Mélanges historiques/06/14

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XIV

NOMS DE FAMILLE. — FÊTES DES FORGES. — LES PERRAULT. — CHARBON DE TERRE MENTIONNÉ. — FIN DE LA DOMINATION FRANÇAISE. — 1753-1760.

Le registre de la chapelle des Forges renferme en 1753 les noms suivants : mademoiselle Charlotte-Françoise de Grosbois, Charles Dugré, Jean-Baptiste Pratte, mademoiselle Catherine Moras, Antoine-Claude Leprouste, notaire des Trois-Rivières, et sa femme Anne Goubault. En 1754, M. Brassard, curé de Nicolet. Le frère Amiot apparaît le 27 mars après une absence de quelques mois. Il y a encore Charles Deserre employé comme charpentier aux Forges, Josette Rocheleau, Jean-Baptiste Morin ou Manseau dit Lajoie et sa femme Brigitte-Exupère Dupuis. Le sieur Hoire est mentionné. Théodore Panneton et sa femme Louise Gouin[1].

Le 19 septembre, inhumation d’un enfant d’un mois, né de dame Louise-Gabrielle de Croisille et de Jean-Jacques de Saint-Martin, officier dans les troupes.

Jean-Baptiste Pratte, né à Québec en 1710, marié aux Trois-Rivières en 1735 avec Claire Bouton, a par la suite toujours demeuré dans cette dernière ville.

Charles Dugré, né à Québec en 1728, marié aux Trois-Rivières en 1752 avec Suzanne Poitevin, a fondé la branche de sa famille aux Trois-Rivières où elle existe encore.

Charles Deserre, charpentier, était de Sorel. Il se fixa aux Trois-Rivières.

Jean-Jacques Gorge, sieur de Saint-Martin, fils de Jean-Baptiste et de Gabrielle Flaseur, paroisse d’Anien, diocèse de Vienne en Dauphiné, était officier dans les garnisons du Canada. Anien est aujourd’hui une localité de 600 habitants environ, canton de Rousillon, arrondissement de Vienne, Isère. En 1751, Gorge épousa Louise-Gabrielle, fille de Charles Le Gardeur de Croisille, lieutenant dans les troupes, et de Marie-Anne Robineau qui lui apporta la seigneurie de Bécancour[2].

En 1755, au registre de la chapelle des Forges, le frère Hippolyte Collet, récollet, signe un acte de baptême le 8 octobre, ensuite vient le père Hyacinthe Amiot. Je vois le nom de Fabien Badeaux.

Monseigneur de Pontbriand examine le registre des Forges, le 1er juillet 1755 et y trace ces lignes : « Vu et approuvé dans le cours de nos visites. Nous avons ordonné qu’il sera fait un état des ornements et de tout ce qui sera fourni à l’église de Saint-Maurice par le produit des quêtes et du casuel de la dite église. Ayant été informé qu’on chante en cette paroisse la grande messe, les vespres et qu’on donne la bénédiction du Très Saint Sacrement les jours de Saint-Éloi, de la Translation et de Saint-Thibault, parce que les forgerons ont choisi les deux premiers jours pour honorer leur patron et les charbonniers le troisième ; qu’il arrivait que, sous le prétexte de les fêter, pour ainsi dire solenniser plusieurs du village se laissaient (aller ?) à des excès scandaleux, loin de sanctifier ces jours, nous chargeons le missionnaire d’avertir les habitants de la paroisse que si, dans la suite, nous apprenons qu’on tombe dans les mêmes déréglements nous défendrons de faire dans ces jours aucune cérémonie extraordinaire. Nous chargeons le dit missionnaire de nous avertir toutes les années s’il y a eu des scandales. Sera la présente lue et publiée au prône de la grande messe dimanche prochain. »

Le 26 octobre 1756, « a été bénie par le Révérend Père Augustin Quintal, la cloche de cette paroisse, laquelle a été nommée, par Mr. Claude Cressé et dame Louise André de Rouville, du nom de Louise. »[3].

Madeleine-Françoise Béchard, veuve de Jean Mantenet, des Forges, se remarie cette année avec Nicolas Lapérouse. Ce ménage se fixa à Québec où Lapérouse mourut un an plus tard.

En 1756, au registre de la chapelle des Forges on voit les noms suivants : Charles Falaise de Gannes, lieutenant d’infanterie, et sa femme Marguerite-Angélique Villier ; c’est l’inhumation de leur enfant âgé de six semaines.

François Godard, arrivé en 1737, étant décédé, sa veuve, Marie Blais, épouse Pierre Milot aux Trois-Rivières le 9 février 1756.

Au registre de la chapelle des Forges, en 1757, se voit l’acte d’une sépulture d’enfant ondoyé par Charles Alavoine, médecin. On voit aussi les noms de Jean-François Chrétien et de sa femme Marie-Anne de Noyon.

Cette année mourut Marie Dubois, mère de Jean-Nicolas Robichon. On la dit née en 1667 mais cette date me paraît exagérée. L’acte est au registre des Trois-Rivières. Au même registre, le 28 septembre 1757, il y a mention de la sépulture de Pierre Becquet, né en 1697, « gardien aux forges du roi ».

Aux Trois-Rivières, le 12 septembre 1757, Jean-Baptiste Perrault, déjà mentionné, épousa Marie Lemaître. Comme il demeure aux Forges les bans sont publiés dans les deux places. Le frère François Carpentier signe au registre de la paroisse des Forges le 18 avril 1757.

Le 26 août 1758, au même registre, il y a l’acte d’inhumation de Marguerite-Josette, âgée de deux mois, enfant de Joseph Boucher, écuyer, sieur de Niverville et de dame Josette Chatelin.

Au registre des Trois-Rivières, le 17 janvier 1758, Pierre Philippe « directeur des forges Saint-Maurice », fils de Pierre et de Marie Feuillet, paroisse Segonsac, élection de Cognac en Saintonge, épouse Madeleine Chatelin, sœur de madame de Niverville[4]. La femme mourut en 1762 âgée de 21 ans.

Le 5 février 1759, aux Forges, Antoine Thara[5], sergent des troupes, fils de Hyacinthe et d’Anne Mangin, épouse Suzanne Chaput, veuve Hérard, des Forges, déjà mentionnés.

Dans un mémoire de l’année 1758 on lit : « Il y a une mine de charbon de terre dont on ne se sert en Canada que pour les forges du roi. » Il s’agit des mines du Cap-Breton, sans doute, puisque le Bas-Canada ne renferme aucun dépôt de ce charbon. Si on utilisait un charbon de terre à Saint-Maurice ce devait être dans les forges. La fonte du minerai était meilleure avec le charbon de bois et aussi la coulée des poêles.

Il faut dire ici que nous sommes au plus fort de la guerre de Sept Ans et que le Canada va bientôt passer sous le drapeau britannique.

Aux approches de la flotte de Saunders et de Wolfe, l’été de 1759, Jacques Perrault « l’aîné » et sa femme Charlotte de Boucherville, partirent de Québec pour se réfugier aux Trois-Rivières avec leurs huit enfants. Le 10 octobre suivant, ils firent baptiser Josette qui, en 1787, épousa Pierre-Louis Brassard, bien connu comme juge et qui mourut aux Trois-Rivières en 1802. Dans une lettre du mois de juillet 1760, on voit que Perrault est aux Forges avec sa famille. À partir de 1764 on les retrouve tous à Québec. Louis-François Perrault, frère de Jacques ci-dessus, avec sa femme Josette Baby, réfugiés aussi aux Trois-Rivières y firent baptiser des enfants les 8 mai 1759, 18 juin 1760 et 25 décembre 1761.

Madame Perrault fut inhumée dans ce lieu le 24 avril 1762. Son mari, ruiné par la guerre et la perte de la monnaie de carte, passa en France dans le dessein de se faire indemniser, puis, vers 1766, alla s’établir aux Illinois où ses enfants le rejoignirent en 1772 ; il y mourut l’année suivante. Son fils, Joseph-François, né en 1753, fut remarquable par ses voyages de commerce aux Illinois, ses écrits en faveur de l’agriculture et de l’instruction publique et aussi par son Histoire du Canada, la première d’une plume canadienne.

Jean-Baptiste Perrault, un autre frère de Jacques ci-dessus marié à Marie Lemaître, était marguillier aux Trois-Rivières en 1764. Le bureau de la monnaie de carte était dans sa maison. Seize ans plus tard, il fait acte de foi et hommage pour le fief Boucher au-dessus des Trois-Rivières, dans la banlieue. La dernière mention de lui que je connaisse est de 1797 où il siège comme juge de paix du district des Trois-Rivières. Son fils Jean-Baptiste, né vers 1760, se fixa à Michillimakinac. On a de lui des mémoires importants sur « les pays d’en haut » qu’il avait parcourus en tous sens.

Au registre de la chapelle des Forges, le 24 juillet 1760, est baptisé un fils de Charles Mayret (Maillet ?). Celui-ci appartient aux Trois-Rivières où il était marchand, bailli et notaire. Le parrain est Michel Chartier de Lotbinière. Le 27 août suivant, baptême de Louise, fille de Michel Chartier de Lotbinière, capitaine et ingénieur des troupes et de Louise Chaussegros de Léry. Parrain : Michel Chartier de Lotbinière, enseigne d’artillerie. Marraine : demoiselle Marie Deschenaux.

En ce moment, la flotte anglaise remontait très lentement le fleuve depuis Québec et prenait contact avec les Canadiens des deux rives. Je pense que M. de Lotbinière était aux Forges depuis plusieurs mois conduisant la fabrication des bouches à feu et du matériel de guerre. S’il en était ainsi, ses fonctions allaient bientôt cesser avec la fin des hostilités.

Le 8 septembre eut lieu la capitulation de Montréal. Dans l’article XLIV il est stipulé que les papiers des Forges Saint-Maurice passeront en France, excepté ceux qui concernent l’administration du pays. Nous avons maintenant copie de ces documents qui ont été retrouvés dans les archives de France, sinon tous du moins en grande partie.

Du 8 septembre 1760 au mois de mai 1763, la colonie resta sous le contrôle des autorités britanniques. C’est ce que l’on a appelé, faute de mieux, le régime militaire, mais il n’avait rien d’oppressif ; au contraire, il était plus libre que le régime français. William Pitt avait ordonné de ne rien faire pour inquiéter les habitants d’après le principe que si la couronne anglaise gardait le Canada il faudrait, à la signature de la paix, y trouver un peuple satisfait du changement d’autorité. Les tribunaux français étant disparus, on nomma les officiers de milice juges du pays et la langue française ne fut nullement inquiétée pour le moment. Ce furent trois années d’un calme surprenant, après une guerre acharnée de sept ans. La lutte, en Europe ne finit que l’automne de 1762.

La chapelle des Forges date de 1738 et a subi des changements au cours des années, mais dans l’état actuel c’est encore la construction de 1738.
Ruines du château ou « grande maison » vue du chemin. Le ruisseau qui coule en arrière de l’édifice, à droite, n’est plus visible.

Ruines d’un haut-fourneau.
Cheminée d’un haut-fourneau.

  1. Cette année 1753, il y avait aux Forges un nommé Jacques-Philippe Dauphins qui, en 1752, subit un procès criminel pour avoir volé deux haches aux Forges.
  2. Celle-ci mourut en 1761. Saint-Martin fut l’ami intime de Laterrière que nous verrons plus loin.
  3. Fille de Pierre André de Leigne, juge à Québec, et de Claudine Fremin.

    C’est la fille aux aventures ! De Rouville, son mari, avait été nommé le 16 février 1747, pour faire la police des Forges, et prononcer les sentences des différends qui naîtraient entre les employés (voir le Bulletin des recherches historiques, 1906, p. 137 et suivantes).

  4. Mgr Tanguay, Dictionnaire généalogique, vol. VI, p. 339.
  5. Il signe Tara.