L’Encyclopédie/1re édition/RÉFRANGIBILITÉ

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RÉFRANGIBILITÉ, s. f. (Optique.) est la disposition que les rayons ont à être rompus. Voyez Refraction.

Une plus grande ou moindre réfrangibilité est une disposition à être plus ou moins rompu en passant sous le même angle d’incidence dans le même milieu.

Toute la théorie de M. Newton sur la lumiere & les couleurs est fondée sur les différentes refrangibilités des rayons de lumiere. La vérité du principe paroîtra par les expériences suivantes.

1°. Si l’on fait passer un rayon de lumiere à-travers un petit trou fait à la fenêtre d’une chambre obscure sur un prisme ABC (Pl. Optiq. fig. 65. n. 2.) il peindra toutes les couleurs de l’arc-en-ciel dans toute leur vivacité sur un papier blanc EF ; savoir, le rouge en E, ensuite le jaune, le verd, le bleu, & enfin le pourpre ou le violet ; & la couleur sera la même sur quelque corps que l’on reçoive la lumiere.

Néanmoins cette lumiere colorée se propage en lignes droites, de même que l’autre lumiere, elle se refléchit aussi de la surface d’un miroir, elle se rompt en passant à-travers une lentille, & conserve ses couleurs tant après la réfraction qu’après la réflexion. Ces rayons étant rassemblés au foyer d’une lentille convexe, dégénerent en une lumiere blanche fort éclatante ; mais ils reprennent leur premiere couleur lorsqu’ils ont passé le foyer, parce qu’alors ils s’écartent & se séparent de nouveau.

Puis donc que ces rayons ne passant pas le prisme, souffrent une réfraction à leur entrée, & une autre à leur sortie. Voyez Prisme. Il s’ensuit qu’un rayon de lumiere se convertit en rayons colorés par la seule réfraction.

2°. Puisque les rayons colorés se continuent toujours en lignes droites, quoiqu’ils se réfléchissent des miroirs, ou qu’ils se rompent dans les lentilles, il s’ensuit qu’ils retiennent toutes les propriétés de la lumiere.

3°. Puisqu’il se fait au foyer une décussation & un mélange des différens rayons colorés, qui les fait paroître blancs, & qu’ils reprennent leur premiere couleur après leur séparation au-delà du foyer ; il s’ensuit que les rayons rouges, jaunes, verds, bleus & pourpres étant mélés ensemble dans une proportion convenable, doivent produire la couleur blanche. Voyez Blanc.

Il est bon d’observer que cette expérience réussit également quand la chambre n’est point obscure, les couleurs en sont seulement moins suivies.

Les rayons qui sont les plus réfrangibles par le prisme DEF (fig. 66.) étant de nouveau rompus par le prisme GH, dont l’axe est dans une situation perpendiculaire à l’égard de l’axe du premier prisme, sont encore plus rompus par le prisme GH, que les autres rayons qui ont moins de réfrangibilité. De sorte que l’image NO de figure oblongue, formée par le premier prisme, devient alors inclinée, & conservant la même largeur, prend la situation IK.

M. Newton a le premier découvert cette propriété des rayons de lumiere d’être différemment réfrangibles, dans les Trans. philosoph. de l’année 1675 ; & a depuis répondu aux objections que lui ont fait plusieurs auteurs, entre autres le P. Pardies, M. Mariotte, & plusieurs autres. Il a dans la suite établi plus au long cette théorie, & il l’a éclaircie & confirmée par un grand nombre d’expériences dans son traité d’Optique.

Ce ne sont pas seulement les rayons colorés produits par la réfraction qu’ils souffrent dans le prisme, mais encore ceux qui se réfléchissent des corps opaques, qui ont des différens degrés de réfrangibilité & de réflexibilité ; & comme le blanc est produit par les mélanges de plusieurs rayons colores, M. Newton en conclud que tous les rayons homogenes ont leur propre couleur qui répond à leur degré de réfrangibilité, & qu’elle ne peut être changée ni par la réflexion, ni par la réfraction ; que la lumiere du soleil est un composé de toutes les couleurs primitives, & que toutes les couleurs composées ne naissent que du mélange de ces dernieres. Voyez Couleur.

Il croit que les différens degrés de réfrangibilité naissent de la différente grandeur des particules dont les différens rayons sont composés. Par exemple, que les rayons les plus réfrangibles, c’est-à-dire, les rouges, sont composés des particules les plus grosses ; les moins réfrangibles, c’est-à-dire, les violets, des plus petits, & les rayons intermédiaires, jaunes, verds & bleus, de particules d’une grosseur intermédiaire. Voyez Rouge, &c. Chambers.

Le même auteur remarque qu’une des principales causes de l’imperfection des lunettes est la différente réfrangibilité des rayons de lumiere. Car, ces rayons étant différemment réfrangibles, sont d’abord différemment rompus par la lentille ; & étant ensuite rapprochés, ils forment des foyers différens par leur réunion. C’est ce qui avoit engagé M. Newton à imaginer son télescope catadioptrique, où il substitue la réflexion à la réfraction, parce que tous les rayons de lumiere réfléchis par un miroir concourent tous au-moins sensiblement au même foyer, ce qui n’arrive pas dans les lentilles. Voyez Telescope. (O)