Mémoires du Général Baron de Marbot/Tome 1/Chapitre XXX

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CHAPITRE XXX

Iéna. — Le curé d’Iéna. — Auerstædt. — Conduite de Bernadotte. — Entrée à Berlin.

La ville d’Iéna est dominée par une hauteur, nommée le Landgrafenberg, au bas de laquelle coule la Saale ; les abords du côté d’Iéna sont très escarpés, et il n’existait alors qu’une seule route, celle de Weimar, par Mühlthal, défilé long et difficile, dont le débouché, couvert par un petit bois, était gardé par les troupes saxonnes alliées des Prussiens. Une partie de l’armée prussienne était en ligne, en arrière, à une portée de canon. L’Empereur, n’ayant que ce seul passage pour arriver sur les ennemis, s’attendait à éprouver de grandes pertes en l’attaquant de vive force, car il ne paraissait pas possible de le tourner. Mais l’heureuse étoile de Napoléon, qui le guidait encore, lui fournit un moyen inespéré, dont je ne sache pas qu’aucun historien ait parlé, mais dont j’atteste l’exactitude.

Nous avons vu que le roi de Prusse avait contraint l’électeur de Saxe à joindre ses troupes aux siennes. Le peuple saxon se voyait à regret engagé dans une guerre qui ne pouvait lui procurer aucun avantage futur et qui, pour le présent, portait la désolation dans son pays, théâtre des hostilités. Les Prussiens étaient donc détestés en Saxe, et Iéna, ville saxonne, partageait ce sentiment de réprobation. Exalté par l’incendie qui la dévorait en ce moment, un prêtre de cette ville, qui considérait les Prussiens comme les ennemis de son roi et de sa patrie, crut pouvoir donner à Napoléon le moyen de les chasser de son pays, en lui indiquant un petit sentier par lequel des fantassins pouvaient gravir la rampe escarpée du Landgrafenberg. Il y conduisit donc un peloton de voltigeurs et des officiers de l’état-major. Les Prussiens, croyant ce passage impraticable, avaient négligé de le garder. Mais Napoléon en jugea différemment, et, sur le rapport que lui en firent les officiers, il y monta lui-même, accompagné du maréchal Lannes, et dirigé par le curé saxon. L’Empereur ayant reconnu qu’il existait entre le haut du sentier et la plaine qu’occupait l’ennemi, un petit plateau rocailleux, résolut d’en faire le point de réunion d’une partie de ses troupes, qui déboucheraient de là comme d’une citadelle pour attaquer les Prussiens.

L’entreprise eût été d’une difficulté insurmontable pour tout autre que pour Napoléon, commandant à des Français ; mais lui, faisant prendre sur-le-champ quatre mille outils de pionniers dans les caissons du génie et de l’artillerie, ordonna que tous les bataillons travailleraient à tour de rôle, pendant une heure, à élargir et adoucir le sentier, et lorsque chacun d’eux aurait fini sa tâche, il irait se former en silence sur le Landgrafenberg, pendant qu’un autre le remplacerait. Les travaux étaient éclairés par des torches, dont la lueur se confondait aux yeux de l’ennemi avec celle de l’incendie d’Iéna. Les nuits étant fort longues à cette époque de l’année, nous eûmes le temps de rendre cette rampe accessible non seulement aux colonnes d’infanterie, mais encore aux caissons et à l’artillerie, de sorte que, avant le jour, les corps des maréchaux Lannes, Soult, et la première division d’Augereau, ainsi que la garde à pied, se trouvèrent massés sur le Landgrafenberg. Jamais l’expression massée ne fut plus exacte, car la poitrine des hommes de chaque régiment touchait presque le dos des soldats placés devant eux. Mais les troupes étaient si bien disciplinées que, malgré l’obscurité et l’entassement de plus de quarante mille hommes sur cet étroit plateau, il n’y eut pas le moindre désordre, et bien que les ennemis qui occupaient Cospoda et Closevitz ne fussent qu’à une demi-portée de canon, ils ne s’aperçurent de rien !

Le 14 octobre au matin, un épais brouillard couvrait la campagne, ce qui favorisa nos mouvements. La deuxième division d’Augereau, faisant une fausse attaque, s’avança d’Iéna par le Mühlthal sur la route de Weimar. Comme c’était le seul point par lequel l’ennemi crût qu’il nous fût possible de sortir d’Iéna, il y avait établi des forces considérables ; mais, pendant qu’il se préparait à défendre vigoureusement ce défilé, l’empereur Napoléon, faisant déboucher du Landgrafenberg les troupes qu’il y avait agglomérées pendant la nuit, les rangea en bataille dans la plaine. Les premiers coups de canon et une brise légère ayant dissipé le brouillard, auquel succéda le plus brillant soleil, les Prussiens furent vraiment stupéfaits en voyant les lignes de l’armée française déployées en face d’eux et s’avançant pour les combattre !… Ils ne pouvaient comprendre comment nous étions arrivés sur le plateau, lorsqu’ils nous croyaient au fond de la vallée d’Iéna, sans avoir d’autre moyen de venir à eux que la route de Weimar, qu’ils gardaient si bien. En un instant, la bataille s’engage, et les premières lignes des Prussiens et des Saxons, commandées par le prince de Hohenlohe, se trouvent forcées de reculer. Leurs réserves avançaient, mais, de notre côté, nous reçûmes un puissant renfort. Le corps du maréchal Ney et la cavalerie de Murat, retardés dans les défilés, débouchèrent dans la plaine et prirent part à l’action. Cependant, un corps d’armée prussien, commandé par le général Ruchel, arrêta un moment nos colonnes ; mais, chargé par la cavalerie française, il fut presque entièrement détruit, et le général Ruchel tué.

La 1re division du maréchal Augereau, en débouchant du Landgrafenberg dans la plaine, se réunit à la 2e, arrivant par le Mühlthal, et le corps d’armée longeant la route d’Iéna à Weimar s’empara d’abord de Cospoda, et puis du bois d’Iserstædt, tandis que le maréchal Lannes prenait Viersehn-Heilingen et le maréchal Soult Hermstædt.

L’infanterie prussienne, dont j’ai déjà fait connaître la mauvaise composition, se battit fort mal, et la cavalerie ne fit guère mieux. On la vit à plusieurs reprises s’avancer à grands cris sur nos bataillons ; mais, intimidée par leur attitude calme, elle n’osa jamais charger à fond ; arrivée à cinquante pas de notre ligne, elle faisait honteusement demi-tour au milieu d’une grêle de balles et des huées de nos soldats.

Les Saxons combattaient avec courage : ils résistèrent longtemps au corps du maréchal Augereau, et ce ne fut qu’après la retraite des troupes prussiennes que, s’étant formés en deux grands carrés, ils commencèrent leur retraite, tout en continuant à tirer. Le maréchal Augereau, admirant le courage des Saxons, et voulant ménager le sang de ces braves gens, venait d’envoyer un parlementaire pour les engager à se rendre, puisqu’ils n’avaient plus d’espoir d’être secourus, lorsque le prince Murat, arrivant avec sa cavalerie, lança les cuirassiers et les dragons, qui, chargeant à outrance sur les carrés saxons, les enfoncèrent et les contraignirent à mettre bas les armes ; mais, le lendemain, l’Empereur les rendit à la liberté et les remit à leur souverain, avec lequel il ne tarda pas à faire la paix.

Tous les corps prussiens qui avaient combattu devant Iéna se retiraient dans une déroute complète sur la route de Weimar, aux portes de laquelle les fuyards, leur artillerie et leurs bagages étaient accumulés, lorsque apparurent tout à coup les escadrons de la cavalerie française !… À leur aspect, la terreur se répand dans la cohue prussienne ; tout fuit dans le plus grand désordre, laissant en notre pouvoir un grand nombre de prisonniers, de drapeaux, de canons et de bagages.

La ville de Weimar, surnommée la nouvelle Athènes, était habitée à cette époque par un grand nombre de savants, d’artistes et de littérateurs distingués, qui s’y réunissaient de toutes les parties de l’Allemagne, sous le patronage du duc régnant, protecteur éclairé des sciences et des arts. Le bruit du canon, le passage des fuyards, l’entrée des vainqueurs émurent vivement cette paisible et studieuse population. Mais les maréchaux Lannes et Soult maintinrent le plus grand ordre, et, sauf la fourniture des vivres nécessaires à la troupe, la ville n’eut à souffrir d’aucun excès. Le prince de Weimar servait dans l’armée prussienne ; son palais, dans lequel se trouvait la princesse son épouse, fut néanmoins respecté, et aucun des maréchaux ne voulut y loger.

Le quartier du maréchal Augereau fut établi aux portes de la ville, dans la maison du chef des jardins du prince. Tous les employés de cet établissement ayant pris la fuite, l’état-major, ne trouvant rien à manger, fut réduit à souper avec des ananas et des prunes de serre chaude ! C’était par trop léger pour des gens qui, n’ayant rien pris depuis vingt-quatre heures, avaient passé la nuit-précédente sur pied, et toute la journée à combattre !… Mais nous étions vainqueurs, et ce mot magique fait supporter toutes les privations !…

L’Empereur retourna coucher à Iéna, où il apprit un succès non moins grand que celui qu’il venait de remporter lui-même. La bataille d’Iéna eut cela d’extraordinaire qu’elle fut double, si je puis m’exprimer ainsi, car ni l’armée française, ni celle de Prusse ne se trouvaient réunies devant Iéna. Chacune d’elles, séparée en deux parties, livra deux batailles différentes. En effet, pendant que l’Empereur débouchant d’Iéna à la tête des corps d’Augereau, de Lannes, de Soult, de Ney, de sa garde et de la cavalerie de Murat, battait, ainsi que je viens de l’expliquer, les corps prussiens du prince de Hohenlohe et du général Ruchel, le roi de Prusse, à la tête de son armée principale, commandée par le célèbre prince de Brunswick, les maréchaux Mollendorf et Kalkreuth, se rendant de Weimar à Naumbourg, avait couché au village d’Auerstædt, non loin des corps français de Bernadotte et de Davout, qui se trouvaient dans les villages de Naumbourg et alentour. Pour aller rejoindre l’Empereur du côté d’Apolda, dans les plaines au delà d’Iéna, Bernadotte et Davout devaient passer la Saale en avant de Naumbourg et traverser le défilé étroit et montueux de Kösen.

Bien que Davout pensât que le roi de Prusse et le gros de son armée étaient devant l’Empereur et ne les crût pas si près de lui à Auerstædt, ce guerrier vigilant s’empara la nuit du défilé de Kösen et de ses rampes escarpées, que le roi de Prusse et ses maréchaux avaient négligé de faire occuper, imitant en cela la faute qu’avait commise devant Iéna le prince de Holenlohe, en ne faisant pas garder le Landgrafenberg.

Les troupes de Bernadotte et de Davout réunies ne s’élevaient qu’à quarante-quatre mille hommes, tandis que le roi de Prusse en avait quatre-vingt mille à Auerstædt.

Dès le point du jour du 14, les deux maréchaux français connurent quelles forces supérieures ils allaient combattre ; tout leur faisait donc un devoir d’agir avec ensemble. Davout, en comprenant la nécessité, déclara qu’il se placerait volontiers sous les ordres de Bernadotte ; mais celui-ci, comptant pour rien les lauriers partagés, et ne sachant pas se sacrifier aux intérêts de son pays, voulut agir seul, et sous prétexte que l’Empereur lui avait ordonné de se trouver le 13 à Dornbourg, il voulut s’y rendre le 14, bien que Napoléon lui écrivît dans la nuit que si par hasard il était encore à Naumbourg, il devait y rester et soutenir Davout. Bernadotte, ne trouvant pas cette mission assez belle, laissa au maréchal Davout le soin de se défendre comme il le pourrait ; puis, longeant la Saale, il se rendit à Dornbourg, et bien qu’il n’y trouvât pas un seul ennemi, et que du haut des positions qu’il occupait il vît le terrible combat soutenu à deux lieues de là par l’intrépide Davout, Bernadotte ordonna à ses divisions d’établir leurs bivouacs et de faire tranquillement la soupe !… En vain les généraux qui l’entouraient lui reprochèrent-ils son inaction coupable, il ne voulut pas bouger !… De sorte que le général Davout, n’ayant avec lui que les vingt-cinq mille hommes dont se composaient les divisions Friant, Morand et Gudin, résista avec ces braves à près de quatre-vingt mille Prussiens, animés par la présence de leur roi !…

Les Français, en sortant du défilé de Kösen, s’étaient formés près du village de Hassenhausen ; ce fut vraiment sur ce point que la bataille eut lieu, car l’Empereur était dans l’erreur lorsqu’il croyait avoir devant lui à Iéna le Roi et le gros de l’armée prussienne. Le combat que soutinrent les troupes de Davout fut un des plus terribles de nos annales, car ses divisions, après avoir victorieusement résisté à toutes les attaques des fantassins ennemis, se formèrent en carrés, repoussèrent les charges nombreuses de la cavalerie et, non contentes de cela, marchèrent en avant avec une telle résolution, que les Prussiens reculèrent sur tous les points, laissant le terrain couvert de cadavres et de blessés. Le prince de Brunswick et le général Schmettau furent tués, le maréchal Mollendorf grièvement blessé et fait prisonnier. Le roi de Prusse et ses troupes exécutèrent d’abord leur retraite en assez bon ordre sur Weimar, espérant s’y rallier derrière le corps du prince de Hohenlohe et du général Ruchel qu’ils supposaient vainqueurs, tandis que ceux-ci, vaincus par Napoléon, allaient de leur côté chercher un appui auprès des troupes que dirigeait le Roi. Ces deux énormes masses de soldats vaincus et démoralisés s’étant rencontrées sur la route d’Erfurt, il suffit de l’apparition de quelques régiments français pour les jeter dans la plus grande confusion. La déroute fut complète !… Ainsi fut punie la jactance des officiers prussiens. Les résultats de cette victoire furent incalculables et nous rendirent maîtres de presque toute la Prusse.

L’Empereur témoigna sa haute satisfaction au maréchal Davout, ainsi qu’aux divisions Morand, Friant et Gudin, par un ordre du jour qui fut lu à toutes les compagnies et même dans toutes les ambulances des blessés. L’année suivante, Napoléon nomma Davout duc d’Auerstædt, bien qu’il se fût moins battu dans ce village que dans celui de Hassenhausen ; mais le roi de Prusse avait eu son quartier général à Auerstædt, et les ennemis en avaient donné le nom à la bataille que les Français nomment Iéna. L’armée s’attendait à voir Bernadotte sévèrement puni, mais il en fut quitte pour une verte réprimande, l’Empereur craignant d’affliger son frère Joseph, dont Bernadotte avait épousé la belle-sœur, Mlle Clary. Nous verrons plus tard comment l’attitude de Bernadotte, au jour de la bataille d’Auerstædt, lui servit en quelque sorte de premier échelon pour monter au trône de Suède.

Je ne fus point blessé à Iéna, mais j’éprouvai une mystification dont le souvenir excite encore ma colère après quarante ans… Au moment où le corps d’Augereau attaquait les Saxons, ce maréchal m’envoya porter au général Durosnel, commandant une brigade de chasseurs, l’ordre de charger sur la cavalerie ennemie. Je devais conduire cette brigade par un chemin que j’avais déjà reconnu. Je cours me mettre en tête de nos chasseurs qui s’élancent sur les escadrons saxons : ceux-ci résistent bravement ; il y eut une mêlée, mais enfin nos adversaires furent contraints de se retirer avec perte. Je me trouvai vers la fin du combat en face d’un officier de housards vêtu de blanc et appartenant au régiment du prince Albert de Saxe. Je lui appuie sur le corps la pointe de mon sabre en le sommant de se rendre, ce qu’il fait en me remettant son arme. Le combat fini, j’ai la générosité de la lui rendre, ainsi que cela se pratique en pareil cas entre officiers, et j’ajoute que bien que son cheval m’appartienne d’après les lois de la guerre, je ne veux pas l’en priver. Il me remercie beaucoup de ce bon traitement, et me suit dans la direction que je prends pour retourner auprès du maréchal, auquel je me faisais une fête de ramener mon prisonnier. Mais dès que nous fûmes à cinq cents pas des chasseurs français, le maudit officier saxon, qui était à ma gauche, dégainant son sabre, fend l’épaule de mon cheval et allait me frapper, si je ne me fusse jeté sur lui, bien que n’ayant pas mon sabre à la main. Mais nos corps se touchant, il n’avait plus assez d’espace pour que son bras pût diriger sa lame contre moi ; ce que voyant, il me prend par mon épaulette, car j’étais en habit ce jour-là, et tirant avec force, il me fait perdre l’équilibre. Ma selle tourne sous le ventre du cheval, et me voilà une jambe en l’air et la tête en bas, pendant que le Saxon, s’éloignant au triple galop, va rejoindre les débris de l’armée ennemie. J’étais furieux, tant de la position dans laquelle je me trouvais que de l’ingratitude dont cet étranger payait mes bons procédés ; aussi, dès que l’armée saxonne fut prisonnière, j’allai chercher mon officier de housards afin de lui administrer une bonne leçon ; mais il avait disparu !…

J’ai dit que notre nouvel allié, le grand-duc de Hesse-Darmstadt, avait réuni ses troupes à celles de l’Empereur. Cette brigade, attachée au 7e corps, avait des uniformes absolument pareils à celui des Prussiens ; aussi plusieurs Hessois furent-ils blessés ou tués pendant l’action. Le jeune lieutenant de Stoch, mon ami, était sur le point d’avoir le même sort, et déjà nos housards s’étaient emparés de lui, lorsque, m’ayant reconnu, il m’appela, et je le fis relâcher.

L’Empereur combla de bienfaits le curé d’Iéna, et l’électeur de Saxe, devenu roi, par suite des victoires de Napoléon son nouvel allié, récompensa aussi ce prêtre, qui vécut fort tranquillement jusqu’en 1814, époque à laquelle il se réfugia en France pour échapper à la vengeance des Prussiens. Ceux-ci l’y firent enlever et l’enfermèrent dans une forteresse où il passa deux ou trois ans. Enfin le roi de Saxe ayant intercédé en faveur du curé auprès de Louis XVIII, celui-ci réclama le prêtre comme ayant été arrêté sans autorisation, et les Prussiens ayant consenti à le relâcher, il vint s’établir à Paris.

L’Empereur, victorieux à Iéna, ayant ordonné de poursuivre les ennemis dans toutes les directions, nos colonnes firent un nombre infini de prisonniers. Le roi de Prusse ne parvint qu’à grand’peine à gagner Magdebourg, puis Berlin, et l’on prétend même que la Reine fut sur le point de tomber au pouvoir des coureurs de notre avant-garde.

Le corps d’Augereau passa l’Elbe auprès de Dessau. Il serait trop long de raconter les désastres de l’armée prussienne ; il suffit de dire que des troupes qui avaient marché contre les Français, pas un bataillon ne parvint à s’échapper ; ils furent tous pris avant la fin du mois. Les forteresses de Torgau, Erfurt et Wittemberg ouvrirent leurs portes aux vainqueurs, qui, franchissant l’Elbe sur plusieurs points, se dirigèrent vers Berlin. Napoléon s’étant arrêté à Potsdam, y visita le tombeau du grand Frédéric ; puis il se rendit à Berlin, où, contre son habitude, il voulut faire une entrée triomphale. Le corps du maréchal Davout marchait en tête du cortège ; cet honneur lui était bien dû, car il avait plus combattu que les autres. Venait ensuite le corps d’Augereau, puis la garde.