Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889/Chapitre VIII

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CHAPITRE VIII

DEPUIS LE 2 MAI, JOUR DE LA PRISE DE BRESSUIRE
JUSQU’AU COMBAT DE THOUARS
LE 5 DU MÊME MOIS


Monsieur de Lescure me fit avertir au point du jour, 3 mai, qu’il allait arriver avec Henri et quatre-vingts cavaliers. Ils vinrent en effet aux cris de Vive le Roi ; ils amenaient avec eux le chevalier de Beauvollier[1], jeune homme beau, grand et âgé seulement de dix-huit ans ; il a été depuis l’aide de camp et l’ami de cœur de M. de Lescure. C’était un des meilleurs sujets qu’on pût trouver, il joignait la plus rare bravoure à la plus grande douceur. La manière dont il arriva à l’armée est assez singulière. On l’avait fait partir de force, comme gendarme de réquisition, de Loudun, ville entre Saumur et Poitiers ; quand les Bleus évacuèrent Bressuire, il trouva le moyen d’y retourner, sous prétexte d’avoir oublié quelque chose, et gagna une hauteur sur le chemin d’Argenton ; là, il vit de loin défiler toutes les troupes pour Thouars. Quand il fut sûr qu’elles étaient bien en route, il prit le galop pour aller l’apprendre aux Vendéens ; il rencontra à une lieue les premiers cavaliers, qui d’abord le reçurent mal et ne voulurent pas le croire, son habit de gendarme étant une mauvaise recommandation. Il survint un officier paysan qui prit un peu plus de confiance en lui ; à la proposition d’aller, avec une trentaine de cavaliers d’avant-garde, abattre l’arbre de la liberté planté dans la ville : « Oui, répondit le paysan, à condition que tu marcheras à la tête ; si on trouve du monde dans Bressuire, ou si tu recules, je te brûle la cervelle. — J’y consens, cria M. de Beauvollier, car je ne suis ni traître ni poltron. » Effectivement, ils arrivèrent dans la ville et trouvèrent qu’il avait dit la vérité.

Les cavaliers, qui vinrent à Clisson avec ces messieurs, n’avaient pas un air bien militaire ; ils avaient des chevaux de toutes tailles et de toutes couleurs ; la plupart avaient des sabots au lieu de bottes, des habits de toutes les façons ; des pistolets à la ceinture, des sabres et des fusils attachés avec des cordes.

[Les Vendéens n’avaient aucune cocarde militaire ; beaucoup mettaient à leur chapeau des morceaux d’étoffe blanche ou verte, d’autres du papier, des feuilles, et plusieurs rien du tout ; mais tous les paysans avaient par dévotion, et sans que personne en eût donné l’ordre, un sacré-cœur cousu à leur habit, et un chapelet passé dans la boutonnière. Nos soldats ne portaient ni giberne ni havresac, ni effets, quoiqu’ils en prissent en quantité aux républicains ; ils trouvaient cela incommode, ils préféraient mettre leurs cartouches dans leurs poches ou dans un mouchoir roulé en ceinture, suivant l’usage du pays. À la queue de leurs chevaux, ils attachèrent des épaulettes et des cocardes nationales. L’armée eut une trentaine de tambours, mais pas de trompettes.]

On reconnaissait mieux les Vendéens à la bigarrure de leur habillement qu’à tout autre signe ; les officiers n’avaient d’autre marque distinctive que d’être mieux équipés que leurs soldats.

Toute cette troupe allait pour donner dans la soirée une fausse alarme, jusqu’aux portes de Parthenay, afin de faire prendre le change sur la marche de l’armée qui devait partir le lendemain pour attaquer Thouars. Tous les soldats se mirent à déjeuner, la maison se remplissait de paysans qui accouraient se réunir à eux, après avoir abattu dans les paroisses les arbres de la liberté ; il arrivait des femmes, la hache à la main, venant de détruire ce signe patriotique. Le château était plein de gens qui chantaient, mangeaient, criaient Vive le Roi ! M. de Lescure nous racontait qu’il avait été reçu à bras ouverts par les officiers, et traité comme chef de toutes les paroisses qui s’insurgeaient ; qu’on l’avait fait entrer au conseil de guerre, où l’on attendait avec impatience mon père, M. de Marigny et M. des Essarts ; enfin, qu’il y avait très peu d’officiers, et on regardait comme un grand bonheur d’avoir ceux-ci de plus.

Au milieu de cette conversation, il pensa arriver l’événement le plus tragique : les Vendéens avaient attaché leurs chevaux dans la première cour, sans sentinelle, suivant leur coutume. Trois Bressuirais, qui avaient laissé à Clisson leurs femmes, dont deux étaient grosses et une nourrice, vinrent pour les chercher et les emmener à Parthenay. Ils étaient en uniforme républicain, bien armés et à cheval ; quand ils virent tous ces chevaux au piquet, ils crurent que c’étaient des Bleus venus pour nous prendre ; ces trois hommes ne trouvèrent dans la première cour qu’un petit domestique âgé de quinze ans, ils lui dirent : « Bonjour, citoyen » ; cet enfant répondit : « Il n’y a point de citoyens ici. Vive le Roi ! Aux armes, voilà les Bleus ! » À ce cri, tous les cavaliers sortent, sabre à la main, comme des furieux ; heureusement mon père et moi, entendant le tumulte, sans savoir ce que c’est, accourons de toutes nos forces ; nous reconnaissons les trois Bressuirais qu’on allait massacrer ; nous nous jetons entre les paysans et eux. Tout ce qui était dans la maison sort dans la cour ; les trois femmes de ces malheureux arrivant comme les autres, tombent évanouies. Nous disons aux cavaliers que ce ne sont pas des soldats venus pour nous arrêter, mais les maris des femmes réfugiées chez nous ; qu’ils venaient les chercher et s’étaient armés seulement pour les défendre. Les paysans ne voulant pas entendre raison, Henri se met à leur parler. Pendant ce temps, nous faisons entrer ces trois hommes dans le salon, dont nous fermons la porte ; là nous les faisons changer d’habits, prendre une cocarde blanche, et, quand la troupe est un peu apaisée, nous les montrons sous ce nouveau costume ; on les fait marcher sur la cocarde nationale, crier Vive le Roi, et enfin les cavaliers se calment.

La nourrice de ma fille, qui la gardait dans son village depuis le commencement de la guerre, vint me l’apporter. Cette femme avait la plus grande répugnance à me suivre ; elle avait des évanouissements, de chagrin de quitter son mari, ou bien de frayeur ; cela me faisait craindre qu’elle ne perdît son lait, et je croyais ma fille plus en sûreté avec des paysans qu’avec moi ; je me décidai à la lui laisser, lui faisant promettre de se tenir cachée dans le pays, et je chargeai beaucoup de gens de veiller sur elle.

Enfin nous partîmes vers midi pour Bressuire, et M. de Lescure accompagna Henri pour donner l’alarme à Parthenay. Avant de s’en aller, il dit aux patriotes qu’ils pouvaient rester dans le château, tant qu’ils craindraient la moindre chose ; il le permit même à Motot, ce scélérat qui avait quitté Clisson au commencement de la guerre, pour être chirurgien des Bleus à Bressuire, et qui était venu s’y réfugier le 2 mai. Cet homme avait déjà montré la plus noire ingratitude, et depuis a continué son affreuse conduite, malgré la clémence de M. de Lescure et la leçon également forte et touchante qu’il lui donna en lui faisant grâce. Presque tous les autres patriotes restés à Clisson étaient des gens honnêtes et paisibles.

Nous nous mettons en marche dans deux voitures traînées par des bœufs, suivis de nos domestiques armés. Quand nous sommes près de la ville, nous commençons à voir les Vendéens ; nous criions Vive le Roi ! ainsi qu’eux, et nous pleurions à chaudes larmes, de joie et d’attendrissement. J’admirai surtout une cinquantaine de Brigands prosternés au pied du calvaire, rien ne put les distraire de leurs ardentes prières. La ville était remplie de paysans armés, il y en avait environ vingt mille dont six mille avec des fusils ; d’autres avaient des faux retournées, arme effrayante et terrible ; des faucilles, des couteaux au bout de longs bâtons, des broches, ou simplement de gros morceaux de bois, comme des espèces de massue. Tous se croyaient invincibles. Les cloches étaient en branle ; il y avait un grand feu de joie de l’arbre de la liberté et de tous les papiers du district. On nous mena dans une chambre pleine de soldats.

Mon père, MM. de Marigny et des Essarts allèrent trouver les autres officiers, et je fus me promener avec mes femmes autour de la ville. Les paysans, qui ne me connaissaient pas, me demandaient si j’étais de Bressuire ; je leur disais que j’y étais prisonnière, qu’ils m’avaient délivrée ; ils étaient enchantés d’avoir sauvé des nobles, ils attendaient les émigrés, et puisque j’étais aristocrate, ils voulaient me faire embrasser Marie-Jeanne : ils appelaient ainsi une superbe pièce de canon de douze, la première qu’ils eussent prise, une des six pièces du château de Richelieu. Le cardinal avait fait fondre ces canons, en les chargeant d’ornements à sa gloire et à celle de Louis XIII ; elles étaient d’un travail aussi fini que tout ce qu’on peut voir de plus parfait. Les paysans avaient un respect superstitieux pour Marie-Jeanne, et croyaient qu’elle leur assurait la victoire. Je trouvai ce canon sur le milieu de la place, entouré de paysans qui l’embrassaient et l’admiraient ; autour il y en avait treize autres de tout calibre.

Le soir, nous fûmes surpris et édifiés de voir dans chaque chambre tous les soldats à genoux, répétant le chapelet dit par l’un d’eux, et nous apprîmes qu’ils ne manquaient jamais de le faire trois fois par jour. Bressuire ne fut point pillé, à l’exception de trois ou quatre maisons, où on cassa les meubles ; cependant, les paysans portaient une telle haine à la ville, qu’ils démolissaient les murs à coups de pique.

Je ne veux pas oublier deux traits qui prouveront la bonté et la douceur de ces pauvres gens : nous étions dans une chambre avec une trentaine de soldats ; je les entendis se demander les uns aux autres du tabac et s’affliger de n’en pas avoir ; j’interrogeai l’un d’eux, pour savoir si on n’en trouverait pas dans la ville ; il me répondit qu’on en vendait, mais que n’ayant pas d’argent pour en acheter, ils aimeraient mieux mourir que piller. Je chargeai cet homme d’aller en chercher deux livres, et je les lui donnai pour ses camarades ; j’eus beaucoup de peine à les faire accepter. Je vis dans la rue deux cavaliers se poursuivant : l’un reçut un léger coup de sabre, il allait le rendre à son camarade ; mon père, se trouvant là, lui retint le bras en lui disant : « Jésus-Christ a pardonné à ses bourreaux, et tu es de l’armée catholique ! » Aussitôt cet homme embrassa l’autre. À ce propos, je dirai que, tout le temps que j’ai été à l’armée, il n’y a jamais eu de duel. On se battait si souvent contre les Bleus, et on avait si peu d’officiers, qu’on leur faisait sentir la nécessité de se conserver pour les batailles ; les soldats les imitaient.

L’armée alors à Bressuire était composée d’Angevins et de Poitevins des environs de Cholet, Beaupréau, Chemillé, Coron, Mortagne, Maulévrier, Châtillon, Bressuire, etc. ; elle se distinguait des autres par le nom de la Grande Armée ; sa force était presque égale à toutes les autres ensemble. Elle était ordinairement de vingt mille hommes, et dans les grands rassemblements, aisément de quarante mille. C’est elle qui a fait les exploits les plus grands, comme on le verra par la suite, car elle était exposée à beaucoup plus d’ennemis. Dans le fond du pays commandait Charette ; son plus fort rassemblement allait à vingt mille hommes ; il avait à se défendre contre Nantes et les Sables. Du côté de Montaigu était l’armée de Royrand, qui faisait douze mille hommes, et n’avait à surveiller que Luçon ; de l’autre côté, le poste commandé par MM. de Lyrot et d’Ésigny se défendait aussi de Nantes : le rassemblement pouvait aller à trois ou quatre mille hommes. L’armée de Bonchamps était opposée à Angers ; elle était de dix à douze mille hommes, mais elle se réunissait souvent à la grande armée. On le voit, ces différents corps, entourés par la Loire, la mer, les marais de Luçon et la grande armée, ne pouvaient se battre que sur leur terrain ; au contraire la grande armée, soutenue par les autres sur ses derrières, n’avait devant elle ni par côté aucune barrière naturelle, et, par conséquent, avait un grand pays à défendre : la Châtaigneraie, Fontenay, Parthenay, Airvault, Thouars, Vihiers, Doué, Saumur, tout se réunissait contre elle ; c’est pourquoi elle a livré tant de combats et pris tant de villes.

Tâchons maintenant d’expliquer comment elle était commandée. Il n’y avait point eu de nomination de généraux ; les hommes obéissaient à ceux en qui ils avaient confiance.

M. d’Elbée menait les paysans des environs de Beaupréau et Cholet ; c’était un petit homme de quarante ans ; il n’avait jamais été que sous-lieutenant d’infanterie et était retiré du service depuis quinze ans. Il était brave et dévot au suprême degré ; il ne savait des combats que s’avancer, en disant : « Mes enfants, la Providence vous donnera la victoire » ; les soldats le regardaient comme la bannière. Il avait de l’amour-propre, un dévouement entier, d’excellentes intentions, un enthousiasme extrême ; du reste, c’était un homme de paille. Cependant tout le monde avait infiniment d’estime et de déférence pour lui. Il était d’une politesse excessive, mais fort vif, et s’emportait, répétant gravement : Confions-nous à la Providence.

Stofflet[2], garde-chasse de Maulévrier, commandait toute cette partie : c’était un homme grand, âgé de quarante ans ; il avait été soldat dans un régiment allemand ; rempli d’ambition, il a depuis perdu l’armée par ce défaut même, qu’il ne paraissait pas encore avoir ; tout le monde alors, ainsi que lui, ne poursuivait qu’un but, celui de faire le mieux possible. Les soldats ne l’aimaient pas, le trouvant trop dur, mais ils lui obéissaient mieux qu’à personne. Brave, actif, intelligent, les officiers l’estimaient beaucoup, et il était utile, en ce que les soldats lui étaient soumis. [À la fin, de mauvais conseillers se sont emparés de son esprit, l’ont gouverné et lui ont inspiré un orgueil, une vanité qui ne lui étaient pas naturels ; cela lui a fait commettre de grandes fautes, qui ont causé beaucoup de tort au parti.]

Cathelineau, paysan du Pin-en-Mauges, commandait toutes les Mauges. C’était un homme d’environ trente-quatre ans, d’une douceur, d’une modestie, d’une bravoure et d’une intelligence rares ; il se mettait toujours à la dernière place, quoiqu’on lui rendît tout plein d’égards ; tout le monde l’adorait, et les soldats l’appelaient le Saint d’Anjou, à cause de sa grande piété, comme ils ont appelé depuis M. de Lescure, le Saint du Poitou.

M. de la Rochejaquelein commandait les environs de Châtillon ; son courage, qu’il poussait souvent jusqu’à la témérité, lui avait fait donner le surnom d’Intrépide. Il avait le coup d’œil extrêmement juste et des dispositions naturelles étonnantes pour la guerre ; ses défauts étaient de s’occuper peu du conseil, quoiqu’il eût d’excellentes idées, et d’être quelquefois emporté par son courage à s’exposer comme un fou sans nécessité, quand les Bleus étaient en déroute. Souvent on le lui reprochait ; il disait : « Pourquoi veut-on que je sois général ? Je suis trop jeune, je voudrais être hussard, pour avoir le plaisir de me battre. » [Jamais il n’a fait un prisonnier sans lui donner la possibilité de lutter corps à corps avec lui.]

M. de Lescure commandait les environs de Bressuire ; aussi brave qu’Henri, il était beaucoup plus réfléchi ; rien n’égalait son sang-froid. Il avait étudié toute sa vie la tactique, aussi était-il l’officier de l’armée le plus instruit, le seul même capable d’attaquer et de défendre des places ; à cette époque, il n’avait que la théorie. Son seul défaut était l’entêtement. Les officiers le respectaient et l’aimaient infiniment ; c’était lui qui les instruisait tous, pour leur faire comprendre les fortifications des camps des Bleus. Ces deux amis n’avaient nulle ambition et étaient unis comme deux frères ; tout le monde les aimait et ne parlait que de leur courage.

Tels étaient les généraux de l’armée ; il faut y ajouter mon père : étant maréchal de camp et ayant fait les guerres d’Allemagne, il aurait dû avoir autorité sur les autres, mais il ne s’en souciait pas, n’ayant nulle ambition ; il ne désirait qu’être à l’armée. Cependant on lui témoignait beaucoup de respect ; s’il eût voulu ne pas toujours se mettre de côté, il eût commandé ; mais naturellement timide et peu communicatif, il se tenait à l’écart[3].

J’en citerai un trait comique. Le jour de son arrivée à l’armée, M. d’Elbée lui dit de compter qu’il ferait savoir au Roi sa conduite, quand la contre-révolution serait faite, par un de ses parents, écuyer de M. le prince de Condé ; si mon père avait dit qu’il était gentilhomme d’honneur de Monsieur et avait passé sa vie à la cour, M. d’Elbée, qui n’était pas dépourvu d’ambition, et les autres, se seraient soumis à lui ; au lieu de cela, il remercia beaucoup M. d’Elbée, en lui disant qu’il ne désirait rien du Roi que l’honneur de le servir, et c’était vrai.

[En général, tels étaient les sentiments de presque tous les officiers de la Vendée ; on ne les entendait jamais parler de récompenses qu’ils espéraient du Roi, et, se sacrifiant pour lui, ils regardaient que c’était tout simplement leur devoir, et qu’ils n’y avaient nul mérite. M. d’Elbée lui-même, comme on voit, croyait qu’il serait avantageux à mon père de connaître un écuyer du prince de Condé, et je pense que bien peu, à la place de mon père, eussent laisser ignorer ce qu’ils étaient.]

M. de Bonchamps, qui se trouvait dans ce moment à Bressuire avec son armée, était un homme de trente-deux ans ; il avait fait la guerre dans les Indes sous M. de Suffren. Tout le monde lui accordait infiniment de talent et de bravoure ; il n’y avait qu’une voix sur son compte. Il était malheureux, car il ne pouvait aller au feu sans recevoir quelque blessure, et souvent par là son armée était privée d’un excellent général. Toute la grande armée l’aimait, et il était regardé comme le plus habile des chefs ; il n’avait nulle ambition et était aussi généreux que brave.

M. de Dommaigné[4] commandait la cavalerie ; c’était un très brave homme.

M. de Marigny fut mis à la tête de l’artillerie ; j’ai déjà peint son caractère ; il connaissait parfaitement tout ce qui regardait cette partie du militaire et aurait été excellent dans l’arme, ayant autant de talent que de courage, si son excessive vivacité ne lui eût pas fait souvent tourner la tête par trop d’ardeur ; aussi a-t-il presque autant fait perdre que gagner de batailles. Du reste, il savait très bien son état, s’étant particulièrement attaché à l’artillerie dans la marine et ayant participé à plusieurs descentes pendant la guerre contre les Anglais.

Ces chefs avaient une égale autorité, à l’exception de M. de Dommaigné ; il y avait aussi deux autres personnes regardées comme généraux : le premier, M. de Boisy[5], maladif, et, par cette raison, fort rarement à l’armée ; le second, M. Duhoux d’Hauterive[6], beau-frère de M. d’Elbée, chevalier de Saint-Louis, mais qui ne marquait pas beaucoup ; c’était un honnête homme, qui faisait de son mieux : ces deux messieurs étaient pour ainsi dire des généraux honoraires.

On sera surpris de voir une armée avec autant de chefs, et on croira que cela devait occasionner des dissensions, mais du tout : chacun rivalisait de zèle, et d’ailleurs on n’avait pas le temps de discuter, on ne pensait qu’à se battre, et la plus parfaite union régnait entre tous.

MM. de Fleuriot[7] étaient de l’armée de Bonchamps, anciens et bons militaires.

Il y avait en outre des officiers qui commandaient indifféremment aux postes où on les mettait. Parmi les plus braves d’alors étaient MM. Forestier, Forest, Villeneuve du Cazeau[8], les frères de Cathelineau[9], le chevalier Duhoux[10], le chevalier de Beaurepaire[11] qui rejoignit à Bressuire, MM. de Couëtus[12], des Nouhes[13], de Dieusie[14], de Jousselin[15], de la Pelouze[16], de Saujon[17], les Texier, Tranquille[18], Vandangeon[19], les Soyer[20], Bernard[21], les Blouin[22], Bonin[23], de Braucourt[24], Genay[25], Girard de Beaurepaire[26], les Martin[27], O’Daly[28], Tonnelet[29], le vaillant chevalier des Essarts, Guignard[30], Cady[31], Bourasseau, et bien d’autres, nobles et bourgeois.

Étaient officiers de droit : tout ancien militaire, les nobles du pays, ceux en qui les paysans mettaient leur confiance et ceux qui se distinguaient, et cela sans nomination ; les généraux les chargeaient de commander, et chacun agissait de son mieux.

Pour achever l’esquisse de la grande armée et des autres en même temps, j’ajouterai que les paysans se rassemblaient sur l’ordre de leurs chefs, mais, le lendemain de la bataille gagnée ou perdue, il n’y avait plus personne ; ils s’en retournaient tous chez eux, il était impossible de les retenir ; ils revenaient sur-le-champ quand on les rappelait. Les réquisitions étaient conçues en ces termes : « Au Saint Nom de Dieu, de par le Roi, telle paroisse est invitée à envoyer le plus d’hommes possible, tel jour, à tel endroit ; on aura soin d’apporter des armes et des vivres. Signé : Un tel. »

Aussitôt les paysans sonnaient le tocsin, et c’était à qui partirait. Les soldats apportaient chacun du pain ; en outre, les généraux avaient soin de faire tuer des bœufs, qu’ils prenaient chez les particuliers, à l’estimation, sur un reçu de leur main, et ils faisaient boulanger dans le lieu du rassemblement. C’était à qui fournirait du pain et de la viande. Il était défendu aux femmes de paraître à l’armée, mais c’était à qui se trouverait sur son passage, pour offrir à manger ; elles se mettaient à genoux à dire leur chapelet pendant que l’armée défilait. On peut juger par là de l’enthousiasme général du pays. Pour ne pas écraser le paysan, on avait soin de faire surtout prendre des vivres chez les nobles, émigrés ou non ; le rassemblement ne durait jamais que deux ou trois jours.

Il n’y avait ni tentes ni bagages, et ce qui étonnera le plus, pas une sentinelle, car jamais paysan n’a voulu consentir à monter la garde, même étant payé ; il n’y avait presque jamais de patrouille. C’était un officier qui allait seul à la découverte pour former des colonnes et diriger les troupes ; on disait : Monsieur un tel va par tel chemin, qui le suit ? Les soldats qui l’aimaient se mettaient en marche ; quand on voyait qu’il y en avait assez de ce côté, on les faisait passer par un autre. Celui qui avait un commandement emmenait avec lui quelques officiers, et là il séparait sa troupe en plusieurs corps, de la même manière ; on se mettait à une croisée de chemins, on faisait passer chacun d’un côté et de l’autre ; on ne disait jamais : À droite, à gauche, mais : Allez du côté de cette maison, du côté de cet arbre. Tous ces détails paraîtront des rêves, je répète qu’ils sont vrais.

[Les chefs portaient habituellement, pendant l’été, des vestes, gilets et pantalons de siamoise de toutes couleurs, fabriquée à Cholet ; quelques-uns avaient des vestes de drap vert avec des collets noirs ou blancs. Quand il faisait froid, ils mettaient des redingotes, même des habits, comme avant la guerre ; Henri a fait toute la campagne avec une redingote bleue. On peut dire que chacun s’habillait avec ce qu’il avait et comme il pouvait.]

Je ne puis finir ce qui concerne l’armée sans parler des hôpitaux ; jamais on n’en a eu de mieux servis que ceux de la grande armée. Il y avait à Saint-Laurent-sur-Sèvre le chef d’un ordre de sœurs grises, appelées Sœurs de la Sagesse ; cet établissement n’était pas encore détruit, et comme plusieurs maisons qui en dépendaient avaient été ruinées, il s’y trouvait cent religieuses hospitalières réunies. Dans le même bourg étaient les missionnaires du Saint-Esprit. Ces deux communautés s’étaient chargées des blessés et en prenaient les plus grands soins ; dans divers autres endroits, des chirurgiens en rassemblaient aussi ; les Bleus étaient soignés absolument comme les nôtres.

Nous partîmes le 4 au matin de Bressuire, maman, ma tante, M. d’Auzon, M. et Mlle des Essarts et moi. Quand nous fûmes à un quart de lieue de Châtillon, tous les gens de la ville vinrent au-devant de nous, sous les armes, avec un tambour à leur tête ; ils criaient : Vive le Roi, vive la noblesse, vivent les prêtres ! Ils nous demandaient où étaient M. de Lescure et les autres ; nous leur répondions : À l’armée. Les cris de Vive la noblesse redoublaient ; nous pleurions d’attendrissement et de joie. À notre arrivée à Châtillon, une espèce de conseil de ville qu’on avait établi vient nous complimenter et nous force d’accepter d’être reconduits par une garde d’honneur ; nous la congédions au bout d’un quart de lieue, en lui donnant trente louis ; nous arrivons le soir à la Boulaye et nous nous y établissons.

  1. Jean-Baptiste de Beauvollier, baptisé à Beuxes en Loudunois, le 11 janvier 1774, fut pris à Montrelais, prés Varades, condamné et exécuté à Angers le 22 nivôse an II, 11 Janvier 1794.
  2. Jean-Nicolas Stofflet, né à Bathelémont-lès-Bauzemont, en Lorraine, le 3 février 1753, ancien militaire, garde-chasse au château de Maulévrier, près Cholet, devint un des principaux chefs de la Vendée. Il fut arrêté par trahison à la Saugrenière, près Jallais, et fusillé à Angers le 25 février 1796.
  3. M. de Donnissan avait la meilleure tête de tous les chefs, voyait très bien les événements, mais il ne communiquait guère ses idées. Il avait prévu dès le commencement les tristes suites de cette guerre et sa fin déplorable. (Note du manuscrit.)
  4. Jean-Baptiste-Louis-Étienne de Dommaigné, comte de Brûlon, baptisé le 11 novembre 1749 à Saint-Augustin d’Angers, fils de J. B. L. de Dommaigné, seigneur de la Gaionnière et de la Roche-Hue en Anjou. Il avait été garde du corps en 1768 et gendarme de la garde en 1773.
  5. Pierre-Prosper Gouffier, chevalier, marquis de Boisy, seigneur de Landebaudière, né au château de la Courtaiserie, en Anjou, le 5 octobre 1750. Pris et fusillé à Noirmoutier, le 9 janvier 1794.
  6. Pierre Duhoux d’Hauterive, né le 12 août 1746, fils de Jean Duhoux d’Hauterive, gouverneur de Noirmoutier, et de Charlotte de Juliot. Page du prince de Condé, sous-lieutenant à la légion de Condé en 1766, capitaine au régiment de Cambrésis en 1778, démissionnaire et chevalier de Saint-Louis en 1787. Il avait d’abord rejoint l’armée de Condé, puis l’armée vendéenne. Il fut pris et fusillé à Noirmoutier le 9 janvier 1794.
  7. Jacques de Fleuriot de La Freulière, né à Ancenis le 1er mai 1736, page de la Reine en 1750, lieutenant de cavalerie en 1757, chevalier de Saint-Louis en 1776. Il fut grièvement blessé à l’attaque de Nantes le 27 juin 1793, et mourut à Saint-Florent-le-Vieil.

    Son frère, Jacques-Nicolas, né à Ancenis le 30 octobre 1738, capitaine de cavalerie en 1780, chevalier de Saint-Louis, maréchal des logis aux gardes du corps en 1785. Général de l’armée vendéenne, il fut retraité en 1816 comme maréchal de camp, commandeur de Saint-Louis, et mourut à Omblepied, près Ancenis, le 20 octobre 1824.

  8. Louis-Augustin de Villeneuve du Cazeau, chevalier, seigneur de Pontreau, dans la paroisse Saint-Pierre de Cholet, fut baptisé au May le 29 février 1756. C’est lui sans doute qui fut pris et condamné à mort par le tribunal criminel de Nantes, le 28 nivôse an II, 17 janvier 1794, sous la désignation de « Louis-François Villeneuve, âgé de trente-six ans, ayant commandé des Brigands dès le mois de mars. » Son père, Gabriel-Louis de Villeneuve, chevalier, seigneur de la Poizottière, baptisé au May le 17 août 1722, avait épousé Marie-Élisabeth des Herbiers de l’Étanduère et avait acquis en 1761 la seigneurie du Cazeau, dans la paroisse du May, près Cholet. Quoique âgé de 71 ans, il fit la campagne d’outre-Loire et périt à Blain, le 18 novembre 1793.
  9. Jean, l’aîné de la famille, né le 5 décembre 1756, tué à Savenay le 23 décembre 1793 ; Pierre, né le 27 décembre 1767, blessé près de Cholet, mort d’une fièvre putride au Pin-en-Mauge, en mars 1794 ; Joseph, né le 23 mai 1773, fait prisonnier à Chalonnes, exécuté à Angers le 27 mars 1793.
  10. Le chevalier Duhoux était neveu du général républicain du même nom, et cousin de M. Duhoux d’Hauterive, officier vendéen.
  11. Pierre-Marie-René Piet, chevalier, seigneur de Beaurepaire en Anjou, né à la Coussaye, près Bressuire, le 22 décembre 1771, fut un des plus brillants officiers de la Vendée. Il prit part à tous les combats de 1793 à 1796, et devint adjudant général de l’armée d’Autichamp. La Restauration lui donna le brevet de colonel de cavalerie et de chevalier de Saint-Louis. Il mourut à Poitiers le 8 février 1822. Sa mère, née de Feydeau, fut massacrée et son père fusillé à Savenay ; son oncle, guillotiné ; un de ses frères mourut en combattant, un autre en prison ; sa sœur échappa aux noyades de Nantes et sauva par son courage le dernier de ses frères ; elle a depuis épousé, à Poitiers, le comte de Lusignan.
  12. Jean-Baptiste-René de Couëtus de la Vallée, né à Nantes le 16 juillet 1744. Ancien page de la Reine, cornette de cavalerie, lieutenant en 1766, chevalier de Saint-Louis, démissionnaire en 1768. Il se battit en Vendée jusqu’aux préliminaires de la paix ; pendant la suspension des hostilités, il fut arrêté par surprise au Clouzeau, près Challans, et fusillé le 7 nivôse an IV, 28 décembre 1795.
  13. Alexis-Hilaire, fils d’Alexis-Henri des Nouhes et de Marie-Anne d’Aulx, né en 1756 à Pouzauges en bas Poitou, s’enrôla en 1777 au régiment de Condé-dragons ; congédié l’année suivante comme gentilhomme, il entra en 1779 dans les volontaires du chevalier de Larminat. En 1782 il épousa Jeanne-Madeleine Mercier de Marigny et quitta le service en 1791. Il se distingua dans la grande armée vendéenne, comme major de la division des Aubiers, et fut sabré dans les rues de Savenay.
  14. Chantal-Louis-Bieusie-Guy-Lancelot de Dieusie, né le 27 février 1773, à Sainte-Gemmes-d’Andigné, en Anjou. Ancien page du roi, il fit les campagnes de la grande armée vendéenne, puis passa en Bretagne où il commanda une troupe de Chouans. Il fut pris et massacré près de Laval, au mois d’août 1795.
  15. Louis-Charles-Emmanuel, marquis de Jousselin, né le 25 octobre 1774 à la Gaucherie-aux-Dames, paroisse de Montilliers, en Anjou. Il reçut en 1815 le brevet de colonel d’infanterie, chevalier de Saint-Louis, et mourut à Angers le 24 mai 1854.
  16. Camille-Abraham Carrefourt, chevalier, seigneur de la Pelouze en Saumurois, né à Lyon le 29 avril 1734, capitaine d’artillerie en 1760, chevalier de Saint-Louis en 1770, chef de brigade au régiment de Grenoble en 1776, quitta le service en 1778. Condamné à Saumur le 28 août 1793, il fut exécuté sur la place de la Bilange.
  17. Sans doute Charles-Alexandre de Campet de Saujon, baptisé le 18 février 1743, fils de Jean-François-Éléonor, seigneur de Prinçay, dans la paroisse d’Availles, près Chizé en Poitou, et de Charlotte Cajetan d’Exéa. Il avait épousé en 1770 Marie-Jacques Dexmier.
  18. Jean Châtelain, surnommé Tranquille, né à Cholet le 30 septembre 1765. Ses services et sa bravoure lui valurent, en 1814, le brevet de maréchal de camp. Le roi l’anoblit et lui donna la croix de Saint-Louis. Il mourut le 11 juin 1848, à Échemiré, près Baugé.
  19. Jacquet Vandangeon, dit le Sabreur, parce qu’après la bataille de Fontenay, il poursuivit avec acharnement les Bleus qui emmenaient la pièce de canon Marie-Jeanne, et en sabra de sa main une trentaine. Il était né à Yzernay le 15 août 1769, et mourut le 28 décembre 1849. Son père, né à Bouzillé, près Ancenis, le 15 janvier 1736, avait été dénoncé pour son zèle à seconder et secourir les Vendéens. Il fut deux fois arrêté et emprisonné à Cholet, puis conduit à Noirmoutier et mis à mort.
  20. Les Soyer étaient quatre frères : René-François, né à Thouarcé, près Angers, le 5 septembre 1767, devint évêque de Luçon en 1821 et mourut le 5 mai 1845 ; Jean, né en 1770, major général de l’armée d’Anjou, chevalier de Saint-Louis, reçut en 1816 le brevet de maréchal de camp, et mourut le 17 octobre 1823 ; François, né en 1775, fut breveté colonel et chevalier de Saint-Louis, et mourut en 1855 ; Louis-Pierre, né en 1777, breveté chef de bataillon et chevalier de Saint-Louis, mort en 1860.
  21. Charles-Élie Bernard, né à Fontenay-le-Comte le 15 mars 1752, fit la campagne d’outre-Loire. Fermier général de la terre de Puyguyon, à Cerizay, il mourut le 31 octobre 1821.
  22. Deux Louis Blouin étaient partis de Trémentines près Cholet : l’un, fermier à la Bréchatière, est mort le 9 avril 1825, à soixante-dix-huit ans ; l’autre, aubergiste à la Coindrie, mourut le 9 décembre 1824, à cinquante-huit ans.
  23. Benoît-Ambroise-Henri Bonin, mort aux Aubiers, canton de Châtillon-sur-Sèvre, le 1er mars 1852, à l’âge de quatre-vingt-deux ans.
  24. Louis-Joseph-Marie de Braucourt, né au Cottel, paroisse du Pellerin, près Paimbœuf, le 22 février 1770, était contrôleur général surnuméraire. D’abord aide de camp de Charette, il assista à toutes les batailles jusqu’en 1798, reçut plusieurs blessures, eut l’œil enlevé d’un coup de sabre, fut deux fois condamné à mort et parvint à se sauver. Chevalier de Saint-Louis en 1816, il mourut à Luçon le 27 avril 1828.
  25. Joseph Genay, fils de Jean Genay, originaire de la Châtaignerie, sénéchal de Courlay, et de Marie Garnier des Marmeniéres. Il mourut à Courlay, le 20 juillet 1845, âgé de 82 ans.
  26. Charles-Eusèbe-Gabriel Girard, chevalier, seigneur de Beaurepaire, près Montaigu, fut blessé de douze coups de sabre au second combat du Moulin-aux-Chèvres, et mourut à Fougères.
  27. Plusieurs Martin se sont distingués dans les guerres de la Vendée : deux frères souvent cités ; un paysan du Volde avec ses quatre fils ; un, de la Pommeraye, ancien gendarme ; Tristan Martin, de Montrevault, né le 9 août 1765, breveté sous la Restauration colonel et chevalier de Saint-Louis, mort à son château du Verger le 27 janvier 1826 ; Jean-Baptiste Martin-Baudinière, né à la Pommeraye le 20 février 1769, breveté en 1815 colonel et chevalier de Saint-Louis.
  28. Jacques-André-Maurice O’Daly d’une famille originelle d’Irlande, fils de Jean-Barthélemy O’Daly de Duglas, conseiller du Roi en l’élection de Châtillon, et de Jeanne-Françoise-Antoinette Brunet du Meslier. Ils étaient trois frères : le plus jeune fut tué en combattant, les deux autres furent guillotinés à Nantes.
  29. René Tonnelet, garde-chasse du comte de Colbert, à Tout-le-Monde, paroisse des Échaubroignes.
  30. Henri-Claude Guignard, de Tiffauges, ancien gendarme à Roche-Servière.
  31. Sébastien-Jacques Cady, né à Saint-Laurent-de-la-Plaine, près Chalonnes, chirurgien et très brave officier de la grande armée, reprit les armes en 1796, fut retraité par la Restauration comme colonel, chevalier de Saint-Louis, devint maire de Saint-Laurent et y mourut le 19 avril 1820, à l’âge de 66 ans.