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Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Réflexions sur la résolution algébrique des équations

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RÉFLEXIONS
SUR LA
RÉSOLUTION ALGÉBRIQUE DES ÉQUATIONS[1].


[Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, années 1770 et 1771[2].]


Séparateur


La théorie des équations est de toutes les parties de l’Analyse celle qu’on eût cru devoir acquérir les plus grands degrés de perfection et par son importance et par la rapidité des progrès que les premiers inventeurs y ont faits ; mais quoique les Géomètres qui sont venus depuis n’aient cessé de s’y appliquer, il s’en faut beaucoup que leurs efforts aient eu le succès qu’on pouvait désirer. On a à la vérité épuisé presque tout ce qui concerne la nature des équations, leur transformation, les conditions nécessaires pour que deux ou plusieurs racines deviennent égales, ou aient entre elles un relation donnée, et la manière de trouver ces racines, la forme des racines imaginaires, et la méthode de trouver la valeur de celles qui, quoique réelles, se présentent sous une forme imaginaire, etc. On a aussi découvert des règles générales pour reconnaitre si toutes les racines d’une équation sont réelles ou non, et pour savoir dans le premier cas combien il doit y en avoir de positives et de négatives mais on n’a jusqu’à présent aucune règle générale pour connaître le nombre des racines imaginaires dans les équations qui doivent en contenir, et moins encore pour savoir combien il doit y en avoir de réelles positives et de réelles négatives, lorsqu’on connaît d’ailleurs le nombre des réelles et des imaginaires ; on n’a pas même une règle pour pouvoir s’assurer si une équation quelconque proposée doit contenir quelques racines réelles ou non, à moins que l’équation ne soit d’un degré impair, ou que son dernier terme ne soit négatif.

Ce n’est pas qu’on ne puisse toujours trouver le nombre des racines imaginaires et des racines réelles positives, ou négatives, lorsqu’on connaît la valeur numérique des coefficients de l’équation proposée ; les méthodes que j’ai données ailleurs, tant pour cet objet que pour approcher autant que l’on veut de la valeur de chaque racine, ne laissent, ce me semble, rien à désirer ; mais il s’agit ici des équations littérales, et la question est de trouver les conditions qui doivent avoir lieu entre les différents coefficients d’une équation d’un degré donné, suivant la qualité de ses racines.

À l’égard de la résolution des équations littérales, on n’est guère plus avancé qu’on ne l’était du temps de Cardan, qui le premier a publié celle des équations du troisième et du quatrième degré. Les premiers succès des Analystes italiens dans cette matière paraissent avoir été le terme des découvertes qu’on y pouvait faire ; du moins est-il certain que toutes les tentatives qu’on a faites jusqu’à présent pour reculer les limites de cette partie de l’Algèbre n’ont encore servi qu’à trouver de nouvelles méthodes pour les équations du troisième et du quatrième degré, dont aucune ne paraît applicable, en général, aux équations d’un degré plus élevé.

Je me propose dans ce Mémoire d’examiner les différentes méthodes que l’on a trouvées jusqu’à présent pour la résolution algébrique des équations, de les réduire à des principes généraux, et de faire voir à priori pourquoi ces méthodes réussissent pour le troisième et le quatrième degré, et sont en défaut pour les degrés ultérieurs.

Cet examen aura un double avantage d’un côté il servira à répandre une plus grande lumière sur les résolutions connues du troisième et du quatrième degré ; de l’autre il sera utile a ceux qui voudront s’occuper de la résolution des degrés supérieurs, en leur fournissant différentes vues pour cet objet et en leur épargnant surtout un grand nombre de pas et de tentatives inutiles.


SECTION PREMIÈRE.
de la résolution des équations du troisième degré.

1. Comme la résolution des équations du second degré est très-facile, et n’est d’ailleurs remarquable que par son extrême simplicité, j’entrerai d’abord en matière par les équations du troisième degré, lesquelles demandent pour être résolues des artifices particuliers qui ne se présentent pas naturellement.

Soit donc l’équation générale du troisième degré

et comme on sait qu’on peut toujours faire disparaître le second terme de toute équation en augmentant ses racines du coefficient du second terme divisé par l’exposant du premier, on pourra supposer d’abord, pour plus de simplicité, ce qui réduira la proposée à la forme

C’est dans cet état que les équations du troisième degré ont été d’abord traitées par Scipio Ferreo et par Tartalea, à qui l’on doit leur résolution ; mais on ignore le chemin qui les y a conduits. La méthode la plus naturelle pour y parvenir me paraît celle que Hudde a imaginée, et qui consiste à représenter la racine par la somme de deux indéterminées qui permettent de partager l’équation en deux parties propres à faire en sorte que les deux indéterminées ne dépendent que d’une équation résoluble à la manière de celles du second degré.

Suivant cette méthode on fera donc ce qui étant substitué dans la proposée la réduira à celle-ci

qu’on peut mettre sous cette forme plus simple

Qu’on fasse maintenant ces deux équations séparées

on aura

et, substituant dans la première,

c’est-à-dire

Cette équation est à la vérité du sixième degré, mais comme elle ne renferme que deux différentes puissances de l’inconnue, dont l’une a un exposant double de celui de l’autre, il est clair qu’elle peut se résoudre comme celles du second degré. En effet, on aura d’abord

et de là

Ainsi l’on connaîtra et et de là on aura

2. Il se présente différentes remarques à faire sur cette solution. D’abord il est clair que la quantité doit avoir six valeurs, puisqu’elle dépend d’une équation du sixième degré ; de sorte que la quantité aura aussi six valeurs ; mais comme est la racine d’une équation du troisième degré, on sait qu’elle ne peut avoir que trois valeurs différentes ; donc il faudra que les six valeurs dont il s’agit se réduisent à trois, dont chacune soit double. C’est aussi de quoi on peut se convaincre par le calcul, en éliminant des deux équations

Supposons, pour plus de généralité,

on aura donc

et de là

Substituant donc ces valeurs de et on aura

Soit, pour abréger,

on aura

d’où

de sorte qu’en substituant maintenant cette valeur de dans l’équation

on aura

ce qui se réduit à

ou bien, à cause de

c’est-à-dire à

Maintenant il est clair qu’en faisant pour avoir on aura ce qui réduira l’équation précédente à

savoir

équation qui aura les mêmes racines que la proposée, mais dont chacune sera double.

De là il s’ensuit que la résolution d’une équation du troisième degré est, à proprement parler, la résolution d’une équation du sixième degré, inconvénient qui n’a pas lieu dans le second degré, dont la résolution est tout à fait propre à ce degré, mais qui devient encore plus considérable pour les équations des degrés supérieurs, comme on le verra plus bas.

3. Puis donc que parmi les six valeurs de il n’y en a que trois qui donnent des valeurs différentes de il s’agit maintenant de distingue ces valeurs. Pour cela il faut trouver l’expression particulière de chacune des six valeurs de et si l’on nomme et les trois racines cubiques de l’unité, c’est-à-dire les trois racines de l’équation il est facile de voir que les six valeurs de seront, en faisant, pour abréger,

de là les valeurs correspondantes de seront, à cause de

et par conséquent

ces valeurs seront, dis-je,

Or, sans connaître même les valeurs de et de il est facile de s’assurer que doit être égal à car puisque et sont les trois racines de l’équation on aura donc leur produit égal au dernier terme donc donc et de sorte que les trois valeurs ci-dessus deviendront

Donc, puisque on aura, en ajoutant ensemble les valeurs correspondantes de et de

où il est facile de voir que, des signes ambigus de soit qu’on prenne le supérieur ou l’inférieur, on aura toujours les trois mêmes valeurs de

De là il s’ensuit donc que l’on peut prendre indifféremment le radical en plus ou en moins, et que les trois racines de l’équation proposée résulteront immédiatement des trois valeurs du radical cubique

4. Nous avons fait voir (2) que la résolution de toute équation du troisième degré appartient essentiellement à une équation du sixième degré ; cependant si l’on voulait délivrer l’équation

des radicaux, on tomberait dans une équation du neuvième degré ; car en prenant d’abord les cubes on aurait

et prenant de nouveau les cubes, après avoir fait passer dans le premier membre le terme on aurait

c’est-à-dire, à cause de

Mais il faut remarquer que cette équation renferme, outre les trois racines de la proposée encore six autres étrangères ; en effet elle peut se décomposer en ces trois-ci

dont les deux dernières sont, comme on voit, différentes de la proposée ; ainsi l’on ne peut rien conclure de cette équation pour le degré auquel

doit se rapporter la résolution des équations du troisième degré, comme nous l’avons fait plus haut (2), d’après l’équation laquelle renferme toutes les mêmes racines que la proposée.

5. L’équation du sixième degré

s’appelle la réduite du troisième degré, parce que c’est à sa résolution que se réduit celle de la proposée

Or nous avons déjà vu plus haut comment les racines de cette dernière équation dépendent des racines de celle-là ; voyons réciproquement comment les racines de la réduite dépendent de celles de la proposée ; mais pour rendre cette recherche plus générale et plus lumineuse il sera bon de considérer une équation qui ait tous ses termes telle que

et dont les racines soient représentées généralement par On commencera donc par faire évanouir le second terme en supposant et, faisant, pour abréger,

on aura la transformée

qui a la forme requise. Faisant maintenant on aura la réduite

d’où, en nommant la racine cubique de

on aura ces trois valeurs de savoir

lesquelles donneront les trois racines

d’où, à cause de on aura, en faisant, pour abréger, ces trois valeurs de savoir

donc

Retranchant successivement la seconde et la troisième de ces équations de la première, on aura

d’où l’on tire

et retranchant de nouveau l’une de l’autre, ensuite divisant par il viendra

c’est-à-dire

Or, et étant (hypothèse) les trois racines de l’équation on aura

et différentiant

de sorte qu’en faisant successivement on aura

donc, substituant ces valeurs dans l’expression précédente de on aura

ou bien, à cause de

Telle est donc la valeur de et par conséquent aussi de de sorte qu’on aura en changeant, ce qui est permis, en et vice versâ

6. On voit d’abord par cette expression de pourquoi la réduite est nécessairement du sixième degré ; car comme cette réduite ne dépend pas immédiatement des racines de la proposée, mais seulement des coefficients où les trois racines entrent également, il est clair que dans l’expression de on doit pouvoir échanger à volonté les quantités entre elles ; par conséquent la quantité devra avoir autant de valeurs différentes que l’on en pourra former par toutes les permutations possibles dont les trois racines sont susceptibles ; or on sait par la théorie des combinaisons que le nombre des permutations, c’est-à-dire des arrangements différents de trois choses, est donc la réduite en doit être aussi du degré c’est-à-dire du sixième.

Il y a plus la même expression de montre aussi pourquoi la réduite est résoluble à la manière des équations du second degré ; car il est clair que cela vient de ce que cette équation ne renferme que les puissances et c’est-à-dire des puissances dont les exposants sont multiples de en sorte que, si est une des valeurs de il faut que et en soient aussi à cause de et or c’est ce qui a lieu dans l’expression de trouvée ci-dessus. Pour le faire voir plus aisément nous remarquerons que car, puisqu’on a et on aura aussi et de là de sorte que l’expression de pourra se mettre sous cette forme

d’où, en faisant toutes les permutations possibles des quantités , on tire les six valeurs suivantes

qui seront donc les six racines de la réduite. Maintenant si l’on multiplie la première par et ensuite par ou par on aura, à cause de

ces deux-ci

qui sont la sixième et la quatrième ; et si l’on multiplie de même la seconde par et par on aura

qui sont la troisième et la cinquième. Il en sera de même si l’on multiplie la troisième et la quatrième, ou la cinquième et la sixième par et par car on aura par là également toutes les autres.

7. Cela nous conduit à une méthode directe pour trouver la réduite d’où dépend la résolution des équations du troisième degré ; car soit

l’équation proposée dont les racines soient et supposons que les racines de la réduite soient représentées généralement par une fonction du premier degré des racines telle que

étant des coefficients indépendants des quantités en faisant toutes les permutations possibles des quantités on aura ces quantités

qui seront les six racines de la réduite. Or, pour que cette équation n’ait que des puissances dont les exposants soient multiples de il faut, comme nous l’avons vu plus haut, que, nommant une de ses racines,

et ou en soient aussi ; donc, prenant la quantité

pour il faudra que la quantité

soit égale à une des cinq autres quantités ci-dessus ; or elle ne saurait devenir égale à

ni à

qu’en faisant car dans le premier cas on aurait

,

et dans le second

mais en la comparant à la quantité

on aura

d’où l’on tire

c’est-à-dire

ce qui montre que doit être en effet une des racines de l’équation

ainsi en faisant, pour plus de simplicité, on aura

ce qui donne les mêmes formules qu’on a trouvées plus haut en faisant abstraction du dénominateur

Faisant donc, pour abréger,

on aura et pour les six racines de la transformée ; or, nommant l’inconnue de cette équation, on trouvera d’abord que le produit des trois facteurs sera et que de même le produit des trois autres sera de sorte que le produit total, c’est-à-dire la réduite elle-même, sera représentée par

qui a la forme demandée. Il ne s’agit donc plus maintenant que de trouver les valeurs de et de or, en élevant au cube la quantité et faisant attention que on trouve

et par conséquent, en changeant en on aura de même

Soit, pour plus de simplicité,

on aura donc

donc

mais comme et sont les trois racines de l’équation qui manque du second terme, on doit avoir

donc

Multipliant ensuite les valeurs de et ensemble, on aura

ou bien, à cause de

or il est facile de voir que les quantités et doivent être données par les coefficients de la proposée, et cela sans extraction de racines, ce qui suit de ce que ces quantités ne changent point, quelques permutations des quantités qu’on y fasse, de sorte qu’elles ne peuvent avoir chacune qu’une valeur unique.

8. En effet, ayant

on aura d’abord par les règles connues

et l’on trouvera de là

donc

d’où l’on trouvera

de sorte que notre réduite sera

qui revient au même que celle qu’on a trouvée plus haut (5), en faisant seulement attention que l’inconnue de celle-ci est triple de l’inconnue

de celle-là. Résolvant donc cette équation à la manière de celles du second degré, ou bien faisant, pour abréger, en sorte que l’on ait

et nommant et les racines de cette équation du second degré, on aura

donc

par conséquent, puisqu’on a supposé que et étaient deux valeurs de on aura

équations qui étant combinées avec l’équation

serviront à trouver les trois racines en effet on aura, à cause de et de

ce qui s’accorde avec ce qu’on a trouvé plus haut.

9. Il est à propos de remarquer encore, pour éclaircir davantage cette matière, que les quantités et du no 7 sont telles que l’une devient toujours l’autre en y faisant une permutation quelconque entre les trois racines de sorte que ces quantités et ne peuvent être que les racines d’une équation du second degré. En effet, nommant l’inconnue de cette équation, il est clair qu’elle aura nécessairement cette forme

donc, substituant pour et leurs valeurs trouvées ci-dessus (8), on aura

Ainsi l’on aura, par la résolution de cette équation, les valeurs de et et comme d’ailleurs la quantité est déjà donnée, puisqu’on a

on aura les valeurs de et de (7), ou bien celles de et (8), lesquelles seront donc

et moyennant ces valeurs on aura celles des racines comme on l’a vu tantôt.

Au reste cette propriété des fonctions et fait voir clairement pourquoi la quantité

ne dépend que d’une équation du second degré, de sorte que l’équation en ne peut renfermer que les puissances et

10. La résolution des équations du troisième degré que nous venons d’examiner est appelée communément la Règle de Cardan, et elle est la seule que les Analystes connaissent. Mais il y a encore une autre méthode qui est due à M. Tschirnaus, et qui, quoique moins simple que celle de Cardan, a cependant l’avantage d’être plus directe et plus générale. Cette méthode est exposée dans les Acta Eruditorum de l’année 1683, et elle consiste à faire disparaître autant de termes intermédiaires que l’on veut d’une équation quelconque ; l’Auteur la propose comme générale pour cet objet, et nous verrons qu’elle l’est en effet, mais qu’elle demande souvent la résolution d’équations d’un degré supérieur à celui de la proposée, ce qui empêche qu’elle ne réussisse au delà du quatrième degré.

M. Tschirnaus remarque que comme on peut faire évanouir un terme quelconque d’une équation dont est l’inconnue, par la supposition de

étant une nouvelle inconnue et une quantité indéterminée, de même on pourra en faire évanouir deux quelconques en supposant

ou trois en supposant

et ainsi de suite, étant tous des coefficients indéterminés dont le nombre doit être égal à celui des termes qu’on veut faire évanouir, afin que l’on ait autant d’inconnues que de conditions à remplir.

Ainsi il n’y aura qu’à éliminer l’inconnue de l’équation proposée par le moyen de la nouvelle équation qu’on a supposée, et l’on aura une équation en qui sera toujours du même degré que la proposée, et dans laquelle on pourra supposer autant de termes égaux à zéro qu’il y a d’indéterminées ,

Prenons donc l’équation du troisième degré

et supposons

pour qu’on soit en état d’éliminer dans la transformée les deux termes intermédiaires ; on aura donc

et, en substituant la valeur de

donc, substituant ces valeurs dans la proposée, on aura

(A)

d’où l’on tire

valeur qui étant substituée dans l’équation

donnera celle-ci, où je fais, pour plus de simplicité,

c’est-à-dire, en ordonnant les termes par rapport aux puissances de et remettant les valeurs de et

(B)

de sorte qu’en développant les puissances de on aura l’équation

dans laquelle

Maintenant on peut faire évanouir le second et le troisième terme en supposant et ce qui donnera ces deux équations

par lesquelles on pourra déterminer et et l’équation en sera réduite à la forme

laquelle donne sur-le-champ ces trois racines

et étant les racines de l’équation Ainsi mettant

d’abord dans l’expression de trouvée ci-dessus les valeurs de et qui résultent des équations précédentes, et ensuite pour les trois racines de l’équation on aura tout d’un coup les trois racines de l’équation proposée.

Or, comme des deux équations qui doivent donner et la première est du premier degré et la seconde du second, il est visible que la détermination de ces quantités ne dépendra que d’une équation du degré c’est-à-dire du second degré ; en effet, on aura d’abord

et, substituant cette valeur dans la seconde équation, on aura

d’où l’on tirera deux valeurs de qui pourront être employées indifféremment, parce qu’elles donneront toujours les mêmes valeurs de

Cette méthode a donc l’avantage de conduire immédiatement à une réduite du second degré, au lieu que par la méthode ordinaire on tombe dans une réduite du sixième ; mais la résolution qu’elle donne n’est pas pour cela exempte de l’inconvénient que nous avons remarqué dans la résolution de Cardan, et qui consiste en ce que cette résolution est plutôt celle d’une équation du sixième degré que d’une équation du troisième (2). En effet, puisque la quantité a trois valeurs, et que les quantités et en ont chacune deux, il est visible qu’il doit résulter six valeurs de lesquelles ne peuvent être par conséquent que les racines d’une équation du sixième degré ; il est vrai que ces six valeurs se réduiront à trois, dont chacune sera double, comme il est facile de le démontrer, et comme nous l’avons déjà fait voir à l’égard de la formule de Cardan.

11. Il y a une remarque importante à faire touchant cette méthode de M. Tschirnaus, c’est que, dès qu’on a trouvé les valeurs de de et de on ne doit pas prendre indifféremmentpour une des racines de l’équation supposée

ainsi que l’Auteur le fait : car, pour que cela fût permis, il faudrait que cette équation renfermât deux des racines de la proposée, et par conséquent que fût la somme de ces deux racines ; or, comme il n’y a pas plus de raison pour que soit la somme de deux quelconques des trois racines de la proposée que de deux autres quelconques, il s’ensuit que devrait avoir autant de valeurs différentes qu’il y a de manières de prendre les trois racines deux à deux, c’est-à-dire trois valeurs, à cause que le nombre des combinaisons de trois choses prises deux à deux est au lieu que nous avons vu que la quantité n’a que deux valeurs, puisqu’elle ne dépend que d’une équation du second degré.

L’esprit de la méthode que nous examinons consiste à faire en sorte que l’équation supposée ait une racine commune avec la proposée ; ainsi, quand on a déterminé les valeurs de et en sorte que cette condition ait lieu, il faut prendre pour la valeur de celle des racines de l’équation

qui sera commune à l’équation proposée

pour cela il n’y aura qu’à chercher le plus grand diviseur commun de ces deux équations, et ce diviseur, où sera nécessairement linéaire, donnera une valeur de qui sera aussi une des racines de la proposée ; or il est facile de comprendre que cette valeur de ne peut être que celle que nous avons trouvée en éliminant successivement les puissances plus hautes de des deux équations données.

En effet, la méthode ordinaire d’élimination, suivant laquelle on fait disparaître successivement les plus hautes puissances de l’inconnue en déduisant, des deux équations données où la même inconnue se trouve élevée à des puissances quelconques, une suite d’autres équations où le plus haut degré de l’inconnue est successivement moindre, jusqu’à ce qu’on arrive à une équation où l’inconnue ne se trouve plus, et qui est le résultat de l’élimination ; cette méthode, dis-je, revient dans le fond à la même que celle qui sert à trouver le plus grand commun diviseur des deux quantités qui forment les premiers membres des deux équations données ; les restes que l’on aura par les divisions successives qu’il faudra faire donneront, étant égalés à zéro, les mêmes équations que celles qui proviennent de l’élimination ; le dernier reste où l’inconnue ne se trouve plus devra être égal à zéro pour que les deux quantités’proposées aient un diviseur commun du premier degré, lequel sera par conséquent l’avant-dernier reste où l’inconnue ne sera que linéaire ; de sorte qu’en égalant aussi à zéro cet avant-dernier reste on aura une valeur de l’inconnue qui sera la racine commune des deux équations.

Dans l’Exemple du no 10 les équations (A) et (B) sont celles que l’on aurait en faisant égal à zéro l’avant-dernier et le dernier reste ; par conséquent la valeur de tirée de l’équation (A) est la seule qui puisse donner en même temps une racine de l’équation proposée.

12. À l’occasion de cette remarque, nous croyons devoir encore en faire une autre touchant la manière de faire en sorte que deux équations aient plus d’une racine commune ; il est évident que si l’on veut qu’elles aient deux racines communes il faudra qu’elles soient divisibles exactement par un facteur du second degré ; par conséquent, en cherchant le plus grand commun diviseur des deux quantités qui forment les premiers membres des équations proposées, dès qu’on sera parvenu à un reste où l’inconnue se trouvera au second degré, il faudra, pour que ce reste soit un diviseur commun des deux équations, que le reste suivant soit nul de lui-même ; or ce dernier reste ne renfermera que deux termes, l’un où l’inconnue ne se trouvera pas, et l’autre où elle se trouvera à la première dimension ; c’est pourquoi il faudra faire chacun de ces termes en particulier égal à zéro, ce qui donnera deux équations contenant les conditions nécessaires pour qu’il y ait dans les proposées deux racines communes. Ce serait la même chose si l’on voulait employer la voie de l’élimination alors il faudrait s’arrêter à l’équation où l’inconnue serait au premier degré, et vérifier cette équation indépendammentde l’inconnue, en égalant à zéro l’un et l’autre des deux termes dont elle serait composée ; moyennant quoi l’équation précédente du second degré renfermerait les deux racines communes aux deux équations proposées.

On voit par là comment il faudrait s’y prendre pour trouver les conditions qui donnent trois racines communes, ou davantage, à deux équations données ; mais dès qu’on aura trouvé la condition nécessaire pour que ces deux équations aient une racine commune, on pourra aisément en déduire celles qui rendront deux ou plusieurs racines communes.

Pour cela, supposons que les deux équations données qui renferment une même inconnue soient représentées, en général, par

si, au lieu de prendre je prends et que j’élimine ensuite des deux équations, j’en aurai une en que je représenterai par

or, pour que les deux équations et aient une racine commune en sorte qu’elles puissent subsister à la fois, il faut que ait une valeur égale à zéro ; donc

sera la condition nécessaire pour l’existence d’une racine commune à ces deux équations ; mais si l’on veut qu’elles aient deux racines communes, alors il faudra que ait deux valeurs égales à zéro ; par conséquent on aura les deux conditions

de même, s’il devait y avoir trois racines communes, il faudrait que eût trois valeurs égales à zéro, ce qui donnerait les trois conditions

et ainsi de suite.

Je remarque maintenant que pour changer l’équation en ou il n’y a qu’à diminuer le dernier terme de l’équation de la quantité de sorte que si l’on suppose

il n’y aura qu’à écrire à la place de or l’équation

est celle qui résulte de l’élimination de dans les deux équations et (hypothèse) ; par conséquent, en y faisant l’équation sera celle qui résultera de l’élimination de dans les équations et donc, ayantl’équation il n’yauraqu’\delta ysubstituer à la place de pour avoir immédiatementl’équation

mais on sait que si est une fonction de et qu’on veuille y substituer à la place de on aura, en employantles différentiations, la transformée

donc on aura, par la comparaison des termes,

d’où je tire cette conclusion, que si

est la condition nécessaire pour que les équations et aient une racine commune, on aura, pour les conditions de deux racines communes,

pour trois racines communes,

et ainsi de suite, étant le dernier terme de l’une des équations proposées.

13. Il est clair au reste que les racines de l’équation en y ne sont autre chose que les valeurs de qui résultent en substituant à la place de chacune des racines de l’autre équation que nous désignerons par donc, si l’on suppose que soient les valeurs de qui viendraient de ces substitutions, c’est-à-dire où l’on aurait mis à la place de on aura

d’où l’on voit que l’équation résultante de l’élimination de l’inconnue des deux équations et n’est autre chose que le produit de toutes les équations particulières

or ce produit peut toujours se trouver sans connaître les racines de l’équation comme il est facile de s’en convaincre en considérant que le produit en question demeurera toujours le même, quelque permutation qu’on y fasse entre les racines c’est-à-dire entre les quantités qui sont des fonctions semblables de ces racines ; de sorte qu’il doit être donné par une équation linéaire et sans extraction de racines. En effet, les multiplications des quantités étant faites, on trouvera toujours que les différentes fonctions de qui entreront dans le produit total seront exprimables par les seuls coefficients de l’équation dont sont les racines. On peut consulter là-dessus l’Introduction à l’Analyse des lignes courbes de M. Cramer, où l’on trouvera des règles pour calculer toutes les fonctions dont il s’agit, et avoir par conséquent la valeur du produit nous avons aussi traité ce sujet dans un Mémoire particulier, où nous avons donné des formules générales pour trouver immédiatement la valeur du même produit, sans passer par les différentes opérations que la méthode de M. Cramer exige[3] ; ainsi nous ne nous arrêterons pas davantage là-dessus. Nous nous contenterons seulement de re-

marquer que, de ce que l’équation résultante de l’élimination de par le moyen des équations et peut être représentée par

il s’ensuit que cette équation doit être telle, que les coefficients de l’équation y forment partout des produits d’autant de dimensions qu’il y a de quantités ou de racines dans l’équation c’est-à-dire autant qu’il y a d’unités dans le degré de cette dernière équation ; il en sera de même des coefficients de l’équation qui devront former partout dans la même équation résultante de l’élimination des produits d’autant de dimensions qu’il y a d’unités dans l’exposant du degré de l’autre équation

14. D’où l’on peut conclure, en général, que, suivant la méthode de M. Tschirnaus, on aura toujours une transformée en du même degré que l’équation proposée, et que dans cette transformée les quantités (y compris l’unité, coefficient de la plus haute puissance de dans l’équation supposée) formeront partout des produits du même nombre de dimensions, c’est-à-dire d’autant de dimensions qu’il y a d’unités dans le degré de la proposée.

Ainsi, supposant que l’équation proposée dont est l’inconnue soit du degré et qu’on prenne une équation subsidiaire telle que

on aura une transformée en du degré qui, étant représentée par

sera telle que le coefficient sera une fonction linéaire de , que le coefficient sera une fonction de deux dimensions des mêmes quantités, que le coefficient en sera une de trois dimensions, et ainsi de suite.

Et en général le coefficient du terme ième sera toujours une fonction rationnelle et entière de de dimensions. Ainsi, prenant autant d’indéterminées qu’il y a de termes à faire disparaître, il est clair que pour faire disparaître le second terme on n’aura qu’à résoudre une équation du premier degré à une seule inconnue ; pour faire disparaître le second terme et le troisième il faudra résoudre deux équations à deux inconnues, l’une du premier degré et l’autre du second, ce qui donnera toujours une équation finale du second, comme nous l’avons vu plus haut ; pour faire disparaître le second terme, le troisième et le quatrième, on aura à résoudre trois équations à autant d’inconnues, dont l’une sera du premier degré, la seconde du second degré et la troisième du troisième degré, en sorte que l’équation finale sera, en général, du degré

En général, pour faire disparaître à la fois les termes ième, ième, ième, …, on aura à résoudre autant d’équations qu’il y aura de ces termes, avec un même nombre d’inconnues, et ces équations seront des degrés en sorte que l’équation finale montera, en général, au degré Donc, pour chasser par cette méthode tous les termes intermédiaires de la transformée

en sorte qu’elle se réduise à la forme qui est toujours résoluble, on tombera, en général, dans une équation du degré qui sera par conséquent toujours plus haut que le degré de la proposée, excepté le seul cas où

15. Revenons maintenant à la résolution du troisième degré trouvée d’après la méthode de M. Tschirnaus, et voyons à priori, et indépendamment de la théorie de l’élimination que nous venons d’expliquer, la raison pourquoi cette méthode conduit directement à une réduite du second degré, tandis que la méthode ordinaire mène à une réduite du sixième. Pour cela je considère l’équation subsidiaire

dans laquelle y doit être déterminé par une équation du troisième degré

à deux termes telle que

dont les racines sont

et je remarque que ces trois racines devant répondre aux trois valeurs de qui sont les racines de la proposée

on aura donc, en désignant ces dernières racines par les trois équations suivantes

(C)

d’où l’on pourra tirer les valeurs de et après avoir chassé pour cet effet, il n’y a qu’à ajouter ensemble les trois équations dont il s’agit, après avoir multiplié la seconde par et la troisième par car on aura, à cause de et de comme on l’a déjà vu plus haut, on aura, dis-je,

d’où l’on tire

Cette expression de doit nous faire juger immédiatement du degré de l’équation par laquelle la quantité doit être déterminée ; en effet, il est clair que cette équation doit avoir autant de racines qu’il peut y avoir de valeurs de or les différentes valeurs de ne peuvent venir que des permutations qu’on peut faire entre les racines et ces permutations sont au nombre de six, comme nous l’avons déjà remarqué plus haut (voyez les nos 6 et suivants, où les lettres désignent les mêmes quantités qui sont nommées ici ) ainsi la quantité pourra avoir en tout six valeurs, qui seront

de sorte que, généralement parlant, l’équation en devrait être du sixième degré ; mais j’observe que des six valeurs précédentes la première, la troisième et la cinquième sont égales, ainsi que la seconde, la quatrième et la sixième. En effet, en multipliant le numérateur et le dénominateur de la première par ce qui ne la change pas, elle devient la cinquième, à cause de et de et multipliant par elle devient la troisième ; de même, en multipliant le haut et le bas de la seconde par on aura la quatrième, et en multipliant par on aura la sixième. Donc l’équation en du sixième degré aura nécessairement trois racines égales entre elles et trois autres aussi égales entre elles ; ce qui l’abaissera au second degré, puisqu’elle ne pourra être que le cube d’une équation du second degré ; et voilà pourquoi la quantité est donnée simplement par une équation du second degré, comme nous l’avons vu ci-dessus (10). À l’égard de la quantité si l’on ajoute ensemble les trois équations (C), on aura, à cause de

mais on a

donc

et de là

de sorte qu’en connaissantla valeur de on connaîtra aussitôt celle de

16. La formule

qui exprime la valeur de est donc très-remarquable en ce que, quelques permutations qu’on y fasse entre les quantités elle ne peut que demeurer la même, ou se changer en cette autre-ci

de sorte que ces deux quantités ne peuvent être que les racines d’une équation du second degré ; on pourrait trouver à priori cette équation en cherchant la somme et le produit des deux quantités dont il s’agit, et il en résulterait après le calcul achevé une équation telle que l’équation en qu’on a trouvée plus haut (10).

On peut encore remarquer que si l’on multiplie ensemble les deux dénominateurs

on aura pour produit

mais

de sorte que ce produit deviendra De plus, si l’on multiplie le numérateur

par le dénominateur

on aura pour produit la quantité

laquelle (à cause que sont les mêmes racines que nous avons nommées ailleurs ) se réduit (7) à

ou bien à

puisque de sorte que la fraction

deviendra, en multipliant le haut et le bas par celle-ci

et de même l’autre fraction

deviendra, en multipliant le haut et le bas par

Mais dans le numéro cité on avait

donc

par conséquent les deux fractions dont il s’agit seront

ou bien (8)

et étant les racines de l’équation

qui est la réduite que donne la méthode de Cardan.

Ce qui fait voir clairement la liaison et l’analogie de cette méthode avec celle de Tschirnaus.

17. L’expression de trouvée (10) d’après la méthode de Tschirnaus peut se mettre évidemment sous cette forme

et étant des indéterminées et la racine d’une équation du troisième degré à deux termes telle que

Ainsi il n’y aurait qu’à éliminer par le moyen de ces deux équations, dont la première donne

ce qui étant substitué dans la seconde, il vient

équation du troisième degré qu’on pourra comparer avec la proposée ; et cette comparaison servira à déterminer les quantité dont une restera arbitraire et pourra être prise à volonté.

Cette méthode de résoudre les équations du troisième degré a déjà été employée par M. Bezout dans un excellent Mémoire qu’il a donné sur cette matière dans le volume des Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, pour l’année 1762, et dans lequel l’Auteur a fait un usage utile et heureux de ces substitutions pour résoudre une classe très-étendue d’équations de tous les degrés. Nous nous contenterons de remarquer ici que si l’on voulait savoir d’avance ce que l’on peut se promettre des substitutions dont il s’agit pour la résolution des équations du troisième degré, il n’y aurait qu’à chercher à priori le degré et la forme de l’équation qui donnera l’un des coefficient ou etc. ; pour cela on considérera que, puisque on aura ces trois valeurs de savoir lesquelles étant substituées dans l’expression de

donneront les trois valeurs de savoir

Ainsi prenant l’équation

ou bien

on en déduira ces trois-ci

qui étant d’abord ajoutées ensemble donnent, à cause de et

de plus, multipliant la seconde par et la troisième par et les ajoutant ensuite toutes trois ensemble, on aura

Celle-ci donne

et, cette valeur étant substituée dans la première, on aura en divisant par

d’où l’on tire

Il est d’abord facile de voir par cette expression que la quantité ne peut avoir que deux valeurs différentes, et que par conséquent elle ne pourra être donnée que par une équation du second degré ; car la fraction

ne peut que demeurer la même, ou se changer dans la fraction

en faisant telle permutation que l’on voudra entre les trois racines C’est ce qu’on comprendra encore plus aisément en multipliant le haut et le bas de la première fraction par

et le haut et le bas de la seconde par

car alors elles deviendront (16)

c’est-à-dire (7)

ou bien

de sorte que les deux valeurs de seront

et étant les racines de l’équation en donnée ci-dessus.

18. Reprenons l’expression de

et comme est un radical donné par l’équation faisons évanouir ce radical du dénominateur en multipliant le haut et le bas de la fraction par ce qui la changera en celle-ci

c’est-à-dire, en substituant à la place de

quantité qu’on peut réduire à cette forme plus simple

de sorte que l’on aura, en général,

étant des coefficients indéterminés et la racine d’une équation du troisième degré à deux termes telle que

Cette expression de est la même que MM. Euler et Bezout ont adoptée pour exprimer les racines des équations du troisième degré, et que ces Auteurs croient pouvoir étendre, en général, aux équations de tous les degrés. Voyez les Nouveaux Commentaires de Pétersbourg, tome IX, et les Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, pour l’année 1765.

Pour résoudre donc les équations du troisième degré d’après cette méthode, il n’y a qu’à éliminer y parle moyen des deux équations

ce qui donnera nécessairement une équation en du troisième degré, comme on peut s’en assurer par la théorie de l’élimination que nous avons donnée plus haut ; cette équation étant ensuite comparée terme à terme avec la proposée donnera trois équations par lesquelles on pourra déterminer trois des quatre indéterminées la quatrième pouvant être prise à volonté. M. Bezout fait d’abord, pour plus de simplicité, mais M. Euler conserve dans le calcul toutes les indéterminées, et il prend ensuite égale à l’unité celle qui lui paraît devoir donner un résultat plus simple ; c’est toute la différence qui se trouve entre les procédés de ces deux Auteurs.

19. Pour apprécier cette méthode à priori, nous allons chercher d’après nos principes la forme et le degré des équations finales qui serviront à la détermination des coefficients et comme l’équation donne les trois racines il est clair qu’on aura sur-le-champ les trois équations

qui étant ajoutées ensemble donneront d’abord

ensuite, multipliant la seconde par la troisième par et les ajoutant toutes trois, on aura

enfin, multipliant la seconde par la troisième par et les ajoutant de même, on aura

Si l’on fait on aura

Or ces expressions sont les mêmes que celles que nous avons trouvées plus haut pour les racines de la réduite du troisième degré d’après la règle de Cardan ; de sorte qu’on peut conclure d’abord que les quantités et seront données par une même équation du sixième degré résoluble à la manière de celles du second, et qui sera (5)

c’est aussi ce que M. Bezout a trouvé d’après son calcul.

Mais si, au lieu de supposer avec M. Bezout on fait avec M. Euler on aura

la première étant élevée au cube donnera

ou bien, en adoptant les dénominationsdu no 8,

d’où l’on voit d’abord que la quantité sera donnée par une simple équation du second degré, dont les racines seront et Ayant trouvé il n’y aura qu’à multiplier la première équation par la seconde pour avoir

ce qui se réduit (16) à

d’où

20. Telles sont les principales méthodes qu’on a trouvées jusqu’à présent pour résoudre les équations du troisième degré. Par l’analyse que nous venons d’en faire il est visible que ces méthodes reviennent toutes au même pour le fond, puisqu’elles consistent à trouver des réduites dont les racines soient représentéesen général par ou par ou bien, ce qui est la même chose, par des quantités proportionnelles à celles-ci. Dans le cas où la racine de la réduite est cette réduite est du sixième degré, résoluble à la manière du second parce qu’elle ne renferme que la troisième et la sixième puissance de l’inconnue. Nous en avons donné la raison dans le no 6. Dans l’autre cas, où la racine de la réduite est cette réduite ne peut être que du second degré, ce qui suit nécessairement du cas précédent, et que nous avons aussi démontré d’une manière directe (9).

21. Avant de terminer cette Section nous dirons un mot de la résolution de l’équation

dont nous avons supposé les racines et et ; et nous ferons en même temps quelques remarques sur la résolution générale de l’équation

lesquelles pourront nous être utiles dans la suite.

Il est d’abord clair que l’unité est une des racines de l’équation de sorte que pour trouver les deux autres il n’y aura qu’a diviser d’abord cette équation par ce qui donnera celle-ci

d’où l’on tire

Ainsi l’on aura et

et il est facile de se convaincre que est en effet égal à comme nous l’avons déjà trouvé à priori ; car faisant le carré de on a

En général, soit l’équation à deux termes

on remarquera d’abord que si est un nombre composé, en sorte que la résolution de cette équation se réduira toujours à celle de deux équations semblables, l’une du degré et l’autre du degré Car, faisant on aura et par conséquent

Supposons donc qu’on ait résolu cette équation du degré et que soit une des racines, on aura ensuite

ou bien, faisant

et cette nouvelle équation étant résolue, on aura la valeur de et par conséquent celle de

De là on voit que la difficulté de résoudre l’équation lorsque est un nombre composé, se réduit à résoudre autant de pareilles équations que a de facteurs simples, et dont les degrés soient ces mêmes facteurs de

Ainsi toute la difficulté consiste à résoudre l’équation lorsque est un nombre premier.

Considérons, en général, le cas où est impair, en sorte que l’équation à résoudre soit

puisque l’unité est toujours une des valeurs de on pourra diviser par et le quotient sera

Or cette équation qui est du degré peut toujours s’abaisser au degré car, en la divisant par et mettant ensemble les termes qui sont également éloignés de celui du milieu, on aura

Qu’on fasse et élevant au carré, au cube, etc., on trouvera

donc

et, en général,

en ne continuant la série que tant que l’on aura des puissances positives de

Faisant donc ces substitutions dans l’équation ci-dessus, on aura une transformée en où toutes les puissances de seront positives et où la plus haute sera de sorte que l’équation ne sera plus que du degré ième.

Donc, si l’on peut résoudre cette dernière équation, on aura valeurs de dont chacune donnera ensuite deux valeurs de par la résolution de l’équation quadratique

moyennant quoi on aura valeurs de auxquelles joignant la première racine on aura toutes les racines de l’équation

Ainsi l’on pourra avoir par l’extraction de la seule racine carrée les racines des équations

par conséquent on pourra résoudre de même toute équation

lorsque ne contiendra d’autres facteurs simples que et c’est-à dire lorsque sera de la forme En admettant la résolution des équations du troisième degré, on pourra résoudre encore l’équation

et par conséquent toute équation

lorsque sera de la forme

Mais on ne saurait aller plus loin, puisque, le nombre premier qui suit