Mémoires d’une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante/20/Pour créer un imboglio

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POUR CRÉER UN IMBROGLIO. — Mes amis feront bien de se défier des manœuvres de la dernière heure, auxquelles ne manqueront pas de recourir les Pacelli et consorts aussi bien que les francs-maçons.

On a pas oublié quel fut le premier piège que M. Margiotta tendit aux catholiques, lorsque le dépit en fit mon ennemi. Ayant appris peut-être que Lemmi, dès qu’il me sut prête à rompre avec lui, au moment même où les Walder préparaient son élection par les Triangles, imagina de produire sous mon nom une amie américaine du vieux Philéas, M. Margiotta soutint qu’il existait deux Diana Vaughan : une, la vraie, qui était demeurée palladiste ; l’autre, la fausse, c’est-à-dire moi. Il ignorait que l’échec de la dame avait été si piteux et sa frauduleuse exhibition si éphémère, que cette manœuvre avortée fut connue seulement après la Voûte de Protestation ; elle fit hausser les épaules aux hauts-maçons indépendants. N’importe ! Adriano avait rêvé de jeter, la perturbation parmi les parfaits initiés, et l’on ne sait pas au juste ce qu’il avait médité de faire, on se demande quel fut exactement ce plan de campagne qui ne reçut qu’un commencement d’exécution.

Aujourd’hui, dans la haute-maçonnerie, on aurait repris ce projet, si j’en crois un renseignement d’un ami sûr de Chicago. Ma manifestation publique devant couper court à toutes les négations, va-t-on exhiber une deuxième Diana Vaughan et me traitera-t-on, moi, d’aventurière, usurpant un nom qui n’est pas le mien ? Nous saurons à quoi nous en tenir sur ce point dès le 19 avril… Toutefois, il est sage de prendre les devants et d’avertir le public.

Est-ce à la préparation de cette manœuvre qu’il convient de rattacher une lettre que M. le chanoine Mustel a reçue récemment et qu’il s’est empressé de publier, peut-être la croyant écrite par une de mes amies d’Amérique apportant son témoignage. Je ne sais. Quoi qu’il en soit, empêchons l’imbroglio, en ne négligeant rien de ce qui pourra faire la lumière.

Voici cette lettre, que M, le chanoine Mustel a publiée dans son numéro du 5 mars :


« Monsieur l’abbé,

« Le hasard, ou plutôt la divine Providence a permis que la Revue de Coutances me tombât entre les mains. Je suis profondément surprise, Monsieur l’abbé, de voir que tant de catholiques nient, sans la moindre preuve, l’existence de Miss Diana Vaughan.

« Anglaise d’origine, j’ai habité longtemps les États-Unis, où j’ai connu Miss Diana jusqu’en 1880. — En ce moment je visite la France et je suis descendue à l’hôtel de l’Univers et du Portugal réunis, rue Croix-des-Petits-Champs, 10, Paris. Si vous jugez que mon témoignage puisse être de quelque utilité, je vous permets, monsieur l’abbé, de l’insérer dans votre Revue.

« Ce soir, je visiterai Versailles et dans quelques jours je retournerai à New-York, où ma famille est établie. Là je retrouverai d’anciennes amies de Diana et je les engagerai à unir leur voix à la mienne pour protester contre ceux qui, poussés par les francs-maçons, nient l’existence de celle que nous avons connue et aimée.

« Daignez agréer, Monsieur l’abbé, l’assurance de mon profond respect.

« G. Cawsna

« Paris, 24 février 1897. »


Aussitôt que le numéro contenant cette lettre me parvint, j’ai écrit au directeur de la Revue Catholique de Coutances :


« 7 mars 1897.
« Bien cher Monsieur le Chanoine,

« Je vous mets en garde contre une nouvelle manœuvre. Je ne connais pas cette dame Cawsna, dont vous venez de publier une lettre.

« Je sais, d’autre part, que l’on se propose de m’opposer une autre Diana Vaughan, soi-disant telle, qui est partie de Chicago, il y a un mois pour se rendre en Europe. Sans doute, celle-ci est la même que celle suscitée par Lemmi, dans les premiers mois de 1893 ; elle dut rentrer dans l’ombre, sa mission ayant échoué alors. Peut-être veut-on la produire dès le lendemain de ma première conférence, et nous verrions se renouveler la fable que Margiotta essaya d’abord d’accréditer. Des maçons américains donneraient leur témoignage à la fausse Diana Vaughan, qui, tout en se disant maçonne, nierait le Palladisme ; moi, ils m’accuseraient d’imposture.

« Pour déjouer cette manœuvre, veuillez insérer cette lettre, en priant tous les journaux amis de la reproduire.

« Cette dame Cawsna dit m’avoir connue jusqu’en 1880. C’est faux. En 1880, je n’avais que seize ans. Or, je ne puis commettre erreur de souvenir sur les relations de ma famille. Aucun Cawsna que je connaisse à Louisville !

« Donc : 1° une enquête immédiate s’impose à Paris, à l’effet de découvrir qui est cette dame Cawsna ; 2° je somme la pseudo Diana Vaughan de Chicago d’être présente, le 19 avril, à la salle de la Société de Géographie.

« Me recommandant plus que jamais à vous prières, je me dis, Monsieur le Chanoine, votre reconnaissante et à jamais dévouée en Jésus, Marie, Joseph et Jeanne.

« Diana Vaughan.


D’après les derniers renseignements reçus, si la dame habitant Chicago à qui l’on a donné mission de créer un nouvel imbroglio, est la même que celle qui fit sous mon nom des conférences en 1893, notamment à Sydney, je suis en mesure de la démasquer dès à présent : dans ce cas, c’est Mme Kate Philipps, originaire de New-York, membre de l’Étoile d’Orient et de l’association des Dames de la Révolution. Mais elle ne me ressemble guère et doit avoir au moins une quarantaine d’années.