Mélanges/Tome I/09

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MISSION DE NN. SS. BOURGET ET LAFLÈCHE À ROME, QUESTION UNIVERSITAIRE ET LIBÉRALISME


24 décembre 1881


Il y a déjà quelque temps, Mgr  l’Archevêque a fait dire aux journaux de Québec que c’était son désir formel qu’aucune nouvelle concernant la question universitaire ne fût reproduite ici, à moins qu’elle n’eût été communiquée à la presse par l’entremise de Sa Grandeur. Nous nous sommes scrupuleusement conformé au désir de notre Ordinaire, nous abstenant de publier les nouvelles ou les rumeurs données par les feuilles des autres diocèses, ainsi que les renseignements particuliers qui nous arrivaient d’autres sources. Et nous n’entendons pas du tout nous départir de cette ligne de conduite. Mais nous ne pouvons laisser passer sous silence l’acte inqualifiable qu’a commis notre confrère de l’Électeur dans son numéro du 16 du courant.

Il y a quelques jours, un journal protestant de Montréal, le Star, a publié, concernant la question universitaire, le récit le plus absurde qu’il soit possible d’imaginer, et l’Électeur s’est empressé de reproduire, sans commentaire, cette ignoble sottise.

Le Star fait tenir au Saint-Père un langage de poissarde, ni plus ni moins, et l’Électeur, dans sa haine aveugle, n’a pas hésité à mettre ces grossièretés sous les yeux de ses lecteurs, sans la moindre réserve.

Voici un échantillon de la prose du journal montréalais que la feuille de St-Roch n’a pas eu honte d’étaler dans ses colonnes :

« Il paraît que Mgr  Laflèche a été aussi sévèrement réprimandé par le Cardinal Masotti pour avoir voulu s’opposer aux décrets promulgués, et Son Éminence lui a laissé entendre qu’une fois que Sa Sainteté avait jugé, sa décision était irrévocable. L’entrevue de Mgr  Laflèche avec le Saint-Père ne doit pas avoir été très satisfaisante pour Sa Grandeur, car se tournant de son côté, Sa Sainteté lui a dit : « Si vous ne mettez pas un terme au trouble qui existe à ce sujet-là dans la Province de Québec, Nous y verrons, » et s’adressant ensuite au chanoine Moreau et à M. Dumesnil, il leur aurait dit : « Quant à vous, messieurs, vous êtes certainement plus à blâmer que ce pauvre Mgr  Laflèche, parce que vous le conduisez par le bout du nez pour faire ce que vous voulez. Retournez au Canada et obéissez aux décrets. »

D’abord, l’Électeur devrait savoir qu’il n’y a pas de cardinal Masotti.[1]

Ensuite, il ne devrait pas ignorer que le Saint-Père ne se sert pas, dans ses rapports avec ses « vénérables frères, » les évêques, d’expressions de carrefour. Même lorsque les évêques sont dans l’erreur la plus manifeste, même lorsque le Pape est obligé de les reprendre publiquement, le langage du chef de l’Église est toujours digne. Tant qu’un évêque n’est pas excommunié, le pape ne lui donne d’autre titre que celui de « vénérable frère. » Et l’Électeur veut nous faire croire que Sa Sainteté Léon XIII, dont le langage est si relevé, si noble, aurait dit que ce pauvre Mgr  Laflèche se laisse conduire par le bout du nez !!

En reproduisant cette ineptie, l’Électeur a sans doute voulu atteindre Sa Grandeur ; mais il ne s’aperçoit donc pas qu’il insulte grossièrement Sa Sainteté elle-même en la faisant passer pour une personne absolument mal élevée.

M. Pacaud se souvient, sans doute, qu’étant rédacteur de la Concorde, il a été mis à l’ordre par Mgr  Laflèche, et il a voulu se venger, probablement. Il a cru que le Star lui en fournissait une bonne occasion. Mais s’est-il douté qu’en reproduisant l’écrit du Star, non-seulement il méprisait ouvertement le désir de son évêque, mais que, de plus, il lançait une injure sanglante à la face du Saint-Père lui-même ?


31 décembre 1881


M. L. O. David affirme que Mgr  Bourget et Mgr  Laflèche ont été condamnés à Rome sur la question du libéralisme. Nous disons à M. David qu’il se trompe du tout au tout, ou bien qu’il cherche à tromper ses lecteurs. Nous mettons M. David au défi de publier une seule ligne qui prouve son assertion.

Le même M. David déclare, avec cet aplomb superbe qui le caractérise, que la nouvelle donnée par le Star, au sujet de la prétendue réception faite à Mgr  Laflèche par le Saint-Père, est « bien fondée ! » Ainsi, M. David croit que le Pape traite les évêques de pauvres gens qui se laissent mener par le bout du nez ! De deux choses l’une, ou M. David est affreusement naïf, ou terriblement malhonnête.


14 janvier 1882


L’Électeur veut absolument que le Star, journal fanatique, soit une autorité en matière religieuse : notre confrère prend la peine de reproduire du journal anglais une rumeur d’après laquelle « Mgr  Laflèche, vu l’impraticabilité de ses principes !! serait nommé prochainement Archevêque in partibus infidelium. » Et l’Électeur ajoute avec une satisfaction évidente : « Sa Grandeur n’aurait plus, de cette façon, la charge d’aucun diocèse. »

Est-ce que notre savant confrère pourrait nous dire en quoi consiste l’impraticabilité des principes de Mgr  Laflèche ?


M. L. O. David, rédacteur de la Tribune, a mis une certaine quantité d’eau dans son vin, pas assez cependant, car son breuvage est encore trop fort et lui monte à la tête. Il admet aujourd’hui qu’il ne croit pas à certaines expressions grossières que le Star avait attribuées au Saint-Père et que M. David s’était empressé de reproduire. M. David ne parle plus du cardinal Masotti, mais il prétend « qu’on avait confondu ses paroles avec celle du pape. » Ainsi le gracieux rédacteur de la Tribune, qui est si fort sur la politesse et le savoir vivre, veut faire croire à ses lecteurs que le secrétaire de la Propagande aurait dit à ce pauvre Mgr Laflèche qu’il se laissait conduire par le bout du nez. » !!! M. David ne voit donc pas que ce qu’il dit là est extrêmement injurieux pour la cour romaine. En supposant, pour un instant, qu’un membre d’une congrégation romaine se serait oublié au point de se servir d’un pareil langage en parlant d’un évêque — ce que nous n’admettons pas dans le cas actuel — conviendrait-il à un journaliste catholique d’étaler ce scandale aux yeux des protestants ? M. David, pourtant, a une peur mortelle des protestants lorsqu’il faut insister sur les droits de l’Église : mais lorsqu’il s’agit de décréditer, aux yeux du public, un vénérable prélat, il est d’une bravoure sans pareille.

M. David, vous jouez un triste rôle.

Le rédacteur de la Tribune déclare qu’il ne veut pas « discuter les questions relatives au libéralisme, à l’Université-Laval, etc. » Encore une perfidie. Nous ne désirons pas plus que notre confrère discuter la question universitaire ; mais rien au monde ne nous empêche de traiter la question du libéralisme. Est-ce que M. David, par hasard, veut donner à entendre que la question du libéralisme et celle de l’Université-Laval sont identiques ? C’en a presque l’air.

M. David continue :

« Nous prions notre confrère de s’adresser au pape et à Mgr  l’Archevêque de Québec s’il veut absolument discuter ces questions, car nous acceptons leurs décisions. »

Eh bien ! M. David, si réellement vous acceptez les décisions de Mgr  l’Archevêque, relisez donc tranquillement la lettre collective du 22 septembre et vous nous en donnerez des nouvelles, s’il vous plaît.


M. David, de la Tribune, affirme de nouveau, indirectement cette fois, que la position prise par Mgr  Bourget et Mgr  Laflèche sur le libéralisme, a été désapprouvée à Rome. Nous répétons ce que nous avons déjà dit : M. David se trompe ou il cherche à tromper ses lecteurs. Et derechef nous le mettons au défi de prouver son assertion. Il ne suffit pas à M. David de dire que les documents venus de Rome sont clairs. Ils sont clairs, en effet, si clairs qu’avec toute son habileté à embrouiller les cartes, le rédacteur de la Tribune ne peut pas en extraire une seule ligne à l’appui de sa thèse. En effet, dans ces deux documents il n’est question que l’Université-Laval, de la conduite du clergé en temps d’élections, et de l’amendement, de la loi électorale ; il y est dit que le parti réformiste au Canada n’a jamais été condamné par l’Église. Tout cela est clair, mais tout cela n’infirme en aucune façon les nombreuses condamnations portées par Rome contre les doctrines catholico-libérales que Pie IX a qualifiées de chose pire que la peste.

Le libéralisme catholique est condamné par Rome, qu’il soit professé par M. David ou par tout autre, par les bleu ou par les rouges.


4 février 1882


Il y a dans notre pays plusieurs écrivains dangereux ; parmi ces écrivains, M. L. O. David, de la Tribune, occupe incontestablement le premier rang. Il a une nuance toute particulière, c’est la perfidie.

C’est un véritable scandale de le voir s’abriter derrière le pape, derrière la Propagande, derrière l’Université-Laval, derrière Mgr  Taschereau, derrière même le cadavre de Mgr  Conroy, pour lancer sur le pays les flots gluants et empoisonnés de son libéralisme.

L’exactitude, pour M. David, n’est rien du tout. On se rappelle qu’il a commencé par dire que le Pape avait dit à Mgr  Laflèche qu’il se laissait conduire par le bout du nez ; puis, il été forcé d’admettre que ce n’était pas le Pape, mais le cardinal Masotti ; enfin, poussé au pied du mur, il a fini par lâcher le cardinal.

Aujourd’hui, M. David, joue encore avec le nom et l’autorité du Saint-Père d’une manière scandaleuse. Écoutons le langage incroyable de ce triste écrivain :

« Nous avons oublié de faire la remarque, dans l’article qui précède, que nous avions donné au clergé plus de latitude en politique que le Pape ne lui en a accordé, en sorte que si nous sommes coupable le Pape l’est un peu plus que nous. Il faut être juste. »

Il faut être décent, M. David.

Vous oubliez une chose ; c’est que le Pape a juridiction sur le clergé, tandis que vous n’avez pas juridiction sur les prêtres et les évêques. Cela fait toute la différence du monde. Si le Pape juge à propos de restreindre l’action du clergé, pour des raisons particulières, s’en suit-il, M. David, que vous, simple laïque, ayez le droit de dire aux évêques et aux prêtres : « Vous irez jusque là, mais vous n’irez pas plus loin ? »

Pour convaincre M. David de ses erreurs, nous croyons devoir lui remettre sous les yeux un extrait de la lettre collective des évêques de la province, datée du 22 septembre 1875 :

« L’on objectera peut-être que le prêtre est exposé, comme tout homme, à dépasser la limite qui lui est assignée et qu’alors c’est à l’État à le faire entrer dans le devoir.

« À cela nous répondons d’abord que c’est faire gratuitement injure à l’Église entière que de supposer qu’il n’y a pas dans sa hiérarchie un remède à l’injustice ou à l’erreur d’un de ses ministres. En effet, l’Église a ses tribunaux régulièrement constitués, et si quelqu’un croit avoir droit de se plaindre d’un ministre de l’Église ce n’est pas au tribunal civil qu’il doit le citer, mais bien au tribunal ecclésiastique, seul compétent à juger la doctrine et les actes du prêtre. »

M. David peut être convaincu de deux choses :

Premièrement, que c’est là la doctrine de l’Église.

Deuxièmement, que les doctrines de l’Église ne changent pas.


La feuille maçonnique de M. Beaugrand, la Patrie, continue, avec une liberté que rien ne gêne, à insulter Mgr Laflèche et Mgr Bourget. On lit dans ce journal, entre autres infamies, les suivantes. Nous demandons pardon à nos lecteurs de reproduire de pareilles saletés, mais nous voulons que les catholiques, qui ne lisent pas la Patrie, connaissent les turpitudes de l’organe des loges :

« Quant à Mgr Laflèche, dit le fameux Cyprien, pour lui exempter le désagrément d’être toujours dans une minorité désespérante dans le conseil des évêques, il serait relégué, lui aussi, au Saut-au-Récollet, et le siège de Trois-Rivières serait donné à quelque autre dont les idées seraient plus en harmonie avec le XIXe siècle et les autres évêques. Il paraît que cette fois on veut en finir avec l’école politico-religieuse. Après Mgr Bourget, Mgr Laflèche. Voilà donc la grande école programmiste, l’école de l’intervention cléricale dans toutes les questions politiques, l’école de la non responsabilité absolue du prêtre devant les tribunaux civils, condamnée à Rome sur toutes ses faces, dans sa doctrine et dans la personne de ses membres les plus respectables comme les plus insignifiants, depuis les premiers rôles jusqu’aux comparses. C’est le jour des grandes réparations. La leçon est-elle assez rude cette fois ? Le châtiment est-il assez sévère… Puissent-ils, sous la condamnation et la disgrâce qui les frappent, pouvoir se dire, comme fiche de consolation, qu’ils étaient de bonne foi et croyaient bien faire ! C’est difficile, cependant, car les avertissements n’ont pas manqué. »

Voilà les abominations qui se publient dans la Patrie. Il est difficile de se contenir en voyant deux vénérables évêques insultés de pareille façon par une misérable feuille maçonnique ; il est difficile de ne pas dire tout ce que l’on a sur le cœur. Mais ce qui nous console, c’est qu’en effet le jour des grandes réparations viendra, si non dans ce monde, au moins dans l’autre. Est-ce que les catholiques n’ouvriront pas enfin les yeux ? ne finiront-ils pas par comprendre qu’un pays où de pareilles choses se publient et se lisent est un pays en danger de perdre la foi ? Nous l’espérons.


Le 26 janvier, le Monde, de Montréal, a publié un article attaquant vivement la dernière lettre du cardinal Simeoni.[2] Mgr Fabre a écrit à M. Houde lui enjoignant de désavouer l’écrit en question s’il ne voulait voir l’autorité religieuse prendre des mesures sévères contre son journal. M. Houde a répondu que d’un côté ne voulant pas se mettre en guerre avec son évêque, et d’un autre côté sa conscience lui défendant de répudier l’article incriminé, il ne lui restait d’autre alternative que de sortir du journalisme et de remettre la propriété du Monde à d’autres.

M. Houde a ajouté qu’il ne voulait pas user de son droit d’appel à Rome parce qu’il ne croyait pas y obtenir justice. Ce dernier mot est excessivement malheureux, et nous sommes convaincu que M. Houde, qui est un catholique sincère, le regrette aujourd’hui.

Quant à l’article de M. Houde, nous le considérons comme fort regrettable. Quelle que soit la provocation, on ne doit jamais oublier ce grand principe catholique, que les dignitaires de l’Église ne sont pas responsables aux simples fidèles. Lorsqu’on a des griefs contre un évêque, un cardinal, il faut se plaindre au Pape, et ne point porter sa cause devant le tribunal incompétent de l’opinion publique. En un mot, il faut respecter l’ordre, et ne pas miner l’autorité en attaquant publiquement ceux qui en sont revêtus. Le journaliste catholique a pour mission d’apprendre au peuple à écouter l’autorité, non point à la juger.

Le devoir des catholiques, dans le moment actuel, est d’éclairer Rome sur la véritable situation du pays. Des articles de journaux ne régleront pas nos difficultés.



Le Journal de Québec, parlant de l’affaire de M. Houde, nous fait un petit bout de sermon sur la soumission que l’on doit à ses supérieurs ecclésiastiques et en particulier au Saint-Siège. Le Journal à ce propos parle même de schisme. Il ne s’agit ni de soumission, ni d’insubordination, ni d’obéissance, ni de désobéissance, ni de schisme, ni d’orthodoxie ; c’est une simple question de respect et d’égards, et nullement une question de foi. Une très grande partie de notre population se considère blessée dans la personne de ses représentants. A-t-elle tort ou raison de dire publiquement ce qu’elle ressent ? Voilà toute la question à résoudre. Personne du côté opposé du Journal ne combat les décrets, personne de ce côté là, non plus, ne conteste l’autorité du Saint-Siège. Encore une fois, c’est une simple question de respect. Le Journal est parfaitement libre de blâmer le ton sur lequel on répond à Son Éminence le cardinal Simeoni, mais il n’a pas le droit de troubler les consciences et d’entretenir la discussion en faisant d’une question d’égards, une question de dogme.

C’est la première fois que nous entendons dire que l’on « s’engage dans la voie qui conduit au schisme » en persistant, malgré tout, à porter ses griefs, prétendus ou réels, aux pieds du Souverain Pontife ! C’est tout simplement ridicule de parler de la sorte.

Si M. Bouchard veut réellement voir de la désobéissance, qu’il jette un coup d’œil sur la Patrie, la Tribune, l’Electeur. Il y trouvera des écrivains qui minent véritablement les doctrines romaines et qui font un abus effrayant du nom du Saint-Siège.



« Quelle différence y a-t-il, demande l’Électeur, entre ceux qui aujourd’hui disent que Léon XIII a été trompé sur la question de l’Université-Laval et Luther, qui au XVIème siècle, prétendait que Léon X avait été induit en erreur sur la question des indulgences ? Si le Monde et les journaux conservateurs qui marchent avec lui peuvent en appeler du Pape mal informé, au Pape mieux informé, comme le fit le fondateur du protestantisme, à quel titre peuvent-ils s’appeler le parti catholique. »

Ainsi parle M. Pacaud, ou quelqu’un en son nom, qui n’est pas plus fort que lui sur le droit canonique. La question de l’Université-Laval est une question de fait, et sans être hérétique, ou même mauvais catholique, on peut dire que le pape a été trompé sur cette question. La question des indulgences est une question de doctrine, ce qui est bien différent. Sur la doctrine, le pape est infaillible, il ne peut pas se tromper ; mais c’est exposer notre sainte religion à la risée des impies que de prétendre que les papes ne peuvent pas être induits en erreur lorsqu’il s’agit de faits particuliers.

Et cette affaire de l’appel du Pape mal informé au pape mieux informé, dont l’Électeur parle si lestement, s’applique également aux questions de doctrine. Sans doute, lorsque le pape s’est prononcé sur une question de doctrine on ne peut pas appeler de son jugement, car ce serait révoquer en doute son infaillibilité. Mais lorsqu’il s’agit d’une simple question de fait, d’une matière de discipline, d’opportunité, c’est bien différent. Lorsque le pape ne s’est pas prononcé ex-cathedrâ, rien n’empêche un catholique de prier le Saint-Père de reconsidérer sa décision.

Nous conseillons à l’Électeur de consulter quelque théologien avant de se lancer dans la discussion de questions dont il n’entend pas le premier mot.



M. David avait commencé par dire que le libéralisme catholique n’était pas condamné par Rome. Sommé de prouver son assertion, il nous dit que c’est le parti réformiste du Canada qui n’est pas condamné ! Comme si nous avions jamais dit le contraire.

Nous ne sommes pas partisan, comme vous, M. David. Nous ne prétendons pas que le parti dit libéral du Canada ait le monopole du libéralisme catholique. Ce poison existe en France, en Belgique, en Italie, en Espagne ; et dans notre pays un grand nombre d’hommes politiques, qui ne veulent pas qu’on les appelle libéraux, sont de vrais catholiques libéraux.

Encore une fois, M. David, l’Église condamne les mauvaises doctrines ; et ceux qui professent ces mauvaises doctrines, qu’ils s’appellent bleus ou rouges, libéraux ou conservateurs, qu’ils soient laïques ou ecclésiastiques, sont par là même condamnés.




11 février 1882

On lit dans la Tribune, journal de M. L. O. David :

« M. Tardivel de la Vérité, l’un de ces individus qui refusent de se soumettre aux décrets de Rome, veut absolument recommencer la vieille guerre contre les catholiques-libéraux. Tous les conservateurs et libéraux qui osent le contredire sur un point ou une virgule sont des catholiques libéraux. Eh bien ! oui, nous sommes catholique libéral comme Mgr  l’Archevêque de Québec, l’Université-Laval, le cardinal Simeoni, la Sacrée Congrégation et le Pape. »

D’abord, M. David, le mot individu est appliqué aujourd’hui à des gens trop respectables[3] pour que nous ayons le droit de nous en formaliser. Laissons donc passer l’individu.

Confrère David, nous vous sommons de faire voir comment et quand nous avons refusé de nous soumettre aux décrets de Rome. Si vous ne le faites pas, ou si vous ne vous rétractez pas, nous vous afficherons dans nos colonnes, pendant un an, s’il le faut, comme’ un menteur et un calomniateur public. Vite, exécutez-vous.

Est-ce en faisant la guerre aux catholiques libéraux, bleus ou rouges, que nous désobéissons aux décrets ? Ayez donc le courage de le dire, si vous le pensez.

Dans un autre article, M. David dit : « Si on avait eu le bon sens de s’attaquer exclusivement à ceux qui, dans les deux partis, avaient des principes condamnables » …C’est précisément ce que nous faisons, et M. David n’est pas content. Il affirme que nous refusons de nous soumettre à Rome.

Quand donc M. David sera-t-il assez homme q>our combattre en rase campagne, au lieu de se cacher derrière des personnages qu’il compromettrait à tout jamais s’il en avait le pouvoir ? Voyez-le ramasser mitres, crosses, chaires de professeurs, décrets et documents pontificaux ; regardez-le empiler tout cela pour se faire une barricade ! Avez-vous jamais vu spectacle plus disgracieux ? M. David, vous avez beau vous blottir à l’abri de ce rempart où vous n’avez pas le droit de vous réfugier, vous ne vous sauverez pas. Sans toucher à une seule de ces choses respectables que vous profanez en les mettant au-devant de votre chétive personne, nous saurons bien vous rejoindre.

Ce même M. David qui parle, avec une hypocrisie révoltante de respect envers l’autorité religieuse, se permet de faire la leçon à M. le grand vicaire Caron, administrateur du diocèse des Trois-Rivières, au sujet de sa lettre où Mgr  Laflèche est si noblement et si victorieusement défendu contre les attaques de ses ennemis ; il dit, avec une impudence incroyable, que « des mandements contre ceux qui manquent de respect aux cardinaux et au Pape auraient plus d’à propos en ce moment. » Voilà M. David dans un rôle nouveau ; c’est lui, dorénavant, qui va décider de l’à propos et de l’opportunité des lettres et des mandements des évêques et des administrateurs. Peut-être même le rédacteur de la Tribune va-t-il pousser la condescendance encore plus loin ; qui nous dit s’il ne voudra pas prendre l’initiative et indiquer à NN. SS. les évêques, ou à leurs remplaçants, les sujets qu’ils devront traiter. Ce sera vraiment délicieux de voir M. David inondant le pays de dépêches et de cartes postales conçues à peu près dans ces termes : M. le Grand Vicaire veuillez réprimer tel abus, condamner telle erreur ; Mgr , vous avez chez vous des individus qu’il faudrait excommunier sans délai, je vois dans votre diocèse certaines hérésies qu’il faudrait extirper tout de suite.

Du train que les choses vont, nous verrons cela avant longtemps.


18 février 1882

M. David consacre près de sept colonnes de la Tribune du 11 à discuter les questions religieuses qui agitent notre pays en ce moment. C’est une masse informe de principes et de doctrines admis et reconnus par tous les catholiques, de conclusions fausses, tirées de prémisses vraies, d’assertions inexactes, de faits mal présentés, de demi-vérités, d’erreurs subtiles, d’interprétations erronées. Cest le propre du catholicisme libéral de tout mêler, de tout confondre, de tout embrouiller. Et c’est précisément là ce qui le rend si dangereux. Car un écrit catholico-libéral renferme toujours assez de vérité pour le faire accepter par les masses, et assez d’erreur pour empoisonner ceux qui l’acceptent. Un autre trait caractéristique du libéralisme. c’est d’être difficile à saisir. Ainsi, pour réfuter le dernier numéro de la Tribune, il faudrait écrire une brochure de cent cinquante pages. Nous n’entreprendrons certainement pas ce travail, nous bornant à relever les erreurs les plus saillantes émises par notre confrère.

D’abord nous avons un article contre Mgr  Laflèche et M. le grand vicaire Caron.

Voici une phrase qui fera comprendre tout ce qu’il y a de haineux et d’injuste dans cet écrit :

« Sa Sainteté, en ordonnant cette manière de promulguer son décret a jugé à propos de se dispenser des services de Mgr  Laflèche et s’est adressé à ses diocésains par l’entremise de Mgr  l’archevêque de Québec. »

Comme si tous les évêques n’avaient pas été mis sur un pied d’égalité en cette circonstance ![4]

Ensuite, on demande « si M. l’administrateur du diocèse des Trois-Rivières n’aurait pas agi ultra vires en suspendant l’exécution des décrets dit Pape dans le diocèse jusqu’au retour de Rome au Mgr  Laflèche. » Quelle perfidie, quelle malhonnêteté ! Comme si M. le grand vicaire Caron avait suspendu l’exécution de ces décrets, comme s’il pouvait le faire, en supposant qu’il en eût la volonté. En effet, que disent ces décrets ? D’abord que c’est la volonté du Saint-Père que la succursale de l’Université-Laval soit maintenue à Montréal. Est-ce que M. le Grand Vicaire empêche en aucune façon le maintien de cette succursale ?

Ensuite, que le parti réformiste n’a pas été condamné par l’Église. Est-ce que M. le Grand Vicaire dit le contraire ?

De plus, que les évêques ne doivent pas demander l’amendement, de la loi électorale sans consulter le Saint-Siège. Est-ce que M. l’administrateur du diocèse des Trois-Rivières suspend en aucune manière l’exécution de cette partie du décret ?

Enfin, que le clergé doit s’abstenir d’une trop grande ingérence dans les affaires politiques du pays. M. le grand vicaire Caron s’oppose-t-il dans sa lettre à l’exécution de cette dernière partie des décrets ?

À toutes ces questions, il faut répondre : Non. Et comme les décrets ne prescrivent que ces quatre choses il faut être d’une mauvaise foi manifeste ou d’une ignorance déplorable pour soutenir que M. l’administrateur du diocèse des Trois-Rivières suspend l’exécution des décrets. »



La Tribune affirme, avec un aplomb superbe, que la Vérité soutient « qu’en dehors des questions de dogme on peut refuser d’obéir aux décrets du pape et des Congrégations parlant en son nom. » Nos lecteurs savent que c’est là une pure calomnie, que nous n’avons jamais rien dit de semblable. Il y a une question de dogme que le rédacteur de la Tribune oublie évidemment. Le voici :

« Faux témoignages ne diras
Ni mentirtas aucunement. »



M. David continue à identifier notre cause avec celle du Monde. Il sait pourtant bien que nous avons formellement condamné la position prise par M. Houde. Mais depuis quelque temps le démon de la calomnie semble s’être emparé du cœur de notre confrère.

M. David cite, en feignant de s’en scandaliser, une partie d’un de nos écrits où nous disons que le pape, infaillible lorsqu’il parle ex-cathedrâ, peut être induit en erreur sur une question de fait. Est-ce que M. David prétend que cela n’est pas conforme à la doctrine catholique ?

M. David persiste à vouloir se cacher derrière le Pape et la Propagande. Il dit : « Entre Mgr  Bourget, Mgr  Laflèche, M. Trudel, le Journal des Trois-Rivières et la Vérité d’un côté, et tous les autres évêques de la province, les cardinaux, la Sacrée-Congrégation et le pape de l’autre, nous optons pour ces derniers. Nous savons bien que dans la province de Québec il vaut mieux être de l’autre côté, mais c’est plus fort que nous, nous croyons que le pape a raison. »

N’est-ce pas un véritable scandale de voir M. David faire un tel abus du nom du Saint-Père ? Il avoue qu’il vaut mieux être de l’autre côté, c’est-à-dire que la grande majorité de notre population ne partage pas les idées de la Tribune ; cependant ce triste écrivain prétend que le pape est de son côté. En d’autres termes, M. David donne clairement à entendre que la majorité du peuple canadien est en révolte contre le Saint-Siège, puis qu’ici il « vaut mieux être du côté opposé au pape. » Quelle effronterie et quelle hypocrisie !

Ce qui nous console, c’est la certitude où nous sommes que, dans quelques mois d’ici peut-être, nous serons obligés de défendre les autres évêques de la province contre les attaques de M. David et de ses semblables.



La semaine dernière le Journal de Québec nous a consacré un assez long article. Le rédacteur de cette feuille ne trouve pas la Vérité orthodoxe. Hélas ! Un de nos articles, dit-il, est aussi regrettable que celui du Monde. Trois fois hélas !

Ça paraîtra peut-être étrange aux gens du Journal, mais franchement nous ne leur reconnaissons pas le droit de nous juger ; nous ne croyons pas qu’ils aient eu le temps de faire des études théologiques suffisamment fortes pour pouvoir se prononcer sur une question de doctrine ou de principes. Voyez-vous, ces messieurs ont passé les plus belles années de leur vie à voyager d’un camp politique à l’autre ; les courses et les savantes évolutions qu’ils ont dû faire pour se tenir toujours du côté du Gouvernement les ont nécessairement empêchés de lire dans les gros livres. S’il s’agissait d’une question de « carottes » ministérielles, s’il fallait établir les avantages d’une plume de fer sur une plume d’oie et la supériorité du sang sur l’encre, nous reconnaîtrions la compétence des messieurs du Journal ; mais en dehors de ce cercle assez restreint, nous ne les croyons pas bien capables.

Toutefois, nous admettons que, pour la lâcheté, les gens du Journal peuvent rendre des points à M. David lui-même, ce qui n’est pas peu dire. Notre confrère dit clairement qu’en le critiquant « nous visions d’autres personnes ! » Et par le contexte de l’article, il est évident, que l’on veut désigner par « d’autres personnes » des personnages haut placés !

C’est incroyable, mais c’est cela. Il faut que le sentiment de l’honneur soit passablement émoussé chez le journaliste qui ose imprimer une pareille couardise.

Ne touchez pas au journal de M. Augustin Côté, ne critiquez pas la prose de M. Bouchard de crainte de viser d’autres personnes ! ! !

Si l’on s’imagine dans les bureaux du Journal que c’est avec de telles menaces qu’on nous empêchera de dire notre façon de penser, on se trompe.

L’écrivain du Journal termine son article par la platitude suivante à notre adresse :

« Au reste, quand vous voudrez réfuter le Journal, vous ne vous adresserez pas aux personnes pour ne pas courir le risque de vous mettre un doigt dans l’œil, ainsi qu’il vous est arrivé dans votre dernier numéro. »

Nous ne nous sommes pas mis un doigt dans l’œil, pas le moins du monde ; mais si, par hasard, en voulant crever les yeux à M. Bouchard nous avons endommagé l’œil d’une personne respectable… tant pis pour cette personne ; elle n’avait pas d’affaire dans cette galère.



24 février 1882


Cyprien, le chroniqueur multicolore de la Patrie, continue à dégoiser contre Mgr  Laflèche de la manière la plus dégoûtante et à faire du persiflage au sujet des documents venus récemment de Rome. La meilleure preuve que cette feuille maçonnique n’a aucun respect pour le Saint-Siège, c’est le ton indécent sur lequel elle parle des actes de cet auguste tribunal. Elle a beau crier sur les toits que tous ceux qui ne pensent pas comme elle sont des révoltés, jamais elle ne pourra induire qui que ce soit à croire qu’un excommunié possède le droit de défendre l’Église.




Voici comment le rédacteur de la Tribune s’y prend pour prouver que nous désobéissons aux décrets » : —

« Est-ce que continuer à nous accuser de libéralisme catholique après les décrets  ; approuver en grande partie le Monde ; chercher à démontrer que le Pape a pu se tromper et être trompé et qu’on pouvait discuter et critiquer les décrets sans manquer d’obéissance et de respect, ne constitue pas des actes évidents de désobéissance ? C’est toujours bien l’opinion de Mgr  Taschereau. »

Est-il bon un peu ce brave M. David ? Est-il assez naïf ? C’est, désobéir aux décrets que de l’accuser, lui, M. David, de libéralisme catholique ! ! ! Mais c’est à se tordre, mais c’est à se rompre les côtes, c’est à se rouler par terre, c’est à s’étouffer, à se pâmer de rire, style Cyprien.

Les autres preuves de notre désobéissance ne sont pas drôles ; elles sont tout bonnement de gros mensonges. C’est le genre favori de M. David par le temps qui court. Pourtant, il réussit mieux dans le genre comique.

Non seulement nous n’avons pas approuvé « en grande partie » le Monde, nous l’avons formellement désapprouvé. Plus que cela, en le désapprouvant, nous nous sommes appuyé sur un principe vraiment catholique, ce que M. David, et beaucoup de ceux qui ont dénoncé M. Houde avec une extrême violence, n’ont pas fait. Nous avons condamné l’article du Monde parce que nous savons que l’opinion publique n’est pas un tribunal qui soit compétant pour juger les actes de l’autorité religieuse. M. David, au lieu de crier si haut et si faussement que nous avons approuvé « en grande partie » le Monde, ferait mieux de méditer ce principe fondamental auquel il a si souvent manqué dans ses écrits. Nous avons dit que sur les questions de fait le pape peut être trompé et nous mettons M. David au défi de nous prouver le contraire. Mais nous n’avons jamais dit qu’on pouvait discuter et critiquer publiquement des décrets pontificaux sans manquer de respect.

Nous avons blâmé les journaux qui, sous prétexte de reprendre M. Houde, émettaient les doctrines les plus absurdes et les plus dangereuses ; nous avons dénoncé ceux qui, par passion et par esprit de parti, allaient jusqu’à soutenir, implicitement, que le recours au pape est le premier pas vers le schisme, ce qui est une hérésie véritable. Voilà ce que nous avons dit, rien de plus, rien de moins, et encore une fois nous invitons M. David à prouver que nous avons eu tort. Il ne suffit pas pour lui de répéter sur tous les tons qu’il est avec le pape, la Propagande et l’archevêque ; cette corde là est usée.



24 mars 1882


M. David nous a adressé, il y a quelque temps, un « dernier mot » qui sera suivi de plusieurs autres. Dans cet écrit il y a bien des niaiseries que nous n’avons pas le loisir de relever. Par exemple, quand M. David persiste à dire que nous sommes condamné, et qu’il est approuvé par les décrets, il se rend ridicule, mais il ne mérite pas qu’on lui réponde sérieusement.

Mais il y a des choses plus graves dans cet article qu’il importe de signaler. M. David en est encore à se lamenter sur « le mal fait à la religion par ceux qui, faisant de la religion la servante, l’esclave de la politique, l’ont traînée sur les places publiques, dans la fange des luttes électorales. » Il a tout un chapitre sur ce ton là. Puis il ajoute : « On parle souvent du mal fait à la population par les Doutre, les Dessaulles et autres. Mais combien plus coupables sont ceux qui les ont poussés à bout ? »

Voyons, M. David. Vous allez trop loin, c’est sûr. Nous sommes bien prêt à convenir, avec vous, que certains journalistes et orateurs bleus ont donné un véritable scandale en identifiant leur petite cause, leurs intérêts particuliers avec la grande cause et les intérêts universels de l’Église. Ceux-là, nous les condamnons comme vous, peut-être plus sincèrement que vous. Mais est-ce que le fait de quelques écervelés justifie la conduite anti-catholique de ceux qui ont travaillé perfas et nefas à ruiner le prestige du clergé, et qui travaillent encore à cette œuvre dissolvante ?

M. David parle de ceux qui ont « déshonoré la religion en excommuniant en son nom tant de gens honnêtes. » En supposant que quelques bleus trop zélés aient anathématisé des gens honnêtes, est-ce une raison, est-ce même une excuse pour ces « gens honnêtes » de s’en prendre à tout le clergé ?

À l’heure présente nous voyons la Tribune, le Journal de Québec, la Patrie, l’Électeur et d’autres journaux encore « excommunier » des gens qui sont pour le moins aussi « honnêtes » que les amis de M. David, Et que dirait-on, si nous tenions le Pape, la Propagande, l’archevêque de Québec et l’Université-Laval responsables de toutes les extravagances que débitent chaque jour ceux qui prétendent parler en leur nom ? M. David serait le premier à nous condamner, et il aurait bien raison. Mais alors pourquoi, lui et ses amis, s’en prennent-ils à tout le clergé pour le fait de quelques individus ? Est-ce juste, est-ce raisonnable ?

Maintenant, pour prouver que c’est bien contre tout le clergé, y compris l’épiscopat, que M. David dirige son « dernier mot, » nous n’avons qu’à citer l’extrait suivant de son article :

« On nous disait, il y a quelques jours : « Mais quand donc avons-nous dit qu’on ne pouvait être catholique et libéral dans notre pays. » Quand ? Pendant dix ans et surtout sous le ministère MacKenzie, lorsque, pour renverser ce ministère, on crut que tous les moyens étoient bons. Les mandements et les sermons contre le libéralisme et les libéraux, commentés, expliqués et appliqués par tous les journaux conservateurs, n’ont-ils pas convaincu la moitié de la population qu’on ne pouvait être catholique et libéral ou réformiste ? Et quand, protestant contre les fausses applications qu’on faisait des condamnations portés par les papes contre le libéralisme européen, nous avons supplié les évêques d’empêcher un pareil abus de la religion, comment nous a-t-on répondu ? par des mandements pires que les premiers. »

Nous n’avons pas de longs commentaires à faire sur cet extrait. C’est d’un libéralisme achevé. Le seul fait de parler, sur un ton pareil, des mandements de nos évêques, de représenter notre clergé ; depuis l’archevêque jusqu’au plus humble curé de campagne, comme un corps d’hommes ignorants et fanatiques, ce fait seul, disons-nous, suffit pour faire condamner M. David. Car le rédacteur de la Tribune aura beau parler de Mgr  Bourget et de Mgr  Laflèche en particulier, il aura beau essayer de les représenter comme professant des doctrines différentes de celles de leurs collègues, il ne réussira pas à faire oublier au public intelligent que sur la question du libéralisme notre épiscopat a été unanime et l’est encore. Mgr  l’archevêque et tous ses suffragants ont signé ensemble le mandement du 22 septembre, où est si fortement condamné le libéralisme, tant canadien qu’européen ; ensemble ils ont condamné l’interprétation de la loi électorale donnée par la cour suprême ; ensemble ils ont protesté contre le scandale de Berthier. Et aujourd’hui, comme avant les décrets, il n’est pas permis d’être catholique libéral. Seulement, Rome nous dit que le parti réformiste, comme parti, n’est pas condamné par l’Église. Mais les catholiques libéraux, de quelque manteau qu’ils s’affublent, de quelque nom qu’ils se décorent, restent sous les censures de l’Église.

Nous, qui avons toujours dit qu’il ne suffisait pas de s’appeler conservateur pour n’être pas imbu des erreurs libérales condamnées par l’Église, non seulement nous ne « désobéissons pas aux décrets » comme le répète si faussement M. David, mais nous donnons aux paroles du Saint-Siège notre plus humble, comme notre plus entière adhésion ; et nous n’avons aucun effort à flaire, car ces paroles ne font que confirmer ce que nous avons toujours cru.



27 mai 1882


L’organe de la Franc-maçonnerie canadienne, la Patrie, continue son indigne persiflage à l’adresse de Mgr  Laflèche. Voici un échantillon de cette prose nauséabonde :

« Décidément Mgr  Laflèche paraît vouloir fixer définitivement sa résidence à Rome, qui deviendrait alors une succursale du diocèse des Trois-Rivières.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« On voit qu’avec un pareil arsenal, il sera facile à Mgr  Laflèche de tout renverser devant lui.

« En tous cas, on ne dira plus, j’espère, que le Pape a été trompé, qu’on lui a faussement représenté les choses, et qu’il a jugé à tâtons.

« Il ne nous reste qu’une chose à faire, c’est de l’acheter. Seulement, il faudra y mettre le prix, puisque, suivant nos saints programmeux, le Préfet de la Propagande nous a coûté 45 000 $, à lui tout seul.

« Et puis il faut se hâter, car si Rome devient une succursale de Trois-Rivières, cela donnera du prestige à Langevin, et puis Montréal sera complètement éclipsé par la grande métropole de la Pointe du Lac ! »


Nous n’avons qu’un mot à dire en réponse à ce polisson, c’est qu’il ment effrontément en affirmant que les programmeux, comme il les appelle, c’est-à-dire les catholiques non entachés de gallicanisme et de libéralisme, aient jamais dit ou insinué que le Préfet de la Propagande avait été acheté. C’est une atroce calomnie, et nous mettons l’écrivain de la Patrie au défi de prouver son assertion.

À force de répéter ce stupide mensonge, ce digne disciple de Voltaire croit qu’il en restera quelque chose.


  1. Il n’y en avait pas à la date de cet écrit.
  2. Voici cette lettre :
     
    De Son Éminence le Cardinal Simeoni, à Mgr l’Archevêque de Québec, 31 décembre 1881.
     
    Illustrissime et Révérendissime Seigneur,

    Le Saint-Père a appris avec déplaisir que certains catholiques de votre province cherchent à fomenter encore des discussions soit par rapport à l’ingérence indue dans les élections, soit par rapport à la succursale de l’Université-Laval établie à Montréal. Pour lever donc tout doute quelconque à ce sujet et pour mettre fin une fois pour toutes aux dissensions susdites, dans l’audience du 22 du courant, Il a de nouveau ordonné d’écrire à Votre Seigneurie que c’est sa volonté expresse que l’on observe rigoureusement les deux décrets donnés par Sa Sainteté sur les susdites questions, en septembre dernier, Que du reste, les individus qui se disent défenseurs de Montréal et qui restent encore à Rome, le font contre la volonté du Saint-Père, et abusent ainsi des circonstances politiques actuelles.

    Après avoir fait connaître ces choses, je m’offre à vous de tout cœur.

    Rome de la Propagande, 31 décembre 1881.

    De Votre Seigneurie,
    le très dévoué serviteur
    Jean Cardinal Simeoni,
    Préfet
    I. Masotti,
    Secrétaire.
    Mgr  Alexandre Tachereau,
    Archevêque de Québec.
  3. M. l’abbé A. Dumesnil et l’honorable F. X. A. Trudel visés dans la lettre du cardinal Simeoni du 31 décembre 1881. MM. Dumesnil et Trudel étaient allés à Rome plaider la cause de ceux qui demandaient l’établissement d’une université indépendante à Montréal et qui protestaient contre le monopole de Laval.
  4. On trouvera à la fin de ce volume les documents venus du Saint-Siège en date du 13 septembre 1881 et communiqués directement à la presse par de Mgr  l’archevêque de Québec, à la date du 9 octobre.