Mémoires (Saint-Simon)/Tome 19/17

La bibliothèque libre.


CHAPITRE XVII.


Préparatifs du voyage de Reims, où pas un duc ne va, excepté ceux de service actuel et indispensable, et de ceux-là mêmes aucun ne s’y trouva en pas une cérémonie sans la même raison. — Désordres des séances et des cérémonies du sacre. — Étranges nouveautés partout. — Bâtards ne font point le voyage de Reims. — Remarques de nouveautés principales. — Cardinaux. — Conseillers d’État, maîtres des requêtes, secrétaires du roi. — Maréchal d’Estrées non encore alors duc et pair. — Secrétaires d’État. — Mépris outrageux de toute la noblesse, seigneurs et autres. — Mensonge et friponnerie avérée qui fait porter la première des quatre offrandes au maréchal de Tallard, duc vérifié. — Barons, otages de la sainte ampoule. — Peuple nécessaire dans la nef dès le premier instant du sacre. — Deux couronnes ; leur usage. — Esjouissance des pairs très essentiellement estropiée. — Le couronnement achevé, c’est au roi à se mettre sa petite couronne sur la tête et à se l’ôter quand il le faut, non à autre. — Festin royal ; le roi y doit être vêtu de tous les mêmes vêtements du sacre. — Trois évêques, non pairs, suffragants de Reims, assis en rochet et camail à la table des paris ecclésiastiques vis-à-vis-les trois évêques-comtes pairs. — Tables des ambassadeurs et du grand chambellan placées au-dessous de celles des pairs laïques et ecclésiastiques. — Lourdise qui les fait placer sous les yeux du roi. — Cardinal de Rohan hasarde l’Altesse dans ses certificats de profession de foi à MM. les duc de Chartres et comte de Charolois ; est forcé sur-le-champ d’y supprimer l’Altesse, qui l’est en même temps pour tous certificats et tous chevaliers de l’ordre nommés, avec note de ce dans le registre de l’ordre. — Ce qui est observé depuis toujours. — Grands officiers de l’ordre couverts comme les chevaliers. — Ridicule et confusion de la séance. — Princes du sang s’arrogent un de leurs principaux domestiques près d’eux à la cavalcade, où [il y a] plus de confusion que jamais. — Fêtes à Villers-Cotterêts et à Chantilly. — La Fare et Belle-Ile à la Ferté. — Leur inquiétude, et mon avis que Belle-Ile ne peut se résoudre à suivre. — Survivance du gouvernement de Paris du duc de Tresmes à son fils aîné. — Signature du contrat du futur mariage de Mlle de Beaujolois avec l’infant don Carlos. — Départ et accompagnement de cette princesse. — Laullez complimenté par la ville de Paris, qui lui fait le présent de la ville. — Mort à Rome de la fameuse princesse des Ursins. — Mort de Madame ; son caractère. — Famille et caractère de la maréchale de Clerembault. — Sa mort. — Mariage de Mme de Cani avec le prince de Chalois, et du prince de Robecque avec Mlle du Bellay. — Paix de Nystadt entre le czar et la Suède.


Le temps du sacre s’approchoit fort. À la façon dont tout s’étoit passé depuis la régence, je compris que le sacre, qui est le lieu où l’état et le rang des pairs a toujours le plus paru, se tourneroit pour eux en ignominie. Le principal coup leur étoit porté par l’édit de 1711, qui attribuoit aux princes du sang, et, à leur défaut, aux bâtards du roi et à leur postérité, la représentation des anciens pairs au sacre, de préférence aux autres pairs. L’ignorance, la mauvaise foi, et la malignité éprouvée du grand maître des cérémonies, l’orgueil du cardinal Dubois de tout confondre et de tout abattre pour relever d’autant les cardinaux, le même goût de confusion, par principe, de M. le duc d’Orléans, me répondoient du reste. Je le sondai néanmoins ; je représentai, je prouvai inutilement ; je ne trouvai que de l’embarras, du balbutiement, et un parti pris. Le cardinal Dubois, qui sut apparemment de M. le duc d’Orléans que je lui avois parlé, et que je n’étois pas content, m’en jeta des propos, et tâcha de me faire accroire des merveilles. Il craignit ce qui arriva. Il voulut m’amuser et laisser les ducs dans la foule. Il me pressa sur ce que je croyois qu’il convenoit aux ducs. Je ne voulus point m’expliquer que je n’eusse parlé à plusieurs, quelque résolution que j’eusse prise, comme on l’a vu ailleurs, de ne me mêler plus de ce qui les regardoit. Pressé de nouveau par le cardinal, je lui dis enfin ce que je pensois. Il bégaya, dit oui et non, se jeta sur des généralités et des louanges de la dignité, sur la convenance, même la nécessité qu’ils se trouvassent au sacre, et qu’ils y fussent dignement, s’expliquant peu en détail. Je lui déclarai que ces propos n’assuroient rien : mais que d’aller au sacre pour y éprouver des indécences, et pis encore, ce ne seroit jamais mon avis ; que si M. le duc d’Orléans vouloit que les ducs y allassent, il falloit convenir de tout, l’écrire par articles, et que M. le duc d’Orléans le signât double, et en présence de plusieurs ducs ; qu’il en donnât un au grand maître des cérémonies, avec injonction bien sérieuse de l’exacte exécution, l’autre à celui des ducs qu’il en voudroit charger.

Dubois, qui n’avoit garde de se laisser engager de la sorte, parce qu’il vouloit attirer les ducs et se moquer d’eux, se récria sur l’écriture, et vanta les paroles. Je lui répondis nettement que l’affaire du bonnet et d’autres encore avoient appris aux ducs la valeur des paroles les plus solennelles, les plus fortes, les plus réitérées ; qu’ainsi il falloit écrire ou se passer de gens qu’il regardoit comme aussi inutiles, sinon à grossir la cour. Le cardinal se mit sur le ton le plus doux, même le plus respectueux, car tous les tons différents ne lui coûtoient rien, et n’oublia rien pour me gagner. Il me détacha après Belle-Ile et Le Blanc pour me représenter que je ne pouvois m’absenter du sacre sans quelque chose de trop marqué, le désir extrême du cardinal que je m’y trouvasse et de m’y procurer toutes sortes de distinctions. M. le duc d’Orléans me demanda si je n’y viendrois pas, et sans oser ou vouloir m’en presser, fit ce qu’il put pour m’y engager. Comme ils sentirent enfin qu’ils n’y réussiroient pas, le cardinal se mit à me presser par lui-même et par ses deux envoyés de ne pas empêcher les autres ducs d’y aller, et de considérer l’effet d’une telle désertion. Je répondis que c’étoit à ceux qui pouvoient l’empêcher, en mettant l’ordre nécessaire, à y faire leurs réflexions ; que je ne gouvernois pas les ducs, comme il n’y avoit que trop paru, mais que je savois ce qu’ils avoient à faire, et me tins fermé [1] à cette réponse.

Je m’étois assuré plus facilement que je ne l’avois espéré que pas un d’eux n’irait, excepte ceux à qui leurs charges rendoient le voyage indispensable, et que de ceux-là mêmes aucun ne se trouveroit dans l’église de Reims, ni à pas une seule des cérémonies, comme celle des autres églises, et celle du festin royal et de la cavalcade, excepté ceux que leurs charges y forceroient, et qu’ils sacrifieroient toute curiosité à ce qu’ils se devoient à eux-mêmes, ce qui fut très fidèlement et très ponctuellement exécuté. Quand je fus bien assuré de la chose, j’allai, quatre ou cinq jours avant le départ du roi, prendre congé de M. le duc d’Orléans et dire adieu au cardinal Dubois avec un air sérieux, pour m’en aller à la Ferté, et je partis le lendemain. Tous deux s’écrièrent fort ; mais, ne pouvant me persuader le voyage de Reims, ils firent l’un et l’autre ce qu’ils purent pour m’engager à me trouver au retour à Villers-Cotterêts, où M. le duc d’Orléans préparoit de superbes fêtes. Je répondis modestement que, ne pouvant avoir de part aux solennités de Reims, je me trouverois un courtisan fort déplacé à Villers-cotterêts, et tins ferme à toutes les instances. J’étois convenu avec les ducs que pas un n’irait de Paris ni de Reims, hors ceux qui ne pouvoient s’en dispenser par le service actuel de leurs charges. Et cela fut exécuté avec la même ponctualité et fidélité. J’allai donc à la Ferté cinq ou six jours avant le départ du roi, et n’en revins que huit ou dix après son retour.

Le désordre du sacre fut inexprimable, et son entière dissonance d’avec tous les précédents. On y en vit dans le genre de ceux qui eurent ordre de s’y trouver et de ceux qui n’en eurent point, et le projet de l’exclusion possible de toutes dignités et de toute la noblesse y sauta aux yeux. Il ne fut pas moins évident qu’on l’y voulut effacer par la robe et jusque par ce qui est au-dessous de la robe, ces deux genres de personnes y ayant été nommément mandées et conviées, et nul de la noblesse, excepté le peu d’entre elles qui y eurent des fonctions qui ne se pouvoient donner hors de leur ordre. Le même désordre par le même projet régna dans les séances de l’église de Reims, la veille aux premières vêpres du sacre, le jour du sacre, et le lendemain, pour l’ordre du Saint-Esprit, que le roi reçut, puis conféra ; au festin royal ; à la cavalcade, enfin partout. C’est ce qui va être expliqué par quelques courtes remarques. Il y en auroit tant à faire qu’on ne s’arrêtera qu’à ce qui regarde le sacre, le festin royal et l’ordre du Saint-Esprit. Je n’ai point su quelles furent les prétentions des bâtards ; mais le duc du Maine, ni ses deux fils, ni le comte de Toulouse ne firent point le voyage de Reims ; et le comte de Toulouse, qui en fut pressé, le refusa nettement et demeura à Rambouillet. Des six cardinaux qu’il y avoit à Paris, le seul cardinal de Noailles n’y fut point invité. Ce fut un hommage que le cardinal Dubois voulut rendre au cardinal de Rohan et à la constitution Unigenitus, qui l’avoient si bien servi à Rome pour son chapeau. Par cette exclusion, le cardinal de Rohan se trouva à la tête des quatre autres cardinaux. La même reconnoissance pour les deux frères d’avoir si onctueusement avalé la déclaration de premier ministre, après en avoir été si cruellement joués, fit aussi choisir le prince de Rohan pour faire la charge de grand maître de France, au lieu de M. le Duc qui l’étoit, mais qui représentoit le duc d’Aquitaine.

Les pairs ecclésiastiques devoient à deux titres avoir la première place de leur côté. Ils avoient sans difficulté, avec les pairs laïques, la fonction principale dans toute la cérémonie, et l’archevêque de Reims étoit le prélat officiant et dans son église : les cinq autres le joignoient sur la même ligne, et y étoient les principaux officiers. Voilà donc deux raisons sans réplique. L’usage des précédents sacres en étoit une troisième. Le cardinal Dubois vouloit signaler son cardinalat, et primer à l’appui de ses confrères. Il ne voulut donc pas les placer derrière les pairs ecclésiastiques, et il n’osa les mettre devant eux pour troubler toute la cérémonie. Il fit donner aux cardinaux un banc un peu en arrière de celui des pairs ecclésiastiques, mais poussé assez haut pour qu’il n’y eût rien entre ce banc et l’autel, et que le dernier cardinal, qui étoit Polignac, ne fût pas effacé par l’archevêque de Reims, ni par l’accompagnement ecclésiastique qui étoit près de lui debout. Ainsi les archevêques et évêques, et à leur suite le clergé du second ordre, fut placé sur des bancs derrière celui des pairs ecclésiastiques, et plus arriéré que celui des cardinaux. Sur même ligne que les bancs des archevêques, évêques et second ordre, et au-dessous, étoient trois bancs, sur lesquels furent placés dix conseillers d’État, dix maîtres des requêtes, et, pour que rien ne manquât à la dignité de cette séance, six secrétaires du roi, tous députés de leurs trois compagnies ou corps, qui avoient été invités.

De l’autre côté, les pairs laïques vis-à-vis des pairs ecclésiastiques, et rien vis-à-vis des cardinaux. Derrière les pairs laïques les trois maréchaux de France nommés pour porter les trois honneurs. Il faut se souvenir que le maréchal d’Estrées qui, comme l’ancien des deux autres, étoit destiné pour la couronne, ne devint duc et pair que le 16 juillet 1723, par la mort sans enfants du duc d’Estrées, gendre de M. de Nevers. Au-dessous du banc des honneurs, et un peu plus reculé, étoit le banc des seuls secrétaires d’État, et rien devant eux qu’un bout de la fin du banc des pairs laïques. Il est vrai qu’il y eut un moment court de la cérémonie, où on mit devant les secrétaires d’État un tabouret placé vis-à-vis l’intervalle entre le banc des pairs laïques et celui des honneurs, où se mit le duc de Charost ; mais outre que cela fut pour très peu de temps, la séance accordée aux secrétaires d’État n’en fut pas moins grande, puisque le duc de Charost ne prit cette place pendant quelques moments qu’en qualité de gouverneur du roi, qui n’est pas une charge qui existe ordinairement lors d’un sacre.

Derrière le banc des trois maréchaux de France destinés à porter les honneurs, les maréchaux de Matignon et de Besons y furent placés ; et sur le reste de leur banc, qui s’étendoit derrière celui des secrétaires d’État, les seigneurs de la cour et d’autres que la curiosité avoit attirés, sans que pas un fût convié, y furent placés au hasard et sur d’autres bancs derrière. Ainsi les conseillers d’État, maîtres des requêtes et secrétaires du roi d’un côté, et les secrétaires d’État de l’autre, tous conviés, eurent les belles séances, et les gens de qualité furent placés en importuns curieux où ils purent, comme le hasard ou la volonté du grand maître des cérémonies les rangea pour remplir les vides d’un spectacle où ils n’étoient point conviés, et où leur curiosité fit nombre inutile ; tant, jusqu’aux secrétaires du roi, tout homme à collet fut là supérieur à la plus haute noblesse de France.

Les quatre premières chaires du chœur, de chaque côté, les plus proches de l’autel, furent occupées par les quatre chevaliers de l’ordre qui devoient porter les quatre pièces de l’offrande, et par les quatre barons chargés de la garde de la sainte ampoule. On a ici remarqué ailleurs la friponnerie mise exprès dans un livre des cérémonies du sacre du feu roi, que le grand maître des cérémonies fit imprimer et publier quelques mois auparavant celui-ci, où mon père étoit nommé comme portant une de ces offrandes. J’eus beau dire, publier et déclarer alors, que c’étoit une faute absurde dans la prétendue relation de ce livre du sacre du feu roi ; que c’étoit mon oncle, frère aîné de mon père, et chevalier de l’ordre en 1633, en même promotion que lui, qui porta un des honneurs, et non mon père, qui étoit alors depuis longtemps à Blaye, et qui y demeura longtemps depuis, fort occupé pour le service du roi contre les mouvements, puis de la révolte de Bordeaux et de la province. Ce même service occupoit beaucoup de pairs dans leurs gouvernements, et en fit manquer pour la représentation des anciens pairs au sacre, en sotte que si mon père se fût trouvé à Paris, il eût représenté un de ces anciens pairs, puisqu’à leur défaut il fallut avoir recours à un duc non vérifié, ou, comme on parle, à brevet, qui fut M. de Bournonville, père de la maréchale de Noailles.

Cette fausseté n’avoit pas été mise pour rien dans ce livre répandu exprès dans le public avec bien d’autres fautes. Le parti étoit pris. On avoit résolu de confondre les ducs avec des seigneurs ou autres qui ne l’étoient pas, de la manière la plus solennelle, et on en choisit un qui n’avoit garde de se refuser à rien, et conduit par des gens dont les chimères avoient le même intérêt. Ce fut le maréchal de Tallard, duc vérifié, et non pas pair, qui fut mis à la tête du comte de Matignon, de M, de Médavy, depuis maréchal de France, et de Goesbriant, tous chevaliers de l’ordre, et Tallard fit ainsi la planche inouïe et première de dette association, en même fonction d’un duc ; même d’un maréchal de France, avec trois autres qui ne l’étoient pas, et qui n’avoit jamais été faite par un maréchal de France, beaucoup moins par un duc.

À l’égard des quatre barons de la sainte ampoule, placés vis-à-vis, ce fut une indécence tout à fait nouvelle, accordée à leur curiosité de voir le sacre, et c’en fut une autre bien plus marquée de placer dans les quatre chaires basses, au-dessous d’eux, leurs quatre écuyers tenant leurs pennons [2] flottants à leurs armes au revers de celles de France, tandis que les princes du sang, représentant les anciens pairs, ni pas un autre homme en fonction, n’avoient ni écuyers ni pennons. La fonction de ces quatre barons en étoit interceptée. Leur charge est d’être otages de la restitution de la sainte ampoule à l’église abbatiale de Saint-Remi après le sacre. Pour cet effet, ils doivent marcher ensemble, à cheval, avec leurs écuyers portant chacun le pennon éployé aux armes de son maître, et point avec les armes de France, à cheval aussi devant le sien, et les barons environnés de leurs pages et de leur livrée, et aller ainsi depuis l’archevêché, comme députés pour ce par le roi, à l’abbaye de Saint-Remi, où arrivés, ils doivent être de fait, ou supposés enfermés dans un appartement de l’abbaye, et sous clef, depuis l’instant que la sainte ampoule en part jusqu’à celui où elle y est rapportée et replacée, et alors être délivrés, comme dûment déchargés de leur fonction d’otages et de répondants de la restitution et remise de la sainte ampoule, et retourner, de l’abbaye de Saint-Remi à l’archevêché avec le même cortège qu’ils en étoient venus. Ainsi leurs pennons uniques ne préjudicioient à personne, puisque, ni dans la marche à l’aller et au retour, les quatre barons étoient seuls ainsi que dans l’abbaye, et ces pennons de plus ne devoient servir en effet qu’à être appendus dans l’église de l’abbaye, en mémoire et en honneur de la fonction d’otage de la restitution de la sainte ampoule, faite et remplie par ces quatre barons.

Voici bien une autre faute sans exemple en aucun des sacres précédents et tout à fait essentielle, et telle que je ne puis croire qu’elle ait été commise en effet dans la cérémonie, mais que le goût d’énerver tout, et l’esprit régnant de confusion a fait mettre dans les relations de la Gazette, et publiques et autorisées. Elle demande un court récit. Le peuple, qui depuis assez longtemps fait le troisième ordre, mais diversement composé, le peuple, dis-je, simple peuple ou petits bourgeois, ou artisans et manants, a toujours rempli la nef de l’église de Reims au moment que le roi y est amené. Il est là comme autrefois aux champs de Mars, puis de Mai, applaudissant nécessairement, mais simplement à ce qui est résolu et accordé par les deux ordres du clergé et de la noblesse. Dès que le roi est arrivé et placé, l’archevêque de Reims se tourne vers tout ce qui est placé dans le chœur, pour demander le consentement de la nation. Ce n’est plus, depuis bien des siècles, qu’une cérémonie, mais conservée en tous les sacres, et qui, suivant même les relations des gazettes, et autres autorisées et publiées, l’a été en celui-ci. Il faut donc que, comme aux anciennes assemblées de la nation aux champs de Mars, puis de Mai, puisque cette partie de la cérémonie en est une image, que la nef soit alors remplie de peuple pour ajouter son consentement présumé à celui de ceux qui sont dans le chœur, comme dans ces assemblées des champs de Mars, puis de Mai, la multitude éparse en foule dans la campagne, acclamoit, sans savoir à quoi, à ce que le clergé et la noblesse, placés aux deux côtés du trône du roi, consentoit aux propositions du monarque, sur lesquelles ces deux ordres avoient délibéré, puis consenti. C’est donc une faute énorme, tant contre l’esprit que contre l’usage constamment observé en tous les sacres jusqu’à celui-ci, de n’ouvrir la nef au peuple qu’après l’intronisation au jubé.

On se sert au sacre de deux couronnes : la grande de Charlemagne, et d’une autre qui est faite pour la tête du roi, et enrichie de pierreries. La grande est exprès d’une largeur à ne pas pouvoir être portée sur la tête, et c’est celle qui sert au couronnement. Elle est faite ainsi pour donner lieu aux onze pairs servants d’y porter chacun une main au moment que l’archevêque de Reims l’impose sur la tête du roi, et de le conduire, en la soutenant toujours, jusqu’au trône du jubé, où se fait l’intronisation. Il est impossible, par la forme de cette ancienne couronne, que cela ait pu se pratiquer autrement ; mais les relations approuvées et publiées ont affecté de brouiller cet endroit si essentiel de la cérémonie, ne parlant point exprès, pour exténuer tout, du soutien de la couronne de Charlemagne sur la tête du roi par les pairs, et laissent croire qu’il l’a portée immédiatement sur sa tête. Ce n’est pas la seule réticence affectée de cet important endroit de la cérémonie. Elles taisent la partie principale de l’intronisation, qui s’appelle l’esjouissance des pairs, et voici ce qui a été soigneusement omis par ces relations tronquées. Chaque pair, ayant baisé le roi à la joue assis sur son trône, fait de façon que de la nef il est vu à découvert depuis les reins jusqu’à la tête : le pair qui a baisé le roi se tourne à l’instant à côté du roi, le visage vers la nef, s’appuie et se penche sur l’appui du jubé, et crie au peuple : « Vive le roi Louis XV ! » À l’instant le peuple crie lui-même : « Vive le roi Louis XV ! » À l’instant une douzième partie des oiseaux tenus exprès en cage sont lâchés ; à l’instant une douzième partie de monnaie est jetée au peuple. Pendant ce bruit le premier pair se retire à sa place sur le jubé même ; le second va baiser le roi, se pencher au peuple et lui crier le « Vive le roi Louis XV ! » À l’instant autres cris redoublés du peuple, autre partie d’oiseaux lâchés, autre partie de monnaie jetée, et ainsi de suite jusqu’au dernier des douze pairs servants.

Les relations disent tout hors cette proclamation des pairs au peuple, et cette distribution d’oiseaux et de monnaie à chacune des douze proclamations. La raison de ce silence est évidente ; je me dispenserai de la qualifier. Je ne parle point des fanfares et des décharges qui accompagnent chaque proclamation, et dont le bruit, ainsi que celui de la voix de tout ce qui est dans la nef ne cesse point, mais redouble à chaque proclamation et ne commence qu’à la première. L’autre couronne se trouve au jubé. Dès que le roi y est assis, la grande couronne est déposée à celui qui est choisi pour la porter, et c’est le roi lui-même qui prend la petite couronne et qui se la met sur la tête, qui se l’ôte et se la remet toutes les fois que cela est à faire. Je ne sais si les relations sont ici fautives, il seroit bien plus étrange qu’elles ne le fussent pas. La raison de cela est évidente ; et quand il va à l’autel pour l’offrande et pour la communion, et qu’il en revient au jubé, c’est après avoir ôté sa petite couronne, qui demeure sur son prie-Dieu au jubé, et les pairs lui tiennent la grande couronne sur sa tête, excepté, pour ces deux occasions, l’archevêque de Reims qui demeure à l’autel.

Les relations ne disent pas un mot des fonctions de l’évêque-duc de Langres, ni des évêques-comtes de Châlons et de Noyon [3].

Il y eut, au festin royal, ou une faute dans le fait, ou une méprise dans les relations si la faute n’a pas été faite, et deux nouveautés qui n’avoient jamais été à pas un autre festin du sacre avant celui-ci. La faute ou la méprise est que les relations disent que le roi étant revenu de l’église en son appartement, on lui ôta ses gants pour les brûler, parce qu’ils avoient touché aux onctions, et sa chemise pour la brûler aussi par la même raison ; qu’il prit d’autres habits que ceux qu’il avoit à l’église, reprit par-dessus son manteau royal, et conserva sa couronne sur sa tête. Les gants ôtés et brûlés, cela est vrai et s’est toujours pratiqué, d’abord en rentrant dans son appartement, la chemise aussi ; mais, à l’égard de la chemise, ordinairement elle n’est ôtée qu’après le festin, lorsque le roi, retiré dans son appartement, quitte ses habits royaux pour ne les plus reprendre. Que si quelquefois il y a eu des rois qui ont changé de chemise avant le festin royal, ils ont repris tous les mêmes vêtements qu’ils avoient à l’église pour aller au banquet royal. C’est donc une faute et une nouveauté s’il en a été usé autrement, sinon une lourde méprise aux relations de l’avoir dit, et un oubli d’avoir omis quel fut l’habit que ces relations prétendent que le roi prit dessous son manteau royal pour aller au festin.

À l’égard des deux nouveautés, l’une fut faite pour tout confondre, l’autre par une lourde imprudence qui vint d’embarras. La première fut de faire manger à la table des pairs ecclésiastiques les évêques de Soissons, Amiens et Senlis, comme suffragants de Reims, sans aucune prétention ni exemple quelconque en aucun festin royal du sacre avant celui-ci. La suffragance de Reims n’a jamais donné ni rang ni distinction ; c’est la seule pairie qui les donne. Cela est clair par le siège de Soissons, qui n’en a point, quoique premier suffragant, quoique cette primauté de suffragance lui donne le droit de sacrer les rois en vacance du siège de Reims, ou empêchement de ses archevêques ; et le siège de Langres, dont l’évêque est duc et pair, et toutefois suffragant de Lyon. Jamais qui que ce soit, avant ce sacre, n’avoit été admis à la table des pairs ecclésiastiques ; aussi dans cette entreprise n’osa-t-on pas y mettre d’égalité. Les pairs ecclésiastiques étoient à leur table en chape et en mitre, comme ils y ont toujours été, de suite et tous six du même côté, joignant l’un l’autre, l’archevêque de Reims à un bout avec son cortége de chapes derrière lui debout, et sa croix et sa crosse portées par des ecclésiastiques en surplis devant lui, la table entre-deux, et l’évêque de Noyon à l’autre bout. Les trois évêques, qu’on peut appeler parasites, furent en rochet et camail, et apparemment découverts, puisque les relations taisent le bonnet carré, et placés de l’autre côté de la table, et encore au plus bas bout qu’il se put, vis-à-vis des trois évêques comtes-pairs. Outre le préjudice de la dignité des pairs dans une cérémonie si auguste, et où ils figurent si principalement, c’étoit manquer de respect au roi, en présence duquel et à côté de lui dans la même pièce, c’est manger avec lui, quoiqu’à différente table, et jamais évêque ni archevêque n’a mangé en aucun cas avec nos rois s’il n’a été pair ou prince, comme il a été expliqué ici ailleurs, jusqu’à ce que l’ancien évêque de Fréjus se fit admettre le premier dans le carrosse du roi, puis à sa table, ce qui a été le commencement de la débandade qui s’est vue depuis en l’un et en l’autre ; c’étoit faire une injure aux officiers de la couronne qui sont bien au-dessus des évêques, qui en ce festin du sacre, tout grands qu’ils sont, ne sont pas admis à la table des pairs laïques, et ne le furent pas non plus en celui-ci. En un mot, il n’a jamais été vu en aucun autre sacre que qui que ç’ait été ait mangé à la vue du roi au festin royal, autres que les six pairs laïques et les six pairs ecclésiastiques qui avoient servi au sacre.

L’autre nouveauté, qui fut une très lourde bévue, vint de l’embarras qui étoit né de la facilité qu’on laisse à chacun de faire ce qui lui plaît, sans penser aux conséquences. La pièce, de tout temps destinée au festin royal du sacre, dans l’ancien palais archiépiscopal de Reims, étoit une pièce vaste et fort extraordinaire, en ce qu’elle étoit en équerre, en sorte que ce qui se passoit dans la partie principale de cette pièce ne se voyoit point de ceux qui étoient dans la partie de la même pièce qui étoit en équerre, et réciproquement n’étoit point vu de ceux qui étoient dans la partie principale de la même pièce. L’équerre étoit aussi fort spacieuse et profonde, et c’étoit dans cette équerre qu’étoient les tables des ambassadeurs et du grand chambellan, tellement qu’elles étoient également toutes deux dans la même pièce où étoit la table du roi, et celle des pairs laïques et ecclésiastiques, et toutefois entièrement hors de leur vue. L’archevêque de Reims Le Tellier, qui travailla beaucoup à ce palais archiépiscopal, trouvant cette pièce immense baroque, la rompit sans penser aux suites, ou sans s’en mettre en peine, et le feu roi l’ignora, ou ne s’en soucia pas plus que lui. De là l’embarras où placer les tables des ambassadeurs et du grand chambellan : on ne pouvoit les placer dans la même pièce de celle du roi, sans être sous sa vue, ni lui en dérober la vue qu’en les mettant dans une autre pièce. On ne songea seulement pas qu’avant le changement fait à cette pièce, elle étoit aussi capable qu’alors de contenir ces deux tables, et qu’elles avoient néanmoins été toujours mises dans l’équerre, que l’archevêque Le Tellier n’avoit fait que couper, pour les dérober à la vue du roi ; ce qui devoit déterminer à les mettre encore dans cette même équerre, quoique coupée et faisant une autre pièce. On sauta donc le bâton, on les mit dans la pièce où étoit la table du roi, et on les plaça sur même ligne, mais au-dessous des deux tables des pairs laïques et ecclésiastiques, d’où résulta nouvelle difformité, en ce que ces évêques, non pairs, suffragants de Reims, qu’on fit manger pour la première fois à la table des pairs ecclésiastiques, se trouvèrent à une table supérieure à celle des ambassadeurs et à celle du grand chambellan, avec qui ces évêques n’ont pas la moindre compétence ; et, pour rendre la chose plus ridicule, à une table supérieure à celle où le chancelier mangeoit, et placé comme eux au bas-côté de la table inférieure à la leur, lui qui ne leur donne pas la main chez lui, et dont le style de ses lettres à eux est si prodigieusement supérieur. Ajoutons encore l’énormité de faire manger à la vue du roi, en une telle cérémonie, les deux introducteurs des ambassadeurs, tant par leur être personnel que par la médiocrité de leur charge, parce qu’ils doivent manger à la table des ambassadeurs. Les réflexions se présentent tellement d’elles-mêmes sur un si grand amas de dissonances de toutes les espèces, nées de toutes ces nouveautés, que je les supprimerai ici. Venons maintenant à ce qui se passa pour l’ordre du Saint-Esprit, que le roi reçut le lendemain matin des mains de l’archevêque de Reims, et qu’il conféra ensuite, comme grand maître de l’ordre, au duc de Chartres et au comte de Charolois.

La règle est que ceux qui sont nommés chevaliers de l’ordre, entre plusieurs formalités préparatoires, font à genoux, chez le grand aumônier de France, qui l’est né de l’ordre, profession de la foi du concile de Trente, et lecture à haute voix de sa formule latine, qui est longue, et que le grand aumônier leur tient sur ses genoux, assis dans un fauteuil, la signent, et prennent un certificat du grand aumônier d’avoir rempli ce devoir. Les deux princes nommés au chapitre tenu à Reims s’acquittèrent de ce devoir.

Le cardinal de Rohan, ne doutant de rien sur l’appui de la protection si déclarée et si bien méritée du cardinal Dubois, saisit une si belle occasion d’établir sa princerie, d’autant mieux que c’étoit la première promotion de l’ordre qui se faisoit depuis qu’il étoit grand aumônier. Il donna ses ordres à son secrétaire qui, en signant les certificats de ces princes au-dessous de la signature du cardinal de Rohan, mit hardiment par Son Altesse Éminentissime, au lieu de mettre simplement par monseigneur. Le secrétaire des commandements du régent, qui retira le certificat de M. le duc de Chartres, y jeta les yeux par hasard, et fut si étrangement surpris de l’Altesse Éminentissime qu’il alla sur-le-champ en avertir M. le duc d’Orléans. La colère le transporta à l’instant malgré sa douceur naturelle et son peu de dignité, mais au fond très glorieux. Il envoya sur-le-champ chercher l’abbé de Pomponne, chancelier de l’ordre. C’étoit l’heure qu’on sortoit de dîner pour aller bientôt aux premières vêpres du sacre, et le chapitre de l’ordre s’étoit tenu la veille. L’abbé de Pomponne m’a conté qu’il fut effrayé de la colère où il trouva M. le duc d’Orléans, au point qu’il ne sut ce qui alloit arriver. Il lui commanda d’aller dire de sa part au cardinal de Rohan d’expédier sur-le-champ deux autres certificats à MM. les duc de Chartres et comte de Charolois, où il y eût seulement par monseigneur, d’y supprimer l’Altesse Éminentissime qu’il avoit osé y hasarder, et de lui défendre de la part du roi de jamais l’employer dans aucun certificat de chevalier de l’ordre. Le régent ajouta l’ordre à l’abbé de Pomponne de faire écrire le fait et l’ordre en conséquence, tant à l’égard du certificat expédié à chacun de ces deux princes, que [pour] tous ceux à expédier à tous chevaliers de l’ordre nommés à l’avenir, sur les registres de l’ordre.

Le cardinal de Rohan et son frère furent bien mortifiés de cet ordre, dont ils ne s’étoient pas défiés par le caractère du régent et par la protection du premier ministre. Ils obéirent sur-le-champ même et sans réplique, et l’avalèrent sans oser en faire le plus léger semblant. De pareilles tentatives, souvent avec succès, sont les fondements des prétentions, et trop ordinairement de la possession de ces chimères de rang de prince étranger je l’ai remarqué ici en plus d’une occasion. Quand je fus chevalier de l’ordre, cinq ans après, j’avertis les maréchaux de Roquelaure et d’Alègre et le comte de Grammont, qui furent de la même promotion avec le prince de Dombes, le comte d’Eu et des absents, de prendre bien garde à leurs certificats. M. le duc d’Orléans n’étoit plus et les entreprises revivent. Je voulus voir le mien chez le cardinal de Rohan même, au sortir de ma profession de foi. Le secrétaire, qui en sentit bien la cause, me dit un peu honteusement que je n’y trouverois que ce qu’il y falloit, et me le présenta. En effet, j’y vis par monseigneur et point d'Altesse ; je souris en regardant le secrétaire, et lui dis : « Bon, monsieur, comme cela, » et je l’emportai. Je sus des trois autres que j’avois avertis, que les leurs étoient de même. Cela me montra qu’ils avoient abandonné cette prétention. Certainement le coup étoit bon à faire ; si le premier prince du sang, fils du régent, et un autre prince du sang avoient souffert l’Altesse du cardinal de Rohan, qui eût pu après s’en défendre ?

Il n’y eut de séance à la cérémonie de l’ordre que pour le clergé et pour la même robe, même les secrétaires du roi, qui y eurent les mêmes qu’au sacre. Tout le reste n’y fut placé qu’à titre de curieux, pêle-mêle, comme il plut au grand maître des cérémonies. Il n’y eut que les chevaliers de l’ordre, qui étoient en petit nombre, qui formèrent seuls la cérémonie. Ce qu’il y eut de nouveau, car il y eut du nouveau partout, c’est que les officiers de l’ordre se couvrirent dans le chœur, comme les chevaliers, eux qui dans les chapitres, excepté le seul chancelier de l’ordre, sont au bout de la table, derrière lui, debout et découverts, et les chevaliers et le chancelier assis et couverts. Aussi, comme je l’ai remarqué ailleurs, ont-ils fait en sorte qu’il n’y a plus de chapitre qu’en foule, en désordre, sans rang, où le roi est debout et découvert, et qu’il n’y a plus de repas, parce que le chancelier de l’ordre y mange seul avec le roi et les chevaliers en réfectoire, et les autres grands officiers mangent en même temps avec les petits officiers de l’ordre dans une salle séparée.

À l’égard de la cavalcade, il ne se put rien ajouter à l’excès de sa confusion. Les princes du sang y prirent, pour la première fois, un avantage que le régent souffrit pour l’intérêt de M. son fils contre le sien. Chacun d’eux eut près de soi un de ses principaux domestiques. Cela ne fut jamais permis qu’aux fils de France et aux petits-fils de France, c’est-à-dire à M. le duc de Chartres, depuis duc d’Orléans, enfin régent, seul petit-fils de France, qui ait existé depuis l’établissement de ce rang pour Mademoiselle, fille de Gaston, et pour ses soeurs, qui toutes n’avoient point de frères. Cette nouveauté en a enfanté bien d’autres depuis que M. le Duc fut premier ministre.

Je ne parle point de beaucoup d’autres remarques, cela seroit infini ; j’omets aussi les fêtes superbes que M. le duc d’Orléans et M. le Duc donnèrent au roi, à Villers-Cotterêts et à Chantilly, en revenant de Reims.

Tout en arrivant à Paris, La Fare et Belle-Ile me vinrent voir à la Ferté. La Fare étoit aussi fort ami de Mme de Plénoeuf, mais non son esclave comme ses deux amis Le Blanc et Belle-Ile. Ils me parlèrent fort de leur inquiétude sur la vivacité avec laquelle l’affaire de La Jonchère se poussoit, lequel avoit été conduit à la Bastille, et qu’on ne parloit pas de moins que d’ôter à Le Blanc sa charge de secrétaire d’État e et de l’envelopper avec Belle-Ile dans la même affaire. Quoique La Fare n’y fût pour rien, ils venoient me demander conseil et secours. Je leur dis franchement que je voyois clairement la suite du projet d’écarter de M. le duc d’Orléans tous ceux en qui il avoit habitude de confiance, et ceux encore dont on pouvoit craindre la familiarité avec lui, dont les exemples des exils récents faisoient foi ; que Le Blanc étant celui de tous le plus à éloigner, en suivant ce plan par l’accès de sa charge et par l’habitude de confiance et de familiarité, le prétexte et le moyen en étoit tout trouvé par l’affaire de La Jonchère ; que le cardinal Dubois auroit encore à en faire sa cour à M. le Duc et à Mme de Prie, et à tout rejeter sur eux ; qu’ils connoissoient tous deux l’esprit et la rage de Mme de Prie contre les deux inséparables amis de sa mère, et quel étoit son pouvoir sur M. le Duc ; qu’ils ne connoissoient pas moins l’impétuosité et la férocité de M. le Duc, la faiblesse extrême de M. le duc d’Orléans, l’empire que le cardinal Dubois avoit pris sur lui ; qu’il n’y avoit point d’innocence ni d’amitié de M. le duc d’Orléans qui pussent tenir contre le cardinal, M. le Duc et sa maîtresse réunis par d’aussi puissants intérêts ; que je ne voyois donc nul autre moyen de conjurer l’orage que d’apaiser la fille en voyant moins la mère, qui ne couroit risque de rien, à qui cela ne faisoit aucun tort, et qui, si elle avoit de la raison et une amitié véritable pour eux, et qui méritât la leur, devoit être la première à exiger de ses deux amis à faire ce sacrifice à une fureur à laquelle ils ne pouvoient résister, qu’en la désarmant par cette voie, même de ne voir plus la mère, laquelle ne méritoit pas qu’ils se perdissent pour elle, si elle le souffroit.

La Fare trouvoit que je disois bien, et que ce que je proposois étoit la seule voie de salut, si déjà l’affaire n’étoit trop avancée. Belle-Ile ne put combattre mes raisons ni se résoudre à suivre ce que je pensois, et se mit, faute de mieux, à battre la campagne. J’avois beau le ramener au point, il s’échappoit toujours. À la fin, je lui prédis la prompte perte de Le Blanc et la sienne, que le cardinal, M. le Duc et sa maîtresse entreprenoient de concert, et dont ils ne se laisseroient pas donner le démenti, si, en suivant mon opinion, ils ne désarmoient promptement M. le Duc et sa maîtresse par le sacrifice que je proposois ; quoi fait, ils auroient encore bien de la peine à se tirer des griffes seules du cardinal ; mais que, quand ils n’auroient plus affaire qu’à lui, encore y auroit-il espérance. Mais rien ne put ébranler Belle-Ile. Question fut donc de voir quelle conduite il auroit, si les choses se portoient à l’extrémité, comme je le croyois. Je conclus à la fuite, et que Belle-Ile attendît hors du royaume les changements que les temps amènent toujours.

La Fare fut aussi de cet avis, mais Belle-Ile s’écria que fuir seroit s’avouer coupable, et qu’il préféroit de tout risquer, étant bien sûr qu’il n’y avoit sur lui aucune prise. Je lui demandai s’il n’avoit jamais vu, au moins dans les histoires, d’innocents opprimés, et trop souvent encore sous nos yeux, par des procès, mais que je ne croyois pas qu’il en eût vu aucun échapper à des premiers ministres, quand ils y mettent tout leur pouvoir, encore moins s’ils se trouvent soutenus d’un prince du sang du caractère et dans la posture où étoit M. le Duc, et d’une femme de l’esprit et de l’emportement de Mme de Prie ; que personne n’ignoroit qu’avec de telles parties, si hautement déclarées et engagées, raison, justice, innocence, évidence n’avoient plus lieu : par conséquent que fuir leur fureur et leur puissance, l’un et l’autre, n’étoit rien moins que s’avouer coupable, mais sagesse et nécessité ; s’y exposer, folie consommée. Ce raisonnement, qui me paraissoit évident et solide, ne put rien gagner sur Belle-Ile. Il s’en retourna avec La Fare persuadé, sans être lui-même le moins du monde ébranlé, malgré ma prédiction réitérée, de laquelle pourtant il ne s’éloignoit pas.

Ils m’apprirent que le roi, avec lequel étoit M. le duc d’Orléans, etc., trouva, en arrivant à Paris, le duc de Tresmes venant en cérémonie au-devant de lui. La survivance du gouvernement de Paris lui fut donnée pour son fils aîné, qu’il ne songeoit pas à demander. Son fils avoit alors trente ans, et avoit eu, dès 1716, la survivance de la charge de premier gentilhomme de la chambre qu’avoit son père. Celle-ci ne nuisit pas à l’autre. Le premier ministre vouloit se faire des amis de ce qui environnoit le roi.

Le 25 novembre, don Patricia Laullez, ambassadeur extraordinaire d’Espagne, conduit et reçu avec les cérémonies accoutumées, fit au roi la demande de Mlle de Beaujolois pour don Carlos, et fut ensuite chez M. [le Duc] et Mme la duchesse d’Orléans. Il fut après traité à dîner avec sa suite, après quoi il alla chez le cardinal Dubois, où les articles furent signés par lui et par les commissaires du roi, qui furent le cardinal Dubois, Armenonville, garde des sceaux, la Houssaye, chancelier de M. le duc d’Orléans, conseiller d’État, et Dodun, contrôleur général des finances. Laullez fut ensuite reconduit à Paris, à l’hôtel des ambassadeurs extraordinaires. Le lendemain il retourna à Versailles, accompagné et reçu comme la veille, et conduit, sur les cinq heures du soir, dans le cabinet du roi, où étoient tous les princes et princesses du sang, debout des deux côtés d’une table, au milieu de laquelle le roi étoit dans son fauteuil, sur laquelle le contrat de mariage fut signé par le roi et tous les princes et princesses du sang sur une colonne, au bas de laquelle le cardinal Dubois signa, et l’ambassadeur signa seul sur l’autre colonne ; après quoi il fut reconduit à Paris.

Le 1er de décembre Mlle de Beaujolois partit de Paris pour se rendre à Madrid, accompagnée, jusqu’à la frontière, de la duchesse de Duras, qui mena avec elle la duchesse de Fitz-James sa fille, qui eurent toujours un fauteuil, une soucoupe, le vermeil doré, etc., avec la princesse. Elle fut servie par les officiers du roi et par ses équipages, et accompagnée d’un détachement des gardes du corps jusqu’à la frontière. M. le duc d’Orléans et M. le duc de Chartres la conduisirent de Paris jusqu’au Bourg-la-Reine. Quelques jours après le prévôt des marchands, à la tête du corps de là ville de Paris, alla, par ordre dû roi, complimenter l’ambassadeur d’Espagne, et lui présenter les présents de la ville.

Enfin la fameuse princesse des Ursins mourut à Rome, où elle s’étoit, à la fin, retirée et fixée depuis plus de six ans, aimant mieux y gouverner la petite cour d’Angleterre que de ne gouverner rien du tout. Elle avoit quatre-vingt-cinq ans, fraîche encore, droite, de la grâce et des agréments, une santé parfaite jusqu’à la maladie peu longue dont elle mourut ; la tête et l’esprit comme à cinquante ans, et fort honorée à Rome, où elle eut le plaisir de voir les cardinaux del Giudice et Albéroni l’être fort peu. On a tant et si souvent parlé ici de cette dame si extraordinaire et si illustre, qu’il n’y a rien à y ajouter.

Madame, dont la santé avoit toujours été extrêmement forte et constante, ne se portoit plus bien depuis quelque temps, et se sentoit même assez mal pour être persuadée qu’elle alloit tomber dans une maladie dont elle ne relèveroit pas. L’inclination allemande qu’elle avoit toujours eue au dernier point, lui donnoit une prédilection extrême pour Mme la duchesse de Lorraine et pour ses enfants, par-dessus M. le duc d’Orléans et les siens. Elle mouroit d’envie de voir les enfants de Mme la duchesse de Lorraine, qu’elle n’avoit jamais vus, et se faisoit un plaisir extrême de les voir à Reims, où Mme la duchesse de Lorraine, qui vouloit voir le sacre, les devoit amener. Madame, se sentant plus incommodée, balança fort sur le voyage qui approchoit beaucoup, et vouloit devancer le roi à Reims de plusieurs jours pour être plus longtemps avec Mme la duchesse de Lorraine, à qui elle avoit donné rendez-vous à jour marqué et à ses enfants. On a vu ici, à la mort de Monsieur, qu’elle prit à elle la maréchale de Clerembault, et la feue comtesse de Beuvron qu’elle avoit toujours fort aimées et que Monsieur avoit chassées de chez lui, et qu’il haïssait fort.

La maréchale de Clerembault croyoit avoir une grande connoissance de l’avenir par l’art des petits points ; et comme, Dieu merci, je ne sais ce que c’est, je n’expliquerai point cette opération, en laquelle Madame avoit aussi beaucoup de confiance. Elle consulta donc la maréchale sur le voyage de Reims, qui lui répondit fermement : « Partez, madame, en toute sûreté, je me porte bien. » C’est qu’elle prétendoit avoir vu par ces petits points qu’elle mourroit avant Madame, qui sur cette confiance alla à Reims. Elle y fut logée dans la belle abbaye de Saint-Pierre avec Mme la duchesse de Lorraine, où le roi les alla voir deux fois, et dont une sœur du feu comte de Roucy étoit abbesse. Madame vit le sacre et les cérémonies de l’ordre du lendemain dans une tribune avec Mme la duchesse de Lorraine et ses enfants, dans laquelle le frère du roi de Portugal eut aussi place. Mais au retour du sacre elle perdit la maréchale de Clerembault, qui mourut à Paris le 27 novembre, dans sa quatre-vingt-neuvième année, ayant jusqu’alors la santé, la tête, l’esprit et l’usage de tous ses sens comme à quarante ans. Elle étoit fille de Chavigny, secrétaire d’État, mort à quarante-quatre ans, en octobre 1652, dont j’ai parlé à l’entrée de ces Mémoires, et qui étoit fils de Bouthillier, surintendant des finances, mort un an avant lui. La mère de la maréchale étoit fille unique et héritière de Jacques Phélypeaux, seigneur de Villesavin et d’Isabelle Blondeau, que j’ai vue, et fait collation dans sa chambre avec de jeunes gens de mon âge qui allions voir son arrière-petit-fils, et je la peindrois encore grande, grasse, l’air sain et frais. Elle nous conta qu’elle étoit dans son carrosse avec son mari sur le pont Neuf, lorsque tout à coup ils entendirent de grands cris, et qu’ils apprirent un moment après que Henri IV venoit d’être tué. Pour revenir à la maréchale de Clerembault, elle eut plusieurs frères et soeurs, entre autres l’évêque de Troyes qui, démis et retiré, fut mis dans le conseil de régence, et duquel il a été souvent parlé ici ; Mme de Brienne Loménie, femme du secrétaire d’État, morte dès 1664, et la duchesse de Choiseul, seconde femme sans enfants du dernier duc de Choiseul, veuve en première noces de Brûlart, premier président du parlement de Dijon, dont elle eut la duchesse de Luynes, dame d’honneur de la reine.

La maréchale de Clerembault avoit épousé, en 1654, le maréchal de Clerembault, qui avoit été fait maréchal de France dix-huit mois auparavant. Il eut le gouvernement du Berry, et fut chevalier de l’ordre en la première grande promotion du feu roi en 1661, et mourut en 1665, à cinquante-sept ans, ne laissant qu’une fille qui fut religieuse, et deux fils dont on a parlé ici à l’occasion de leur mort sans alliance. Le maréchal de Clerembault étoit homme de qualité, bon homme de guerre, et avoit été mestre de camp général de la cavalerie, fort à la mode sous le nom de comte de Palluau, avant qu’il prit son nom lorsqu’il devint maréchal de France. C’étoit un homme de beaucoup d’esprit, orné, agréable, plaisant, insinuant et souple, avec beaucoup de manége, toujours bien avec les ministres, fort au gré du cardinal Mazarin [4], et fort aussi au gré du monde et toujours parmi le meilleur. Sa femme, devenue veuve, fut gouvernante des filles de Monsieur, et accompagna la reine d’Espagne jusqu’à la frontière, en qualité de sa dame d’honneur.

C’étoit une des femmes de son temps qui avoit le plus d’esprit, le plus orné sans qu’il y parût, et qui savoit le plus d’anciens faits curieux de la cour, la plus mesurée et la plus opiniâtrement silencieuse. Elle en avoit contracté l’habitude par avoir été constamment une année entière sans proférer une seule parole dans sa jeunesse, et se guérit ainsi d’un grand mal de poitrine. Elle n’avoit jamais bu que de l’eau, et fort peu. Souvent aussi son silence venoit de son mépris secret pour les compagnies où elle se trouvoit et pour les discours qu’on y tenoit ; mais lorsqu’elle étoit en liberté, elle étoit charmante, on ne la pouvoit quitter. Je l’ai souvent vue de la sorte entre trois ou quatre personnes au plus chez la chancelière de Pontchartrain dont elle étoit fort amie. C’étoit un tour, un sel, une finesse, et avec cela un naturel inimitable. Elle fut allant, venant à la cour en grand habit presque toujours jusqu’à sa dernière maladie. Fort riche et avare. Par les chemins et dans les galeries, elle avoit toujours un masque de velours noir. Sans avoir jamais été ni prétendu être belle ni jolie, elle avoit encore le teint parfaitement beau, et elle prétendoit que l’air lui causoit des élevures. Elle étoit l’unique qui en portât, et quand on la rencontroit et qu’on la saluoit, elle ne manquoit jamais à l’ôter pour faire la révérence. Elle aimoit fort le jeu, mais le jeu de commerce et point trop gros, et eût joué volontiers jour et nuit. Je me suis peut-être trop étendu sur cet article : les singularités curieuses ont fait couler ma plume.

Madame fut d’autant plus touchée de la perte de cette ancienne et intime amie qu’elle savoit que les petits points avoient toujours prédit qu’elle la survivroit, mais que ce seroit de fort peu. En effet, elle la suivit de fort près. L’hydropisie, qui se déclara tard, fit en très peu de jours un tel progrès qu’elle se prépara à la mort avec beaucoup de fermeté et de piété. Elle voulut presque toujours avoir auprès d’elle l’ancien évêque de Troyes, frère de la maréchale de Clerembault, et lui dit : « Monsieur, de Troyes, voilà une étrange partie que nous avons faite la maréchale et moi. » Le roi la vint voir, et elle reçut tous les sacrements. Elle mourut à Saint-Cloud le 8 de décembre, à quatre heures du matin, à près de soixante et onze ans. Elle ne voulut point être ouverte, ni de pompe à Saint-Cloud. Ainsi dès le 10 du même mois, elle fut portée à Saint-Denis dans un carrosse sans aucun appareil de deuil, le carrosse précédé, environné et suivi des pages des deux écuries du roi, des gardes et des suisses de M. le duc d’Orléans, et de ses valets de pied avec des flambeaux. Mlle de Charolois et les duchesses d’Humières et de Tallard accompagnoient dans un autre carrosse, où étoit Mme de Châteauthiers, dame d’atours de Madame, avec Mmes de Tavannes et de Flamarens. Madame tenoit en tout beaucoup plus de l’homme que de la femme. Elle étoit forte, courageuse, allemande au dernier point, franche, droite, bonne et bienfaisante, noble et grande en toutes ses manières, et petite au dernier point sur tout ce qui regardoit ce qui lui étoit dû. Elle étoit sauvage, toujours enfermée à écrire, hors les courts temps de cour chez elle ; du reste, seule avec ses dames ; dure, rude, se prenant aisément d’aversion, et redoutable par les sorties qu’elle faisoit quelquefois, et sur quiconque ; nulle complaisance ; nul tour dans l’esprit, quoiqu’elle [ne] manquât pas d’esprit ; nulle flexibilité, jalouse, comme on l’a dit, jusqu’à la dernière petitesse, de tout ce qui lui étoit dû ; la figure et le rustre d’un Suisse, capable avec cela d’une amitié tendre et inviolable. M. le duc d’Orléans l’aimoit et la respectoit fort. Il ne la quitta point pendant sa maladie, et lui avoit toujours rendu de grands devoirs, mais il ne se conduisit jamais par elle. Il en fut fort affligé. Je passai le lendemain de cette mort plusieurs heures seul avec lui à Versailles, et je le vis pleurer amèrement.

Les ambassadeurs et la cour se présentèrent devant le roi en manteaux longs et en mantes, ainsi que les princes et les princesses du sang, et pareillement chez M. [le Duc] et Mme la duchesse d’Orléans, qui les reçut de même, et Mme la duchesse d’Orléans au lit, après que l’un et l’autre eurent été avec M. le duc de Chartres, en manteaux et en mantes, saluer le roi, qui après alla voir M. [le Duc] et Mme la duchesse d’Orléans. Le roi fut harangué par le parlement et par toutes les autres compagnies, lesquelles, toutes allèrent saluer M. [le Duc] et Mme la duchesse d’Orléans. Le roi drapa, parce que Madame étoit veuve du grand-père maternel du roi. Cette perte ne fit pas grande sensation à la cour ni dans le monde. La duchesse de Brancas, sa dame d’honneur, ne parut à rien, étant déjà attaquée du cancer au sein dont elle mourut assez longtemps après.

Mme de Cani, veuve du fils unique de Chamillart, avec beaucoup d’enfants, et sœur du duc de Mortemart, s’ennuya enfin de porter le nom de son mari, et en un tourne-main son mariage se fit avec le prince de Chalois, grand d’Espagne, qui, ennuyé de l’Espagne où il n’avoit que cette dignité, sans grade militaire qui lui pût faire rien espérer par delà la médiocre pension qu’il en avoit, s’étoit depuis peu fixé en France pour toujours, où étoit son bien et sa famille. Toute celle de Mortemart parut fort aise de ce mariage. Ce qu’il y eut de louable, est que les enfants du premier lit n’en ont été que plus constamment chéris et bien traités en tout de la mère et de son second mari. Le prince de Robecque, aussi grand d’Espagne, et dégoûté du séjour et du service d’Espagne, où il étoit lieutenant général, et fixé en France avec le même grade, épousa, à Paris, Mlle du Bellay.

L’année finit par le traité de paix conclu à Nystadt entre le czar et la Suède, qui céda au czar toutes les conquêtes qu’il avoit faites sur elle, ce qui la restreignit au delà de la mer Baltique et lui ôta toute la considération que les conquêtes de Charles…[5] lui avoient acquise au deçà, et conséquemment toute sa considération en Allemagne et dans le reste de l’Europe, tellement que cette monarchie, revenue à son dernier état, se trouva de plus ruinée et dans le dernier abattement, fruit du prétendu héroïsme de son dernier monarque[6].




  1. Il y a fermé dans le manuscrit ; on a déjà vu ce mot employé par Saint-Simon dans le sens de fixe et fermement attaché.
  2. Étendards à longue queue flottante.
  3. On a vu plus haut (t. IX, p. 445-446), quelles étaient les fonctions de ces évêques à la cérémonie du sacre.
  4. Le comte de Palluau devint maréchal de France en 1652. On était alors en pleine Fronde, et les poètes satiriques n’épargnèrent pas un général qui était resté fidèle à Mazarin. Blot lui décocha le couplet suivant : À ce grand maréchal de France, / Favori de Son Éminence, / Qui a si bien battu Persan ; / Palluau, ce grand capitaine, / Qui prend un château dans un an, / Et perd trois places par semaine.
  5. Saint-Simon n’a pas indiqué de quel Charles il voulait parler. Il s’agit probablement ici de Charles X, ou Charles-Gustave, qui régna en Suède de 1654 à 1660, et se signala par ses victoires sur les Danois et les Polonais.
  6. Passage omis dans les précédentes éditions depuis l’année finit jusqu’à son dernier monarque. Nous n’avons pas cru devoir supprimer ce paragraphe, quoiqu’il revienne sur un événement dont Saint-Simon a déjà parlé, et qu’il y ait ici une erreur de date. Le traité de Nystadt fut signé le 10 septembre 1721 et non à la fin de l’année 1722.