Mélanges/Tome I/13

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imprimerie de la Vérité (Ip. 50-51).

ILS VONT BIEN


4 mars 1882


M. l’abbé Martineau, du séminaire de Saint-Sulpice, a prêché naguère, à Montréal, contre un certain bal. Ou prétend qu’il a employé des expressions un peu vives ; nous n’avons pas la preuve du bien fondé de cette accusation. Mais nous admettons pour un instant que M. l’abbé Martineau soit allé trop loin. Que fallait-il faire ? Se plaindre, tout simplement, à l’évêque ou au supérieur de la maison à laquelle M. Martineau appartient. C’est, parait-il, ce que les intéressés ont fait, et en le faisant, ils usaient d’un droit incontestable. Mais la Patrie s’empare de cet incident et l’étale avec complaisance dans ses colonnes. C’est une première faute, car l’opinion publique n’est pas le tribunal compétent pour juger les actes du prêtre dans l’exercice de son ministère sacré.

Mais ce n’est pas tout. La feuille maçonnique termine ainsi un de ses articles sur ce sujet :

« Espérons que cette malheureuse affaire servira d’exemple à ceux qui pourraient être tentés de parler de choses qu’ils ne connaissent qu’imparfaitement et qui les regardent encore moins. »

Ainsi, il est bien compris, les prêtres n’ont plus le droit de parler contre les bals ; ils ne connaissent pas cela et cela ne les regarde pas. C’est le frère Beaugrand qui le dit :

N’est-ce pas qu’ils vont bien !

Est-ce que M. David va prétendre que les décrets de Rome justifient le langage de la Patrie ? Nous n’en serions pas surpris, car les principes du rédacteur de la Tribune le poussent naturellement à cette conclusion. Le prêtre, d’après M. David et les catholiques libéraux, doit rester dans la sacristie, son action ne doit pas s’étendre au dehors, ce qui se passe dans la société n’est pas de son ressort. De ce faux principe, que les catholiques libéraux prêchent, les libéraux impies, les francs-maçons, tirent les conclusions que vous voyez.

On commence par nier à l’Église le droit de diriger la société civile, et, peu à peu, par une logique fatale, on arrive à lui nier son droit de diriger la famille et les individus.

C’est la marche du libéralisme catholique dans tous les pays, et bien aveugles sont ceux qui ne voient pas la pente sur laquelle nous glissons rapidement vers l’abîme.