DÉMONSTRATION
D’UN THÉORÈME NOUVEAU
CONCERNANT LES NOMBRES PREMIERS[1].
(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin, 1771.)
1. Je viens de trouver, dans un excellent Ouvrage de M. Waring que j’ai reçu depuis peu[2], un très-beau Théorème d’Arithmétique, que voici :
Si
est un nombre premier quelconque, le nombre
![{\displaystyle 1.2.3.4.5.(n-1)+1}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/5acb6ce1c3534ceb3cbe32bbf82ff6b910dac10b)
sera toujours divisible par ![{\displaystyle n\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/29fa02a86c74ebd7771bb02f441fd79ee6fe90ba)
c’est-à-dire que le produit continuel des nombres
jusqu’à
inclusivement, étant augmenté de l’unité, sera divisible par
ou bien, que si l’on divise ce même produit par le nombre premier
on aura
ou, ce qui est la même chose,
pour reste.
Par exemple,
![{\displaystyle {\begin{array}{llll}\mathrm {soit} &n=3,&\mathrm {on\ aura} &1.2+1=3,\\&n=5,&&1.2.3.4+1=25,\\&n=7,&&1.2.3.4.5.6+1=721=7.103,\\&n=11,&&1.2.3\ldots 10+1=3628801=11.329891,\\&n=13,&&1.2.3\ldots 12+1=479001601=13.36846277,\\&\ldots \ldots &&\ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots .\end{array}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/ae424a14ba8f60fa9a02ede15ffd806d8b00757c)
M. Waring fait honneur de ce Théorème à M. Jean Wilson, mais il n’en donne point la démonstration, et il paraît même insinuer que personne ne l’a encore trouvée ; du moins il semble qu’il la regarde comme extrèmement difficile ; car, après avoir rapporté ce Théorème avec quelques autres qui en dépendent, il ajoute Demonstrationes vero hujusmodi propositionum eo magis difficiles erunt, quod nulla fingi potest notatio, quæ primum numerum exprimat.
Cette raison, jointe à l’élégance et à l’utilité du Théorème dont il s’agit, m’a engagé à en chercher une démonstration, et celle que j’ai trouvée m’a paru mériter l’attention des Géomètres, tant par elle-même que parce qu’elle fait connaître en même temps quelques autres propriétés des nombres premiers, qui n’avaient pas encore, ce me semble, été remarquées.
Lemme.
2. Étant donné le produit continuel
![{\displaystyle (x+1)(x+2)(x+3)(x+4)\ldots (x+n-1),}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/be136ab97a74340ef7f6415985153b45c00945ab)
on propose de le développer suivant les puissances de x.
Il est visible qu’on aura
![{\displaystyle {\begin{aligned}&(x+1)(x+2)(x+3)(x+4)\ldots (x+n-1)\\&\quad =x^{n-1}+\mathrm {A} 'x^{n-2}+\mathrm {A} ''x^{n-3}+\mathrm {A} '''x^{n-4}+\ldots +\mathrm {A} ^{(n-1)},\end{aligned}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/05718959c313c5477d5500d29b83de91a070874a)
et pour déterminer facilement les coefficients
on remarquera que l’équation précédente devant être identique subsistera égale-
ment en y mettant
![{\displaystyle x+1}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/16df430ed7a23df9b160a5bbd957f306a0c3baa7)
à la place de
![{\displaystyle x\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/9b08fb9834e51caaee3c51068ae1f7ff3bdc90c8)
c’est pourquoi on aura aussi
![{\displaystyle {\begin{aligned}&(x+2)(x+3)(x+4)(x+5)\ldots (x+n)\\&=(x+1)^{n-1}+\mathrm {A} '(x+1)^{n-2}+\mathrm {A} ''(x+1)^{n-3}+\mathrm {A} '''(x+1)^{n-4}+\ldots +\mathrm {A} ^{(n-1)}\,;\end{aligned}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/6e597587fb94ea2776d002704827723597feeac7)
donc, multipliant toute cette équation par
et la comparant ensuite à la précédente multipliée par
on en tirera celle-ci
![{\displaystyle {\begin{aligned}&(x+n)\left(x^{n-1}+\mathrm {A} 'x^{n-2}+\mathrm {A} ''x^{n-3}+\mathrm {A} '''x^{n-4}+\ldots +\mathrm {A} ^{(n-1)}\right)\\&=(x+1)^{n}+\mathrm {A} '(x+1)^{n-1}+\mathrm {A} ''(x+1)^{n-2}+\mathrm {A} '''(x+1)^{n-3}+\ldots +\mathrm {A} ^{(n-1)}(x+1),\end{aligned}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/116611e9391a0cd5926a610b7df3b5401c5d3e17)
c’est-à-dire, en développant les termes et les ordonnant par rapport à ![{\displaystyle x,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/feff4d40084c7351bf57b11ba2427f6331f5bdbe)
![{\displaystyle x^{n}+(n+\mathrm {A} ')x^{n-1}+(n\mathrm {A} '+\mathrm {A} '')x^{n-2}+(n\mathrm {A} ''+\mathrm {A} ''')x^{n-3}+\ldots }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/79a8cc347a2018fc8ca4acf773dc818a1809faa1)
![{\displaystyle =x^{n}+(n+\mathrm {A} ')x^{n-1}+\left[{\frac {n(n-1)}{2}}+(n-1)\mathrm {A} '+\mathrm {A} ''\right]x^{n-2}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/f98dddd7281e8bd73b3c036add014405585ced5c)
![{\displaystyle +\left[{\frac {n(n-1)(n-2)}{2.3}}+{\frac {(n-1)(n-2)}{2}}\mathrm {A} '+(n-2)\mathrm {A} ''+\mathrm {A} '''\right]x^{n-3}+\ldots .}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/88ff6aa579a67b48f5b84f313e45cba68ab5e996)
Donc, puisque cette équation est identique, on aura, en comparant terme à terme,
![{\displaystyle {\begin{aligned}n+\mathrm {A} '\ \ &=n+\mathrm {A} ',\\n\mathrm {A} '+\mathrm {A} ''\ &={\frac {n(n-1)}{2}}+(n-1)\mathrm {A} '+\mathrm {A} '',\\n\mathrm {A} ''+\mathrm {A} '''&={\frac {n(n-1)(n-2)}{2.3}}+{\frac {(n-1)(n-2)}{2}}\mathrm {A} '+(n-2)\mathrm {A} ''+\mathrm {A} ''',\\\ldots \ldots \ldots &\ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots ,\end{aligned}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/2f398190f50c3ec4d68496417a253f55104063cb)
d’où l’on tire
![{\displaystyle {\begin{aligned}\mathrm {A} '\ \ =&{\frac {n(n-1)}{2}},\\2\mathrm {A} ''\ =&{\frac {n(n-1)(n-2)}{2.3}}+{\frac {(n-1)(n-2)}{2}}\mathrm {A} ',\\3\mathrm {A} '''=&{\frac {n(n-1)(n-2)(n-3)}{2.3.4}}+{\frac {(n-1)(n-2)(n-3)}{2.3}}\mathrm {A} '+{\frac {(n-2)(n-3)}{2}}\mathrm {A} '',\end{aligned}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/edc98c84c96735caa54a90260803d7c9564ef355)
et ainsi de suite.
Corollaire.
3. Il est clair, par la théorie des équations, que les coefficients
ne sont autre chose que les sommes des nombres naturels
jusqu’à
inclusivement, des produits de ces nombres multipliés deux à deux, trois à trois, etc. ; en sorte que le dernier coefficient
sera égal au produit
ainsi tous les nombres
seront nécessairement entiers.
Théorème.
4. Les mêmes choses étant posées que dans le Lemme précédent, je dis que, si
est un nambre premier, les nombres
jusqu’à
inclusivement, sont tous divisibles par
et que le dernier nombre
sera divisible par
étant augmenté de l’unité.
On sait que les expressions
![{\displaystyle {\frac {n(n-1)}{2}},\ \ {\frac {n(n-1)(n-2)}{2.3}},\ldots \ \ {\frac {(n-1)(n-2)}{2}},\ldots \ \ {\frac {(n-1)(n-2)(n-3)}{2.3}},\ldots }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/bb6a3f6cd373ce63c4c474bac816801e6932c035)
dénotent toujours des nombres entiers, tant que
est un nombre entier ; puisque ce sont les coefficients du binôme élevé à la puissance
ou
ou, etc. De plus il est clair que, si
est un nombre premier, les nombres
![{\displaystyle {\frac {n(n-1)}{1.2}},\quad {\frac {n(n-1)(n-2)}{1.2.3}},\ldots }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/623cc1cc1abad1903b9a74e88c9d3f7cccccc268)
seront tous divisibles par
à l’exception seulement du dernier nombre
![{\displaystyle {\frac {n(n-1)(n-2)\ldots 1}{1.2.3\ldots n}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/8f0bc8415312841565d3a525184af0bfba97bf2b)
qui est égal à l’unité ; car il est visible que le numérateur de chacun de ces nombres est divisible par
et que le dénominateur ne l’est pas, tant que
est premier ; d’où il s’ensuit qu’après avoir divisé le numérateur
par le dénominateur, il restera nécessairement dans le quotient le facteur
De là et des formules du Lemme précédent il est facile de conclure :
1o Que
sera divisible par
que
le sera aussi, et de même
jusqu’à
et que par conséquent les nombres
que nous avons vu devoir être toujours entiers (3), seront eux-mêmes toujours divisibles par
au moins tant que
sera premier ;
2o Que le nombre
étant augmenté de l’unité sera divisible par
car la formule qui servira à déterminer sa valeur sera
![{\displaystyle {\begin{aligned}(n-1)\mathrm {A} ^{(n-1)}=&{\frac {n(n-1)(n-2)\ldots 1}{1.2.3\ldots n}}\\&+{\frac {(n-1)(n-2)\ldots 1}{1.2\ldots (n-1)}}\mathrm {A} '+{\frac {(n-2)(n-3)\ldots 1}{1.2\ldots (n-2)}}\mathrm {A} ''+\ldots ,\end{aligned}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/50b138f9f61e22df27f71bdcc5c989cfaf34d782)
c’est-à-dire
![{\displaystyle (n-1)\mathrm {A} ^{(n-1)}=1+\mathrm {A'+A''+A'''} +\ldots +\mathrm {A} ^{(n-2)}\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/814e21d820c8560acfde7c6debe722f89f7dd0a4)
donc
![{\displaystyle \mathrm {A} ^{(n-1)}+1=n\mathrm {A} ^{(n-1)}-\mathrm {A'-A''-A'''} -\ldots -\mathrm {A} ^{(n-2)}\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/8e83a717876306199c08fd35a69b808bc738ffa5)
donc, puisque
sont tous divisibles par
il s’ensuit que
sera toujours divisible par ![{\displaystyle n.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/e59df02a9f67a5da3c220f1244c99a46cc4eb1c6)
Corollaire I.
5. Donc (3) le nombre
![{\displaystyle 1.2.3.4\ldots (n-1)+1}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/98cd0cc3399cc6c21e14609a5b492ad088efe916)
sera toujours divisible par
lorsque
sera un nombre premier, ce qui est le Théorème qu’il s’agissait de démontrer.
En général, il s’ensuit de la formule du no 2 que, quel que soit le nombre entier
on aura toujours
![{\displaystyle (x+1)(x+2)(x+3)\ldots (x+n-1)-x^{n-1}+1}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/3f5cae354da9c9fe078c9103605ab66d838d1dd9)
divisible par
tant que
sera un nombre premier.
Donc :
1o Si
est divisible par
ce qui ne peut arriver que lorsque
est égal à zéro ou égal à un multiple de
le nombre
![{\displaystyle (x+1)(x+2)(x+3)\ldots (x+n-1)+1}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/a3a11e51f84e3d4a57308c1fbf322289bb33ff6b)
sera toujours divisible par
ce qui donne le Théorème de M. Wilson en faisant ![{\displaystyle x=0.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/71320d636c7a43546bf4e94edb94649c5b2e82b9)
2o Si
n’est ni nul ni divisible par
ce qui arrive lorsque
étant un nombre quelconque entier moindre que
il est clair que quelqu’un des nombres
![{\displaystyle x+1,\quad x+2,\quad x+3,\ldots ,\quad x+n-1}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/eb79bfd5763bf2ac5c3601084f18d42827d1a787)
sera nécessairement divisible par
et que le produit
![{\displaystyle (x+1)(x+2)(x+3)\ldots (x+n-1)}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/4ec62e0012fc5e7dafb663a81f4b742a30f586f9)
sera par conséquent toujours divisible par
donc
ou bien
sera dans ce cas toujours divisible par
ce qui est le fameux Théorème de Fermat dont M. Euler a donné plusieurs démonstrations dans les Commentaires de Pétersbourg. La nôtre a, comme on voit, l’avantage de faire voir la liaison et la dépendance mutuelle des deux Théorèmes dont il s’agit.
Corollaire II.
6. Puisque
![{\displaystyle n-1,\quad n-2,\quad n-3,\ldots }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/6b64899fbf71333095d67548711f5c40ee5d53d6)
étant divisés par
donnent pour restes
![{\displaystyle -1,\quad -2,\quad -3,\ldots ,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/5002f37c4497399cc7e87e43b9970d715b7c22d7)
on pourra mettre ces restes à la place des nombres
dans la formule
![{\displaystyle 1.2.3\ldots (n-1)\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/7eb378cad4ede7d3443051611754ab7afda34169)
et l’on aura les formules suivantes
![{\displaystyle {\begin{aligned}&1.2\,\ .3\ \ldots (n-1)+1,\\&1.2\,\ .3\ \ldots (n-2)-1,\\&1.2^{2}.3\ \ldots (n-3)+1,\\&1.2^{2}.3^{2}.4\ldots (n-4)-1,\\&\ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots \ldots ,\end{aligned}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/2b5cfed7f7d2901d86da57da6ae5e11b46063076)
qui seront toutes divisibles par
donc aussi
![{\displaystyle \left[123\ldots \left({\frac {n-1}{2}}\right)\right]^{2}\pm 1}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/bf2ecbdfe1f053f41a6ed40d26b9d70129a455e9)
sera divisible par
le signe supérieur ayant lieu lorsque
est un nombre pair, et l’inférieur lorsque
est impair.
1o Soit
et par conséquent
dans ce cas
sera divisible par
Ainsi l’on aura une somme de deux carrés qui sera divisible par
lorsque ce nombre sera premier ; c’est ce qu’on n’avait pu trouver jusqu’à présent d’une manière générale ; seulement on avait pu prouver, d’une manière même assez indirecte, qu’il existait toujours une pareille somme divisible par
lorsque
était de la forme
(voyez le tome V des Nouveaux Mémoires de Pétersbourg).
2o Soit
et par conséquent
dans ce cas
sera divisible par
Mais
![{\displaystyle \left[1.2.3\ldots (2m-1)\right]^{2}-1=\left[1.2.3\ldots (2m-1)+1\right]\left[1.2.3\ldots (2m-1)-1\right]\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/9e0b4a20b11456a1a66161f4c954d3580f418136)
donc, puisque
est un nombre premier, il faudra que l’un ou l’autre des
deux facteurs
![{\displaystyle 1.2.3\ldots (2m-1)+1\quad {\text{ou}}\quad 1.2.3\ldots (2m-1)-1,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/04a32d0c8ba832b5fe9c6e5b750f9490fb0093ac)
soit divisible par
donc
![{\displaystyle 1.2.3\ldots (2m-1)\pm 1}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/c07eaf8d68bb16651f99191aaeb4fb0df198743b)
sera nécessairement divisible par ![{\displaystyle n.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/e59df02a9f67a5da3c220f1244c99a46cc4eb1c6)
Remarque I.
7. Les propositions des Corollaires précédents sont d’autant plus remarquables que, si
n’était pas premier, les nombres que nous avons vu devoir être divisibles par
dans l’hypothèse de
premier, ne le seraient plus. Car, si
n’est pas un nombre premier, il sera donc divisible par quelqu’un des nombres
moindres que
donc, si
![{\displaystyle 1.2.3\ldots (n-1)+1}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/217b822026aecf77f4516530467dac3e22baa6a0)
était divisible par
il faudrait qu’il le fût aussi par quelqu’un des nombres
or c’est ce qui ne se peut ; car le nombre
étant divisible par chacun de ces nombres, il est clair qu’en divisant par un quelconque d’eux le nombre
![{\displaystyle 1.2.3\ldots (n-1)+1}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/217b822026aecf77f4516530467dac3e22baa6a0)
on aura toujours l’unité pour reste.
On peut donc tirer de là une méthode directe pour reconnaître si un nombre quelconque impair
est premier ou non ; il n’y aura qu’à voir si le produit continuel des nombres
étant divisé par
donne
pour reste, alors le nombre sera premier ; sinon, il ne le sera pas. On peut encore simplifier cette règle en distinguant les deux cas où
est de la forme
ou de la forme
dans le premier cas, le nombre
sera premier, si le carré du produit continuel des nombres
étant divisé par
donne
ou
pour reste ; et dans le second, si le produit continuel des nombres
étant divisé par
donne
ou
pour reste ; sinon,
ne sera pas premier.
J’avoue au reste que cette méthode devient extrêmement laborieuse, et presque impraticable, lorsque
est un très-grand nombre ; mais il peut y avoir des moyens d’en simplifier la pratique, et c’est une recherche à laquelle nous invitons les Géomètres.
Remarque II.
8. On pourrait déduire du théorème de M. Fermat une autre démonstration de celui de
Wilson beaucoup plus simple que celle que nous en avons donnée ci-dessus.
Car, si l’on considère la suite des nombres naturels
élevés à la puissance
ième, et qu’on cherche la différence
ième des termes de cette suite, il est facile de voir, par la théorie des différences, qu’elle sera
![{\displaystyle {\begin{aligned}n^{n-1}&-(n-1)(n-1)^{n-1}+{\frac {(n-1)(n-2)}{2}}(n-2)^{n-1}\\&-{\frac {(n-1)(n-2)(n-3)}{2.3}}(n-3)^{n-1}+\ldots +1\,;\end{aligned}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/00b2d9e0f986108e00908e16127a6b402cff46f2)
d’autre part, comme la série
![{\displaystyle 1,\quad 2^{n-1},\quad 3^{n-1},\ldots }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/bfd1ef4457103a14374129cf38bff247239fdfde)
est une série algébrique de l’ordre
ième on sait que la différence du même ordre sera exprimée par le produit continuel des nombres ![{\displaystyle 1,2,3,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/97412224ac90a004bbefc1dba87cb3fcfa159561)
ainsi l’on aura l’équation
![{\displaystyle {\begin{aligned}1.2.3.4\ldots (n-1)=&n^{n-1}-(n-1)(n-1)^{n-1}+{\frac {(n-1)(n-2)}{2}}(n-2)^{n-1}\\&-{\frac {(n-1)(n-2)(n-3)}{2.3}}(n-3)^{n-1}+\ldots +1.\end{aligned}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/9780806d9078981060786a4a245d30c3108856b0)
Supposons maintenant qu’on divise le second membre de cette équation par
et qu’on ne veuille tenir compte que du reste qui en proviendra il est d’abord clair que le terme
donnera pour reste
et que les termes
donneront tous l’unité pour reste, par le théorème de M. Fermat ; donc, mettant à la place de ces termes leurs restes
on aura le reste total
![{\displaystyle -(n-1)+{\frac {(n-1)(n-2)}{2}}-{\frac {(n-1)(n-2)(n-3)}{2.3}}+\ldots ,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/1dd3faf4f0cd007d60cb29825cbad6ac6f326b96)
ou bien
![{\displaystyle (1-1)^{n-1}-1,\quad {\text{c’est-à-dire}}\quad -1\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/02c4c1d0449fbf886c34342fc74a7186f80a3401)
ainsi le reste de la division de
par
sera
et par conséquent
![{\displaystyle 1.2.3\ldots (n-1)+1}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/217b822026aecf77f4516530467dac3e22baa6a0)
sera toujours divisible par
pourvu que
soit premier ; condition nécessaire pour l’exactitude du Théorème de M. Fermat.
Remarque III.
9. Avant de quitter cette matière, nous croyons devoir démontrer encore quelques autres Théorèmes sur les nombres premiers, qu’on trouve aussi sans démonstration dans le même Ouvrage de M. Waring, et qui peuvent être de quelque utilité dans la construction des Tables des nombres premiers.
1o Si trois nombres premiers sont en progression arithmétique, leur différence doit être divisible par
à moins que l’un de ces trois nombres ne soit égal à
Tout nombre entier quelconque peut être représenté par l’une de ces formules
![{\displaystyle 6m,\quad 6m\pm 1,\quad 6m\pm 2,\quad 6m\pm 3\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/2aabe7a6b538e3ad43025b444b7ab453066d090e)
les deux formules
et
donnent tous les nombres pairs, et les deux autres
donnent tous les nombres impairs ; mais la dernière, étant divisible par
ne peut représenter d’autres nombres premiers que le seul nombre
donc tout nombre premier sera ou
ou ![{\displaystyle 6m\pm 1.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/a88097ea8ba9a7702d5805afe0991ab10a1ef7ca)
Cela posé, soient
![{\displaystyle p-a,\quad p,\quad p+a}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/84deb5e8f3e903431c0ee0fd1ef50de5d717eaff)
les trois nombres en progression arithmétique qu’on suppose premiers ; et en excluant d’abord le nombre
![{\displaystyle 3}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/991e33c6e207b12546f15bdfee8b5726eafbbb2f)
de la progression, il faudra que chacun de ces nombres soit de la forme
![{\displaystyle 6m\pm 1\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/a9d57fc2d1a9417c324709e2a48357dc62472cd8)
d’autre part, il est clair que la différence
![{\displaystyle a}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/ffd2487510aa438433a2579450ab2b3d557e5edc)
doit être un nombre pair, et par conséquent d’une de ces deux formes
![{\displaystyle 6n}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/41fc59b76c479a4fbbdacfbfe688302b6ddfafbb)
ou
![{\displaystyle 6n\pm 2\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/fc5516ce421fc416a586d8c7d29a0e34d7fe00f1)
soit donc, s’il est possible,
![{\displaystyle a=6n\pm 2,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/c8d77f11c49dd8866c58923f3619736b15e6a510)
et prenons d’abord
![{\displaystyle p=6m+1,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/d58f91303a52fc38069fca11204c151452324cd8)
on aura
![{\displaystyle p+a=6(m+n)+3\quad {\text{ou}}\quad =6(m+n)-1}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/e87ec57ae087a7ffdf0755d62eb001796038af41)
et
![{\displaystyle p-a=6(m-n)-1\quad {\text{ou}}\quad =6(m-n)+3\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/31db789d9926a646118ea7d85af5b03452430566)
et ainsi il est impossible que
et
soient à la fois de la forme
prenons ensuite
on aura
![{\displaystyle p+a=6(m+n)+1\quad {\text{ou}}\quad =6(m+n)-3}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/2108d96783a79e12aff1ef789d330a68fd986761)
et
![{\displaystyle p-a=6(m-n)-3\quad {\text{ou}}\quad =6(m-n)+1\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/a1ee5d214fd899bcd613c43f770c776bbe3b713c)
d’où l’on voit que
et
ne pourront pas être à la fois de la forme
donc il est impossible que
soit de la forme
par conséquent il faudra que
soit toujours de la forme
c’est-à-dire divisible par ![{\displaystyle 6.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/641abae36403783c71568aae30295e0e32b72daa)
Si l’on voulait admettre le nombre
pour un des termes de la progression, alors la différence pourrait être de la forme
Supposons d’abord que
soit le premier terme de la progression ; le second se trouvera de la forme
ou
et le troisième de la forme
ou
ainsi ils pourront être tous les trois premiers ; mais si l’on y en ajoutait un quatrième, celui-ci ne pourrait jamais être premier, car sa forme serait
qui est divisible par
On pourra, par exemple, former ces progressions de trois termes
ou
ou
etc. ; donc les différences ne seront pas divisibles par
mais ces progressions ne pourront jamais aller au delà de trois termes.
Si l’on prend
pour le second terme de la progression, alors le premier ne pourra être que
et le troisième sera
dans ce cas, on y pourra ajouter un quatrième terme qui sera
mais on ne pourrait pas aller au delà, parce que le suivant
ne serait plus premier.
On ne pourrait pas prendre
pour le troisième terme, car les deux premiers ne pourraient être alors que
et
or celui-ci peut n’être pas regardé comme un nombre premier à cause qu’il est pair.
2o Si cinq nombres premiers sont en probression arithmétique, leur différence doit être divisible par
à moins que
ne soit l’un des termes de cette progression.
Nous avons déjà vu que tout nombre premier doit être
ou
nous avons vu de plus que, si
est un des termes de la progression arithmétique, il est impossible qu’elle ait plus de quatre termes qui soient des nombres premiers ; donc il faudra que les cinq termes de la progression proposée soient chacun de la forme
Or,
pouvant être un nombre quelconque entier, il sera nécessairement d’une de ces formes
![{\displaystyle 5\mu ,\quad 5\mu \pm 1,\quad 5\mu \pm 2,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/55cea66862da5424f6af9f3edee30d383e27d896)
qui renferment évidemment tous les nombres possibles ; donc, substituant ces formules à la place de
on aura les suivantes
![{\displaystyle 30\mu \pm 1,\quad 30\mu \pm 5,\quad 30\mu \pm 7,\quad 30\mu \pm 11,\quad 30\mu \pm 13,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/c7eddf5a074c0aa527d2114cb664803858683c6f)
dont la seconde ne peut donner d’autres nombres premiers que
de sorte qu’en faisant abstraction, suivant l’hypothèse, du nombre
il faudra que les cinq termes de la progression soient renfermésdans ces quatre formules
![{\displaystyle 30\mu \pm 1,\quad 30\mu \pm 7,\quad 30\mu \pm 11,\quad 30\mu \pm 13.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/488373c9ba1a9938fd3c8349bed499041705caaf)
Maintenant nous avons déjà vu que la différence de la progression ne peut être que de la forme
or
peut être aussi de ces formes
![{\displaystyle 5\nu ,\quad 5\nu \pm 1,\quad 5\nu \pm 2\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/f176cf1297be839954c9c95f131fb2f079f02730)
donc la forme
se réduira à celles-ci
![{\displaystyle 30\nu ,\quad 30\nu \pm 6,\quad 30\nu \pm 12.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/a13ca2c868a69daf23104bd03989dbab5abc4edb)
Donc, si l’on désigne par
![{\displaystyle p-2a,\quad p-a,\quad p,\quad p+a,\quad p+2a,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/de15cb6515092164b864122b879801cebe1ceb01)
les cinq termes en progression arithmétique qu’on suppose être premiers entre eux, ces termes devront être tous de ces formes
![{\displaystyle 30\mu \pm 1,\quad 30\mu \pm 7,\quad 30\mu \pm 11,\quad 30\mu \pm 13,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/f58cc3aec2989d4929bb1c6890b6cb03ba94bd96)
et la différence
ne pourra être que de celles-ci
![{\displaystyle 30\nu ,\quad 30\nu \pm 6,\quad 30\nu \pm 12.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/a13ca2c868a69daf23104bd03989dbab5abc4edb)
Supposons d’abord
de la forme
et soit, s’il est possible,
de la forme
on aura
![{\displaystyle {\begin{alignedat}{2}p+a=&30(\mu +\nu )+7&\mathrm {ou} \quad &30(\mu +\nu )-5,\\p+2a=&30(\mu +2\nu )+13\quad &\mathrm {ou} \quad &30(\mu +2\nu )-11,\\p-a=&30(\mu -\nu )-5&\mathrm {ou} \quad &30(\mu -\nu )+7,\\p-2a=&30(\mu -2\nu )-11&\mathrm {ou} \quad &30(\mu -2\nu )+13\,;\end{alignedat}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/bbe7ce4a05ae2fa698fb0eef295e5a853023e7dc)
d’où l’on voit qu’il est impossible que les cinq nombres
![{\displaystyle p,\quad p+a,\quad p+2a,\quad p-a,\quad p-2a}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/3272078d142052c60de38b49b35c7766e61e5c2b)
aient à la fois les formes requises.
On trouvera la même impossibilité en prenant les autres formes de
d’où l’on conclura d’abord que
ne saurait être de la forme
on supposera ensuite
et, examinant successivement toutes les formes de
on verra aussi qu’aucune d’elles ne pourra donner pour les autres nombres
![{\displaystyle p+a,\quad p+2a,\quad p-a,\quad p-2a,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/fc97e62ca9b7862019f6b8c656c89c73139423ef)
les formes requises ; d’où il s’ensuit que la différence
ne pourra jamais être ni de la forme
ni de celle-ci
par conséquent elle devra être nécessairement de la forme
c’est-à-dire divisible par ![{\displaystyle 30.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/cefff7867def9b60d9583056151d4537794582e8)
Si l’on ne veut pas exclure le nombre
de la progression, il est d’abord clair que ce nombre ne pourra être pris que pour le premier terme, puisque la différence des termes devant être divisible par
ne pourra pas être moindre que
or, prenant
pour le premier terme, et faisant d’abord la différence égale à
on aura pour le second terme la forme
ou bien
ou
pour le troisième terme les formes
ou bien
ou
pour le quatrième, les formes
ou bien
ou
et pour le cinquième,
ou bien
ou
Ainsi tous les cinq termes auront les formes requises et pourront par conséquent être premiers ; mais si l’on voulait y en joindre un sixième, alors on aurait la forme
qui, étant divisible par
ne peut pas donner des nombres premiers. On trouverait des résultats semblables en adoptant la forme
pour la différence de la progression d’où l’on doit conclure que si
est le premier terme de la progressions, alors il pourra y avoir cinq nombres premiers en progression arithmétique, et dont la différence ne soit pas divisible par
mais qu’il ne pourra jamais y en avoir plus de cinq.
On aura, par exemple, les nombres
ou
etc. ; mais les sixièmes termes
etc., ne seraient plus premiers.
3o On peut démontrer par une analyse semblable que, si sept nombres premiers sont en progression arithmétique, leur différence sera nécessairement divisible par
à moins que
ne soit le premier terme de la progression, auquel cas il ne pourra jamais y avoir plus de sept termes dans une progression dont la différence ne serait pas divisible par
et ainsi de suite.