Louÿs – Poésies/Premiers vers 17

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Slatkine reprints (p. 44).

SONNET
SUR LA MORT D’UNE JEUNE FILLE



Elle avait la voix jeune et les prunelles vives.
Ses cheveux partagés illuminaient son front
D’un nimbe merveilleux comme les saints en ont
Sur les grands vitraux d’or fixés dans les ogives.

Très pâle, mais sans trop d’agonie, en priant
Que l’on coupât des fleurs pour mettre sur sa bière,
Elle est morte au matin, les yeux pleins de lumière
Extasiés au ciel limpide et souriant.

Et sur les buissons blancs et sur les longues branches
Les filles ont coupé des lys, des roses blanches,
Des fleurs de syringa et des fleurs d’oranger,

Afin qu’elle inclinât sous la lueur des cierges
Près du trône de gloire où Dieu va les juger
La pureté des lys et la blancheur des vierges.

La pureté des lys et Épernay, 6 juillet 1890.