À valider

Mémoires d’outre-tombe/Appendice/Tome 1/3

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
◄   Le Manuscrit de 1826 Le Comte Louis de Chateaubriand et son frère Christian Le Comte René de Chateaubriand, armateur   ►

III

le comte louis de chateaubriand et son frère christian[1]


Geoffroy-Louis, comte de Chateaubriand, neveu du grand écrivain et arrière-petit-fils de Malesherbes, naquit à Paris le 13 février 1790. Il était le fils aîné de Jean-Baptiste-Auguste de Chateaubriand, comte de Combourg, et d’Aline-Thèrèse Le Peletier de Rosanbo, fille de Louis Le Peletier de Rosanbo, président à mortier au Parlement de Paris, et de Marguerite de Lamoignon de Malesherbes. En 1812, à l’âge de vingt-deux ans, il épousa Mlle Henriette-Félicité-Zélie d’Orglandes, qui en avait à peine dix-sept. Le mariage eut lieu au château du Ménil, près de Mantes, chez Mme de Rosanbo, tante de Mlle d’Orglandes. Chateaubriand composa en l’honneur des jeunes époux ce gracieux épithalame :

L’autel est prêt ; la foule t’environne :
Belle Zélie, il réclame ta foi.
Viens ; de ton front est la blanche couronne
Moins virginale et moins pure que toi.

J’ai quelquefois peint la grâce ingénue
Et la pudeur sous ses voiles nouveaux :
Ah ! si mes yeus plus tôt t’avaient connue
On aurait moins critiqué mes tableaux.

Mon cher Louis, chez la race étrangère
Tu n’iras point t’égarer comme moi :
À qui la suit la fortune est légère ;
Il faut l’attendre et l’enfermer chez soi.

Cher orphelin, image de ta mère
Au Ciel pour toi je demande ici-bas
Les jours heureux retranchés à ton père
Et les enfants que ton oncle n’a pas.

Fais de l’honneur l’idole de ta vie :
Rends tes aïeux fiers de leur rejeton,
Et ne permets qu’à la seule Zélie
Pour un moment de rougir à ton nom.

Mais la prose allait mieux que les vers au chantre des Martyrs. À peu de temps de là, il écrivait à sa jeune nièce cette charmante lettre :

Oui, ma chère nièce, je ferai tout ce que vous voudrez cette année, et si vous y mettez un peu de soin, je suis assez vieux pour radoter de vous toute ma vie. Il y a toutefois une condition à notre traité : c’est que vous rendrez Louis heureux. Plusieurs dames de Chateaubriand ont été célèbres de diverses manières. L’une mourut de joie en revoyant son mari qu’on avait cru tué par les Sarrasins en Terre-Sainte ; l’autre séduisit le cœur d’un grand roi ; une troisième fut mère ou aïeule de ce duc de Montausier, si connu par l’austérité de ses vertus. Vous êtes belle comme cette haute dame qui charma le cœur de François Ier ; vous serez sage comme la femme du chevalier de Palestine et comme la mère de Montausier. Voilà un petit conte qui sent tout à fait son oncle, et qui vous annonce tout ce que vous aurez à souffrir. Songez que je suis le plus proche parent de Louis ; il n’a point de père, je n’ai point d’enfant, vous ne pouvez éviter d’être ma fille.


Le comte Louis de Chateaubriand embrassa la carrière militaire et fit, en qualité de colonel au 4e chasseurs, la campagne d’Espagne en 1823. Le 23 décembre de cette même année, une ordonnance du roi Louis XVIII l’institua héritier présomptif de la pairie de son oncle, l’auteur du Génie du Christianisme. En 1830, après avoir suivi jusqu’à Cherbourg Charles X partant pour l’exil, il quitta l’armée, en même temps que son oncle se retirait de la Chambre des pairs. Lors des journées de juin 1848, il se montra un des plus énergiques volontaires de l’ordre, au service duquel il mit son épée. Peu de jours après, le 18 juillet, il avait l’honneur, comme chef de la famille, de ramener à Saint-Malo le cercueil de Chateaubriand. En 1870, à quatre-vingts ans, il s’enferma dans Paris et se fit inscrire au nombre des défenseurs de la capitale assiégée. Il mourut au château de Malesherbes le 14 octobre 1873, survivant de peu à sa femme, morte le 27 septembre précédent. Selon le mot de son oncle, le comte Louis de Chateaubriand avait fait de l’honneur l’idole de sa vie.

Il avait eu un fils et cinq filles, dont Anne-Louise (baronne de Baudry), Louise-Françoise (marquise d’Espeuilles), Marie-Antoinette-Clémentine (comtesse de Beaufort) et Marie-Adélaïde-Louise-Henriette (baronne de Carayon-Latour). — Son fils, Marie-Christian-Camille-Geoffroy, né le 25 janvier 1828, mort au château de Combourg le 8 novembre 1889, n’a laissé que deux filles : Marie-Louise-Mélanie, née en 1858 d’un premier mariage avec Joséphine-Marie-Mélanie Rogniat, qui a épousé en 1881 Gérard-Louis-Marie, comte de la Tour du Pin ; et Georgette-Marie-Sybille, née en 1876 d’un second mariage avec Françoise-Marie-Antoinette Bernou de Rochetaillée.

Le château et le parc de Combourg appartiennent aujourd’hui, pour la nue-propriété, à Mlle Sybille de Chateaubriand, et, pour l’usufruit, à sa mère, Mme la comtesse Geoffroy de Chateaubriand.


Christian-Antoine de Chateaubriand, frère cadet du comte Louis, était né à Paris le 21 avril 1791, Chevau-léger garde du Roi le 1er mai 1814, il suivit Louis XVIII à Gand. Lieutenant en second de la garde royale le 10 octobre 1815, il fut breveté capitaine le 1er juillet 1818 et fit la campagne d’Espagne en 1823. Démissionnaire le 5 mars 1824, il entra dans la Compagnie de Jésus à Rome le 30 avril de la même année. Il est mort dans la maison de Chieri le 27 mai 1843. D’une lettre qu’a bien voulu m’écrire un des Pères de la Compagnie, j’extrais ces lignes : « Le P. Christian de Chateaubriand jouit parmi nous d’une réputation de grande vertu. Il s’était exilé en Italie pour un motif d’humilité. »

◄   Le Manuscrit de 1826 Le Comte Louis de Chateaubriand et son frère Christian Le Comte René de Chateaubriand, armateur   ►
  1. Ci-dessus, p. 9.