme accompli ne sont pas mêlés, la description ne nous apprend pas si ces cheveux sont réguliers ou irréguliers, les uns longs et les autres courts, s’ils sont même bien ou mal plantés. Le n^ 78 me paraît répondre à la première de ces questions, et c’est pour cela que j’y ai ramené l’énoncé de la liste singhalaise, «La qualité « d’avoir lès cheveux égaux. » Je ne pense pas qu’il soit ici question d’une disposition artificielle, ni comme je l’ai conjecturé au n° 74, d’une disposition générale de la masse de la chevelure répartie des deux côtés de la tête. Ce caractère ne paraît ni dans le Vocabulaire pentaglotte, ni dans la liste népalaise. Je trouve seulement dans la première de ces deux listes, sous le n" 76, un attribut que l’on ne peut éloigner beaucoup de celui que nous examinons, çlakchnakêçah, « Il a les cheveux fins, » caractère qui paraît aussi dans la liste singhalaise, sous le n" 76, sanhakêsatâ, « La qualité d’avoir les cheveux fins. » La finesse des cheveux est un attribut dont ne parlent ni le Lalita ni la liste népalaise, et c’est un des traits de différence qui distinguent les unes des autres nos quatre listes qui sont en grand désaccord sur le caractère des cheveux. A cet attribut la liste singhalaise en joint un autre sous le n° 75, siniddhakésatâ, «La qualité d’avoir les cheveux lisses. » On comprend que ce mérite soit un accessoire des cheveux fins ; il n’en est cependant pas parlé ailleurs que dans le Dharma pradîpikâ singhalais, sans doute à cause de son peu d’importance.

79. Samkutchitakêçah ; H75 guhyakéçatâ. Ce caractère signifie, « Il a les cheveux bouclés ; » car c’est seulement ainsi que je puis entendre le mot samkatchita, dont le sens propre est «ramassé, resserré ensemble. » il me paraît évident que cet attribut exprime cette apparence des cheveux réunis en boucles régulières qu’on remarque sur les statues et les images du Buddha Çâkyamuni, et qu’on a prise longtemps pour là représentation d’une chevelure crépue. Ce qui m’étonne, c’est que les Tibétains aient pu voir ici des cheveux nattés[71] ; on a peine à comprendre comment des interprètes qui devaient avoir sans cesse sous les yeux des statues et des images du Buddha, et auxquels aucune particularité de sa personne mortelle n’avait pu rester inconnue, aient cru devoir renoncer au témoignage de leurs propresyeux pour appeler nattée une chevelure bouclée. Cette divergence entre leur traduction et la réalité est d’autant plus singulière, que pour arriver à ce sens il leur a fallu méconnaître la tradition buddhique la mieux accréditée, tradition selon laquelle le jeune Siddhârtha coupa Isk mèche de cheveux qui couronnait sa tête, au moment ou il embrassait la vie religieuse, et s’ôta ainsi le moyen de pouvoir désormais natter ses cheveux. Ajoutons qu’en attribuant des cheveux nattés à leur grand homme, ils lui donneraient tout simplement la coiffure de ses adversaires religieux, de ces Brahmanes djalilas ou à la chevelure nattée, comme les nomment toutes les légendes. Le Vocabulaire pentaglotte, pas plus que la liste singhalaise, ne reproduisent cet attribut qui est cependant essentiel, et c’est seulement par conjecture que j’en rapproche l’énoncé de la liste népalaise, lequel est par lui-même obscur. Je n’ai même d’autre moyen d’entendre guhyakéçatâ qiï en supposant que cette leçon a été introduite par erreur pour gudâkêçaiâ, « la qualité d’avoir les cheveux réunis en forme de boules ; » ainsi que Lassen propose d’expliquer cette épithète, qui dans la littérature épique des Indiens désigne, comme on sait, le guerrier Ardjuna[72]. Dans cette hypothèse, le héros religieux des Buddhistes porterait un titre illustré déjà par un des guerriers les plus célèbres de l’Inde ancienne ; d’où l’on devrait conclure que le caractère que ce titre exprime, celui de cheveux ramassés en boules ou en boucles, aurait été déjà remarqué dans le nord de l’Inde sur un autre personnage que le Buddha, et selon toute apparence antérieurement à sa venue.

Les divergences que j’ai signalées entre nos quatre listes touchant les caractères tirés des cheveux, rendent ici nécessaire un résumé semblable à celui que j’ai donné plus haut sur les sourcils. Je vais le présenter sans rien changer à l’ordre que les divers énoncés occupent dans chacune de nos listes.

LALITA VISTARA. LISTE SINGHALAISE. VOCABUL. PENTAGLOTTE. LISTE NÉPALAISE.




72. Il a les cheveux noirs.
72. Cheveux très-noirs.
75. Il a les cheveux beaux.
73. Cheveux semblables à l’abeille.
73. Il a les cheveux égaux.
73. Cheveux tournés à droite.
76. Il a les cheveux fins.
74. Cheveux beaux.
74. Il a les cheveux bien arrangés.
74. Cheveux bien égaux.
77. Il a les cheveux non mêlés.
75. Cheveux en boules.

75. Il a les cheveux parfumés. 75. Cheveux lisses. 78. Ses cheveux ne sont 76. Cheveux non mêlés.

76. Cheveux fins. pas rudes. 77Cheveux non rudes. 76. Ses cheveux ne sont 77Cheveux non mêlés. 79Ses cheveux sont par78. Cheveux parfumés. pas rudes. 78. Cheveux réguliers. fumés. 77Ses cheveux ne sont pas mêlés. 79Cheveux doux. 78. Il a les cheveux réguliers. 79Il a les cheveux bouclés.

En réunissant à ces divers attributs le second des Lakchanas que j’ai examinés plus haut en détail ^ on aura l’idée la plus complète qu’on puisse se faire quant à présent des perfections que les Buddhistes recherchent dans la chevelure d’un homme supérieur et prédestiné à la dignité sublime de Buddha. Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit à l’occasion du second des trente-deux caractères : le résumé des attributs secondaires que je viens de présenter nous éloigne beaucoup plus encore de la description d’une chevelure laineuse. Je ne puis mieux faire que de renvoyer aux remarques que la plupart de ces traits ont suggérées à M. Rémusat ^. Il est hors de doute que cette description de la chevelure d’un Buddha s’applique, dans tous ses détails, au type indien envisagé de la manière la plus générale.

80. Çrivatsasvasiikanandyâvartavardhamânasamslhânakéçah ; V80 çrivarpasvâstikanatyâvartlalaliiapânipâdah ; H79 et 80 çnvatsamnktikanamdyâvarttulatchihnitapânipâdatalatâ, D80 kétuniâlâratanarandjitatâ. Ce caractère signifie, « Ses cheveux représentent la figure du Çrivatsa, du Svastika, du Nandyâvarta et du Vardhamâna. » Les Tibétains disent : « Il a au milieu de la chevelure un Çrîvatsa, etc. » Nos listes offrent ici des divergences considérables, non sur les figures plus ou moins mystiques exprimées par les noms de Çrî-vatsa,

1 Ci-dessus, même note, p. 560 et suiv.

2 Mélanges asiatiques, t. I, p. 106.

Svastika et autres, mais sur les parties du corps où l’on croit en apercevoir l’image. L’énoncé en est fautif dans le Vocabulaire pentaglotte et dans la liste népalaise ; cependant, en remplaçant muhtika par svastika, en lisant avorta au lieu de âvaritala, on a ce sens : « la qualité d’avoir la paume de la main et la plante des pieds marquées du Çrîvatsa, du Svastika et du Nandyâvarta. » C’est également sur ces parties du corps que le Vocabulaire pentaglotte place ces signes fortunés ; en lisant çrîvatsa au lieu de çrivarpa, svastika au lieu de svastika, nandyâvarta au lieu de natyâvartta, tchihnita au lieu de lalita, on traduira : « Il a les pieds et les mains marqués du Çrîvatsa, etc. » Il n’est pas facile de déterminer actuellement laquelle est la meilleure leçon de celle du Lalita vistara ou de celle du Vocabulaire pentaglotte. La place où paraît le quatre-vingtième et dernier attribut secondaire, à la suite des attributs tirés de la chevelure, milite au premier abord en faveur du Lalita ; mais deux listes, celle des Népalais et celle des Chinois, donnent l’avantage à l’autre énumération. Je remarque en outre que la description qu’on donne chez les Buddhistes siamois et singhalais de l’empreinte du pied de Çâkyamuni Buddha, commence justement, ainsi qu’on le verra plus bas dans la section IV, par ces quatre figures plus ou moins imaginaires ; or, pour que ces figures occupent la première place dans l’énumération des images qu’on croit reconnaître sur cette empreinte, il faut qu’on ait été accoutumé aies chercher sur le pied lui-même. Dans l’hypothèse que j’expose, le quatre-vingtième et dernier caractère qui se rattache au trente et unième Lakchana analysé plus haut, aurait servi de transition pour passer à la description de l’empreinte du pied fortuné.

Reste le dernier numéro de la liste singhalaise, qui, je l’avoue, offre quelque difficulté. Si au lieu de Kêtumâlâ le texte donnait Kêtumâla, on traduirait : « la qualité d’avoir la couleur des joyaux du Kêtumâla. » Mais que faudrait-il entendre par les joyaux du Kêtumâla ? Ce dernier nom est celui d’une des divisions mythologiques du continent indien ; mais je ne trouve pas dans l’indication qu’en donne le Vichṇu purâṇa, que cette terre soit remarquable par ses pierres précieuses. D’ailleurs c’est bien Kêtumâla que porte la liste singhalaise, et nous allons bientôt reconnaître que telle est la véritable orthographe. En effet, ce mot, que je ne trouve dans aucun des dictionnaires qui sont à ma disposition, est employé par le Mahâvam̃sa, et cela à l’occasion d’une représentation de Çâkyamuni qui apparut au roi Açôka. Voici au milieu de quels termes est placé ce mot :

Dvattim̃salakkhçinûpêtam̃ asîtibyañdjanudjdjalam̃
byâmappabhâparikkkittam̃ kêtamâlâbhisôbhitam̃[73] ;

ce qui doit se traduire, sauf le dernier mot : « revêtu des trente-deux caractères, brillant de l’éclat des quatre-vingts signes, enveloppé d’une auréole qui s’étendait à la distance d’une brasse et orné des Kétumâlâs. » Je dis Kêtumâla, au pluriel, sur l’autorité de Mahânârna, qui, dans son commentaire du Mahâvam̃sa, représente Kétumâlâbhisôbhitam̃ par Kétumâlâhi abhisôbkitam[74]. Il n’explique malheureusement pas davantage ce terme, qui doit exprimer un trait des perfections physiques du Buddha ; mais Turnour le rend ainsi : « surmonted by the lambent flame of sanctity. » Turnour entend certainement par là cette flamme, unique selon les Tibétains, et divisée en forme de trident selon les Singhalais, qui surmonte la tête des statues du Buddha. C’est le signe que j’ai déjà indiqué plus haut, en traitant de la protubérance du vertex de ces statues[75]. Le Mahâvam̃sa est jusqu’ici le seul ouvrage où j’aie rencontré le nom de cet indice singulier. Quant à cette circonstance, que ce signe n’est mentionné que dans la liste singhalaise, je serais tenté d’en inférer que cette liste a été rédigée, ainsi que la description précitée du Mahâvam̃sa, d’après une statue, plutôt que d’après le souvenir du Buddha vivant.

Le lecteur qui aura eu la patience de suivre les analyses qui précèdent, aura remarqué que nos listes offrent entre elles des divergences assez considérables, lesquelles résultent de ce que certains caractères admis par le Lalita vistara manquent aux autres listes. Je ne parle ici que des lacunes véritables ; car toutes les fois que nos listes donnent un attribut analogue à l’un de ceux du Lalita, j’ai noté cet attribut, ou comme synonyme, ou comme substitut probable. Réduites de cette manière, les lacunes réelles de nos trois listes, comparées à celle du Lalita vistara, sont pour le Vocabulaire pentaglotte de dix-huit, pour la liste népalaise de dix-huit, pour la liste singhalaise de vingt-deux. Je crois inutile de revenir sur ces lacunes en énumérant les caractères dont elles entraînent l’omission ; mais il est indispensable d’indiquer rapidement les articles que ces trois listes possèdent, soit chacune en propre, soit toutes en commun, parce que ces articles, manquant au Lalita vistara, n’ont pu figurer dans l’analyse que j’ai faite tout à l’heure de la liste empruntée à ce livre. Je vais donc passer en revue ces articles, en commençant par le Vocabulaire pentaglotte qui se rapproche le plus du Lalita vistara ; mais, quoique donnant le pas au Vocabulaire pentaglotte sur les deux autres listes à cause de son analogie avec le Lalita, j’aurai soin d’indiquer ceux des articles de ces deux listes qui se retrouveront dans le Vocabulaire.

Le Vocabulaire pentaglotte termine les articles par lesquels on définit la marche de l’homme supérieur, en y ajoutant deux énoncés, le n° 16, tcharugâmi, et le n° 17, avakragdmi, dont le premier (qui doit se lire tchârugâmî) signifie, « il a une démarche élégante, » et le second, « sa démarche n’est pas tortueuse. » Je retrouve ces deux énoncés sous les nos 15 et 16 de la liste de M. Hodgson, avec cette forme, tchârugâmitâ, avakragâmitâ, « la qualité d’avoir une démarche élégante, une démarche qui n’est pas tortueuse. « D’un autre côté, ces deux caractères manquent dans la liste singhalaise ainsi que dans le Lalita. Cette circonstance semble indiquer que les Népalais rédacteurs du Dharma saggraha, et les Chinois rédacteurs du Vocabulaire pentaglotte, ont puisé à une même source, tandis que le Lalita vistara et le Dharma pradipikâ ont eu sous les yeux, sinon un même original, du moins deux listes qui avaient entre elles d’assez grandes analogies.

Aux caractères dont je viens de signaler l’existence dans le Vocabulaire pentaglotte et dans la liste népalaise, le Vocabulaire en ajoute un troisième de même ordre, qui est placé sous le n° 26, samakramah, « sa marche est égale. » Ici encore la liste népalaise est d’accord avec le Vocabulaire, car nous trouvons sous le n° 25 de cette liste l’énoncé suivant : samakramatâ, « la qualité d’avoir une marche égale. » Ce qui ajoute ici à l’analogie qu’offrent nos deux listes, c’est la place même qu’occupe ce caractère dans chacune d’elles ; au contraire, dans le Vocabulaire pentaglotte comme dans le Dharma sag̃graha, il est assez singulièrement placé au milieu d’attributs relatifs à la beauté et à la perfection des membres en général, de façon qu’il se trouve éloigné, on ne sait trop pourquoi, des autres attributs relatifs à la marché-, dont nous avons vu que nos listes offrent déjà un assez bon nombre, indépendamment des deux que je viens de relever. Il est bon d’ajouter que ce caractère ne se trouve pas ; plus que les précédents chez les Singhalais.

En tête des caractères relatifs aux membres en général, le Vocabulaire pentaglotte place cet attribut, sakamâragâtraḥ, « ses membres sont parfaitement jeunes, » ou « il a les membres d’un homme très-jeune. « Il se trouve sous le n° 27 de la liste népalaise, sakamâragâtratâ, et sous le n° 57 de la liste singhalaise avec une faute d’orthographe, sukhumâlagattatâ, au lieu de sukamâla. L’unanimité de nos trois listes semble donner à ce caractère une plus grande importance que celle qu’on serait tenté d’attribuer aux qualités tirées de la démarche que j’ai signalées tout à l’heure. Il est naturel en effet que les Buddhistes aient donné à leur héros la beauté de la jeunesse pendant laquelle le corps brille de tout son éclat, La traduction que proposait A. Rémusat pour cet attribut confirme l’interprétation que j’expose, avec une nuance cependant qu’il importe de noter : « face remplie d’une majesté prodigieuse et donnant l’air d’une éternelle jeunesse[76] » C’est là en réalité un commentaire plutôt qu’une traduction : on n’y voit du reste que plus complètement la pensée de l’interprète ; l’idée d’une jeunesse éternelle est sans doute exagérée, mais le point curieux à remarquer, c’est que la jeunesse est attribuée, non aux parties qui composent le corps en général, mais à la figure en particulier. Or comment un changement aussi considérable dans le sens a-t-il pu avoir lieu, si ce n’est par la substitution d’un mot désignant la face à un mot désignant les membres ? Il est fort possible que les premiers traducteurs chinois aient eu sous les yeux un énoncé ainsi conçu : sukumâragandah, « il a les joues d’un homme très jeune, » au lieu de sakamâragâtrah. Je ne propose cependant pas de faire cette correction à la leçon de nos trois listes, premièrement à cause de leur unanimité qui les protège contre tout changement arbitraire ; secondement parce qu’on ne comprendrait pas pourquoi ce caractère, tiré de la beauté et de la jeunesse du visage, serait ainsi éloigné des autres caractères analogues tirés de l’éclat des joues.

Les caractères relatifs aux dents reçoivent, dans le Vocabulaire pentaglotte, l’addition des nos 57, çakladam̃chṭah, « il a les canines blanches, » et 58, samadam̃chṭaḥ, « il a les canines égales. » Ces caractères se retrouvent également dans la liste népalaise et dans cet ordre : n° 56, çukladam̃chṭratâ, et n° 57, samadam̃chṭratâ ; le mot dam̃chṭrâ y est, comme on voit, plus correctement écrit que dans le Vocabulaire pentaglotte. La liste singhalaise a aussi deux articles relatifs aux dents, mais ils diffèrent sensiblement de ceux qui précèdent ; ce sont le n° 31, suddhadantatâ, et le n° 32, siniddhadantatâ, c’est-à-dire, » la qualité d’avoir les dents blanches et lisses. » La différence porte ici sur l’emploi du mot danta, « dent, » en général, au lieu de dam̃chṭrâ, « œillère ou canine. » En lisant dam̃chṭrâ, comme le font le Vocabulaire pentaglotte et la liste népalaise, on évitera la répétition qu’offriraient ces deux énoncés avec les nos 7 et 9 de la liste des trente-deux signes de beauté.

Aux caractères qui portent sur les yeux, le Vocabulaire pentaglotte en ajoute un autre sous le n° 64, qui est ainsi conçu : tchitapakchmâpadjmô. Cet énoncé serait bien obscur, sans la comparaison qu’on en peut faire avec le n" 62 de la liste népalaise, tchitrapakchmatâ, « la qualité d’avoir de beaux cils. » On voit combien est fautive l’orthographe du Vocabulaire pentaglotte ; la fin du mot padjmô offre cette singularité, qu’elle semble être la répétition du terme précédent pakchmâ, qui seul est correct ; on remettrait donc toutes choses en ordre en lisant tchitrapakchmâ, sans padjmô. La liste singhalaise nous fournit, sous le n° 45, un caractère analogue qui est ainsi conçu : akuñtchitaggapakhumatâ, « la qualité d’avoir des cils dont l’extrémité n’est pas recourbée, » c’est-à-dire, des cils droits ; c’est, en d’autres mots et avec un peu plus de détails, ce que les deux autres listes nomment de beaux cils.

Je rappelle seulement pour mémoire l’énoncé du Vocabulaire pentaglotte placé sous le n° 67, çlakchṇabhirâh, « il a les sourcils minces, » parce que j’en ai parlé plus haut dans le résumé qui termine le n° 63 du Lalita vistara ; j’ai montré que cet attribut devait se trouver sous le n° 65 de la liste népalaise, et qu’il paraissait réellement sous le n° 53 des Singhalais.

Le Vocabulaire pentaglotte a trois articles sur la perfection des oreilles qui méritent d’être remarqués ; le premier, qui porte le n° 69, est ainsi conçu : pînâyatakarṇaḥ, « il a les oreilles pleines et grandes. » Ce caractère ne se retrouve que dans une seule de nos autres listes, celle des Singhalais, sous le n° 47, âyatarutchirakaṇṇatâ, « la qualité d’avoir « les oreilles grandes et belles. » On a lieu d’être surpris de ce que ce caractère, qui répond si bien à l’apparence que présentent les oreilles sur les statues et les dessins figurés des Buddhas, ne soit pas plus unanimement reproduit par nos listes. Serait-ce que cette particularité qui nous frappe tellement qu’elle nous semble être une monstruosité, aurait été omise par les premiers rédacteurs de nos listes à cause de sa vulgarité même, et parce qu’elle leur aurait paru trop ordinaire pour constituer un caractère distinctif ? Ou bien serait-ce que les oreilles n’auraient pas été dans le principe aussi développées qu’elles le sont devenues depuis, surtout chez les Tibétains et les Mongols, et que le caractère qui nous occupe aurait été ajouté plus tard à la liste qui primitivement ne le connaissait pas ? Ce sont là deux explications entre lesquelles il serait quant à présent malaisé de se prononcer. Je dois cependant remarquer que sur les images du Buddha, dessinées et publiées par M. J. Bird, d’après des originaux découverts dans les cavernes de l’ouest de l’Inde, le développement des oreilles n’a rien de trop exagéré, et que quand on y trouve un Buddha avec des «oreilles pendantes, il est facile de reconnaître la présence d’un anneau très-volumineux qui est la véritable cause de ce développement apparent[77]. En attendant qu’un plus grand nombre de listes nous permette de nous décider sur ce point, je constate que le caractère relatif à l’allongement des oreilles n’est donné que par le Vocabulaire pentaglotte et la liste singhalaise.

Il en faut dire autant du n° 76 du même Vocabulaire, samakarṇaḥ, « il a les oreilles égales ; » sauf cette remarque, que cet attribut paraît dans la liste népalaise sous le n° 68, samakarṇatâ, « la qualité d’avoir les oreilles égales. » C’est un nouveau trait de ressemblance entre le Vocabulaire pentaglotte des Chinois et le Dharma sag̃graha des Népalais ; car la liste singhalaise ne le donne pas plus que le Lalita vistara.

Quant au troisième caractère relatif à la beauté des oreilles, dont j’indiquais tout à l’heure l’existence, j’en ai signalé plus haut la présence sous le n° 67 du Lalita vistara. C’est le n° 71 du Vocabulaire pentaglotte, « il a l’organe de l’ouïe sans défaut, » et le n° 69 de la liste népalaise. Je crois pouvoir renvoyer le lecteur à ce que j’en ai dit à l’occasion du Lalita vistara, qui n’a certainement pas cet attribut, quoique la leçon qu’il adopte puisse passer pour en être dérivée^

J’ai encore noté plus haut, en analysant le n° 70 du Lalita vistara, l’existence de deux caractères relatifs à la forme du front qui sont admis par le Vocabulaire pentaglotte, sous les nos 72 et 73, «il a le front bien arrondi et il a le front large. » On a vu que le premier de ces attributs se trouvait sous le n° 70, et le second sous le n° 71 de la liste népalaise et sous le n° 51 de la liste des Singhalais. Je renvoie encore ici à ce que j’en ai dit plus haut sous le rapport du sens et de l’orthographe, tout en convenant que le premier de ces articles constitue moins une lacune qu’un synonyme du Lalita vistara. Les cheveux m’ont également fourni des remarques analogues que j’ai résumées sous le n° 79 du Lalita vistara. Le Vocabulaire pentaglotte, au n° 76, donne au Buddha « des cheveux fins ; » j’ai montré, sur le n° 78 du Lalita, que cet attribut se retrouvait dans le n° 76 de la liste singhalaise.

Après ce résumé des attributs que le Vocabulaire pentaglotte possède indépendamment du Lalita vistara, je passerai à l’énumération de ceux que la liste népalaise possède également en propre. Déjà on en a reconnu plusieurs qui lui sont communs avec le Vocabulaire pentaglotte ; je ne les relèverai pas de nouveau, mais je dois signaler ceux qui ne se présentant ni dans le Lalita ni dans le Vocabulaire, paraissent soit dans la liste népalaise seule, soit dans cette liste et dans celle des Singhalais à la fois.

À la suite des caractères relatifs aux membres en général, la liste népalaise place deux caractères sous les nos 30 et 31. Le premier est gambhirakukchitâ, « la qualité d’avoir les « flancs profonds, » et le second, prasannagâtratâ, « la qualité d’avoir les membres gracieux. » Ces deux attributs ne se retrouvent dans aucune de nos trois autres listes.

La liste népâlaise place à la suite des caractères tirés des sourcils l’énoncé suivant qui porte le n° 67 : pînâyatabhudjalatatâ, « la qualité d’avoir des bras pleins et longs. » Le texte dit positivement : « la liane des bras, » d’après un système de comparaison familier aux Indiens. Il faut rapprocher de ce signe, non pas un synonyme, mais un analogue que donne la liste singhalaise sous le n° 19, dviradakarasadisa ûrubhudjatâ, «la qualité d’avoir les « bras et les cuisses comme la trompe de l’éléphant. » C’est là encore une comparaison tout indienne ; elle porte uniquement sur la rondeur parfaite de ces membres.

C’est à ce petit nombre de points que se réduisent les divergences qui existent entre la liste népalaise et le Vocabulaire pentaglotte ; car pour les différences qui séparent cette liste de celle du Lalita vistara, je les ai notées tout à l’heure en examinant l’énumération du Vocabulaire, Il ne nous reste donc plus qu’à relever les différences qu’offre la liste du Dharma pradîpikâ singhalais comparée avec celles que nous avons étudiées jusqu’ici. On verra qu’il n’est aucune de ces listes qui s’accorde aussi peu avec le Lalita vistara ; mais je crois aussi qu’on restera convaincu par la nature même de ces différences, que l’autorité du Lalita vistara, appuyée comme elle l’est par l’accord presque complet de la liste népalaise et du Vocabulaire pentaglotte, n’en doit être eçi aucune manière ébranlée. Ces différences donnent lieu ou à des répétitions assez difficiles à expliquer, ou à des détails très-minutieux et peu caractéristiques. Aussi serais-je porté à croire que nous n’avons pas ici la liste des quatre-vingts caractères tels que se les représentent les Buddhistes du Sud, sous sa forme véritable et primitive ; le Dharma pradîpikâ singhalais n’est d’ailleurs pas un livre d’une assez grande ancienneté pour assurer à la liste qu’il renferme toute l’autorité désirable.

La première des différences à signaler dans la liste singhalaise se trouve sous le n° 30 et est ainsi conçue : surattadidjamam̃salâ, c’est-à-dire, « la qualité d’avoir la chair des « dents très-rouge, » ou autrement, « les gencives très-rouges. » Ce caractère est en effet placé en avant des deux attributs relatifs à la blancheur et au poli des dents que j’ai signalés tout à l’heure dans la liste singhalaise.

Les caractères tirés des membres ont reçu dans la liste singhalaise l’addition de deux, numéros ainsi conçus : n° 58 ativiyasômmagatiatâ, «la qualité d’avoir les membres extrêmement beaux,» et n° Ôg ativiyaudjdjaiitagaitatâ, « la qualité d’avoir les membres « extrêmement brillants. » Un peu plus bas nous trouvons une nouvelle définition du même genre sous le n° 62, siniddhagattatâ, «la qualité d’avoir les membres lisses.» Cet attribut ouvre une nouvelle série de huit autres caractères que je vais énumérer dans l’ordre où le manuscrit nous les présente.

N° 63. Sugandhatanutâ, « la qualité d’avoir un corps qui répand une bonne odeur. »
N° 64. Samalômatâ, « la qualité d’avoir les poils égaux. »
N° 65. Kômalalômatâ, « la qualité d’avoir les poils doux. »
N° 66. Dakkhiṇâvattalômatâ, « la qualité d’avoir les poils tournants vers la droite. »
N° 67. Bhinnañdjanakasadisanîlalômatâ, « la qualité d’avoir des poils noirs dont la couleur ressemble à celle du collyre aux reflets changeants. »
N° 68. Siniddhalômatâ, « la qualité d’avoir les poils lisses. »
N° 69. Atisukhumaassâsapassâsadhâraṇatâ, « la faculté de pouvoir retenir son souffle, qui inhalé ou expiré est extrêmement faible. »
N° 70. Sugandhamukhatâ, « la qualité d’exhaler une bonne odeur par la bouche. »

Telles sont les additions par lesquelles la liste des Singhalais se distingue des trois autres énumérations que j’ai précédemment examinées. Il va sans dire que ces additions ne portent pas le total des caractères secondaires à un chiffre plus élevé que celui de quatre-vingts auquel s’arrêtent les autres listes. Les additions du Dharma pradîpikâ singhalais sont donc compensées par des lacunes ; je dis compensées numériquement, car quant à la valeur des caractères, je ne crois pas que la liste générale gagnât beaucoup à recevoir ces additions singhalaises au lieu et place des définitions des autres listes. Ce qui doit nous guider ici, c’est l’unanimité des listes : un caractère qui se trouve à la fois dans quatre énumérations recueillies, l’une dans un livre sanscrit reconnu comme canonique au Népal et au Tibet, celle-ci chez les Népâlais, celle-là chez les Chinois, la dernière enfin chez les Singhalais, a selon moi une autorité inattaquable ; nous devons l’admettre et le tenir pour ancien. Mais cette autorité et vraisemblablement aussi cette ancienneté décroissent avec le nombre des listes ; de telle sorte qu’un caractère qui n’a plus pour lui qu’une liste, doit de toute nécessité être placé au dernier rang. À ce point de vue l’énumération du Dharma pradîpikâ des Singhalais a une autorité moins grande qu’une liste qui résulterait de la combinaison de celle du Lalita vîstara avec l’énumération des Népalais et du Vocabulaire pentaglotte.

SECTION III.
CONCLUSIONS TIRÉES DES DEUX SECTIONS PRÉCÉDENTES.

Il est temps d’examiner le rapport que doivent avoir l’une avec l’autre l’énumération des trente-deux signes caractéristiques d’un grand homme et celle des quatre-vingts signes secondaires. Il faut aussi tirer quelques conséquences qui semblent résulter de l’examen attentif que je viens de faire dé ces cent douze attributs d’un Buddha.

Quant au rapport qu’offre la liste des quatre-vingts signes secondaires avec celle des trente-deux attributs caractéristiques d’un grand homme, il me paraît donner lieu aux questions suivantes. Ces deux listes doivent-elles être reconnues comme contemporaines ? et si l’on vient à constater qu’elles ne le sont pas, quelle est celle qui doit passer pour la plus ancienne ? Dans l’état où elles nous sont parvenues toutes deux, conservées comme elles le sont dans des livres en apparence de même âge, la vraisemblance est pour l’opinion qu’elles sont contemporaines ; et cette opinion peut, sans grand inconvénient pour la critique, subsister jusqu’à preuve du contraire. Cependant il est permis de se demander pourquoi, en traitant ce portrait des perfections physiques d’un grand homme, on a fait deux listes plutôt qu’une seule des définitions qui les expriment. Serait-ce que les caractères dits secondaires sont en réalité, soit sous le rapport physiologique, soit sous le rapport de l’art, secondaires et moins importants que les trente-deux signes de la supériorité d’un grand homme ? Je laisse à de plus habiles la solution de cette question ; mais en admettant même que les trente-deux définitions dites Lakchaṇas doivent passer pour fondamentales à l’égard des quatre-vingts signes dits Anuvyandjanas qui n’en seraient que des développements, la question relative à l’âge de ces deux listes n’en est pas pour cela décidée, puisque l’idée de développer et de compléter les trente-deux caractères par l’addition des quatre-vingts signes de second ordre peut bien n’avoir ’pris naissance et ne s’être réalisée que postérieurement à la rédaction du catalogue des trente-deux signes principaux. Je crois même qu’à raisonner uniquement sur les apparences, et sans tenir compte de la présence simultanée de nos deux listes dans les mêmes monuments, le fait seul que l’une de ces listes n’est que le développement de l’autre est déjà un assez fort argument en faveur de cette opinion, que la liste de développement est en réalité la liste la plus moderne. Je ne veux pas cependant pousser ici trop loin l’emploi de la dialectique ; il suffit que l’esprit du lecteur soit éveillé sur cette question. Il est plus prudent de nous en tenir au témoignage apparent des textes jusqu’ici connus. Quand nous les aurons mieux étudiés, et surtout que nous en connaîtrons un plus grand nombre, il sera temps de reprendre cette question, que dans l’état de nos connaissances il nous serait bien difficile de résoudre actuellement.

Pour que le lecteur puisse embrasser dans son ensemble les trente-deux caractères d’un homme supérieur, avec les signes secondaires qu’on y a rattachés, j’ai cru nécessaire d’en présenter ici la traduction suivie, telle qu’elle résulte pour moi des analyses précédentes. C’est, avec la version de la section IVe du Vocabulaire pentaglotte, publiée il y a déjà longtemps par M. Abel Rémusat, et avec le passage correspondant du Rgya tch’ er rol pa tibétain traduit par M. Foucaux, la seule traduction et aussi la première qui ait été exécutée sur les originaux sanscrits et pâlis. Aussi, dans le résumé qui va suivre, ai-je cru nécessaire de conserver l’ordre du Lalita et les numéros qui constatent cet ordre : le lecteur curieux qui aura quelque doute sur la justesse du sens proposé, pourra ainsi remonter au texte et à la disenssion critique dont ce texte a été l’objet.

TRADUCTION DES TRENTE-DEUX LAKCHAṆAS.

« 1. Sa tête est couronnée par une protubérance [du crâne] ; 2. ses cheveux qui tournent vers la droite sont bouclés, d’un noir foncé, et brillent comme la queue du paon ouïe collyre aux reflets changeants ; 3. il a le front large et uni ;^. entre ses sourcils il existe un cercle de duvet ayant l’éclat de la neige ou de l’argent ; 5. ses cils ressemblent à ceux de la génisse ; 6. il a l’œil d’un noir foncé ; 7. il a quarante dents toutes égales, 8. serrées, 9. et blanches ; 10. il a le son de voix de Brahmâ (ou suivant d’autres, il a la voix du passereau) ; 11. il a le sens du goût excellent, 12. la langue large et mince, 13. la mâchoire du lion ; 14. il a les épaules parfaitement arrondies ; 15. il a sept parties du corps rebondies, 16. l’entre-deux des épaules couvert ; 17. il a le lustre et le poli de l’or {ou la couleur de l’or) ; 18. debout et sans qu’il se baisse, ses bras lui descendent jusqu’aux genoux ; 19. il a la partie antérieure du corps semblable à celle du lîon, 20. la taille comme la tige de l’arbre Nyagrôdha, le figuier indien ; 21. ses poils naissent un à un ; 22. ils sont tournés vers la droite à leur extrémité supérieure ; 23. l’organe de la génération est rentré dans son étui ; 24. il a les cuisses parfaitement rondes, 25. la jambe semblable à celle du roi des gazelles, 26. les doigts [des pieds] longs, 27. le talon large, 28. le cou-de-pied saillant, 29. les pieds et les mains douces et délicates, 30. les doigts des pieds et des mains marqués de lignes en forme de réseaux ; 31. sous la plante de ses -pieds sont tracées deux roues belles, lumineuses, brillantes, blanches, ayant-mille rais retenus par une jante et dans un moyeu ; 32. il a les pieds unis et bien posés. «

À ces caractères il faut joindre l’attribut suivant que signale la divergence des listes : « Il a les membres droits comme Brahmâ. » Je passe maintenant à l’énumération des quatre-vingts vingts signes secondaires dits Anuvyañdjana, en suivant la marche que j’ai indiquée tout à l’heure pour les Lakchanas.

TRADUCTION DES QUATRE-VINGTS ANUVYAÑDJANAS.

« 1. Il a les ongles bombés, 2. tirants sur la couleur du cuivre rouge, 3. lisses ; 4. il a les doigts arrondis, 5. beaux, 6. effilés ; 7. il a les veines cachées, 8. la cheville couverte, 9. les articulations solides,10. les pieds égaux, 11, le talon large, 12. les lignes de la main lisses, 13. semblables, i4profondes, i5. non tortueuses, 16. allongées ; 17. il a les lèvres comme le fruit du Vimba ; 18. le son de sa voix n’est pas trop élevé (ou suivant d’autres, il n’a pas la bouche trop grande) ; 19. il a la langue douce, délicate et couleur de cuivre rouge ; 20. sa voix douce et belle a le son du cri de l’éléphant ou du nuage qui tonne ; 21. il a les organes sexuels complets, 22. les bras longs ; 23. ses membres brillants sont vêtus (ou suivant d’autres, ses membres sont brillants) ; 24. ses membres sont doux, 25. larges (ou suivant d’autres, parfaits) ; 26. ils ne présentent pas de pauvretés, 27. n’offrent pas de saillie, 28. sont parfaitement achevés (ou suivant d’autres, parfaitement solides), 29. bien proportionnés ; 30. il a la rotule du genou large, développée et parfaitement pleine ; 31. ses membres sont arrondis, 32. parfaitement polis ; 33. ses membres sont semblables à ceux du taureau, ne sont pas de travers ; ils sont réguliers (ou suivant d’autres, ses membres sont réguliers) ; 34. il a le nombril profond, 35. sans difformité, régulier (ou suivant d’autres, tournant à droite) ; 36. il a une conduite pure ; 37. il est tout aimable comme le bœuf ; 38. il répand autour dé lui l’éclat d’une lumière supérieure, parfaitement pure, qui dissipe les ténèbres ; 39. il a la démarche lente de l’éléphant, 40. la démarche héroïque du lion ; 41. la démarche héroïque du taureau, 42. la démarche du cygne ; 43. il marche en se tournant vers la droite ; 44. il a les flancs arrondis, 45. polis ; 46. ses flancs ne sont pas de travers ; 47. il a le ventre en forme d’arc ; 48. son corps est exempt de tout ce qui peut en ternir l’éclat, et de toutes les taches noires qui pourraient le déparer ; 49. il a les canines arrondies, 50. pointues, 51. bien placées ; 52. il a le nez proéminent ; 53. il a les yeux brillants (ou suivant d’autres, il a le nez beau) ; 54. ses yeux sont purs, 55. souriants, 56. allongés, 57. grands, 58. semblables aux pétales d’un nymphæa bleu ; 59. il a les sourcils égaux, 60. beaux, 61. réunis, 62. réguliers, 63. noirs (et suivant d’autres, allongés) ; 64. il a les joues pleines, 65. égales, 66. sans imperfection ; 67. il est à l’abri de l’injure et du blâme (ou suivant d’autres, il a l’organe de l’ouïe sans défaut) ; 68. ses organes l’éclairent parfaitement ; 69. ses organes sont parfaitement accomplis ; 70. il a le front et la face en harmonie l’un avec l’autre, 71. la tête bien développée, 72. les cheveux noirs, 73. également répartis sur la tête, 74. bien arrangés, 75. parfumés ; 76. ses cheveux ne sont ni rudes, 77. ni mêlés ; 78. ils sont réguliers, 79. bouclés, 80. et représentent les figures du Çrîvatsa, du Svastika, du Nandyâvarta et du Vardhamâna (ou suivant d’autres, la paume de la main et la plante de ses pieds sont marqués de ces signes). »

À ces caractères il faut joindre les suivants qui résultent des variantes de nos listes : « Il a la démarche élégante ; sa démarche n’est pas tortueuse ; sa marche est régulière ; il a les membres d'un homme très-jeune ; il a les canines blanches et égales (ou suivant d’autres, les dents blanches et lisses) ; il a les cils beaux {ou suivant ’d'autres, l’extrémité de ses cils n’est pas recourbée) ; il a les Sourcils minces, les oreilles pleines, grandes et égales ; il a l’organe de l’ouïe sans défaut ; il a le front bien arrondi et large ; il a les cheveux fins ; il a les flancs profonds, les membres gracieux, les bras pleins et longs (ou suivant d’autres, il a les bras et les cuisses semblables à la trompe de l’éléphant). »

Enfin la liste singhalaise possède seule les caractères suivants : « Il a les gencives très-rouges ; il a les membres extrêmement beaux, très-brillants, lisses ; son corps répand une bonne odeur ; ses poils sont égaux, doux, tournants vers la droite, noirs et brillants comme le collyre aux reflets changeants, lisses ; il peut retenir son souffle qui inhalé ou expiré est extrêmement faible ; sa bouche exhale une bonne odeur. »

Après la lecture de ces deux descriptions, il me paraît difficile qu’on hésité sur le jugement qu’il convient d’en porter. C’est bien le type indien qu’elles reproduisent dans ses traits les plus généraux, et spécialement dans ceux de ces traits qui font l’objet ordinaire des louanges des poètes. Le lecteur familiarisé avec les principales productions de la littérature brahmanique, reconnaîtra ici du premier coup le genre de beauté que les Indiens attribuent à leurs héros. Ainsi la longueur des bras donne lieu dans le Mahâbhârata à une des épithètes qui paraît le plus fréquemment pour désigner un héros remarquable par sa vigueur corporelle ; leur forme et leur rondeur les font aussi comparer à la trompe de l’éléphant. L’ampleur de la poitrine, la finesse de la taille, l’élégance de la jambe, l’absence d’une cavité sous la plante du pied, la beauté des membres dont la perfection consiste à ce que les os et les muscles n’y fassent pas de saillies, la délicatesse des mains, le développement de la tête, la largeur du front, la forme proéminente du nez, la régularité des dents qui doivent être rapprochées les unes des autres, la grandeur et la couleur de l’œil qui doit ressembler aux pétales du nymphæa bleu, la finesse des cheveux qui sont lisses, bouclés et noirs, la douceur et le poli de la peau, ce sont là autant de traits qu’on trouve à chaque page célébrés dans les compositions épiques et lyriques de l'Inde ancienne, et dont plusieurs, quoique appartenant à la beauté féminine, sont également attribués à l’homme considéré pendant l’âge florissant de la jeunesse[78]. Il y a là un mélange de caractères appartenant aux deux sexes qui peut nous paraître choquant, mais qui n’est pas sensible pour les auteurs indiens, parce qu’ils le trouvent dans la nature même qui est sous leurs yeux. C’est ce mélange qui donne, aux hommes cet extérieur efféminé qui entraîna quelquefois d’anciens voyageurs dans de si singulières méprises. La description des traits caractéristiques d’un grand homme, tel que le conçoivent les Buddhistes, a donc été exécutée d’après le type idéal de beauté que se représentent les poètes indiens. J’ajoute que ces traits, qu’on retrouverait épars dans les productions de la littérature brahmanique, sont exactement ceux dont les observateurs les plus éclairés ont de nos jours constaté l’existence parmi les premières classes de la population indienne. Il me suffira de me référer en ce point au jugement de V. Jacquemont pour le Nord de l’Inde, et à celui du docteur J. Davy pour Ceylan ; an des ethnographes les plus accrédités le docteur J. C. Prichard, s’est déjà autorisé à bon droit des observations du médecin anglais que je viens de citer pour tracer le résumé du caractère physique des Indiens qu’il a inséré dans un de ses derniers volumes[79].

La conséquence la plus directe qui résulte du fait que je viens d’établir, c’est que la double énumération des caractères physiques d’un grand homme, selon les Buddhistes, n’a rien d’individuel ; qu’elle n’est pas le portrait d’un personnage donné, comme Çâkyamuni, par exemple, dont on aurait voulu perpétuer les traits par une description expresse. Les Buddhistes eux-mêmes ne semblent pas avoir eu cette prétention. En donnant à leur héros les cent douze attributs de la beauté, ils ne font autre chose que de déclarer qu’il était au physique, comme il l’était au moral, un être accompli ; il y a plus, ils ne pensent pas même que la possession de ces attributs soit l’apanage exclusif de leur saint, puisqu’ils disent que l’homme privilégié sur le corps duquel on les remarque peut devenir un monarque suprême aussi bien qu’un Buddha ; le témoignage des textes est formel à cet égard. Il existait donc chez les Indiens un type de la beauté physique, type emprunté à la population la plus élevée dans l’ordre social, et que le temps » et probablement aussi une sorte de convention avaient, dû consacrer. C’est ce type qui est devenu pour les Buddhistes le signe, extérieur de la sagesse la plus parfaite et de la puissance la plus illimitée. La double attribution qu’ils en ont faite à deux ordres de personnages distincts exclut donc toute idée d’individualité dans le choix des traits qui le composent. Cette attribution, en ce qui touche le Buddha, n’est que l’effet naturel du respect religieux ; elle a dû être faite après coup et par des adorateurs fervents.

On serait tenté cependant de chercher quelques traces d’individualité dans certains traits. qui ne paraissent pas tenir au type dont je parlais tout à l’heure, type qu’on pourrait appeler Ario-indien. La protubérance qui couronne la tête, les cheveux frisés, le cercle de poils placé entre les sourcils, le son de la voix qui est l’objet de plusieurs comparaisons auxquelles on ne peut cependant accorder une égale valeur, les lignes tracées en forme de réseaux dont les doigts sont couverts, voilà des caractères qui ont pu, jusqu’à un certain point, être observés sur un personnage réel, et réunis par la tradition aux attributs plus généraux du type national ; il importe donc de les examiner ici de plus près.

Les trois premiers de ces caractères se sont conservés, quoique, inégalement, sur les statues et sur les représentations des Buddhas qu’on trouve chez les divers peuples orientaux convertis au Buddhisme ; et cette circonstance est à elle seule une preuve de l’importance qu’on avait dû y attacher dans le principe. On comprend qu’il soit actuellement impossible de déterminer, avec quelque apparence de probabilité, ce qu’il y a de primitivement réel dans cette partie de la description du Buddha ; je suis cependant porté à croire que la protubérance du crâne et la frisure des cheveux ont pu avoir leur origine dans la réalité. On les trouve invariablement réunies sur les statues jusqu’ici connues des Buddhas, tandis que le cercle de poils placé entre les sourcils n’est pas reproduit avec la même constance. En preuve de l’exactitude de cette observation, je citerai le recueil de planches représentant diverses images de Buddha trouvées dans les cavernes de l’ouest de l’Inde ; elles ont été publiées récemment par M. Bird, dans un ouvrage qui est encore peu connu en Europe[80]. Sur ces images la protubérance du vertex et la frisure des cheveux sont rendues avec l’exagération ordinaire ; mais le cercle de poils est absent sur toutes. Il se peut donc que ce dernier caractère n’ait jamais existé que dans l’imagination des dévots buddhistes. Le rôle surnaturel qu’il joue dans les livres du Nord tend même plutôt à confirmer qu’à détruire cette supposition. On sait que c’est du milieu de ce cercle de poils brillants comme l’argent ou la neige que partent les rayons merveilleux qui vont éclairer les plus lointains univers et leur annoncer l’intervention supérieure du Buddha. Cette conception fantastique nous jette dans le monde des miracles, et dès lors le caractère fabuleux de l’effet peut remonter jusqu’à la cause qui passe pour l’avoir produit. Ainsi, quoiqu’il se puisse que par suite d’un jeu de la nature, Çâkyamuni ait porté entre les deux sourcils quelque trace d’un duvet fin et blanc que ses disciples avaient remarqué, je ne puis cependant placer ce caractère sur le même rang que ceux qui précèdent, et je trouve même quelques bonnes raisons pour en suspecter la réalité.

J’en dirai autant, et avec plus de raison encore, du son de la voix du Buddha, que l’on compare avec celle de Brahmâ, et avec le bruit du nuage ou le cri de l’éléphant. Je laisse de côté la voix de Brahmâ, c’est un écho de la mythologie brahmanique ; mais les autres termes de comparaison, quoique pouvant avoir été choisis par l’effet d’une observation directe, nous apprennent uniquement que le Buddha avait une voix profonde, c’est-à-dire qu’ils nous ramènent aux attributs généraux du type indien que je signalais tout à l’heure. Tout le monde sait que le mérite d’une voix grave et profonde, d’une élocution lente et solennelle est célébré dans les anciennes compositions brahmaniques, et des observateurs attentifs l’ont retrouvé chez les populations modernes. Ici encore nous sommes conduits à penser que ce caractère n’a rien de personnel.

Le dernier attribut, celui qui est fondé sur la régularité des lignes de la main et des pieds lesquelles se croisent en manière de réseau, est quelque chose de si fugace, qu’il est bien difficile de lui reconnaître la valeur d’un caractère individuel. Il ne pourrait avoir quelque poids que s’il eût été assez exagéré pour attirer vivement l’attention. Les mains potelées des personnes grasses doivent l’offrir à des degrés divers, et la régularité des lignes doit tenir ici à celle des mains mêmes. Ces lignes, qui se multiplient et se creusent davantage à mesure qu’on avance en âge, semblent d’ailleurs un caractère qui n’est pas en parfaite harmonie avec celui de la plénitude des membres qu’on attribue au Buddha et qui est propre à la jeunesse. Aussi ne puis-je trouver ici, pas plus que pour la voix, le souvenir de quelque trait individuel ; c’est uniquement l’exagération d’un de ces caractères sans importance que les compilateurs buddhistes, si minutieux en toutes choses, se sont complu à rassembler[81].

On le voit, plus nous avançons dans cet examen, plus toute trace d’individualité disparait. Nous n’en trouvons pas davantage dans des caractères aussi vagues et aussi peu personnels que les suivants : l’excellence du sens du goût, la perfection de l’ouïe, celle des organes de la connaissance, la pureté de la conduite, la bienveillance de l’extérieur, l’éclat répandu autour, de la personne, le sourire du regard, le parfum qui s’exhale de la bouche, la faculté de retenir la respiration, l’avantage de posséder sur diverses parties du corps la figure de quelques signes de bonheur. Il y a ici un mélange confus de caractères de plusieurs ordres, les uns physiques, et ils sont trop généraux pour rien prouver ; les autres moraux, et ils sont trop abstraits pour laisser des marques parfaitement visibles ; les autres enfin tout à fait imaginaires, et le moindre inconvénient qu’ils aient est de faire douter de la réalité de ceux auxquels on les trouve mêlés. Je ne suis certainement pas assez sceptique pour nier que le fondateur du Buddhisme ait pu porter sur sa personne quelques-unes de ces marques extérieures qui sont comme le noble reflet de la pureté de l’âme ; tout exagérés que sont les témoignages des descriptions légendaires, il est peu probable qu’ils soient entièrement faux, car les représentations figurées les confirment en plusieurs points. Il est vrai que dans le climat où nous vivons, l’homme physique se montre si peu à découvert, qu’il nous, est difficile d’apprécier l’effet que doit produire chez d’autres hommes moins vêtus la dignité du port, l’élégance de la démarche, le mouvement harmonieux de tous les membres, et par-dessus tout l’expression de ce visage que Milton a défini par ces mots sublimes : human face divine. Mais les légendes buddhiques nous avertissent de nous transporter sous un autre ciel et dans un autre milieu. Elles ne cessent de célébrer cette décence qui respirait dans toute la personne de Câkyamuni ; assis ou marchant, couché ou debout, il est pour ceux qui l’entourent un perpétuel sujet d’admiration et de respect ; et quand il retrouve, après plusieurs années, des disciples que l’insuffisance de ses premières leçons avait d’abord éloignés, il les étonne par la dignité de son aspect, et il lui suffit de faire quelques pas à leur rencontre pour les subjuguer par sa beauté que la vertu et l’intelligence semblent illuminer d’une splendeur surnaturelle, il y a certainement là une action du moral sur le physique qui a dû être exagérée par la superstition ; mais je le répète, §i nous sommes peu disposés à reconnaître la puissance d’une telle action, ce n’est pas une raison pour la nier absolument. Dans ces limites et sous ces réserves, j’accorderai quelque confiance à la partie morale de la description que les Buddhistes donnent de leur sage. Cependant il me sera toujours bien difficile de croire que cette description prise dans son ensemble, et que les statues qui en reproduisent quelques traits, soient l’image traditionnelle du personnage auquel l’attribuent ses adorateurs.


SECTION IV.
DE L’EMPREINTE DU PIED DE ÇAKYA.

En examinant le trente et unième des signes caractéristiques d’un grand homme, qui consiste dans l’existence d’un Tchakra ou d’une roue lumineuse que l’imagination des Buddhistes se figure trouver sous la plante des pieds du Buddha, j’ai dit que ce caractère nous conduisait naturellement à cette célèbre empreinte du pied de Çâkyamuni que les Singhalais se flattent de posséder au sommet de la montagne connue des navigateurs et des géographes sous le nom de Pic d’Adam[82]. Cette empreinte et d’autres semblables ont été si souvent décrites par les voyageurs, que je croirais inutile d’en parler ici de nouveau, si le Dharma pradîpikâ singhalais ne donnait une énumération exacte des signes variés que l’imagination des Buddhistes se figure y reconnaître[83]. Or comme nous possédons un dessin très-soigné du Phrabât ou du pied bienheureux, ainsi qu’on le nomme à Siam, dessin exécuté par un Siamois d’après les livres pâlis et sur des proportions assez grandes pour que chaque signe y soit aisément reconnaissable[84], nous avons ainsi, dans la comparaison de la liste du Dharma pradîpikâ avec les signes de cette empreinte, la possibilité de déterminer d’une manière positive la signification de quelques termes qui, sans ce moyen de contrôle, pourraient rester douteux ou obscurs.

Il n’est pas non plus sans intérêt de rapprocher de la liste originale du Dharma pradipikâ singhalais une liste analogue, publiée il y a déjà longtemps en Europe, mais dont on n’avait pu jusqu’ici faire usage faute de terme de comparaison. Je veux parler d’une énumération de soixante-huit figures, que des religieux siamois, au rapport de Baldæus, montrèrent à des voyageurs hollandais en 1654, sur le dessin d’une empreinte du pied sacré de Gôtama Buddha[85]. Baldaeus n’a pas donné les noms originaux de ces figures, mais sa traduction allemande a certainement été exécutée avec soin d’après l’interprétation du Buddhiste siamois. Enfin il nous est possible de comparer à l’énumération singhalaise celle dont le capitaine Low a fait précéder sa planche, et qu’il doit à des livre pâlis et à des interprètes siamois. En résumé, nous avons pour décrire et expliquer les figures que les Buddhistes croient reconnaître sur l’empreinte du pied de leur Buddha, des secours de divers genres que nous aurions tort de ne pas faire servir à la connaissance plus exacte de ce point singulier de la superstition orientale ; ces secours sont un dessin très-soigneusement exécuté de ces figures, dessin bien supérieur à celui que Symes publia, d’après les Buddhistes barmans, dans les dernières années du xviiie siècle, plus quatre énumérations écrites de ces signes, savoir, une énumération singhalaise, ou pour parler plus exactement, sanscrite ; une énumération en pâli-siamois ; une traduction anglaise avec commentaire de cette dernière ; enfin une énumération allemande, faite sur une empreinte vue à Siam, comme celle du colonel Low.

Je n’accorde du reste la préférence à la liste du Dharma pradîpikâ sur celle dont J. Low a fait précéder son dessin, que parce que l’orthographe de cette dernière est singulièrement altérée par la méthode de transcription qu’a suivie le copiste du livre auquel le colonel Low a emprunté son énumération. Et quoique les Singhalais modifient bien aussi quelquefois les termes sanscrits de cette liste, cela ne va pas jusqu’à en rendre méconnaissable la véritable forme, comme cela se voit dans le Mémoire de l’officier anglais que je vais examiner. Le colonel J. Low, il est vrai, s’est plaint plus d’une fois, et selon toute apparence avec juste raison, de ce que les Siamois qu’il consultait étaient si ignorants en pâli qu’on ne pouvait s’en rapporter à leur témoignage. Nous nous permettrons à notre tour d’exprimer le regret que cet habile homme, l’un des Anglais qui connaissent le mieux la langue et la littérature des Thaï, n’ait fait que trop rarement effort pour appliquer son savoir dans la langue vulgaire à l’éclaircissement des termes ou des textes de la langue religieuse. Il nous semble qu’il eût pu obtenir des résultats utiles auxquels on n’arriverait en Europe qu’après beaucoup de temps et de peines. Ainsi, au commencement de son Mémoire, dont je ne juge pas d’ailleurs la partie mythologique, il nous apprend, d’après un voyageur indigène, qu’on trouve dans le Laos une empreinte qui passe pour celle du pied de Çâkya, empreinte au-dessus de laquelle est élevée une petite construction pyramidale nommée Maratapa ou Maradop[86]. Il n’eût pas été inutile de dire que cette construction est pour le nom comme pour la figure, le Mandapa indien, dont nous n’avons pas la prétention d’apprendre la forme aux voyageurs qui ont visité l’Inde. Mais comment le nom indien mandapa a-t-il pu se changer à Siam en maralapa ou maradop ? Peut-être trouverons-nous l’explication de cette singularité dans quelque particularité de l’orthographe du Thaï. Le colonel Low nous apprend en effet, dans sa Grammaire, et bien avant lui la Loubère avait déjà signalé ce fait, que la lettre r finale, c’est-à-dire terminant une syllabe, se prononce comme n[87]. Ainsi un Siamois décomposant, comme il est porté à le faire par ses habitudes de langage, le sanscrit mandapa en man-da-pa, pourra l’écrire sans aucun inconvénient mar-ta-pa ; et un Européen lisant cette transcription sans se rappeler la règle précitée de l’orthographe siamoise, et sans reconnaître le sanscrit mandapa, transcrira à son tour ce mot d’une manière barbare, maratapa ou maradop, et fera dire aux Siamois un mot qu’ils n’auraient peut-être jamais songé à prononcer ainsi. Au reste, il paraît que ce mot de maratapa est singulièrement difficile pour les Siamois que consulte M. Low ; car à une époque aussi rapprochée de nous que l’année i8/i8, M. Low se demande encore si le maratapa que ses traducteurs rendent par « bière pyramidale, » ne serait pas le type des Stûpas[88].

Après ces observations préliminaires, nous allons énumérer les soixante-cinq noms des figures qu’on croit voir tracées sur l’empreinte du pied de Çâkyamuni, d’après le Dharma pradîpikâ des Singhalais, en rapprochant ces noms des figures mêmes que présente le dessin d’une empreinte exécutée à Siam pour le colonel Low, et en priant le lecteur de se reporter au dessin qui accompagne le troisième volume des Transactions de la Société asiatique de la Grande-Bretagne. Nous n’oublierons pas davantage la liste de Baldœus, qui offre, ainsi qu’on va le voir, une remarquable analogie avec celle du Dharma pradîpikâ.

1. Svastikaya. C’est la figure mystique familière à plusieurs sectes indiennes, et qu’on représente ainsi  ; son nom signifie littéralement, « signe de bénédiction ou de bon augure[89]. » Je ne la vois pas représentée parmi les figures qui couvrent l’empreinte publiée par le colonel Low ; mais on trouve dans sa liste, sous le n° 94, Saivatthéko, qui n’est, selon toute apparence, que la transcription du pâli sôtthika ou suvaiihika, si telles sont en effet les transcriptions pâlies du sanscrit svastika. Les Siamois en donnent une explication trop restreinte, quand ils y voient une partie du vêtement d’un prince[90]. Je ne retrouve pas non plus le nom de ce symbole dans la liste de Baldœus. Le signe du Svastika n’est pas moins connu des Brahmanes que des Buddhistes, et le Bâmâyana parle en un endroit de vaisseaux marqués de ce signe fortuné[91]. Je n’oserais dire cependant que cette marque, dont le nom et l’usage sont certainement anciens, puisqu’on la retrouve déjà sur les plus vieilles médailles buddhiques, soit aussi fréquemment usitée chez les premiers que chez les seconds. Il est certain que la plupart des inscriptions qu’on trouve gravées dans les cavernes buddhiques de l’ouest de l’Inde sont précédées ou suivies de la marque sacramentelle du Svastika, qui me paraît moins commune sur les monuments brahmaniques. Le colonel Sykes, qui a traité à fond des symboles propres au Buddhisme, a reproduit, nos 8 et 12 de sa planche, deux variantes de ce signe, qu’il n’hésite pas à déclarer essentiellement buddhistes[92].

2. Çrîvastaya. C’est le Çrîvatsa des Vichnuvites et des Djâinas, qui est comme le précédent un signe de prospérité ; on le figure ainsi Signe de prospérité, et il est fréquemment cité chez les Buddhistes de toutes les écoles[93]. Ce doit être le n° 92 de la liste de J. Low, quoiqu’il en écrive le nom avec peu d’exactitude, Sri watchotcha. Cependant, au n° 90 de cette même liste, lequel porte le nom siamois de Sáe, Low ajoute que ce sáe se nomme également Çrîvatsa. On doit conclure de ce rapprochement que l’article unique du Çrîvatsa s’est dédoublé dans la liste siamoise pour former le Sáe et le Sri watchotcha. On remarque d’ailleurs, «ur la planche de Low, au centre et derrière là roue, un collier de diamants qui reproduit assez bien la disposition du Çrîvatsa. Ce symbole manque dans la liste de Baldæus. M. Sykes place un signe analogue à celui qui nous occupe parmi les nombreuses formes

Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 110. du Tchakra ; je ne crois cependant pas que ces deux signes, celui de la roue et celui du Çrîvatsa, aient entre eux le moindre rapport[94].

3. Nandâvartaya. C’est encore un diagramme de bon augure, dont le nom véritable est Nandyâvarta, et le sens, « l’enroulement ou le cercle fortuné. » On n’en trouve pas la forme dans le Dictionnaire de Wilson[95] ; mais Colebrooke, dans ses Observations sur les Djâinas[96], le figure de cette manière :

Nandyâvarta, l’enroulement ou le cercle fortuné, figure de bon augure
Nandyâvarta, l’enroulement ou le cercle fortuné, figure de bon augure

L’Amarakocha fait également de ce signe le nom d’une espèce particulière de temple ou d’édifice sacré ; or il est à remarquer que le Nandyâvarta des Djâinas peut passer pour une espèce de labyrinthe. L’auteur du Mahâvam̃sa l’emploie cette figure comme, une qualification du mot conque dans une énumération d’objets de grand prix, sam̃khañtcha nandiyâvaṭṭam̃, et dans son commentaire, dakkhiṇasam̃kham̃, « une conque dont les spires tournent vers la droite[97]. » Low ne donne sur sa planche aucun signe semblable à celui que j’emprunte à Colebrooke. Je ne trouve dans sa liste que le n° 93, Nathî yatcha, ou « le jardin de diamant, » qui réponde à Nandyâvarta. Ce symbole est dans Baldæus soit le n° 4, « la chaîne, » soit le n° 10, « le baudrier d’or. »

4. Sôvastikaya. Il n’y a pas apparence que la figure désignée par ce mot diffère plus de celle qu’on a nommée tout à l’heure Svastikaya, que les deux noms ne diffèrent l’un de l’autre. Celui de Sôvastikaya est ou un dérivé ou un simple développement de Svastikaya ; il doit donc signifier ou « celui qui porte le Svastika, » ou « une espèce de Svastika. » Peut-être, par cette différence de dénomination, a-t-on voulu désigner cette autre forme du svastika , dont parle M. Hoffmann dans son Panthéon buddhique du Japon, et qui, selon lui, exprime l’idée du Tout, τὸ πᾶν[98]. Je ne rencontre, dans la liste de Low, que le n° 94, Sawatthéko, déjà expliqué sous le n° 1 ; et je ne trouve pas ce nom dans la liste de Baldæus.

5. Avatanchakaya. Ce nom qui doit être lu avatam̃saka, sauf le ya final propre au singhalais, désigne « les pendants d’oreilles ; » on en trouve le nom sous le n° 83 de la liste de Low, altéré et mal traduit de cette manière : Awa vatsawannang, « le gobelet d’or. » Si l’on ne veut pas reconnaitre le Çrîvatsa dans la figure que j’ai signalée sur la planche de Low en parlant du n° 2, on pourrait très-convenablement en faire les pendants d’oreilles, car le signe en question est attaché à une petite potence qui semble indiquer qu’il doit être suspendu. Je ne trouve pas ce symbole dans Baldæus.

6. Vardhamânakaya. C’est là encore une sorte de diagramme mystique également familier aux Brahmanes et aux Buddhistes[99]. Son nom signifie « le prospère, » ou celui qui fait prospérer ; mais je n’en connais pas la figure. Est-ce le n° 96 de la liste de Low, Watalo, dont on fait une partie de la coiffure qui couvre la nuque ? c’est ce que je nose rais affirmer, car l’altération me paraîtrait bien forte. Dans l’énumération du Mahâvam̃sa à laquelle j’empruntais tout à l’heure le nom de Nandyâvarta, paraît aussi le Vaddhamâna, que Mahânâma commente ainsi : alam̃kâratchunnam̃, « des ornements et des poudres « odoriférantes, » et que Turnour ne traduit pas distinctement[100]. Je n’en vois ni le nom ni la traduction dans Baldæus. On trouve fréquemment dans les cavernes buddhiques de l’ouest de l’Inde trois signes ainsi figurés, Figure de bon augure bouddhique, Figure de bon augure bouddhique, Figure de bon augure bouddhique, qui paraissent au commencement et à la fin des inscriptions, comme l’établit le colonel Sykes pour le deuxième et le troisième signe, et relativement aux inscriptions copiées par lui à Djunir[101]. Il se peut que le premier de ces signes soit la forme abrégée de quelque terme de bon augure, comme çrî, par exemple. Quant à la figure suivante, on trouvera peut-être quelle doit être le Vardhamâna ; je remarquerai seulement sur la seconde, Figure de bon augure bouddhique, qu’elle est ancienne, car on la remarque fréquemment au revers des médailles de Kadphises et de quelques autres médailles indo-scythiques au type du roi cavalier et vainqueur[102], et sur la troisième, qu’elle paraît n’être qu’une variante de la seconde.

7. Bhadrapîthakaya, « le siège ou la chaise fortunée, » et plus exactement, « le trône. » C’est peut-être le piédestal oblong qu’on voit figuré sur la planche de Low, au troisième rang des lignes ovales que décrivent les compartiments juxtaposés. Mais je ne rencontre dans sa liste que le mot Pi thâ kang, sous le n° 9, « le lit d’or, » qui rappelle la fin de ce terme composé. Le commencement Bhadrfi est peut-être représenté par le n° 78, Pata ; mais ce terme est donné sans aucune explication. C’est le n° 7 de Baldæus, « la chaise « d’or, » ou le trône, comme en sanscrit Bhadrâsana.

8. Prâsâdaya, « le palais. « C’est le n° 6 de la liste de Low, le Passato, en siamois Pra sât, figuré comme un palais de forme carrée. Il y a sur la planche de Low un bon nombre, au moins huit, de figures de palais, entre lesquelles je ne saurais désigner celle qu’il faut choisir. Le palais se trouve probablement au troisième rang à gauche de l’objet dont la description va suivre. C’est le n° 9 ou « le palais royal » de Baldaeus.

9. Tôraṇaya, « l’arcade ou l’arc de triomphe. » C’est le n° 67 de la liste de Low, qui le traduit par wooden fence, « la clôture de bois ou la palissade. » On trouve en effet, au troisième rang de gauche des signes figurés sur la planche de Low, une clôture de bois très-reconnaissable et placée à droite d’un palais dont j’ai fait l’attribution au n° 8 ; je remarque cependant que cette explication force un peu le sens primitif du sanscrit tôraṇa. Je ne reconnais pas ce symbole dans la liste de Baldæus.

10. Svêtatchhatraya, « le parasol blanc. » C’est, comme on sait, un symbole de la puissance royale. Cet article répond au n° 28 de la liste de Low, le Tchattantcha, ou la tige à sept parasols, comme la définissent les Siamois. On trouve en effet, sur la planche de Low, trois tiges de cette espèce juxtaposées et placées, au-dessus de la clôture de bois. Mais sans donner à l’article qui nous occupe un sens aussi précis, j’aimerais mieux y voir plus simplement le parasol blanc que les rois se réservent le droit de porter, et dont la représentation se trouve à droite des trois tiges dont je viens de parler. C’est le Sombreiros n° 11 de la liste de Baldæus.

11. Khâḍgaya, « l’épée ou le poignard. » Je ne trouve pas cet article dans la liste de Low ; mais sur sa planche, au cinquième rang intérieur, on voit un compartiment où à côté d’un arc et d’une flèche est posée en long une épée. C’est le n° 12 de Baldæus, « la dague royale. »

12. Nâlavrĭntaya, « la réunion des tiges creuses. » Je ne trouve pas le nom de cet article dans la liste de Low ; aussi ne puis-je déterminer définitivement comment il est représenté sur sa planche. Si par nâla on doit entendre les vaisseaux du corps vivant, on en verra une représentation approximative au troisième rang intérieur, à droite du Tchakra central, quand on regarde les doigts du pied ; le compartiment que je signale rappelle des vaisseaux végétaux ou des animaux infusoires vus au microscope. Mais il est fort douteux que ce soit cet objet qu’on ait ainsi désigné.

13. Mayûrahastaya, « la poignée de plumes de paon. » Cet article est le n° 51 de Low qui le désigne ainsi : Mora pûtchang ou pîntcha, « les plumes de la queue du paon. » Et en effet, sur la planche de Low, à l’extrémité de droite du sixième rang intérieur, on voit une réunion de plumes prises à la queue du paon et rassemblées à leur base en manière de plumeau. C’est le n° 14 de Baldæus, « l’éventail fait d’une queue de paon. »

15. Tchâmaraya, « le chasse-mouche, » qui est fait de la queue du Yak. C’est l’article 47 de la liste de Low, Tchammatchurî ; sur sa planche on reconnaît un chasse-mouche, au quatrième rang intérieur, dans un compartiment divisé en deux parties. Je ne le retrouve pas sur la liste de Baldæus.

15. Uchṇîsaya, « le turban. » C’est le second article de la liste de Low, où il est transcrit d’une manière barbare, Unahît sangtcha, ou en siamois, Mongkut, « la tiare de Buddha. » Le seul objet qui sur la planche de Low rappelle une tiare ou une mitre, se trouve au quatrième rang intérieur à droite du Tchakra central, et exactement au-dessous du compartiment qui renferme le char du soleil. Au reste, l’interprétation des Siamois nous éloigne de l’idée qui aurait pu se présenter, savoir que Yuchnîcha désigne ici le tubercule qui couronne la : tête du Buddha. Dans Baldæus c’est le n° 15, « la couronne royale. »

16. Maṇiya, « le joyau. » Cet article paraît répondre au n° 68 de Low, Mane thamang, qu’il traduit par « choses d’or et d’argent. » Sur la planche de Low on trouve deux compartiments, l’un, au-dessus, l’autre au-dessous des plumes de la queue du paon, qui semblent figurer des pierres précieuses enfilées et suspendues à une courte tringle. Je ne vois pas d’ailleurs d’autre objet qui rappelle mieux des joyaux. Je crois que c’est le n° 17 de Baldæus, « le collier de pierres précieuses. »

17. Sumanadâmaya, « la guirlande de fleurs. » Je ne vois pas, dans la liste de Low, d’article qui corresponde à celui-ci, non plus que de figure analogue sur sa planche. On pourrait tout au plus en rapprocher le plus élevé des deux compartiments que j’attribuais tout à l’heure à l’article du joyau ; il n’est pas impossible d’y voir des cordes où seraient enfilées des fleurs, comme l’exprime le sanscrit samanadâman. Le n° 3 de Baldæus, « quelques roses, » répond peut-être à cet article.

18. Nîlôtpalaya, « le nymphæa bleu. » C’est l’article 48 de la liste de Low, le Ninla ou Nîla palang, selon les Siamois, le Nîlot palang. Sur la planche de Low, presqu’à l’extrémité du second rang intérieur, on voit cinq compartiments dans lesquels on a voulu représenter certainement des plantes analogues aux nymphæas ; nous allons voir que la liste du Dharma pradîpikâ en énumère quatre espèces à la suite les unes des autres. Je ne trouve pas ce symbole sur la liste de Baldæus ; voyez cependant plus bas, n° 21.

19. Raîktôtpalaya, « le nymphaea rouge ; » c’est le n° 49 de la liste de Low, Rattang palang, « le lotus rouge des Siamois. » Il faut en chercher la représentation dans un des cinq compartiments que je signalais tout à l’heure sur la planche de Low. Ce doit être le n° 18 de Baldæus, « la fleur rouge des lacs. »

20. Raktapatmaya, « le nymphæa rose, » symbole que je ne trouve pas dans la liste de Low ; mais il doit être certainement figuré dans un des compartiments du second rang intérieur, et c’est probablement un des trois nymphœas dont les pédoncules paraissent légèrement hérissés de pointés. Ce doit être le n° 20 de Baldæus, « la fleur des lacs double rouge. »

21. Svêtapatmaya, « le nymphæa blanc ; » c’est le n° 50 de la liste de Low, Sîta palang, qu’il définit ainsi : « fleur de la classe des lotus. » Je crois qu’on peut rapporter ici un autre symbole de Low, qu’il a donné sans l’expliquer, et qui n’est réellement pas explicable sans la connaissance du sanscrit ou du pâli ; c’est le n° 69 de sa liste, Bantharékang tatha ou Buntharékang, Bunnakato. Il est évident pour moi que cette orthographe barbare cache le sanscrit puṇḍarîka, « le nymphæa blanc. » L’addition du puṇḍarîka expliquerait comment il se fait que l’on compte cinq lotus sur la planche de Low, tandis qu’on n’en compte que quatre dans l’énumération du Dharma pradîpikâ. Sur la liste de Baldæus je trouve trois articles consacrés au lotus blanc : le n° 19, « la fleur blanche des lacs ; » le n° 22, « la fleur des lacs double blanche ; » le n° 21, « la fleur blanche des lacs, dont le cœur est noir. » Je suppose que le n° 19 de Baldæus est le Çvêtapadma des Singhalais et le Sîta palang des Siamois ; que le n° 22 est le Puṇḍarîka de la liste de Low ; et qu’en admettant une légère erreur de traduction, on retrouverait notre n° 18, le Nîlôtpala, dans le n° 21 de Baldæus.

22. Pûrṇakalasaya, « le pot à eau rempli. » Comme ce symbole a beaucoup d’analogie avec le suivant, il n’est pas facile de déterminer auquel des deux articles de la liste de Low, et aussi auquel des compartiments de sa planche il correspond en réalité. Le premier des deux numéros de Low, qui est le troisième de sa liste, est ainsi défini : Bât keo înthanan, « le vase, la jarre. » Sur la planche de Low trois compartiments paraissent consacrés aux vases ou aux jarres ; deux sont placés sur Je quatrième rang intérieur à droite de la roue centrale ; le troisième est sur le cinquième rang tout près de cette roue. À ce symbole répond certainement le n° 28 de Baldæus, « le vase à boire plein d’eau. »

23. Pûrṇapatraya, « le vase plein. » Si ce symbole n’est pas chez les Siamois le Bât keo înthanan du numéro précédent, ce que donnerait à croire le monosyllabe bât (pour le sanscrit pâtra), ce doit être le Bunnang, « le pot à eau, » qui est le n° 4 de la liste de Low. Je viens de dire tout à l’heure que l’on trouvait plusieurs figures de vases ou de pots sur la planche de Low. Il me paraît à peu près certain que ce symbole est le n° 16 de Baldæus, « le pot aux aumônes des prêtres, qui est de cuivre. »

24. Samudraya, « l’Océan. » C’est le n° 20 de la liste de Low, Mahâ samutho, « le grand Océan ; l’ on en voit la figure au second compartiment du premier rang extérieur à droite de la roue centrale. C’est le n° 26 de Baldæus, « la mer. »

25. Tchakravâlaparvataya, « la chaîne de montagnes qui entoure la terre. » C’est le n° 24 de la liste de Low, Tchakrawalang, et comme l’entendent les Siamois, « l’horizon s’entourant le Meru et formant un mur de circonvallation. » Ce symbole est très-recon naissable sur la planche de Low, où il occupe un espace étendu au centre du premier rang extérieur, et où il représente un mur de forteresse. On verra, dans le n° XVIII de l’Appendice, que cette idée de montagnes qui entourent la terre appartient aussi à d’autres peuples buddhistes chez lesquels la notion d’une enceinte circulaire de montagnes infranchissables se confond avec l’apparence que présente l’horizon. Dans Baldæus, ce symbole porte le n° 27 et est ainsi défini : « mur en dehors du monde qui est le Purgatoire des Siamois. » Cette définition renferme une allusion légèrement inexacte à la situation qu’occupent les Enfers dits Lôkântarikas, au delà de chacune des terres entourées du mur d’enceinte et dans l’abîme qui les sépare, les unes des autres ; le mot purgatoire est un peu faible pour la rigueur de ces lieux de supplice.

26. Himâlaparvataya, « la montagne de l’Himalaya ; » c’est le n° 29 de la liste de Low, Hématua ou Himala, « les monts Himâlayas. » Il y a sur la planche de Low sept compartiments consacrés à des montagnes désertes, sans compter quatre ou cinq autres figures dont le centre est occupé par un petit édifice habité ou vide. Il est difficile de dire laquelle de ces montagnes on a entendu désigner par le nom de Himâlaya.

27. Mêruparvataya, « le mont Mêru ; » je trouve ce symbole sous le n° 16 et avec son nom pâli de Sinêru dans la liste de Low ; quant à la figure qu’il doit avoir reçue, il y a tant de montagnes dans plusieurs des compartiments de sa planche, qu’on est embarrassé de déterminer laquelle il faudrait choisir pour en faire la représentation symbolique du célèbre Mêru. C’est le n° 28 de Baldæus, « la plus grande montagne du monde. »

28. Sûryamandalaya, « le disque du soleil ; » c’est le n° 26 de la liste de Low, Suriya, « le Soleil ; » il est représenté sous la figure d’une divinité montée sur un char, dans le quatrième compartiment du troisième rang à droite de la roue centrale. C’est le n° 29 de Baldæus, « le Soleil. »

29. Tchandramaṇḍalaya, « le disque de la lune ; » c’est le n° 26 de la liste de Low, Tchandhéma, « la pâle lune argentée, « et sur sa planche, le cinquième compartiment du troisième rang, après la divinité du soleil. C’est le n° 30 de Baldæus, « la lune. »

30. Saparivâra satara mahâdvîpaya, « les quatre grandes îles avec leur entourage ; « c’est le n° 19 de la liste de Low, Tchatur thîpa, « les quatre Dvîpas. » Je ne suis pas sûr d’avoir trouvé la représentation des quatre grandes îles ou continents sur la planche de Low ; comme il ne serait pas naturel qu’elle y manquât, je suppose que les Dvîpas sont figurés par les quatre compartiments où l’on voit des montagnes disséminées autour d’une petite habitation inscrite dans un croissant à droite, dans un carré à gauche, dans un cercle au dixième compartiment de la première rangée de droite, et dans un ovale au septième compartiment, de la première rangée de gauche. Ces différences de forme correspondraient à celles par lesquelles les Buddhistes distinguent les uns des autres les quatre continents.

Ainsi le carré du premier compartiment de gauche serait l’Uttarakuru ; le croissant du premier compartiment de droite serait le Pûrvavidêha ; l’ovale du septième compartiment serait le Djambudvîpa, et le cercle du dixième compartiment serait l’Aparagôdhanîya. Dans la liste de Baldæus ce symbole se décompose en deux articles, le n° 33, « le Dieu des quatre vents, » et le n° 34, « les deux mille serviteurs des quatre vents. »

31. Saparisat saptaratna tchakravartĭya, « le souverain Tchakravartin, possesseur des « sept joyaux avec sa suite. « À ce symbole paraît répondre, dans la liste de Low, le n° 62, Tchakkawathi ; mais comme Low le traduit comme si c’était un oiseau, par exemple, le Tchakravâka, il faut de toute nécessité réserver le rapprochement du n° 62 pour le n° 61 de la liste du Dharma pradipikâ. Sur la planche de Low, au troisième compartiment de la cinquième rangée, on voit assis un personnage portant d’une main le glaive et de l’autre le Tchakra ou la roue enflammée, et de chaque côté duquel sont agenouillés deux hommes dans l’attitude du respect ; c’est là la figure que je prendrais pour celle du roi Tchakravartin. Je ne trouve pas ce symbole dans la liste de Baldæus.

32. Dakchiṇâvrĭtta svêtasam̃khaya, « la conque blanche tournée à droite. » C’est le n° 52 de la liste de Low, Watta sangho, « la coquille sang, » et en siamois, Sang Takhinnovat. On reconnaît ici une altération manifeste des mots indiens pris sous leur forme pâlie dakkhinâvaṭṭa. Les Buddhistes attachent, comme on sait, une valeur considérable aux coquilles dont les tours sont dirigés dans un sens opposé à celui qu’on observe chez la plupart des coquilles en spirale ; c’est la rareté de ces exceptions qui en fait la valeur, et Low nous apprend qu’au rapport de Crawfurd une de ces coquilles aurait été payée jusqu’à deux cents livres sterling. Sur la planche de Low on remarque presqu’au centre et tout près de la roue enflammée, un gros coquillage qui repose sur un support : ce doit être là le Sag̃kha de notre texte. Dans Baldæus c’est le n° 35, « la conque de mer. »

33. Suvarṇamatsya yagalaya, « le couple de poissons d’or. » À ce numéro répond, selon toute apparence, l’article 22 de la liste de Low, Yukhalang, mot où je vois une altération du sanscrit yugala. Low fait suivre ce terme de l’interprétation suivante : « les grands poissons d’or qui sont cachés entre le Mêru et les Dvîpas. » Sur la planche de Low on voit, dans le troisième compartiment de la seconde rangée à droite de la roue, deux poissons qui peuvent représenter le couple dont il est question ici. Je préfère l’interprétation du n° 36 de Baldœus, « le couple de poissons d’or. »

34. Tchakrâyudhaya, « l’arme du Tchakra, » ou « celui qui a pour arme le Tchakra. » Ce numéro peut répondre au symbole qui occupe le premier rang dans la liste de Low, Tchakkrâne ; cela est cependant douteux, parce que le numéro 1" de cette liste indique, selon toute apparence, le Tchakra qui remplit le centre de l’empreinte sacrée. Si l’on veut voir ici une allusion à un homme armé du Tchakra, il faudra peut-être ie chercher sur la planche de Low, dans le compartiment où j’ai déjà soupçonné la présence du roi Tchakravartin ; mais quand on aura opéré ce déplacement, où trouvera-t-on ce dernier monarque qui paraît cependant désigné à l’article 31 de la présente liste ? Je ne rencontre pas ce symbole dans la liste de Baldæus.

35. Sapta mâhâgag̃gaya, « les sept grands fleuves. » C’est le n° 17 de la liste de Low, Sattha maha khangka, « les sept grandes rivières. « J’en reconnais la représentation dans le premier compartiment de la seconde rangée à gauche de la roue centrale. Je remarquerai de plus que cet emploi du mot gag̃gâ dans l’acception générale àe fleuve, nous ramène vers l’île de Ceylan, où il est, comme on sait, très-ordinaire. C’est le n° 87 de Baldaeus, « les sept fleuves principaux ou rivières mères. »

36. Saptamakâhradaya, « les sept grands lacs. » C’est le n° 30 de la liste de Low, Satta maha sara, « les sept grands lacs de l’Himalaya. » J’en trouve la figure dans le troisième compartiment de la première rangée à gauche de la roue. Ce compartiment, qui est un des plus étendus, est divisé en sept carrés du milieu desquels s’élève un nymphaea pour marquer qu’ils contiennent de l’eau, et sur les bords desquels paraissent des arbres. Ce symbole se retrouve probablement dans le n° 39 de Baldæus, « les sept étangs royaux ; » le mot royal paraît ici n’être qu’une traduction du siamois phra, qui indique l’éminence et la supériorité en général[103], et qui doit répondre au titre barman ဘုရား bhurâḥ, que l’on prononce pharâḥ[104].

37. Saptamahâçâilaya, « les sept grandes montagnes. » Ce symbole est probablement le même que le n° 74 de la liste de Low, le Sattaphanphot, ou les montagnes ainsi nonomées ; on reconnaît aisément ici une altération d’un terme mi -parti sanscrit et pâli, comme satta parvata, « les sept montagnes. » Sur la planche de Low la figure correspondante à cet article doit se rencontrer dans la seconde rangée au-dessus du paon, à gauche et derrière la roue centrale. C’est le n° 38 de Baldaeus, «les sept montagnes avec toutes les pierres « précieuses. »

38. Saparṇarâdjaya, « le roi des Suparṇas ou des Garuḍas. » C’est le n° 64 de la liste de Low, Supaṇṇo, « Garuḍa. » On sait que chez les Buddhistes, et particulièrement chez ceux du Sud, ce nom de Supama, « l’oiseau aux belles ailes, » qui est aussi souvent employé que celui de Garuḍa, nom propre de l’être moitié homme et moitié oiseau qui sert de monture à Vichnu, désigne une classe nombreuse d’oiseaux de même sorte qui jouent un grand rôle dans les légendes, et qu’on se figure animés d’une haine implacable contre les Nâgas ou serpents. Je crois en reconnaître la figure dans le sixième compartiment de la première rangée à gauche de la roue centrale. Dans Baldæus je ne trouve que le n° 65, « l’oiseau nommé Krapat, » qui ressemble à cet article ; mais je montrerai, sur le n° 62, que c’est à cet article 62 même que convient le mieux le n° 65 de Baldæus.

39. Sinsunâraya, « le marsouin du Gange ; » et au n° 66 de la liste de Low, le Sangsu, « l’alligator ou le crocodile. » Je ne suis pas sûr de l’acception précise dans laquelle doit être pris ce symbole. Faut-il y voir le dauphin du Gange (delphinus Gangeticus) ou le signe céleste du Dauphin ? La planche de Low semble fournir des motifs pour l’admission simultanée de ces deux interprétations. Ainsi, au quatrième compartiment de la première rangée à gauche du Tchakra, on voit la figure de deux animaux de la classe des sauriens, qui représentent selon toute apparence deux espèces de crocodiles : ce sont peut-être là les animaux qu’on désigne parle nom altéré de sinsamâra pour çiçamâra. D’un autre côté, au quatrième compartiment de la seconde rangée, justement au-dessous des deux crocodiles, on voit une sorte de dragon à écailles qui pourrait bien n’être qu’une représentation fantastique du çiçumâra céleste, terme dont la signification paraît avoir varié même dans les monuments de la littérature brahmanique. J’avoue cependant que je préfère, quant à présent, la première explication qui est également celle de Baldæus, au n° 41 de sa liste, « le roi des caïmans ou des crocodiles. »

40. Dhvadjaya, « la bannière. » C’est le n° 11 de la liste de Low ; Dhâ tchang, « la bannière. » Dans la quatrième rangée, à gauche de la roue centrale, on remarque deux compartiments, le quatrième et le cinquième, où sont figurées trois formes de bannières, de drapeaux et d’étendards. Il me paraît vraisemblable que le nom de Dhvadjaya doit s’appliquer au quatrième compartiment où se voit une bannière attachée à un mât, qui est lui-même surmonté d’une flamme. C’est le n° 42 de Baldæus, « la bannière. » Le colonel Sykes, sûr sa planché représentant une série de symboles propres au Buddhisme, place trois étendards dont il retrouve la figure sur des monuments et des médailles buddhiques[105]. J’hésite cependant à faire de cet insigne essentiellement militaire, un symbole exclusivement propre aux sectateurs de Buddha.

41. Patâkaya, « l’étendard. » C’est le n" 12 de la liste de Low, Pato, « l’enseigne de papier. » Au cinquième compartiment que je viens de signaler sur l’article 11 de Low, je remarque, à côté d’un drapeau flottant, une autre sorte d’étendard roide auquel doit répondre le nom de Patâka. Baldaeus l’entend du reste comme le capitaine Low, car son n° 43 désigne un petit étendard de papier.

42. Svarṇasivikaya, « la litière d’or. » Cet article doit répondre au n° 13 de la liste de Low, quoique les noms ne conviennent pas, Low l’exprimant ainsi : Khân hân ola, ce qui peut être une interprétation siamoise. Quoi qu’il en soit, j’en crois reconnaître la figure à la quatrième rangée de gauche, derrière le Tchakra, et dans le compartiment placé juste au-dessous de celui où j’ai signalé les joyaux. C’est un petit temple couvert, à la base duquel sont adaptés quatre bras, dont la destination est sans doute de rendre le temple portatif. C’est le numéro 44 de la liste de Baldœus, « la chaise à porteurs ou la litière. »

43. Svarṇapralavyañdjanaya. J’ignore ce qu’il faut entendre par cette définition où prala ne fait pas de sens, du moins pour moi. Si on lisait pralamba, on pourrait traduire, « les « insignes d’or suspendus ; » mais outre que je ne trouve pas dans la liste de Low d’article correspondant à celui-ci, l’incertitude où nous sommes déjà sur la signification précise des objets dont j’ai parlé tout à l’heure sous les nos 16 et 17, serait augmentée par la traduction que je propose pour cet article ; car les deux compartiments auxquels j£ fais allusion figurent assez bien des objets précieux servant d’insignes, qui sont suspendus à une courte tringle. Une légère correction apportée à la leçon de la liste singhalaise donne, je : crois, le mot de l’énigme ; si vyandjana est un provincialisme pour vyadjana, « l’éventail, » provincialisme justifié par l’habitude où sont les Singhalais d’ajouter une nasale non étymologique devant les consonnes gutturales et palatales, nous traduirons « l’éventail au manche d’or. » Ce sera le n° 45 de Baldæus, « l’éventail à long manche, » et sur la planche de Low un des trois éventails à manche qui figurent immédiatement derrière la roue centrale.

44. Kâilâsaparvataya, « la montagne Kâilasa. » C’est le n° 79 de la liste de Low, Kelasa bapphato, « la montagne Kelasa « ou du Kâilâsa ; mais je ne saurais dire exactement à quel endroit elle se trouve sur la planche de Low, où, comme je l’ai déjà remarqué, il ne manque pas de compartiments figurant des montagnes. Dans la liste de Baldaeus ce symbole est ainsi défini au n° 46, « une montagne sur une île. »

45. Simharâdjaya, « le roi des lions. » C’est le n° 87 de la liste de Low, Sîngharadja, qu’il explique par « quatre espèces de lions. » J’en trouve, autant que je puis croire, deux figures à la seconde rangée de gauche, derrière le Tchakra central : l’une qui est placée au-dessus de l’extrémité gauche du grand mur d’enceinte doit être le lion ; l’autre qui vient à la gauche du précédent semble être une lionne. C’est, si je ne me trompe, à la première de ces deux figures que doit s’appliquer la dénomination de l’article qui nous occupe. Le n° 40 de la liste de Baldæus le définit ainsi, « le roi des animaux. »

46. Vyaghrarâdjaya, « le roi des tigres. » C’est le n° 38 de la liste de Low, Phayakkha Radja, « le tigre royal. » Je crois le reconnaître sur la planche de Low, immédiatement derrière le lion que je viens de signaler sous l’article précédent. C’est le n° 48 de Baldæeus, « le roi des tigres. »

47. Valâhaka açvarâdja, « le roi des chevaux Valâhaka. » C’est le n° 34 de la liste de Low, Walahako, « le cheval de l’Himalaya, le cheval du ciel. » On ne voit pas bien au premier abord ce qu’il faut entendre par cette dernière définition ; mais comme Valâhaka rappelle certainement le nom de Valâhaka qui désigne le cheval fabuleux, l’un des sept joyaux d’un monarque souverain, et que ce cheval a la faculté merveilleuse de traverser le ciel en volant, il est à peu près certain que le cheval du ciel des Siamois est le Valâhaka des Singhalais et le Valâhaka des Buddhîstes du Nord. Les manuscrits ne sont pas d’accord sur l’orthographe de ce mot. Le Lalita vistara de la Société asiatique et l’un de ceux de M. Hodgson lisent vâlâhaka ; mon manuscrit, que je désigne par la lettre A, donne au contraire vâlôhaka[106]. Je pense que la première voyelle du mot doit être un â long, car il y a lieu de supposer qu’on a ici le mot bâla, « queue de cheval, » mot qui est écrit aussi souvent vâla. Le reste du nom ne peut faire de sens, si je ne me trompe, qu’en lisant âhaka, dérivé de vah, « porter, » mot qui rapproché de ûhani, «balai, » et réuni à vâla, ferait vâlâhaka, « celui dont la queue est en forme de balai. » La mythologie populaire de l’Inde connaît également un cheval d’un nom analogue, Vâlâhaka, qui désigne un des coursiers du char de Krĭchṇa. Sur la planche de Low on trouve au sixième compartiment de la seconde rangée à droite de la roue un cheval placé auprès de l’éléphant dont il sera parlé tout à l’heure dans l’article suivant. Ce symbole est le n° 49 de Baldæus, « le cheval qui s’élance. »

48. Upôsatha hastirâdjaya, « le roi des éléphants Upôsatha. » C’est le n° 39 de la liste de Low, Ubhosatho, « l’éléphant vert. » J’ignore pourquoi on nomme ainsi l’éléphant d’un nom qui désigne ordinairement, chez les Buddhistes du Sud, les six premiers jours qui suivent la pleine lune[107], ou encore, d’une manière plus générale, un jour de fête, comme le jour de la pleine lune, le huitième du décours, le jour de la nouvelle lune et le huitième de cette même lune[108] ; et d’une manière spéciale, l’enseignement des Suttas ou traités religieux fait devant l’Assemblée[109]. C’est certainement par allusion à l’une de ces trois significations que le roi des éléphants, comme l’appelle le Dharma pradîpikâ, aura été ainsi dénommé. Peut-être a-t-on voulu dire par là l’éléphant qui se montre principalement les jours de fête, « l’éléphant de parade. » Sur la planche de Low les septième, huitième et neuvième compartiments de la seconde rangée de droite sont occupés par trois éléphants, dont je suppose que le premier à gauche est celui que désigne notre article, par la raison que sur la planche comme dans la liste du Dharma pradîpikâ il est placé auprès du cheval. Dans celle de Baldæus, trois numéros sont consacrés à l’éléphant, le n° 50, « l’éléphant rouge, » qui est probablement celui du présent article, et les nos 51 et 55 dont je parlerai tout à l’heure.

49. Vâsukinâgarâdjaya, « le roi des Nâgas Vâsuki. » C’est le n° 23 de la liste de Low, Radja Nâga, « le roi des serpents. » On en voit la figure au cinquième compartiment de la première rangée de droite, auprès des crocodiles. C’est le n° 47 de Baldæus, « le roi des serpents. »

50. Hancharâdjaya, « le roi des oies ou des cygnes. » C’est le n° 56 de la liste de Low, Hangsatcha, « l’oie des Brahmanes. » La planche de Low abonde en figures d’oiseaux, entre lesquelles le lecteur est libre de choisir ; il me paraît probable que le Ham̃sa (ainsi que le mot doit s’écrire) est une des figures du sixième ou du septième compartiment de la première rangée de droite. Sur la liste de Baldæus c’est vraisemblablement le n° 53, << le casoar, » qui répond à cet article.

51. Vrĭchabherâdjaya, « le roi des taureaux. » C’est le n° 43 de la liste de Low, Usahho, « le roi des ; bœufs blancs de l’Himalaya. » Il faut probablement faire rentrer également ici le n° 73 qui en paraît un dédoublement, et qui est écrit Mahéngsa ou Mahéselo, mots qui sont l’altération siamoise du pâli Mahisa ou du sanscrit Mahichat, « le buffle. » Sur la planche de Low deux animaux de la race bovine sont figurés dans les deux compartiments de la seconde rangée qui sont placés immédiatement au-dessus du mur d’enceinte. C’est le plus central de ces deux compartiments qui doit répondre à notre article 51. Dans la liste de Baldæus ce qui le représente est le n° 54, « le roi des vaches blanches. »

52. Âirâvanahastirâdjaya, « le roi des éléphants Airâvaṇa. » C’est le n° 42 de la liste de Low, Eravanno, « l’éléphant d’Indra. » Sur la planche de Low quatre compartiments sont consacrés aux éléphants, trois à la seconde rangée de droite, et un au troisième compartiment de la quatrième rangée de gauche. Comme ce dernier est caparaçonné, c’est selon toute apparence celui dont l’artiste a voulu faire l’éléphant d’Indra. Je crois aussi que le n° 51 de Baldæus, « l’éléphant blanc, » répond à notre article.

53. Svarṇamakaraya, « le Makara d’or. » C’est probablement le n° 57 de la liste de Low, Mangkaro, le Makara ou dauphin plus ou moins fabuleux des Indiens. On en doit peut-être chercher la figure au second compartiment de la quatrième rangée de droite sur la planche de Low. Ce symbole se trouve sans doute sous le n° 52 de la liste de Baldæus, « le serpent d’eau. »

54. Tchaturmnkha[ya], « Brahmâ aux quatre faces. » C’est le n° 53 de la liste de Low, Tchattu mukha, « Brahmâ. » On voit sa figure dans le troisième compartiment de la cinquième rangée de droite en avant du Tchakra central. C’est le n° 32 de Baldaeus, « le Dieu le plus élevé du ciel. »

55. Svarṇanâvukaya, «le vaisseau d’or. » C’est le n" 46 de la liste de Low, Nawa, « le « vaisseau. » Il est figuré dans le troisième compartiment de la première rangée de droite. C’est le n° 67 de Baldaeus, « le vaisseau d’or. »

56. Savatsakadhênuvaya ; « la vache avec son veau. » À cet article répondent, dans la liste de Low, les nos 44 et 45, Me Kho, « la vache d’abondance, » et We tcha ka, « le veau. » Sur la planche un seul compartiment est consacré à ces deux symboles, et on y voit sous la vache un veau qui allonge le cou pour la téter ; c’est le compartiment de la seconde rangée qui est placé juste au-dessus de la dernière portion du grand mur d’enceinte. La liste de Baldæus définit ainsi ce symbole, « la vache avec son veau qui la tette. »

57. Kimpurchaya, « le génie nommé Kimpurucha. « Se ne retrouve pas ce numéro dans la liste de Low ; el il est probable qu’on l’a réuni avec le suivant dont il diffère peu, et que donne la liste siamoise sous le n° 69. Au septième compartiment de la seconde rangée de gauche on voit deux figures, l’une mâle et l’autre femelle, qui ont la partie inférieure du corps semblable à celle de grands oiseaux. C’est là sans doute la représentation des êtres fabuleux définis dans l’article 67 et dans l’article suivant. Baldæus est ici mieux d’accord avec la liste singhalaise ; il a les deux symboles, d’abord sous le n° 58, « un ange, » puis sous le n° 60 dont je vais parler.

58. Kinnaraya, « le Kinnara. » C’est le n° 59 de la liste de Low, Kinaro, « deux figures « moitié oiseau et moitié homme. » Le compartiment de la planche de Low, décrit sous le n° 57, répond certainement à notre article. Dans la liste de Baldæus on trouve, deux numéros répondants à ce symbole : le n° 60, « un être moitié homme, moitié oiseau ; » et le n° 61, « la femme du précédent. «

59. Kuravîkaya, « le coucou indien. » J’ai déjà eu occasion d’examiner ce mot en parlant des qualités qu’on attribue à la voix du Buddha[110] ; si kuravîkaya est une orthographe authentique, l’oiseau dont il est question ici sera le caculus melanoleucns. Si au contraire kuravîka n’est qu’une altération de karavîka, il y faudra voir le passereau. C’est d’ailleurs le n° 58 de la liste de Low, Karaviko, et d’après son explication, « l’oiseau mélodieux du « paradis. » Il y a sur la planche de Low, presqu’au centre de la seconde rangée, sept compartiments qui reproduisent diverses espèces d’oiseaux, sans compter les trois de la première rangée de droite. C’est au lecteur à choisir parmi ces figures celle qu’il croira le mieux convenir à l’article ambigu que je viens d’examiner, car j’avoue ne posséder aucun moyen sûr de diriger son choix. Sur la liste de Baldæus le symbole de cet oiseau est ainsi exprimé, n° 62, « l’oiseau chanteur. »

60. Mayârarâdjaya, « le roi des paons, » C’est l’article 60 de la liste de Low, Mayuro, « l’oiseau ainsi nommé. » Le paon est assez reconnaissable au dixième compartiment de la troisième rangée de la planche de Low. C’est le n° 63 de Baldæus, « le roi des paons. »

61. Krâuñtcharâdjaya, « le roi des hérons, » l’ardea jaculator de Buchanan. C’est probablement le n° 61 de la liste de Low, Kadja radja, qu’il définit ainsi : « oiseau habitant les vallées de l’Himalaya. » On en voit, selon toute apparence, la figure au septième compartiment de la rangée de droite, sur la planche de Low ; c’est l’oiseau qui est représenté au moment où il s’envole : il semble que les autres oiseaux aient le col trop court pour être des hérons. Je le retrouve sous le n° 64 de la liste de Baldæus, « le roi des grues. »

62. Tchakravâkarâdjaya, « le roi des oies rougeâtres » spécialement nommées anas casarca. C’est le n° 62 de la liste de Low, Tchakkawathî, qu’il se contente de définir ainsi, « autre oiseau. » Il est représenté par l’oiseau figuré dans le onzième compartiment de la troisième rangée de la planche de Low, le seul des nombreux volatiles de cette planche qui ait un bec plat et des pattes qui paraissent palmées. Je soupçonne que ce symbole se trouve au n° 65 de la liste de Baldæus, « l’oiseau nommé Krapat ; » ce nom de krapat peut bien n’être qu’une altération par contraction de tchakravâka, prononcé à la façon siamoise tchà-kra-pat.

63. Djivañdjîvakarâdjaya, « le roi des faisans » ou des perdrix, car nos lexiques donnent l’un et l’autre sens à djîvañdjîva. C’est le n° 63 de la liste de Low, Tchîva kuntchika, qu’il interprète par « aigle ou faucon. » J’en crois reconnaître la figure dans le neuvième compartiment de la troisième rangée de droite sur la planche de Low, entre le coq et le paon. La liste de Baldæus suit assez régulièrement celle du Dharma pradipikâ, pour qu’il soit permis de conjecturer que le n° 66 de Baldæus, « l’oiseau Kuyshit, » répond au symbole du présent article, quoique les noms ne conviennent pas et que je ne puisse dire quel est cet oiseau.

64. Chaṭvidhadivyalôkaya, « les six espèces de mondes divins. » C’est probablement le n° 18 de la liste de Low, Tcha kâma watchara, « les six premières mansions, y compris « l’habitation des mortels. » Ce sont les six étages de la première des trois régions, celle des désirs, où vivent les êtres nommés Kâmâvatchara ; je renvoie à ce que j’en ai dit dans le premier volume de l’Introduction à l’histoire du Buddhisme[111]. Sur la planche de Low on voit une série de quatre compartiments qui commencent à la quatrième rangée et finissent à la septième ; seulement on y compte huit étages au lieu de six, nombre qui suffirait pour que la définition fût exacte. Cette différence m’engage à supposer que le premier compartiment seul représente les six divisions du monde des désirs : on y trouve, en effet, six sous-divisions qui doivent figurer les six mondes. Au reste ce symbole se retrouve dans le n° 67 de la liste de Baldæus, « les sept cieux. »

65. Sôḍasavidhabrahmalôkaya, « les seize espèces de mondes des Brahmâs. » Je ne trouve pas cet article dans la liste de Low, quoiqu’il en parle dans son commentaire[112] ; mais les trois compartiments placés au-dessus de celui que j’examinais tout à l’heure, et où l’on compte quinze sous-divisions surmontées de l’image d’un petit temple, me paraissent figurer les seize mondes de Brahmâ. Ce numéro est le n° 68 de Baldæus, « les seize cieux. »


Je viens de passer en revue, d’après le Dharma pradîpikâ, la liste des figures que l’imagination des Buddhistes de Ceylan, du Barma et de Siam croit retrouver sur l’empreinte sacrée du pied de Çâkya. Ces objets sont, à bien peu d’exceptions près, les mêmes que ceux dont on doit à Baldæus et à Low deux énumérations empruntées aux Siamois, et ils se retrouvent également sur la planche publiée par cet officier dans les Transactions de la Société asiatique de Londres. Je ne dirai que quelques mots des différences que présentent entre elles ces diverses autorités. La première porte sur le nombre des signes dont le Dharma pradîpikâ compte soixante-cinq, Baldæus soixante-huit, et la liste de Low quatre-vingt-seize. Low nous apprend lui-même que parmi les empreintes assez nombreuses que l’on dit exister dans le Laos et dans le pays des Barmans, on remarque des différences dans l’ordre et dans le nombre des signes[113]. Cette observation doit rendre moins étonnante à nos yeux la divergence que nous remarquons ici entre une liste de Siam, une liste de Ceylan et une empreinte figurée due à un artiste siamois. Un examen rapide suffit d’ailleurs pour constater que la liste de Low ne fait que dédoubler des définitions qui se trouvent déjà chez les Singhalais. Les cas où elle admet un symbole nouveau et qu’on retrouve figuré sur l’empreinte elle-même, ont moins de valeur que les dédoublements. Mais ce qui devra frapper le lecteur, c’est l’analogie qu’offre la liste recueillie en i654 par les Hollandais à Siam avec celle du Dharma pradîpikâ. Cette analogie est telle, que les figures se suivent presque régulièrement dans le même ordre sur l’une et l’autre liste. Sur les soixante-cinq définitions du Dharma pradîpikâ, l’énumération de Baldæus en donne cinquante-six. Les neuf autres, qu’on ne retrouve pas dans le Dharma pradîpikâ, ou sont des dédoublements de symboles déjà existants dans l’une et l’autre liste, ou reparaissent parmi les symboles ajoutés par l’énumération de J. Low.

Afin d’achever d’éclaircir ce sujet, je vais passer en revue les articles du commentaire de J. Low qui paraissent devoir rentrer dans des symboles déjà exprimés, pour m’occuper ensuite des symboles réellement nouveaux. Ainsi le Touhai lakchai, ou étendard royal, n° 7 de la liste siamoise, fait double emploi avec un des articles 4o ou 4i de la liste singhalaise, articles qui sont consacrés aux symboles de l’étendard et du drapeau. Sur l’empreinte même il paraît en réalité trois sortes distinctes de drapeaux ; mais on s’explique sans peine comment il se fait qu’un artiste siamois ait été conduit à introduire parmi les deux signes que fournissaient déjà des autorités écrites, l’étendard national de ses rois.

Le n° 10 de Low, Banlangko, qui est défini « la couche de pierre ou le siége d’un Buddha, » est une mauvaise orthographe du pâli pallag̃ka pour le sanscrit paryag̃ka. Ce mot ne désigne pas seulement une manière de s’asseoir bien connue, laquelle consiste à ramasser les jambes sous le corps dont le buste reste droit, ainsi que je l’ai déjà montré plus haut[114] ; il signifie encore un bois de lit[115], et par extension, un lit ; c’est cette dernière acception qu’exprime, avec une altération d’orthographe, le Banlangko des Siamois. Si tel est le sens de ce terme, cet article devra rentrer dans celui qui le précède, le symbole du siége, Pî thâ kang pour Pîtha. Si l’on aime mieux prendre Banlangko dans le sens de palanquin, il faudra y voir un dédoublement du n° 42 des Singhalais, relatif à la litière d’or.

Le n° 21 de Low, Thawâwî sahatsa parivârâ, qu’on interprète ainsi, « les deux mille Dvîpas inférieurs ou îles qui entourent les quatre grands Dvîpas, » doit certainement rentrer dans la définition des quatre grandes îles, selon le n° 30 de la liste singhalaise : on a vu que les îles inférieures y sont positivement comprises sous la désignation de saparivâra, « avec ce qui entoure » les grands continents. Mais ce dédoublement doit être ancien chez les Siamois, car il se trouve déjà dans la liste de Baldæus, qui fait deux articles, les nos 33 et 34, des quatre points cardinaux et de leurs deux mille subordonnés, comme s’exprime cette liste.

Le n° 31 de Low, Pantcha mahânadî, qu’on interprète ainsi, « les cinq rivières sortant des sept lacs, » offre beaucoup d’analogie avec le numéro suivant ou le n° 32, « les sept grandes rivières, » qui répond au n° 35 de la liste singhalaise. Il se peut cependant qu’on ait voulu figurer ces cinq rivières dans le compartiment où j’ai cru reconnaître, comme je l’ai dit plus haut sur le n° 13, des tubes ou vaisseaux tubuleux[116].

Le n° 33 de Low, Maha matcha wanla makha samut, ou « la baleine, » paraît faire double emploi avec le n° 67 que j’ai expliqué plus haut sur le n° 53 de la liste cinghalaise. Je dois avouer que la figure du second compartiment de la quatrième rangée de droite sur la planche de Low, convient mieux au n° 33 qu’au n° 57, auquel je proposais de la rapporter ; cela ne prouve cependant pas que ces deux articles ne soient pas le développement l’un de l’autre.

Le n° 35 de Low, Kanthat assawarat, qu’on interprète ainsi, « le cheval qui porta Çâkya jusqu’à la Yamunâ, » quand il quitta son palais, doit rentrer dans le numéro précédent, lequel correspond au n° 47 de la liste singhalaise. On en voit cependant la figure à la troisième rangée de gauche de la planche de Low, immédiatement au-dessous du parasol. Un artiste buddhiste ne pouvait oublier le célèbre coursier Kantaka ; mais comme il n’est pas supposable qu’il existe à la fois deux rois des chevaux, il est fort probable que les articles 34 et 35 de Low doivent rentrer l’un dans l’autre. Je rattacherai de même à ce dernier numéro le trente-sixième de Low, Se, « le fouet dont Çâkya se servait quand il montait son cheval. » Je suis convaincu que cet objet n’a pas assez d’importance pour figurer à part dans cette liste de choses rares ou précieuses. Du reste on a peut-être voulu le représenter à la cinquième rangée de gauche, presque derrière le Tchakra central, sous la forme d’un bâton, à tête contournée ou d’une sorte d’aiguillon. Ce qui me confirmerait dans cette supposition, c’est que Baldæus, sous le n° 8, parle d’un objet ainsi défini : « le croc pour diriger les éléphants. »

Les nos 40 et 41 de la liste de Low, Tchatthanto, « l’éléphant blanc, » et Sakîngnakha ou Sakînako, « l’éléphant rouge de l’Himalaya, » ne font que répéter, sous d’autres noms, les articles 48 et 52 de la liste singhalaise. Quoiqu’on trouve sur la planche de Low quatre figures d’éléphants, dont un seul est caparaçonné, ce qui.m’a décidé à en faire la monture d’Indra, cela n’est pas une raison pour croire qu’on ait eu réellement dans le principe l’intention de reconnaître sur l’empreinte vénérée du pied de Çâkyâ un nombre aussi varié de ces quadrupèdes. Low «nous apprend que les Siamois entendent par Tchatthanto, « l’éléphant blanc, roi de l’Himalaya ; » cette donnée s’accorde parfaitement avec un détail de même ordre que nous connaissons par le Mahâvam̃sa de Turnour, où se trouve citée une espèce d’éléphant connue sous le nom de Tchhaddanta, qui passe pour supérieure aux autres, et qu’on fait naître auprès d’un lac himâlayen de ce nom[117]. Cette dénomination de Tchhaddanta rappelle l’éléphant aux six défenses, Chaddanta, sous la figure duquel les Buddhistes du Nord croient que le Bôdhisattva s’incarna dans le sein de Mâyâ dêvî[118]. Je serais tenté de supposer que l’orthographe de Tchhaddanta, que nous savons être familière aux Buddhistes de Ceylan et de Siam, doit son origine à une particularité de l’orthographe pâlie, où le nom de nombre sanscrit chaṭ, « six, » se change quelquefois en tchhal ou même en tchha. Quoi qu’il en soit, le symbole qui nous occupe paraît également sous le n° 55 de la liste de Baldæus, où il est ainsi défini : « l’éléphant à trois têtes et à trois queues. » Si c’est de cette manière que les Buddhistes de l’Inde transgangétique se représentent ce fabuleux animal, l’explication de son nom de chaddanta est toute trouvée ; s’il a trois têtes, il doit avoir six défenses : mais je ne me souviens pas d’avoir vu ailleurs l’indication de cette monstruosité. Je trouve même une autre interprétation du nom de « qui possède six défenses, » laquelle est encore suffisamment merveilleuse, mais qui choque un peu moins le bon sens. Suivant l’opinion d’un Barman instruit, il existait autrefois dix espèces d’éléphants, et le roi de la première espèce se nommait Chaddanta, en barman Tchaddan, parce qu’il sortait de ses défenses des jets de lumière colorés de six manières différentes[119]. Il nous resterait à expliquer la qualification de « roi de l’Himalaya, » qui est attribuée à cet éléphant. Sans doute les Buddhistes du Sud ont pu croire qu’il existait des éléphants dans l’Himalaya, puisque cette idée a été conservée par le Mâhâvam̃sa ; et on a pu d’autant plus facilement y être conduit, que c’est dans les parties montagneuses de la presqu’île indienne et de Ceylan que naissent, au rapport des indigènes, les éléphants les plus intelligents et les plus forts. Il se pourrait cependant qu’elle tînt à une tradition plus ancienne, à celle par exemple que Weber a trouvée dans le Vâdjasanêyi sam̃hitâ du Yadjurvêda, et qui prouve que, selon les Brahmanes, l’éléphant était consacré à l’Himalaya[120], peut-être par suite d’un jeu de mots entre naga, « montagne, » et nâga, « né dans la montagne. »

Le n° 65 de la liste de Low, Hera, « Çiva, » paraît isolé dans cette liste, où nous ne voyons d’autre divinité brahmanique que Brahmâ. Rien n’en annonce la présence dans la liste singhalaise, et sur la planche de Low je ne vois au-dessous de l’image de Brahmâ qu’un personnage à quatre bras, qui rappelle plutôt Ganêça que toute autre divinité. Peut-être Hera n’est-il ici que l’altération du nom sanscrit Hêramba, par lequel on désigne aussi Ganêça. Si cela était, cet article devrait être placé non parmi les dédoublements, mais parmi les additions nouvelles que nous donnent la liste et la planche de Low.

Je ne puis voir autre chose qu’un double emploi dans le n° 72 de la liste de Low, Baraphet, « neuf espèces de pierres précieuses, « rapproché du seizième article de la liste singhalaise maṇiya, « le joyau. » J’ai déjà dit qu’il n’était pas facile de retrouver sur la planche de Low la figure réelle des joyaux ou pierres précieuses. Aux conjectures que j’ai faites sur les articles 16 et. 17 de la liste du Dharma pradîpika, j’ajouterai seulement cette observation, qu’on a peut-être voulu représenter des objets précieux dans les compartiments des rangées quatre et cinq, derrière la roue centrale où se voient deux petits vases sur lesquels sont montés des objets ronds ou plats. Il y a aussi au second compartiment de la seconde rangée de droite deux ornements que l’on dirait composés d’étoiles, et qui pourraient bien n’être que la réunion de">brillants disposés en manière de bouquets. Passons maintenant aux objets nouveaux que donne la liste de Low, et dont plusieurs se retrouvent sur sa planche.

Le n° 5, Talapat nang, « l’éventail, » se trouve, si je ne me trompe, sous trois formes, immédiatement derrière le Tchakra central. Une de ces formes doit répondre au n° 15 de Low, Wútchanî, en sanscrit Vîdjana et en siamois Phatchanî, « le grand éventail. » L’autre doit être l’éventail fait de Talapatta ou d’une feuille du palmier Tala ; c’est le n° 13 de Baldæus, « l’éventail fait de l’arbre Terri. »

Le n° 8, Tre et sang, « les trompettes, » se trouve dans le même compartiment que le parasol blanc, n° 10 de la liste singhalaise.

Le n° 14, That thang ou Tchat thong, « une espèce de plateau ; » ce sont peut-être les deux guéridons figurés dans le cinquième compartiment de la quatrième rangée de droite, immédiatement auprès du Tchakra.

Le n° 27, Nakhata, « la constellation ou l’étoile, » est ou l’une des étoiles isolées qu’on remarque dans le second compartiment de la seconde rangée de droite, et dans le sixième compartiment de la troisième rangée de droite, ou bien l’un des quatre groupes d’étoiles qu’on trouve au premier compartiment de la même rangée, au neuvième compartiment de la première rangée de droite, au secondât au huitième compartiment de la première rangée de gauche. J’en dois dire autant du n° 80, Utsathi, l’étoile des Siamois Dan Kammaphrak, et du n° 89, Dau Rohinî, « la constellation Rôhinî ; » ce qui nous donne trois désignations ou dénominations d’étoiles oude constellations pour un total de six figures qu’aucun caractère ne différencie les unes des autres. Baldseus a aussi une étoile sous le n° 31 de sa liste, avec cette définition, « l’étoile du soir. »

Le n° 54, Phumma rotcha, « le scarabée de la montagne d’or, » doit être représenté dans la quatrième rangée de droite, presque derrière la roue centrale.

Le n° 55, Suvaṇṇa katckhapa, « la tortue d’or, » se trouve au cinquième compartiment de la rangée de droite, où l’on voit deux tortues entré deux lignes onduleuses qui doivent figurer un courant d’eau.

Le n° 70, Makulla, « fleur ressemblante au souci, » et le n° 71, Paretchâtta, « fleur qui ne croît que dans le ciel, » doivent se retrouver dans les deux compartiments qui forment le centre de la quatrième rangée ; mais les fleurs qui y sont représentées paraissent être des dessins de fantaisie. On sait d’ailleurs que makala désigne ou un bouton de fleur en général, ou le Mimusops elenghi en particulier, et que le Pâridjâta passe pour être un des arbres du ciel d’Indra.

Le n° 75, Rama sura, « le Siamois Ramasur, » doit se retrouver dans l’un des deux guerriers brandissant un glaive, dont le premier paraît au cinquième compartiment de la première rangée de gauche, et dont l’autre occupe le neuvième compartiment de la quatrième rangée de droite. Cet article n’est probablement qu’un souvenir de l’Indien Râma.

À ce numéro doit se rattacher le n° 77, Dha tchang, « l’arc de Râma, » qu’on trouve au sixième compartiment de la cinquième rangée de gauche sur la planche de Low ; l’arc avec la flèche est détendu et placé au-dessous du glaive. C’est encore un objet de même ordre que celui dont le n° 91 donne la définition, satitcha, « la lance des Siamois, » qui paraît juste au-dessous du compartiment que je viens de signaler. Ce dernier symbole se trouve sous le n° 1 de la liste de Baldæus, « une pique. »

Le n° 76, Utdha tapasa, « le grand Rĭchi, » est sans doute le personnage assis sous une hutte dans le huitième compartiment de la seconde rangée de gauche ; mais je ne reconnais de son nom que la seconde partie, dont l’orthographe n’est pas même correcte : c’est peut-être le n° 5 de Baldæus, « un pauvre. »

Le n° 81, Kang sa tala, est donné par Low sans aucune explication ; si l’orthographe de ce terme est exacte, on pourrait y trouver le sens de «support fait du métal Kam̃sa, » métal qui est un mélange de cuivre et de zinc. Cette description pourrait répondre à l’espèce d’autel qui occupe le huitième compartiment de la troisième rangée de gauche. Serait-ce « le lit d’or» qui est placé sous le n° 6 de la liste de Baldæus.

Le n° 82, Salawanang, « le jardin de diamants, » n’est pas reconnaissable, du moins pour moi, sur la planche de Low ; je doute même que cette définition soit exactement traduite : en sanscrit çâlavana signifierait « le bois de Çâlas. »

Le n° 84, Pakhanang, est suivant Low, « le siamois Thoei Tchang ; » l’auteur aurait bien fait d’en dire un peu plus long s’il en savait davantage, car je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de personnes en Europe qui puissent dire ce que c’est que le siamois Thoei Tchang.

Le n° 85, Paduka, « les pantoufles, » se retrouve dans le troisième compartiment de la quatrième rangée de droite ; le mot doit s’écrire pâdukâ, « la sandale. »

Le n° 86, Thewa Thittamanî, « la déesse des nuages, » doit peut-être se retrouver dans le huitième compartiment de la quatrième rangée de droite, où l’on voit une figure de femme avec une fleur dans une main et une espèce de miroir dans l’autre. Je ne puis cependant retrouver, ni dans son nom ni dans ses attributs, la preuve qu’elle soit la déesse des nuages, divinité qui m’est d’ailleurs inconnue. La première idée qui se présente à la vue de ce mot, c’est qu’il est altéré, et qu’on doit le lire, Dêva tchintâmaṇi, « le joyau des « Dêvas qui donne tout ce qu’on désire. » Le seul symbole qui dans la liste de Baldæus ait quelque analogie avec ce dernier, est le n° 2, « une reine avec un anneau au doigt ; » l’anneau rappelle de loin le joyau de Tchintâmaṇi.

Le n° 87, Suwanna mikhi, « la gazelle d’or, » doit être figuré au deuxième compartiment de la seconde l’angée de droite ; on voit que, pour être régulier en pâli, le mot devrait être lu migî.

Le n° 88, Kukkuta wannang, « le coq siamois, « est représenté dans le huitième compartiment de la troisième rangée de droite. Je ne vois pas bien ce que peut ajouter wannang au mot kukkuṭa.

Le n° 96, Tra Dhama nantcha, « le joyau inestimable. » Selon le capitaine Low, cet objet répond au Kâustabha, joyau de Vichṇu ; mais j’avoue ne connaître ni le sens de ces mots, ni la figure qu’ils désignent.

Dans le relevé qu’on vient de lire, j’ai compris le petit nombre de termes de l’énumération de Baldœus, qui ne se retrouvent pas immédiatement dans celle du Dharma pradîpikâ, ou dans les additions de celle de Low. Deux symboles seulement, sur un total de 68, sont restés en dehors : ce sont le n° 26, « le monde, » qui rentre ou dans le n° 27, « le mur d’enceinte du monde, » ou dans le n° 33, « les quatre vents ; » et le n° 56, « le « serpent, » qui fait double emploi avec le n° 47, « le roi des serpents. »

Nous sommes actuellement en mesure d’apprécier la valeur des idées qui ont décidé du choix des objets qu’on a cru voir sur cette empreinte. II n’y en a, en réalité, qu’une seule qui se montre partout ; c’est que les êtres les plus éminents et les choses les plus belles devaient être représentés sur la plante du pied d’un personnage aussi parfait que le Buddha. Ainsi on voit d’abord les signes mystiques qui annoncent la prospérité el a. grandeur de celui qui en porte l’empreinte. Vient ensuite une longue série d’objets matériels, comme des parures, des armes, des meubles, qui sont, aux yeux des Indiens, l’apanage de la puissance royale. Au monde physique on a emprunté ce qu’il a de plus frappant, le soleil, l’océan, les montagnes, les animaux les plus redoutables ou les plus utiles, soit parmi les quadrupèdes, soit parmi les volatiles, enfin les végétaux les plus remarquables par l’élégance de leurs formes et l’éclat de leurs couleurs. Le monde surnaturel a également fourni l’image du premier des dieux selon les Brahmanes, celle des mondes divins, et de diverses classes de génies qui es habitent, selon les Buddhistes. Mais les emprunts faits à ce dernier ordre d’idées sont, à beaucoup près, moins nombreux que ceux qu’on a demandés au monde réel, et en particulier aux objets qui frappent le plus le vulgaire. Je conclus de cette circonstance que, sauf l’indication des signes mystiques, la religion n’a eu que très-peu de part à la formation de ce catalogue confus de figures rassemblées un peu au hasard. C’est un instinct assez grossier qui en a fait le choix ; et par là s’explique le succès qu’a eu l’idée de voir tant de choses sur l’image du pied de Çâkyamuni, chez des peuples aussi peu éclairés en général que le sont les Singhalais et surtout les Siamois.

Aussi la valeur de ces représentations imaginaires est-elle, il faut bien le dire, à peu près nulle pour nous ; car ce culte de l’empreinte du Çripdda ou du « bienheureux pied, » comme on le nomme, est une des superstitions les plus mesquines et les moins poétiques. Tout ce qu’elle nous apprend se réduit à ceci, qu’il y faut voir une nouvelle preuve de l’importance qu’on a dû naturellement donner aux moindres particularités qui se rattachent à la personne physique du Maître. C’est une suite naturelle, quoique exagérée, de ce principe de respect qui avait, anciennement sans doute, idéalisé les signes extérieurs de son corps sous le nom des trente-deux caractères physiques d’un homme supérieur. À ce point de vue je ne pouvais pas me dispenser de leur donner place dans une recherche relative à ces caractères eux-mêmes ; mais je suis bien éloigné de les placer sur le même rang, parce que je ne pense pas qu’ils appartiennent au même âge de la doctrine. Si les signes caractéristiques d’un grand homme offrent, d’après la rédaction des diverses écoles, quelques différences dont on a déjà pu juger par j’analyse que j’en ai faite, il n’en est pas moins positif qu’ils appartiennent également pour le fond, et bien souvent pour la forme, à toutes ces écoles, et qu’ainsi on peut les compter au nombre des anciennes croyances du Buddhisme.

Il ne me semble pas en être de même des images qu’un effort puéril de la superstition se figure voir sur l’empreinte fabuleuse du pied de Çâkyamuni ; ici il est indispensable de distinguer entre l’empreinte elle-même et les signes que l’on cherche à y reconnaître. De tout temps, en effet, l’empreinte du pied du dernier Buddha a passé, parmi ses adorateurs, pour un objet digne de respect. C’est une opinion déjà assez ancienne, que Çâkya avait laissé l’empreinte de ses pieds, même en des lieux où il est à peu près établi qu’il ne s’était jamais rendu, par exemple dans le pays d’Udyâna, où l’on révérait une image du pied du Buddha, dont la dimension, si A. Rémusat a bien reproduit le sens de Fa hian, variait-suivant la pensée de ceux qui la contemplaient[121]. Non loin de Djellalabad, dans une des chambres de Bahrabad, un officier anglais, le lieutenant Pigou, a découvert une plaque de marbre sur laquelle on reconnaît l’image de deux pieds sculptés en relief[122]. L’usage de présenter à l’adoration des fidèles l’empreinte de deux pieds paraît même plus ancien ou tout au moins plus ordinaire dans l’Inde que celui de n’en figurer qu’un seul. On le retrouve chez les Djâinas, qui vénèrent eux aussi la double représentation des pieds de, Gâutama, et qui lui consacrent des monuments dont i} serait bien possible que les Buddhistes, s’ils existaient encore dans l’Inde, voulussent à leur tour réclamer la possession première[123]. On retrouverait certainement d’autres images dans l’Hindostan, et surtout dans les temples hypogées des provinces occidentales ; mais sans insister davantage sur ce fait incontestable, que l’empreinte des pieds de Çâkyamuni a été l’objet d’un respect superstitieux, je me hâte de constater qu’aujourd’hui encore les Népalais honorent d’une manière spéciale l’image de ces deux pieds sacrés[124]. Ainsi, chez les Buddhistes du Népal, comme chez ceux de Ceylan, cette image passe pour quelque chose d’infiniment précieux : ce point ne peut faire l’objet d’un doute.

La divergence des deux écoles commence avec la question de savoir quels signes les Buddhistes ont cru devoir tracer sur l’empreinte du pied ou sur celle des deux pieds de Çâkyamuni. En ce qui concerne les Buddhistes du Nord, le seul signe que l’étude des monuments figurés nous autorise à reconnaître sur la plante des pieds des statues ou des images du Buddha, est le Tckakra, ou la roue. On en remarque en effet la trace sur les pieds d’un grand nombre de statues de Çâkyamuni découvertes dans le Bihar et dans les chambres hypogées de l’Ouest de l’Inde. Or, si la statue entière a pu être décorée de cette figure, on comprend sans peine que l’empreinte de ses pieds, envisagée isolément, ait dû en reproduire l’image : et c’est certainement de là que vient la place qu’elle occupe au milieu du Çrîpâda des Singhalais, Sur le marbre découvert près de Djellalabad-on ne trouve aucun signe ; seulement quatre fleurs de nymphæa sont disposées aux quatre coins de la pierre pour servir d’ornement à la représentation de cet objet vénéré. Il faut descendre jusqu’aux Népâlais pour rencontrer quelque analogie avec ce qu’ont imaginé les Buddhistes de Ceylan. M. Hodgson, sur une des planches qui accompagnent son Mémoire, déjà ancien mais toujours si précieux, inséré dans les Recherches asiatiques de Calcutta, a reproduit un dessin orné du S’hâkya charan, ou des deux pieds de Çâkyamuni, avec les huit Mangaîas, ou signesde bon augure, placés à peu près à la base des doigts de chaque pied. Ces huit signes de bon augure sont le Çrîvatsa, le lotus, l’étendard, le pot à eau, le chasse-mouche, le poisson, le parasol, la conque[125]. Il n’est aucun de ces Mangalas qui ne trouve place dans la liste des soixante-cinq signes que je viens d’analyser.

Le dessin des Népalais est, on le voit, une sorte de transition entre les images nues des premiers temps et les représentations, plus ornées des Singhalais. Comme ces dernières, il est selon moi moderne : les objets dont il se compose, outre qu’ils se retrouvent tous sur le Çripâda des Buddhistes du Sud, ainsi que je le remarquais tout à l’heure, sont des symboles estimés des Indiens à des titres divers. De quel côté a été fait l’emprunt, ou même un emprunt a-t-il été fait ? c’est ce que je ne saurais dire ; il n’y a rien d’impossible à ce que ces enjolivements aient été trouvés dans l’une et dans l’autre école sans communication ; et l’idée a pu en être empruntée à la tradition, qui plaçait déjà un de ces signes, celui du Tchahkra, sur la paume de la main et sous la plante des pieds du Buddha.

Quoi qu’il en puisse être, il y a loin de la sobriété du dessin népalais au luxe de l’empreinte singhalaise, où l’on a été jusqu’à reconnaître des figures comme celles de Brahmâ, des quatre continents, des montagnes himâlayennes, et des autres objets si confus et si ridiculement nombreux qu’on a entassés pêle-mêle sur cette empreinte. C’est une innocente puérilité qu’il faut laisser aux Buddhistes de Ceylan, chez lesquels on conçoit qu’elle se soit d’autant plus facilement développée, que leur respect pour les livres canoniques leur défendant de supposer que Çâkyamuni fût né ou eût vécu ailleurs que dans l’Inde septentrionale, ils n’avaient d’autre ressource pour se rapprocher un peu plus du Maître, que de supposer quelqu’un de ces miraculeux voyages qu’il exécutait par la voie de l’atmosphère, du nord du Magadha dans la partie méridionale de Ceylan, laissant sur la montagne la plus élevée l’empreinte agrandie de son pied merveilleux ; en preuve de quoi, avec cette imperturbable logique de la superstition, ils en montraient la trace profonde dans le rocher. Toutefois, chez les Buddhistes de Ceylan eux-mêmes, cette opinion, que Çâkyamuni imprima dans diverses contrées la trace de ses pas, est assez ancienne, puisqu’on la trouve déjà dans le Mahâvam̃sa et que Fa-hian en parle au commencement du ve siècle de notre ère. Ce qui doit l’être beaucoup moins, c’est l’interprétation que des Buddhistes très-clairvoyants ont donnée des lignes ou des aspérités qu’ils remarquaient sur la surface de ce singulier objet d’adoration. Il nous est, quant à présent, impossible d’en déterminer la date d’une manière même approximative ; une connaissance plus approfondie des livres faisant autorité pour les peuples chez lesquels a cours cette superstition, pourrait seule donner le moyen de résoudre ce problème, qui n’aura jamais qu’un intérêt secondaire.

  1. W. Jones, The third Discourse on the Hindus, dans Asiat. Res. t. I, p. 428, éd. Lond. in-8°.
  2. A. Rémusat. Mélanges asiatiques t. 1, p. 101 et suiv., 168 et suiv.
  3. Ibid. t. I, p. 164 ; Vocab. pentagl. sect. iii et iv.
  4. J. C. Prichard, Research, into the physic. Hist. of Mankind, t. IV, chap. X, sect. vii, § i, p. 228 et suiv. 3° édit. 1844.
  5. Mélanges asiatiques, t. I, p. 154.
  6. Journ. of the roy. asiat. Soc. of Great-Britain, t. II, p. 314 et suiv.
  7. Journ. as. Soc. of Bengal, t. V, p. 91.
  8. Lalita vistara, f. 61 a de mon manuscrit A, f. 58 a du manuscrit de la Soc. asiat. et Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 107.
  9. Lakkhaṇa sutta, dans Dîgh. nik. f. 166 b.
  10. Mahâpadhâna sutta, f. 70 a.
  11. Dharma pradîpikâ, f. 2 a.
  12. Wilson, Sanscrit Diction. v. Uchṇîcha, 2e édit.
  13. Rgya tch’er rol pa, t. I, p. 98, t. II, p. 107.
  14. A. Rémusat, Mél. asiat. t. I, p. 168.
  15. Joinville, On the Relig. and Manners of the people of Ceylon, dans Asiat. Res. t. VII, p. 424, éd. Calcutta.
  16. Sgya tch’er rol pa, t. II, p. 107.
  17. J. Gildemeister, Die falsche Sanscrit Philologie, p. 8 et suiv.
  18. Radices ling. sanscrit, p. 170.
  19. Mél. asiat. t. I, p. 102.
  20. Voy. ci-dessous, le 79e des caractères secondaires. Sur la signification de Guḍâkêça, voy. Lassen, dans la Bhagavadgîtâ, p. 365, 2e édit.
  21. C. Mackenzie, dans Asiat. Res. t. IX, p. 249, éd. Calc. comp. avec Asiat. Res. t. VI, p. 452, éd. Lond. in-4o.
  22. Lalita vistara, f. 120 a de mon manuscrit A.
  23. As. Res. t. VI, p. 453, éd. Lond. in-4o.
  24. Ci-dessus, chap. i, f. 13 a, p. 13 de ce volume.
  25. History of Java, t. II, p. 56 et suiv. et Humboldt, Veber die Kawi-Sprache, t. 1, p. 128.
  26. Ueber die Kawi-Spracke t. 1, p. 128 et 129.
  27. Hodgson, dans Transact. of the Roy. asiat. Soc. of Great-Britain, t. II, pl. III.
  28. Mél. asiat. t. I, p. 169.
  29. Mélanges asiatiques, t. I, p. 169.
  30. Lalita vistara, chap. XV, f. 117 b de mon man. A, et Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 211.
  31. Lalita vistara, chap. xxvii, f. 280 a de mon manuscrit A, et Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 402.
  32. Ci-dessus ; chap. i, f. 4 b, p. 308.
  33. Nidânavagga, f. 4 b init.
  34. Mélanges asiat. t. I, p. 169.
  35. Ibid.
  36. Dharma pradîpikâ, f. 5 a.
  37. Mélanges asiat. t. I, p. 169.
  38. Lalita vistara, f. 228 a de mon man. A. Ce morceau manque dans la version française du Lalita vistara tibétain.
  39. Mélanges asiat. t. I, p. 170.
  40. Dharma pradîpikâ, f. 2 b et 3 a.
  41. Voy. ci-dessus, p. 572.
  42. Voy. ci-dessus, p, 568.
  43. Mélanges asiat. t. I, p. 104.
  44. Lalita vistara, f. 9 b et 10 a du munuscrit A., et Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 14.
  45. Lalita vistara, f. 12 b du man. A ; man. Soc. asiat. f. 11 a ; Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 20.
  46. Lalita vistara, f. 126 du man. A ; f . 12 a du man. Soc. asiat. et Rgya tcher rol pa, t. II, p. 20.
  47. Lakkhana sutta, dans Dîgh. nik. f. 166 h ; Ambattha sutta, ibid. p. 24 a ; Mahâpadhâna sutta, ibid. f. 69 b et 70 a. On voit, par l’identité des expressions, qu’il s’agit ici d’un type conventionnel.
  48. Lalita vistara, f. 61 b du manuscrit A ; f. 58 b, man. Soc. asiat. comparé au Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 108 ; Hodgson, Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. V, p.91 ; Journ. as. Soc. of Great-Britain, t. II, p. 315 ; Dharma pradîpikâ, f. 7 b ; Vocabul. pentagl. sect. iv ; A. Rémusat, Mélanges asiat. t. I, p. 170 et suiv.
  49. Voy. ci-dessus, p. 568.
  50. Mélanges asiat. t. 1, p. 170.
  51. Mélanges asiat. t. I, p. 170.
  52. Mélanges asiat., t. I, p. 172.
  53. Voy. ci-dessus, p. 585.
  54. Ṛgya tch’er rol pa, t. II, p. 109.
  55. Ci-dessus, n° 18 : p. 569.
  56. Amarakocha, liv. III, chap. ii, st. 27, éd. Loiseleur.
  57. Introduction à l’histoire du Buddhisme indien, t. 1, p. 360 et 365.
  58. Mélanges asiat. t. 1, p. 171.
  59. Amarakocha, liv. III, chap. ii, st. 19, p. 255, éd. Loiseleur.
  60. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 109.
  61. Amarakocha, liv. III, chap. iv, sect. 23, st. 141, p. 318, éd. Loiseleur.
  62. Mélanges asiat. t. I, p. 172.
  63. Râdhâ Kânta Dêva, Çabda kalpadruma, t. II, p. 1293 et 1345.
  64. Abhidhâna tchintâmani, st. 583, p. 106, éd. Boehtl. et Rieu.
  65. Mélanges asiat. I, p. 106.
  66. Clough, Singhal. Diction, t. II, p. 348.
  67. Rgya tch’er rol pa, II, p. 100.
  68. Ibid., t. II, p. 171, et ci-dessus, p. 563, n° 4.
  69. Ci-dessus, même note, p. 563, n° 3.
  70. Mélanges asiatiques, t. I, p. 173.
  71. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 110.
  72. Bhagavad gitâ, p. 265, éd. Lassen. 846.
  73. Mahâwanso, t. I, chap. V, p. 27, l. 11.
  74. Mahàvam̃sa ṭîkâ, f. 75 a.
  75. Voyez ci-dessus, p. 559.
  76. Mélanges asiatiques, t. 1, p. 171.
  77. J. Bird, Historical Researches on the Origin and principles of the Bauddha and Jaina religions, illustrated by descriptive accounts of the sculptures in the Caves of western India, with translations of the inscriptions from Kanari, Karli, Ajanta, Ellora, Nasik. etc. pl. I, II, III, VI, VII, VIII ; Bombay, 1847, in-folio.
  78. Je n’en citerai pour exemple que la description sommaire de la personne physique de Râma qui se trouve dans le préambule du Râmâyaṇa, et qui se compose à peu près des mêmes caractères dans la recension du Nord, et dans celle du Gâuḍa. On y remarque de part et d’autre les bras qui descendent jusqu’aux genoux, ou les bras longs, les mâchoires larges, les yeux grands, la face belle, les épaules larges, la poitrine rebondie, les membres réguliers, l’éclat d’une peau lisse. (Râmâyaṇa, I, i, st. 11 ; Schlegel, t. I, p. 5, et 2e part. p. 6 ; Gorresio, t. I, p. 5, st. 13, et t. VI, p. 2 et 3.) Ces mêmes caractères, ainsi que le plus grand nombre de ceux qu’on attribue au Buddha, se retrouveraient également dans les descriptions du Mahâbhârata ; Ardjuna passe pour avoir réuni plusieurs de ces traits de beauté,
  79. J. C. Prichard, Researches into the physic. Histor. of Mankind, t. IV, p. 192 et suiv. 3e édit. 1844.
  80. J. Bird, Histor. Res. on the origin and principles of the Bauddha and Jaina Religions, etc. Bombay, 1847, in-folio.
  81. On connaît dans l’antiquité une description analogue des nerfs (et rectos et transversos nervos) d’un gladiateur dont parle Varron, et d’après lui Pline. (Pline, Hist. nat. VII, 19, trad. de Littré, t. I, p. 292.) Cette description n’est pas beaucoup plus claire que celle que les Buddhistes donnent des mains du Buddha ; cependant les mots rectos et transversos semblent indiquer une sorte de réseau.
  82. J. Low, On Buddha, dans Transact. of the roy. Asiat. Soc. of Great-Britain, t. III, p. 62 et suiv.
  83. Je me contente d’indiquer ici rapidement les autorités les plus anciennes qui constatent l’existence d’une empreinte du pied sacré chez les peuples buddhistes les plus rapprochés de l’Inde. À Ceylan, le Mahâvam̃sa rapporte la circonstance à l’occasion de laquelle Çâkyamuni imprima la marque de son pied sur le sommet du mont Sumana. (Turnour, Mahâwanso, t. I, chap. 1, p. 7, l. 6.) Au commencement du ve siècle de notre ère, le voyageur chinois Fa-hian en parle vers la fin de sa relation (Foe koue ki, p. 332, 340 et suiv.), et il constate l’existence d’une semblable empreinte dans le pays du Nord qu’il nomme Udyâna. (Foe koue ki, p. 45.) Les navigateurs arabes du ixe au xive siècle rapportent également le fait pour ce qui regarde Ceylan ; mais ils attribuent l’empreinte à la présence d’Adam. (Reinaud, Relat. des voyages des Arabes dans l’Inde, t. I, p. 5 et 6, et t. II, p. 8 et 9 ; le même. Géographie d’Abulféda, t. II, p. 88 et note A ; S. Lee, The Travels of Ibn Batûta, p. 189.) Marco Polo, à la fin du xiii’ siècle, parle de la montagne qu’a rendue célèbre cette empreinte ; mais, avec sa curiosité habituelle, il distingue l’opinion des Singhalais, qui y voient, dit-il, le tombeau de Sogomon (Çâkyamuni), de celle des Musulmans, qui croient qu’Adam y est enterré. (Marsden, Travels of Marco Polo, p. 669 ; Baldelli Boni, Il Milione di Marco Polo, 1. 1, p. 184 et suiv. t. II, p. 431 et suiv. et Voyages de Marco Polo, dans les Mém. de la Soc. de Géographie, t. I, p. 2 1 5.) Barbosa, dans sa Description de Ceylan, mentionne l’empreinte et l’attribue à Adam. (Ramusio, Navigationi et Viaggi, t. I, f. 314 r° et v°, Venet. 1563, folio.) Diego de Couto a un chapitre spécial à la fin de sa cinquième Décade sur la montagne qu’il nomme malalâ Saripadi. (Da Asia de Diogo de Couto, Dec. V, part. II, liv. VI, cap. 11, p. 10 et suiv. Lisb. 1780, in-12.) Bibeiro en parle également, quoique avec moins de détails. (Fatalidade historica dallha da Ceilâo, dans Collecçâo de noticias, etc. dos Nacôes ultramarinas, t. V, p. 67 sqq.) Baldœus en constate l’existence à Ceylan. (Beschreih. Malab. and Coromandel, p. 147 et 415.) On doit mettre sur le même rang l’ancien voyageur anglais, B. Knox (Histor. Relat. of Ceylon, p. 5 et suiv :), auquel il faut joindre Philalethes. (History of Ceylon, p. 210 et suiv.) Mais de tous les autenrs modernes sur Ceylan, ceux que l’on consultera avec le pins d’intérêt sont le Hollandais Valentyn, qui, dans sa Description de Ceylan, parle de la montagne du pied sacré en plus d’un endroit et avec de curieux détails (Keurlicke Beschr. van Coromandel, Vyfde Deel, p. 36, 375 et suiv.), et l’Anglais John Davy, le frère du grand Davy. (Account of the Inter.of Ceylon, p. 342 et suiv.) J’omets quelques autres voyageurs modernes qui ont indiqué le même objet avec plus ou moins de détails, pour passer à Symes, qui à la fin du dernier siècle vit une empreinte du soi-disant pied de Buddha chez les Barmans, à Meadey, non loin de Prome au nord, et qui en a donné une représentation figurée. (Embassy to Ava, p. 247 et 248, avec la planche ; Relat. de l’Ambass. à Ava, t. II, p. 73, pl. VI.) À Siam et dans le Laos, les empreintes de ce genre paraissent plus communes. Baldæus, que je citais tout à l’heure pour Ceylan, rapporte qu’en 1657 des marchands hollandais visitèrent à Siam une empreinte sur le dessin de laquelle des religieux buddhistes leur firent voir le tracé de soixante-huit figures distinctes dont il énumère les noms. (Besckreibung Malab. and Coromandel, p. 147.) Vers cette époque, notre vieux la Loubère parle d’un monument de ce genre gravé dans le roc non loin de Louvo, en un lieu nommé Pra Bat (le pied sacré) qu’on trouve sur la carte de Walker qui accompagne le récit de la mission de Crawfurd à Siam, et sur la carte de l’Asie orientale, lithographiée par TaSsin à Calcutta en i84o. [Du Bojaume de Siam, t. I, p. 12 et suiv.) Enfin le colonel Low, dans son Mémoire spécial qui va être souvent cité, en énumère, tant à Siam que dans le Laos, au moins cinq que les Buddhistes transgangétiques regardent comme également authentiques. (Transact. of the roy. Asiat. Soc. t. I, p. 65 et suiv.). Quant aux critiques qui dans ces derniers temps se sont occupés de l’empreinte du Pic d’Adam, on peut consulter surtout Fabriclus, Cod. pseudepigr. Vet. Test. t. I, p.  30, et t. II, p. 20 et suiv. et Dulaurier, Études sur la relat. des voy. des Arabes, dans Journ. asiat. IVe série, t. VIII, p. 175 et suiv.
  84. Transact. etc. t. III, pl. III.
  85. Baldæus, Beschreibung Malab. und Coromandel, p. 147 et 148.
  86. J. Low, dans Transact. of the roy. Asiat. Soc. of Greal-Britain, t. III, p. 69.
  87. Ainsi le mot mâra s’écrit indifféremment, selon la Loubère, mar ou man, et se prononce toujours man. (Du roy. de Siam, t. I, p. 532.) Voyez aussi J. Low, Gramm. of the Thai, p. 5,’ et la grammaire récente de M. Pallegoix, publiée à Bangkok en 1850, sous ce titre Grammatica linguœ Thai, in-4o, p. 11. Il y est dit que la lettre r simple ou doublée, ainsi que les deux liquides l et finales d’une syllabe, se prononcent n. Cette règle sert à expliquer un grand nombre de mots sanscrits que la prononciation siamoise défigure d’une manière barbare, et que n’interprète pas l’auteur de cet ouvrage rempli d’ailleurs de renseignements curieux. En voici quelques-uns : à la page 5, un mot écrit sikhar (sanscr. çikhara), se lit sihhoii :par (s. fora), son ; p. 6, çaçidhar (s. çaçidhara], sasithon ; dkchar (s. akchara), ahson ; p. 7, sar (s. sâra), sàn ; sùnghâr {s. samhâra), sanyliân ; hesar (s. hêçara), hesôn ; samphâr [s. samlhâra), sumphan ; sumtkar (s. sundara), sîmthon ; p. 8, samar (s. samara), samon ; sangsâr (s. saihsâra), sônsàn ; namasahâr (s. namaskâra], nàmâdsàkan.
  88. Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. XVII, p. 74.
  89. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 110.
  90. Transactions, etc. t. III, p. 120.
  91. Râmâyaṇa, Ayôdhyâ kâṇḍa, chap. xcvii, st. 17, t. II, p. 348, éd. Gorresio.
  92. Notes on the relig. moral and political State of India, dans Journ. as. Soc. of Great-Britain, t. VI, p. 454, et p. 207 et 208 du tirage à part.
  93. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 110.
  94. Notes on the rel. State of India, p. 208.
  95. Rgya tch’er rol pa, t.  II, p. 110.
  96. Colebrooke, Observ. on the Jains, dans As. Res. t. IX, p. 308, éd. Calcutta.
  97. Mahâwanso, t. I, chap. xi, p. 70, {{l. 3, et Mahâv. ṭîkâ, f. 104 b.
  98. J. Hoffmann, Das Buddha Pantheon von Nippon, p. 74.
  99. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 110.
  100. Mahâwanso, t. I, chap. XI, p. 70, l. 3 ; Mahâv. tikâ, f. 104 b.
  101. Notes, etc. p. 210.
  102. Wilson, Ariana antiqua, pl. X, n° 5, 9, 12 à 21 ; pl. V, n° 20, et pl. VIII, n° 17. Il est juste de remarquer que c’est au colonel Sykes et à J. Prinsep qu’appartient cette remarque, que ce monogramme se trouve à la fois sur les médailles de Kadphises et sur celles du roi couronné par deux soldats (Sykes et Prinsep, Spec. of Buddh. Inscript., dans Journ.as. Soc. of Bengal, t. VI, p. 1039 et 1046 ; Prinsep, New Varieties of Bactrian coins, dans Journ.as. Soc. of Bengal, t. V, p. 550) ; Notes on the relig. p. 210.
  103. Grammatica linguœ Thai, auctore D. J. Baptista Pallegoix, episcopo Mallensi, vicario apostolico Siamensi, page 80 ; Bangkok, 1850, in-4o.
  104. Judson, Burman Diction. p. 266.
  105. Sykes, Notes on the religious, moral and political State of India, p. 209 du tirage à part.
  106. Lalita vistara, f. 11 b du manuscrit A, f. 12 a du manuscrit B, f. 10 a du man. de la Soc. asiat.
  107. Clough, Singhal. Diction. t. II, p. 81.
  108. Judson, Barman Diction. p. 45.
  109. Phâṭimôhkha, manuscrit de la Bibl. nat. f. 2 b, et p. 6 de ma copie.
  110. Ci-dessus, p. 565 et 566.
  111. T. I, p. 599 et suiv.
  112. Transact. of the roy. Asiat. Soc. of Great-Britain, t. III, p. 83.
  113. Transact. etc. t. III, p. 71.
  114. Ci-dessus, chap. i, f.12 b, p. 334.
  115. Amarakocha, liv. II, chap. vi, sect.3, st.39 ; éd. Loiseleur, p. 158.
  116. Voyez ci-dessus, [{{{1}}}]628.
  117. Turnour, Mahâwanso, t. I, chap. xxii, p. 134.
  118. Lalita vistara, f. 34 a de mon man. A ; Rgya tch’er rolpa, t. II, p. 52.
  119. Wroughton, Account of two Burmese Bells, dans Journ. as. Soc. of Bengal, t. VI, 2e part.  p. 1071.
  120. Indische Studien, t. I, p. 180.
  121. Foe koue ki, p. 45 ; Lassen, Ind. Alterth. t. II, p. 267, note 3.
  122. On the Topes of Darounta and caves of Bahrabad, Journ. as. Soc. of Beng. t. X, Ire part. p. 382.
  123. Inscript. at temples of the Jaina sect, dans Transact. roy. as. Soc. of Great-Britain, t. I, p. 522.
  124. Hodgson, Notices of the lang. and relig. of the Bouddhas, dans Asiat. Res. t. XVI, p. 461.
  125. Hodgson, dans Asiat. Res. t. XVI, p. 460, note 8.