Louÿs – Poésies/Stances 3

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Slatkine reprints (p. 164-165).

SUBSCRIPTUM TUMULO
JOANNIS SECUNDI

VIXIT ANNOS XXIV.


Celui-ci, qui ne fut ni prêtre ni guerrier,
Ne voulut sur sa tombe où verdit la verveine
Ni la palme d’airain ni l’auréole vaine.
Passant, ne pleure pas et va-t’en sans prier.

Tant d’hommes ont péri d’avoir cherché leurs joies !
Ombres qu’ensevelit le manteau de l’ennui,
Combien suivent le long des plaines de la nuit
Inconsolablement leurs solitaires voies !

Réserve la pitié que tu sens tressaillir
À ceux dont l’ombre meurt comme leur chair est morte…
Entre dans leur tombeau. Rouvre la sombre porte
Et jette-leur les fleurs qu’ils n’ont pas su cueillir.


Mais près de celui-ci qui sous la pierre close
Dort ainsi qu’Eros nu sur le lit de Psyché,
Un vol de trois amours est pour toujours penché
Comme une seule, et jeune, et rouge, et lourde rose.

Il connut les secrets de la main dans la main,
La ferveur de la bouche et la voix des prunelles.
Il fut celui pour qui les belles sont plus belles.
Son cœur nous brûle encor, passant. Va ton chemin.

La Beauté lui fit croire à la douceur de vivre.
Le battement du sein palpitait dans son vers ;
Ses mots luisent vers nous comme des yeux ouverts,
Et l’odeur de la femme enchante encor son livre.