Louÿs – Poésies/Stances 2

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Slatkine reprints (p. 163).

APHRODITE



Ô déesse en nos bras si tendre et si petite,
Déesse au cœur de chair, plus faible encor que nous,
Aphrodite par qui toute Ève est Aphrodite
Et se fait adorer d’un homme à ses genoux,

Toi seule tu survis après le crépuscule
Des grands Olympiens submergés par la nuit.
Tout un monde a croulé sur le tombeau d’Hercule ;
Ô Beauté ! tu reviens du passé qui s’enfuit.

Telle que tu naquis dans la lumière hellène,
Tu soulèves la mer, tu rougis l’églantier ;
L’univers tournoyant s’enivre à ton haleine
Et le sein d’une enfant te recueille en entier.

Telle que tu naquis des sens de Praxitèle,
Toute amante est divine, et je doute, à ses yeux,
Si le Ciel te fait femme ou la fait immortelle,
Si tu descends vers l’homme ou renais pour les Dieux.