Méduse (Gilkin)

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La NuitLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 125).




MÉDUSE



J’ai vu. Les autres n’ont point d’yeux ; que verraient-ils ?
Sorcière empoisonneuse aux rampantes manœuvres,
J’ai vu tous tes pensers, tes désirs et tes œuvres
Sourdre dans tes cheveux en reptiles subtils.

Hideux, gluants, glacés, écaillés de béryls,
Par torsades, aspics, vipères et couleuvres
Couronnent de terreur ton front pareil aux pieuvres
Échevelant dans l’eau leurs tentacules vils.

J’ai vu. Je ne suis point dupe des lèvres fraîches,
Ni des chairs où sourit le blond duvet des pêches,
Ni des yeux où l’enfer feint la clarté des cieux.

Ma tête aussi, Méduse, est froide et meurtrière ;
Et je pétrifierais tes serpents vicieux
S’ils osaient seulement frôler mon front de pierre.