L’Encyclopédie/1re édition/DORURE

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DORURE, s. f. (Art méchan.) c’est l’art d’employer l’or en feuilles & l’or moulu, & de l’appliquer sur les métaux, le marbre, les pierres, le bois & diverses autres matieres. Voyez Or.

Cet art n’étoit point inconnu aux anciens, mais ils ne l’ont jamais poussé à la même perfection que les modernes.

Pline assure que l’on ne vit de dorure à Rome qu’après la destruction de Carthage, sous la censure de Lucius Mummius, & que l’on commença pour lors à dorer les plafonds des temples & des palais ; mais que le capitole fut le premier endroit que l’on enrichit de la sorte. Il ajoûte que le luxe monta à un si haut point, qu’il n’y eut point de citoyen dans la suite, sans en excepter les moins opulens, qui ne fît dorer les murailles & les plafonds de sa maison.

Ils connoissoient, comme nous, selon toute apparence, la maniere de battre l’or & de le réduire en feuilles ; mais ils ne porterent jamais cet art à la perfection qu’il a atteint parmi nous, s’il est vrai, comme dit Pline, qu’ils ne tiroient d’une once d’or que sept cents cinquante feuilles de quatre travers de doigt en quarré. Il ajoûte, il est vrai, que l’on pouvoit en tirer un plus grand nombre ; que les plus épaisses étoient appellées bracteæ prænestinæ, à cause que la statue de la fortune à Préneste étoit dorée avec ces feuilles ; & les plus minces, bracteæ questoriæ. Voyez Battre l’or.

Les Doreurs modernes employent des feuilles de différentes épaisseurs ; mais il y en a de si fines, qu’un millier ne pese pas quatre ou cinq dragmes. On se sert des plus épaisses pour dorer sur le fer & sur divers autres métaux, & les autres pour dorer sur bois.

Mais nous avons un autre avantage sur les anciens dans la maniere d’appliquer l’or ; & le secret de la peinture à l’huile, découvert dans les derniers tems, nous fournit les moyens de rendre notre dorure à l’épreuve des injures des tems, ce que les anciens ne pouvoient faire. Ils n’avoient d’autre secret pour dorer les corps qui ne pouvoient endurer le feu, que le blanc d’œufs & la colle, qui ne sauroient résister à l’eau ; de sorte qu’ils bornoient la dorure aux endroits qui étoient à couvert de l’humidité de l’air.

Les Grecs appelloient la composition sur laquelle ils appliquoient leur or dans la dorure sur bois, leucophœum ou leucophorum. On nous la représente comme une espece de terre gluante qui servoit vraisemblablement à attacher l’or, & à lui faire endurer le poli : mais les Antiquaires & les Naturalistes ne s’accordent point sur la nature de cette terre, ni sur sa couleur, ni sur les ingrédiens dont elle étoit composée.

Il y a différentes sortes de dorures parmi nous, savoir la dorure à l’huile, la dorure en détrempe, & la dorure au feu, qui est propre aux métaux & pour les livres.

Maniere de dorer à l’huile. La base ou la matiere sur laquelle on applique l’or dans cette méthode, n’est autre chose, suivant M. Félibien, que de l’or couleur, c’est-à-dire ce reste des couleurs qui tombe dans les pinceliers ou godets dans lesquels les peintres nettoyent leurs pinceaux. Cette matiere qui est extrèmement grasse & gluante, ayant été broyée & passée par un linge, sert de fond pour y appliquer l’or en feuille. Elle se couche avec le pinceau comme les vraies couleurs, après qu’on a encollé l’ouvrage, & si c’est du bois, après lui avoir donné quelques couches de blanc en détrempe.

Quelque bonne que puisse être cette méthode, les doreurs Anglois aiment mieux se servir d’un mêlange d’ocre jaune broyé avec de l’eau, qu’ils font sécher sur une pierre à craie, après quoi ils le broyent avec une quantité convenable d’huile grasse & dessiccative pour lui donner la consistence nécessaire.

Ils donnent quelques couches de cette composition à l’ouvrage qu’ils veulent dorer ; & lorsqu’elle est presque seche, mais encore assez onctueuse pour retenir l’or, ils étendent les feuilles par dessus, soit entieres, soit coupées par morceaux ; se servant pour les prendre de coton bien doux & bien cardé, ou de la palette des doreurs en détrempe, ou même simplement du coûteau avec lequel on les a coupées, suivant les parties de l’ouvrage que l’on veut dorer, ou la largeur de l’or qu’on veut appliquer.

A mesure que l’or est posé, on passe par-dessus une brosse ou gros pinceau de poil très-doux, ou une patte de lievre, pour l’attacher & comme l’incorporer avec l’or couleur ; & avec le même pinceau ou un autre plus peut, on le ramende, s’il y a des cassures, de la même maniere qu’on le dira de la dorure qui se fait avec la colle.

C’est de la dorure à l’huile que l’on se sert ordinairement pour dorer les domes & les combles des églises, des basiliques, & des palais, & les figures de plâtre & de plomb qu’on veut exposer à l’air & aux injures du tems.

Dorure en détrempe. Quoique la dorure en détrempe se fasse avec plus de préparatifs, & pour ainsi dire avec plus d’art que la dorure à l’huile ; il n’en est pas moins constant qu’elle ne peut être employée en tant d’ouvrages que la premiere, les ouvrages de bois & de stuc étant presque les seuls que l’on dore à la colle, encore faut-il qu’ils soient à couvert, cette dorure ne pouvant résister, ni à la pluie, ni aux impressions de l’air qui la gâtent & l’écaillent aisément.

La colle dont on se sert pour dorer, doit être faite de rognures de parchemin ou de gants, qu’on fait bouillir dans l’eau jusqu’à ce qu’elle s’épaississe en consistence de gelée. Voyez Colle.

Si c’est du bois qu’on veut dorer, on y met d’abord une couche de cette colle toute bouillante, ce qui s’appelle encoller le bois. Après cette premiere façon, & lorsque la colle est seche, on lui donne le blanc, c’est-à-dire qu’on l’imprime à plusieurs reprises d’une couleur blanche détrempée dans cette colle, qu’on rend plus foible ou plus forte avec de l’eau, suivant que l’ouvrage le demande.

Ce blanc est de plusieurs sortes : quelques doreurs le font de plâtre bien battu, bien broyé & bien tamisé ; d’autres y employent le blanc d’Espagne ou celui de Roüen. Il y en a qui se servent d’une espece de terre blanche qu’on tire des carrieres de Seve, près Paris, qui n’est pas mauvaise quand elle est affinée.

On se sert d’une brosse de poil de sanglier pour coucher le blanc. La maniere de le mettre & le nombre des couches sont différens, suivant l’espece des ouvrages. A ceux de sculpture il ne faut que sept ou huit couches ; aux ouvrages unis, il en faut jusqu’à douze. A ceux-ci elles se mettent en adoucissant, c’est-à-dire en traînant la brosse par-dessus ; aux autres, on les donne en tapant, c’est-à-dire en frappant plusieurs coups du bout de la brosse, pour faire entrer la couleur dans tous les creux de la sculpture.

L’ouvrage étant parfaitement sec, on l’adoucit ; ce qui se fait en le mouillant avec de l’eau nette, & & en le frottant avec quelques morceaux de grosse toile, s’il est uni ; & s’il est de sculpture, en se servant de legers bâtons de sapin, auxquels sont attachés quelques lambeaux de cette même toile, pour pouvoir plus aisément suivre tous les contours, & pénétrer dans tous les enfoncemens du relief.

Le blanc étant bien adouci, on y met le jaune ; mais si c’est un ouvrage de relief, avant de le jaunir, on le repare, on le recherche, on le coupe, & on le bretelle ; toutes façons qui se donnent avec de petits outils de fer, comme les fermoirs, les gouges, & les ciseaux, qui sont des instrumens de sculpteurs, ou d’autres qui sont propres aux doreurs ; tels que sont le fer quarré qui est plat, & le fer à retirer qui est crochu.

Le jaune qu’on employe est simplement de l’ocre commun bien broyé & bien tamisé, qu’on détrempe avec la même colle qui a servi au blanc, mais plus foible de la moitié. Cette couleur se couche toute chaude ; elle supplée dans les ouvrages de sculpture à l’or qu’on ne peut quelquefois porter jusque dans les creux & sur les revers des feuillages & des ornemens.

L’assiette se couche sur le jaune, en observant de n’en point mettre dans les creux des ouvrages de relief. On appelle assiette, la couleur ou composition sur laquelle doit se poser & s’asseoir l’or des doreurs. Elle est ordinairement composée de bol d’Arménie, de sanguine, de mine de plomb, & d’un peu de suif : quelques-uns y mettent du savon & de l’huile d’olive ; & d’autres du pain brûlé, du bistre, de l’antimoine, de l’étain de glace, du beurre, & du sucre candi. Toutes ces drogues ayant été broyées ensemble, on les détrempe dans de la colle de parchemin toute chaude, & raisonnablement forte ; & l’on en applique sur le jaune jusqu’à trois couches, les dernieres ne se donnant que lorsque les premieres sont parfaitement seches, La brosse pour coucher l’assiette doit être douce ; mais quand elle est couchée, on se sert d’une autre brosse plus rude pour frotter tout l’ouvrage à sec, ce qui enleve les petits grains qui pourroient être restés, & facilite beaucoup le brunissement de l’or.

Lorsqu’on veut dorer, on a trois sortes de pinceaux ; des pinceaux à mouiller, des pinceaux à ramender, & des pinceaux à matter ; il faut aussi un coussinet de bois couvert de peau de veau ou de mouton, & rembourré de crin ou de bourre, pour étendre les feuilles d’or battu au sortir du livre ; un coûteau pour les couper, & une palette ou un bilboquet pour les placer sur l’assiette. Le bilboquet est un instrument de bois plat par-dessous, où est attaché un morceau d’étoffe, & rond par-dessus pour le prendre & manier plus aisément.

On se sert d’abord des pinceaux à mouiller pour donner de l’humidité à l’assiette, en l’humectant d’eau, afin qu’elle puisse aspirer & retenir l’or ; on met ensuite les feuilles d’or sur le coussinet qu’on prend avec la palette, si elles sont entieres, ou avec le bilboquet ou le coûteau même dont on s’est servi pour les couper, & on les pose & étend doucement sur les endroits de l’assiette que l’on vient de mouiller.

Lorsque l’or vient à se casser en l’appliquant, on le ramende en bouchant les cassures avec des petits morceaux d’or, qu’on prend au bout des pinceaux à ramender ; & avec les mêmes pinceaux ou de semblables, mais un peu plus gros, on l’unit par-tout, & on l’enfonce dans tous les creux de la sculpture où on le peut porter avec la palette ou avec le bilboquet.

L’or en cet état, après qu’on l’a laissé parfaitement se sécher, se brunit ou se matte.

Brunir l’or. C’est le polir & le lisser fortement avec le brunissoir, qui est ordinairement une dent de loup ou de chien, ou bien un de ces cailloux qu’on appelle pierre de sanguine, emmanché de bois, ce qui lui donne un brillant & un éclat extraordinaire. Voyez Brunir.

Matter l’or. C’est passer legerement de la colle ou détrempe, dans laquelle on délaye quelquefois un peu de vermillon sur les endroits qui n’ont pas été brunis ; on appelle aussi cela repasser ou donner couleur à l’or. Cette façon le conserve & l’empêche de s’écorcher, c’est-à-dire de s’enlever quand on le manie.

Enfin pour derniere façon, on couche le vermillon dans tous les creux des ornemens de sculpture, & l’on ramende les petits défauts & gersures avec de l’or en coquille, ce qui s’appelle boucher d’or moulu.

La composition à laquelle on donne le nom de vermeil, est faite de gomme gutte, de vermillon, & d’un peu de brun rouge, broyés ensemble, avec le vernis de Venise & l’huile de terebenthine. Quelques doreurs se contentent de laque fine ou de sang de dragon en détrempe, ou même à l’eau pure.

Quelquefois au lieu de brunir l’or, on brunit l’assiette, & l’on se contente de le repasser à la colle, comme on fait pour matter. On se sert ordinairement de cette maniere de dorer pour le visage, les mains, & les autres parties nues des figures de relief. Cet or n’est pas si brillant que l’or bruni ; mais il l’est beaucoup plus que celui qui n’est que simplement matté.

Quand on dore des ouvrages où l’on conserve des fonds blancs, on a coûtume de les recampir, c’est-à-dire de coucher du blanc de céruse détrempé avec une legere colle de poisson dans tous les endroits des fonds, sur lesquels le jaune ou l’assiette ont pû couler.

Maniere de dorer au feu. On dore au feu de trois manieres : savoir en or moulu, en or simplement en feuille, & en or haché.

La dorure d’or moulu se fait avec de l’or amalgamé avec le mercure dans une certaine proportion, qui est ordinairement d’une once de vif-argent sur un gros d’or.

Pour cette opération on fait d’abord rougir le creuset ; puis l’or & le vif-argent y ayant été mis, on les remue doucement avec le crochet jusqu’à ce qu’on s’apperçoive que l’or soit fondu & incorporé au vif-argent. Après quoi on les jette ainsi unis ensemble dans de l’eau, pour les appurer & laver ; d’où ils passent successivement dans d’autres eaux, où cet amalgame qui est presque aussi liquide, que s’il n’y avoit que du vif-argent, se peut conserver très-long-tems en état d’être employé à la dorure. On sépare de cette masse le mercure qui n’est point uni avec elle, en le pressant avec les doigts à-travers un morceau de chamois ou de linge.

Pour préparer le métal à recevoir cet or ainsi amalgamé, il faut dérocher, c’est-à-dire décrasser le métal qu’on veut dorer ; ce qui se fait avec de l’eau-forte ou de l’eau seconde, dont on frotte l’ouvrage avec la grate-boësse : après quoi le metal ayant été lavé dans l’eau commune, on l’écure enfin legerement avec du sablon.

Le métal bien déroché, on le couvre de cet or mêlé avec du vif-argent que l’on prend avec la grate-boësse fine ou bien avec l’avivoir, l’étendant le plus également qu’il est possible, en trempant de tems en tems la grate-boësse dans l’eau claire, ce qui se fait à trois ou quatre reprises : ce qu’on appelle parachever.

En cet état le métal se met au feu, c’est-à-dire sur la grille à dorer ou dans le panier, au-dessous desquels est une poële pleine de feu qu’on laisse ardent jusqu’à un certain degré, que l’expérience seule peut apprendre. A mesure que le vif-argent s’évapore, & que l’on peut distinguer les endroits où il manque de l’or, on répare l’ouvrage, en y ajoûtant de nouvel amalgame où il en faut. Enfin il se grate-boësse avec la grosse brosse de laiton ; & alors il est en état d’être mis en couleur, qui est la derniere façon qu’on lui donne, & dont les ouvriers qui s’en mêlent conservent le secret avec un grand mystere : ce qui pourtant ne doit être guere différent de ce qu’on dira dans l’article du Monnoyage, de la maniere de donner de la couleur aux especes d’or.

Une autre méthode, c’est de faire tremper l’ouvrage dans une décoction de tartre, de soufre, de sel, & autant d’eau qu’il en faut pour le couvrir entierement, & de l’y laisser jusqu’à ce qu’il ait acquis la couleur qu’on desire, après quoi on le lave dans l’eau froide.

Pour rendre cette dorure plus durable, les doreurs frottent l’ouvrage avec du mercure & de l’eau-forte, & le dorent une seconde fois de la même maniere. Ils réiterent cette opération jusqu’à trois ou quatre fois, pour que l’or qui couvre le métal soit de l’épaisseur de l’ongle.

Dorure au feu avec de l’or en feuille. Pour préparer le fer ou le cuivre à recevoir cette dorure, il faut les bien grater avec le grateau, & les polir avec le polissoir de fer, puis les mettre au feu pour les bleuir, c’est-à-dire pour les échauffer, jusqu’à ce qu’ils prennent une espece de couleur bleue. Lorsque le métal est bleui, on y applique la premiere couche d’or que l’on ravale legerement avec un polissoir, & que l’on met ensuite sur un feu doux.

On ne donne ordinairement que trois couches ou quatre au plus, chaque couche étant d’une seule feuille d’or dans les ouvrages communs, & de deux dans les beaux ouvrages ; & à chaque couche qu’on donne, on les remet au feu. Après la derniere couche, l’or est en état d’être bruni clair. Voyez les Pl. du doreur qui représentent tous les outils & opérations dont il est parlé dans cet article. Voyez aussi Félibien, dictionn. d’Architect. Peint. Sculpt. Voyez enfin le dictionn. du Comm. & Chamb. Tous ces auteurs se sont suivis.

Dorure sur parchemin, cuir, & autres ouvrages dont l’on fait tapisseries & tranches de livres : prenez trois livres d’huile de lin ; vernis, de poix greque, de chaque une livre ; demi-once de poudre de safran : faites bouillir tout ceci en une poîle plombée, jusqu’à ce qu’y trempant une plume, vous la retiriez comme brûlée ; alors vous ôterez votre mixtion de dessus le feu, & vous prendrez une livre d’aloès hépatique, bon & bien pulvérisé, & la jetterez peu à peu dedans, observant de remuer avec un bâton, car autrement le mêlange monteroit : si malgré le mouvement il montoit, vous l’ôteriez du feu, & le laisseriez reposer ; puis le remettriez, le laissant derechef bouillir, remuant toûjours avec le bâton. Lorsque tout sera bien incorporé, vous l’ôterez du feu, le laisserez reposer, puis le passerez par un linge dans un autre vaisseau, dans lequel vous le garderez. Quand vous voudrez l’employer pour dorer parchemin ou cuir, vous donnerez d’abord une assiette de blanc d’œuf ou de gomme ; vous appliquerez ensuite une feuille d’étain ou d’argent ; vous coucherez par-dessus votre vernis tout chaud, & vous aurez aussi-tôt une couleur très-belle, que vous laisserez sécher au soleil : après quoi, vous imprimerez ou peindrez les couleurs qu’il vous plaira.

Maniere de dorer la tranche des livres. Pour dorer la tranche des livres, prenez la grosseur d’une noix de bol d’Arménie, la grosseur d’un pois de sucre candi, broyez bien le tout à sec & ensemble ; ajoutez-y un peu de blanc d’œuf bien battu, puis broyez derechef. Cela fait, prenez le livre que vous voudrez dorer sur la tranche ; qu’il soit relié, collé, rogné, & poli ; serrez-le fortement dans la presse à rogner, le plus droit & égal que faire se pourra ; avez un pinceau, donnez une couche de blanc d’œuf battu, que cette couche soit legere, laissez-la sécher, donnez une couche de la composition susdite ; quand elle sera bien seche, polissez & raclez-la bien ; & lorsque vous voudrez mettre l’or dessus, mouillez la tranche d’un peu d’eau claire avec le pinceau ; puis sur le champ y appliquez les feuilles d’or ou d’argent : quand elles seront seches, vous les polirez avec la dent de loup. Cela fait, vous pourrez travailler dessus, tel ouvrage, marbrure, &c. qu’il vous plaira. Article de M. Papillon.

Dorure sur cuir, sur argent, étain, & verre. Prenez un pot neuf bien plombé, de la grandeur qu’il vous plaira ; ayez un fourneau ; mettez dans le pot trois livres d’huile de lin au moins, & laissez cette huile sur le feu jusqu’à ce qu’elle soit cuite, ce que vous connoîtrez en trempant une plume dedans ; si la plume se pele, l’huile est cuite : alors ajoûtez-y de résine de pin huit onces, de sandarach huit onces, d’aloès hépatique quatre onces, le tout bien broyé ; mettez tout cela à la fois, en remuant bien avec une spatule, augmentant le feu sans cesser de remuer, jusqu’à ce que tout se fonde & devienne liquide ; laissez cuire lentement ; éprouvez de tems en tems sur papier ou sur l’ongle la consistance ; si le mêlange vous paroît trop clair, ajoûtez-y une once & demie d’aloès cicotrin ; quand il vous semblera cuit, retirez-le de dessus le feu : ayez deux sachets appareillés, en forme de collatoire, coulez dedans ces sachets le mêlange avant qu’il soit refroidi ; ce qui n’aura point été fondu, restera dans le premier ; le reste passera dans le second, & sera le vernis à dorer. Vous le garantirez de la poussiere ; plus il sera vieux, meilleur il deviendra. Quand vous voudrez l’employer sur verre, pour lui donner couleur d’or, il faudra que le verre ou la dorure soit chaude, & vous l’étendrez avec le pinceau. Article de M. Papillon.

Procédé, suivant lequel on parvient à retirer l’or qui a été employé sur le bois dans la dorure à colle. Il faut mettre les morceaux de bois dorés dans une chaudiere, où l’on entretiendra de l’eau très-chaude ; on les y laissera tremper un quart-d’heure ; on les transportera ensuite dans un autre vaisseau qui contiendra aussi de l’eau, mais en petite quantité, & moins chaude que celle de la chaudiere : c’est dans l’eau du second vaisseau que l’on fera tomber l’or, en brossant la dorure avec une brosse de soie de sanglier, que l’on trempera dans l’eau presqu’à chaque coup que l’on donnera ; on aura soin d’avoir des brosses de plusieurs sortes, afin de pénétrer plus facilement dans le fond des ornemens, s’il s’en trouve ; & l’on observera que les soies en soient courtes, afin qu’elles soient fermes. Quand on aura par ce moyen dedoré une quantité suffisante de bois, on fera évaporer jusqu’à siccité l’eau dans laquelle on aura brossé l’or ; ce qui restera au fond du vase, sera mis dans un creuset, au milieu des charbons, jusqu’à ce qu’il ait rougi, & que la colle & la graisse qui s’y trouvent mêlées, soient consumées par le feu : alors l’eau régale & le mercure pourront agir sur l’or qui y est contenu. On préférera le mercure, parce que la dépense sera moindre. On mettra donc la matiere à traiter, un peu chaude, dans un mortier avec du mercure très-pur ; on la triturera d’abord avec le pilon pendant une heure ; puis on y versera de l’eau fraîche en très-petite quantité, & l’on continuera de triturer très long-tems, jusqu’à ce qu’on présume que le mercure s’est chargé de l’or contenu dans la matiere. Alors on lavera le mercure à plusieurs eaux ; on le passera à-travers la peau de chamois, dans laquelle il restera un amalgame d’or & de mercure ; on mettra l’amalgame dans un creuset ; on en chassera le mercure par un très-petit feu ; & il restera une belle chaux d’or, aussi pure qu’on la puisse définir. Si l’on a une grande quantité de matiere à triturer, on pourra se servir du moulin des affineurs de la monnoie, en observant de mêler un peu de sable très-pur dans la matiere, afin de faire mieux pénétrer l’or dans le mercure. Pour faire évaporer le mercure, on pourra, afin d’en perdre moins, se servir d’une cornue & d’un matras. Ce procédé est l’extrait d’un mémoire sur la même matiere, présenté à l’académie des Sciences par M. d’Arclay de Montamy, premier maître d’hôtel de Mgr. le duc d’Orléans.

* Dorure, (Manuf. en soie.) on appelle ainsi les matieres or ou argent, propres à être employées dans les étoffes riches. Il y en a de plusieurs sortes. Il y a l’or lis de deux especes ; l’or frisé de deux especes, l’un très-fin, l’autre moins fin ; le clinquant ; la lame ; la canetille, & le sorbec. Le clinquant est une lame filée avec un frisé ; la lame est le trait ou battu ou écaché sous le moulin du Lympier ; la canetille est un trait filé sur une corde à boyau, qu’on tire ensuite ; le sorbec est une lame filée sur des soies de couleur.

Dorure, (Pâtiss.) c’est un appareil de jaunes d’œufs, dont les Pâtissiers se servent pour mettre leurs ouvrages en couleur.