Louÿs – Poésies/Premiers vers 14

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Slatkine reprints (p. 40).

C’était une vallée horrible et toute nue


C’était une vallée horrible et toute nue,
Un ravin labouré dans une ère inconnue
Par la lave tumultueuse des volcans,
Puis inondé d’azur par les bleus océans,
Sans doute. — Mais la mer, de marée en marée,
S’était loin des grands monts sauvages retirée ;
Et les déserts et les rochers n’entendaient plus
Le bruit vague et chanteur du flux et du reflux.

Et le val restait morne entre les monts austères
Où s’ouvraient fixement des gueules de cratères ;
Et sans phase, la nuit, le jour, l’été, l’hiver,
Le sillon monstrueux ravagé par la mer
Se désolait dans le silence.

Une forêt poussait sur Immense et noire
Une forêt poussait sur des pierres d’ivoire.
Qui donc avait fait croître et grandir autrefois
Sur la blancheur des rocs l’obscurité des bois ?
C’était une vallée horrible et toute nue…