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Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Solutions de quelques Problèmes d’Astronomie sphérique par le moyen des séries

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SOLUTIONS
DE QUELQUES
PROBLÈMES D’ASTRONOMIE SPHÉRIQUE
PAR LE MOYEN DES SÉRIES[1].


(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, année 1776.)


Séparateur


1. Dans un Mémoire que j’ai lu il y a quelque temps à cette Assemblée, j’ai donné une formule nouvelle et fort simple pour exprimer la réduction à l’écliptique ou en général la différence entre l’hypoténuse et la base d’un triangle sphérique rectangle dont on connaît l’angle adjacent. M. Lambert me dit alors qu’il avait aussi trouvé, de son côté, une pareille formule, et eut la bonté de me communiquer sa méthode, que je trouvai fort différente de la mienne : J’ignore si M. Lambert a poussé plus loin son travail sur ce sujet, mais comme il n’en a jusqu’à présent rien publié[2], j’ai cru que les Géomètres ne me sauraient pas mauvais gré de leur faire part des recherches ultérieures que j’ai eu occasion de faire depuis peu sur la même matière ; c’est l’objet du Mémoire suivant. J’exposerai d’abord ma première méthode, ensuite j’en donnerai une autre beaucoup plus simple pour arriver à la formule dont il s’agit, et je tâcherai de l’étendre encore à des cas plus compliqués ; j’en ferai de plus voir l’usage pour résoudre plusieurs cas des triangles sphériques rectangles ou obliquangles, ainsi que différents Problèmes d’Astronomie sphérique qui en dépendent ; enfin je montrerai comment on peut appliquer les mêmes principes à trouver généralement la valeur en série d’un angle dont la tangente est donnée par une fonction rationnelle de sinus et de cosinus d’un autre angle.

2. Si est la base d’un triangle sphérique rectangle, l’hypoténuse et l’angle compris entre les arcs et on a, par la Trigonométrie,

et la formule que j’ai trouvée dans le Mémoire cité est celle-ci

De sorte que la différence entre les arcs se trouve exprimée par une suite de sinus d’angles multiples de et ayant pour coefficients les puissances du carré de la tangente de la moitié de l’angle divisées encore par les nombres naturels ce qui rend cette série fort convergente lorsque l’angle est moindre que degrés.

3. Voici la manière dont je suis arrivé d’abord à cette formule.

Regardant et comme variables, et comme constante, on trouve

or il est démontré que toute fraction de la forme se réduit en

une série, telle que

étant

Substituant pour on trouve

donc

et la fraction

se réduit par conséquent en cette série

laquelle étant multipliée par et ensuile intégrée donnera la valeur de savoir

comme ci-dessus.

4. Voyons maintenant comment on peut trouver la même chose plus simplement et plus directement.

L’équation proposée

donne, en employant les expressions exponentielles imaginaires des tangentes, celle-ci

ou bien

d’où l’on tire sur-le-champ

mais

donc, dénotant pour plus de simplicité par on aura

équation qu’on peut aussi mettre sous cette forme

d’où, en prenant les logarithmes et divisant ensuite par on a

Or on sait que

donc, réduisant en série les deux logarithmes de l’équation précédente

et substituant ensuite à la place des expressions exponentielles imaginaires les sinus qui y répondent, on aura

5. Pour généraliser, s’il est possible, la formule précédente, considérons l’équation

on parviendra, par la méthode du numéro précédent, à l’équation

et, faisant ensuite, pour plus de simplicité,

on aura

d’où l’on tirera pour la même expression que ci-dessus.

6. Supposons maintenant

en sorte que l’équation à résoudre soit

ou bien

on aura, dans ce cas,

c’est-à-dire

et l’expression de en sera, comme ci-dessus,

7. Si l’on voulait avoir l’expression de en il est clair qu’il n’y aurait qu’à changer en en et réciproquement ; or par ces changements il est visible que la valeur de ne fera que changer de signe ; ainsi, conservant la même valeur de ue ci-devant, on aura

Donc, en combinant les deux formules, on aura

8. Si l’on fait

de manière que l’équation soit

ou bien

on aura

c’est-à-dire

et si l’on met à la place de pour avoir l’équation

on aura

9. Si l’on change les angles et en leurs compléments de sorte que l’on ait l’équation

on aura alors

savoir

10. Si l’on avait dans les formules du no 5

en sorte que l’équation fût de la forme

on aurait

ce qui se réduit à

Et si l’on avait l’équation

il n’y aurait qu’à mettre à la place de dans l’expression précé-

dente de , ce qui la réduisait à

Si l’on avait enfin l’équation

il n’y aurait qu’à faire ce qui donnerait

11. On aura donc dans tous ces cas la valeur de en ou de en , par les formules des nos 6 et 7, et il est visible que pourvu que ne soit pas plus grande que l’unité, la série, tant pour que pour sera nécessairement toujours convergente, parce que les sinus ne peuvent jamais surpasser l’unité.

12. Nous n’avons cherché jusqu’ici que la valeur de l’arc mais on peut avoir aussi avec la même facilité celles des sinus et cosinus des multiples ou sous-multiplesquelconques du même arc.

Je reprends pour cela l’équation du no  5

et l’élevant à la puissance j’ai

et comme le radical peut avoir indifféremment le signe et on aura de même

d’où je tire ces deux formules

où il ne s’agit plus que de développer les termes, et d’y changer ensuite les exponentielles imaginaires en sinus ou cosinus d’angles.

13. Pour y parvenir avec toute la généralité possible, considérons la quantité

et voyons comment elle peut se développer en une série de la forme

Je mets la fraction sous cette forme ensuite je développe la puissance de ce binôme, j’aurai

Je développe maintenant les puissances du binôme qui sont au dénominateur, et ordonnant les termes par rapport à je trouve

et ainsi de suite.

De sorte que, si l’on nomme, en général le coefficient du terme on aura

le signe supérieur étant pour le cas où est impair et l’inférieur pour celui où est pair.

14. Ayant ainsi trouvé les coefficients il n’y aura plus qu’à mettre successivement et à la place de pour avoir les valeurs des puissances dont la différence ou la somme forment les valeurs de et de et l’on aura, après les réductions,

15. Donc, si on aura

Si on aura

et ainsi du reste.

16. Appliquons maintenant les formules que nous venons de trouver à la Trigonométrie sphérique, et considérons d’abord les cas des triangles sphériques rectangles qui peuvent s’y rapporter.

Soit donc un triangle sphérique rectangle dont l’hypoténuse soit les deux côtés et les angles opposés à ces côtés, si l’on examine toutes les analogies connues pour ces sortes de triangles, on ne trouvera que les trois suivantes qui renferment des tangentes :

1o

2o

3o

17. Comparant donc ces équations avec celles des nos 6 et 9, on aura d’abord

donc

donc (7)

On a donc par ces formules la différence entre l’hypoténuse et un des côtés exprimée par une suite de sinus multiples du double de l’hypoténuse même ou du côté ; et il est visible que cette suite sera toujours convergente, parce que la plus grande valeur de étant degrés, la plus grande valeur de sera Ces formules sont donc, comme l’on voit, très-commodes pour trouver la réduction des planètes à l’écliptique, en prenant pour l’inclinaison, ou bien la différence entre la longitude et l’ascension droite du Soleil en prenant pour l’obliquité de l’écliptique.

Dans ce dernier cas, on aura

environ ;

donc

d’où l’on peut juger de l’extrême convergence de la série.

18. La seconde équation, étant comparée avec la formule du no 9, donnera

donc

et de là on aura (7) les formules

par lesquelles on pourra trouver la différence entre un angle et le côté opposé exprimée par une suite-de sinus d’angles multiples du double de

l’angle ou du côté ; et ces suites seront toujours aussi convergentes, parce que ne peut jamais être tant que est positif et degrés.

19. La troisième équation, étant comparée de même avec celle du no 6, donnera

donc

donc (7)

et l’on pourra faire sur ces formules des remarques analogues à celles qu’on a faites sur les précédentes.

20. Considérons à présent les triangles sphériques obliquangles, et voyons quels sont les cas auxquels nos formules peuvent être applicables.

Comme la méthode ordinaire de résoudre ces triangles consiste à les partager en deux triangles rectangles par l’abaissement d’une perpendiculaire d’un des angles sur le côté opposé, et à calculer ensuite à part les segments de l’angle ou du côté coupé par la perpendiculaire, il est clair que les analogies qui servent communément à la résolution de ces triangles ne peuvent se rapporter à nos formules. Mais il y a d’autres analogies moins connues et qui sont générales pour des triangles quelconques on les nomme les analogues de Neper, qui en est l’inventeur, et elles se réduisent aux équations suivantes, dans lesquelles dénotent les trois côtés d’un triangle sphérique quelconque, et les angles qui leur sont respectivement opposés :

1o

2o

3o

4o

d’où l’on déduit encore cette cinquième

5o

Comme ces équations renferment toutes des tangentes, elles peuvent être traitées par notre méthode, ainsi qu’on va le voir.

21. La première des équations précédentes étant comparée à celle du no 9, on aura

donc

et de là (7)

22. La seconde étant comparée de même à celle du no 6, on aura les mêmes valeurs de que ci-dessus, mais celle de sera on aura donc dans ce cas

donc (7)

23. La troisième et la quatrième équation donneront des formules analogues aux précédentes en y changeant seulement en en et en Ainsi l’on aura, en premier lieu,

24. En second lieu, on aura

25. Enfin la cinquième équation du no 20, étant comparée à celle du no 10, donnera

donc

et par conséquent

On peut aussi comparer d’une autre manière la même équation avec celle du numéro cité, en faisant

ce qui donnera

et de là par le no 7

26. Les premières formules des nos 21 et 22 donnent, par l’addition et la soustraction, ces deux-ci, dans lesquelles au lieu de j’écris

Et de même les premières formules des nos 23 et 24 donneront

Ainsi lorsqu’on connaît, dans un triangle sphérique quelconque, deux côtés et l’angle compris entre ces côtés, on pourra, par les deux premières formules, trouver les deux autres angles et opposés aux côtés et et ces formules seront d’autant plus convergentes que le côté sera plus petit et que le côté sera plus près de degrés.

Pareillement, si l’on connaît un côté et les deux angles adjacents à ce côté, on aura par les deux dernières formules les deux autres côtés et opposés aux angles et et ces formules seront d’autant plus convergentes que l’angle sera plus petit et que l’autre angle sera plus près de degrés.

27. Si l’on imagine que le pôle de l’équateur, celui de l’écliptique et le lieu d’un astre quelconque soient joints par trois arcs de grands cercles, et qu’on dénote par l’arc qui joint les deux pôles, par l’arc qui joint le lieu de l’astre et le pôle de l’équateur, et par l’arc qui joint le lieu de l’astre et le pôle de l’écliptique, il est clair qu’on aura un triangle sphérique dont les trois côtés seront et il est visible que le côté sera égal à l’obliquité de l’écliptique, que le côté sera le complément à degrés de la déclinaison de l’astre, et que le côté sera le complément à degrés de la latitude de l’astre. Ensuite, si l’on nomme, comme plus haut, les angles respectivement opposés aux côtés il n’est pas difficile de voir que l’angle sera l’angle de position de l’astre, que l’angle sera le complément à degrés de la longitude de l’astre, et que l’angle sera l’ascension droite de l’astre augmentée de degrés.

Soit donc un astre dont la longitude soit la latitude l’ascension droite la déclinaison son angle de position on aura

et nommant l’obliquité de l’écliptique, les deux premières formules du no 26, à cause de

donneront

Ces deux formules sont fort remarquables par leur simplicité et par l’usage dont elles peuvent être dans l’Astronomie ; la seconde surtout peut être d’une grande utilité pour réduire les longitudes et les latitudes des planètes en ascensions droites et en déclinaisons ; car à cause que n’est jamais degrés pour les planètes, on aura immédiatement la différence entre la longitude et l’ascension droite par une série fort convergente ; dès qu’on aura trouvé on aura la déclinaison par une seule analogie, parce que dans le triangle dont les côtés sont et les angles opposés on a

et, mettant pour les valeurs ci-dessus,

d’où

[3].

28. L’analyse que nous avons exposée au commencement de ce Mémoire peut aussi être employée directement à résoudre d’autres équations plus compliquées que celle laquelle nous l’avons appliquée. C’est ce que je vais indiquer en peu de mots.

Soit, par exemple, l’équation

étant une quantité qui diffère peu de l’unité, et une quantité très-petite ; je forme l’équation

laquelle, en introduisant les exponentielles imaginaires, se réduit à

ou bien

Soient

les deux facteurs du trinôme

l’équation précédente pourra se mettre sous cette forme

prenant les logarithmes des deux membres, réduisant en série les logarithmes des facteurs et remettant à la place des exponentielles imaginaires les sinus correspondants, on aura sur-le-champ

or, comme les quantités et sont très-petites (hypothèse), il est clair que les quantités et le seront aussi ; d’où il s’ensuit que la série précédente sera nécessairement convergente.

29. Soit encore l’équation

étant peu différent de l’unité, et des coefficients fort petits ; on aura d’abord

ce qui se réduit à

ou bien à

Soient maintenant

les facteurs simples du quadrinôme

l’équation précédente deviendra

d’où l’on tire, en prenant les logarithmes, réduisant en série, et remettant les sinus à la place des exponentielles imaginaires,

On pourrait de même résoudre l’équation

et ainsi de suite.

30. Supposons enfin que l’on ait à résoudre une équation de cette forme

étant des coefficients très-petits ; on la réduira d’abord à la forme

savoir

ou bien

Soient à présent

les facteurs du multinôme

l’équation précédente deviendra

d’où l’on tire par les logarithmes, comme plus haut,

31. Si la valeur de contenait des sinus et des cosinus tant au numérateur qu’au dénominateur, comme si l’on avait à résoudre l’équation

on pourrait aussi par la même méthode trouver une série convergente pour exprimer la valeur de en pourvu que fût toujours peu différent de l’unité, et des coefficients fort petits relativement à

En effet on aura alors

et passant aux exponentielles

ou bien

Soit maintenant

on aura

mais

donc substituant ces valeurs, divisant le haut et le bas de la fraction par et faisant, pour abréger,

on aura

savoir

d’où en prenant les logarithmes, réduisant en série, divisant par et repassant des exponentielles imaginaires aux sinus et cosinus réels, on tire sur-le-champ

Or on a

donc on aura

quantité qui est, comme on voit, très-petite de l’ordre de ainsi la série précédente sera nécessairement convergente.

Au reste on voit par là que pourvu que diffère peu de l’unité, et que diffère en même temps peu de la quantité sera nécessairement très-petite du même ordre que ces différences ; par conséquent la série sera convergente, sans qu’il soit nécessaire que et soient à la fois très-petites l’une et l’autre.


Séparateur

  1. Lu en 1774.
  2. Cela était vrai lors de la lecture de ce Mémoire ; depuis, M. Lambert a donné sa méthode dans le volume des Éphémérides pour 1780.
  3. Les deux formules précédentes ont déjà été publiées sans démonstration dans le troisième volume des Tables astronomiques de Académie.