Aller au contenu

Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Sur l’élimination des inconnues dans les équations

La bibliothèque libre.


SUR
L’ÉLIMINATION DES INCONNUES
DANS LES ÉQUATIONS[1].


(Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, t. XXV, 1771.)


Séparateur


Lorsqu’on a deux équations qui renferment la même inconnue élevée à des degrés quelconques, on peut toujours, par les règles ordinaires de l’Algèbre, éliminer cette inconnue ; mais on risque de tomber dans un inconvénient c’est que l’équation résultante de l’élimination monte à un degré plus élevé qu’elle ne doit. Plusieurs habiles Géomètres ont senti cet inconvénient et ont donné des moyens de l’éviter ; c’est ce que MM. Euler, Cramer, Bezout et d’autres ont fait par des méthodes qui leur sont propres, et qu’on peut voir dans les Mémoires de cette Académie pour les années 1748 et 1764, dans ceux de l’Académie des Sciences de Paris pour l’année 1764, dans l’Ouvrage de M. Cramer qui a pour titre Introduction à l’analyse des lignes courbes, et ailleurs.

La méthode que je vais exposer ici a l’avantage de réduire l’élimination des inconnues à des formules générales et très-simples dont les Analystes pourront faire usage au besoin.

I.

Soient

(A)
(B)

les deux équations proposées, dont la première soit d’un degré quelconque et la seconde aussi d’un degré quelconque Il est évident que quelles que soient les équations données elles peuvent toujours se mettre sous les deux formes précédentes ; car pour cela il n’y a qu’à les diviser, l’une par le coefficient tout connu du dernier terme, et l’autre par la plus haute puissance de l’inconnue.

Je suppose que soient les facteurs de l’équation (A), en sorte que soient les racines de cette équation ; j’aurai donc

et, prenant les logarithmes de part et d’autre,

Or on sait que

donc on aura aussi

On sait de plus que le carré, le cube, etc., de tout polynôme, tel que est aussi un polynôme de la même forme, mais dont le nombre des termes est double, triple, etc., de sorte qu’on peut supposer

et ainsi de suite, les coefficients. étant aisés à trouver par la formation actuelle de ces puissances ou par d’autres moyens que nous indiquerons dans la suite.

Donc, si l’on substitue ces valeurs et qu’on fasse, pour abréger,

on aura, en ordonnant les termes par rapport aux dimensions de

d’où l’on tire, à cause que l’équation doit être identique,

Cela posé, je substitue successivement dans l’équation (B) les valeurs de résultant de l’équation (A), savoir dont le nombre

est j’aurai les équations suivantes
(C)

Or il est clair que, pour que les deux équations (A) et (B) aient lieu en même temps, il faut nécessairement qu’une quelconque des équations (C) ait lieu ; donc, comme il n’y a pas de raison pour que l’une de ces équations doive plutôt avoir lieu que l’autre, il faudra que l’on ait une équation qui renferme toutes les équations (C) et qui ne puisse être vraie qu’en supposant que l’une quelconque de ces dernières équations le soit ; d’où il s’ensuit que l’équation dont il s’agit ne saurait être que le produit de toutes les équations (C), et cette équation sera par conséquent celle qui doit résulter de l’élimination de l’inconnue dans les deux équations proposées (A) et (B).

Donc, si l’on représente l’équation dont nous parlons par on aura

le nombre des facteurs étant Ainsi la difficulté se réduit à trouver la valeur de sans connaître les racines,

Prenons les logarithmes des deux membres, et nous aurons

Mais on a

Donc, si l’on suppose que soient des quantités formées de comme les quantités le sont de on aura

ou bien en faisant, pour abréger,

on aura

On trouvera de la même manière

et ainsi des autres.

Donc, ajoutant ensemble toutes ces quantités, et mettant à la place de les quantités on aura

Soit encore, pour abréger,

et l’on aura

et résolvant en série la quantité exponentielle il viendra enfin

Ainsi le Problème est résolu.

II.

Comme la quantité est le produit de facteurs tels que

il est visible qu’elle ne peut contenir d’autres produits des quantités que ceux dont les dimensions ne passent pas le nombre d’où il s’ensuit

1o Que l’équation ou bien

(D)

ne doit contenir aucun terme dans lequel les quantités forment ensemble des produits de plus de dimensions.

Or, si l’on met au lieu de dans les équations (B) et (A), elles deviennent celles-ci

lesquelles ne diffèrent des équations (A) et (B) qu’en ce que les coefficients sont changés en et l’exposant en et vice versâ ; donc, si l’on fait sur ces équations les mêmes raisonnements et les mêmes opérations que nous avons faites sur les équations (A) et (B), on parviendra à une équation imale qui sera la même que l’équation (D) ci-dessus, à la seule différence près que seront au lieu de et réciproquement ; et l’on prouvera de même, à l’égard de cette équation, que les quantités ne sauraient former ensemble des produits de plus de dimensions.

Or, en changeant en on ne fait que changer en et vice versâ, comme on le voit par les expressions de ces quantités donc, comme

il s’ensuit que l’équation finale dont il s’agit sera exactement la même que l’équation (D) ; d’où je conclus :

2o Que l’équation

ne doit pas non plus contenir aucun terme où les quantités se trouvent formant ensemble des produits de plus de dimensions.

III.

Voici donc à quoi se réduit notre méthode d’élimination. Étant proposées les équations

dont la première soit du degré et la seconde du degré on commencera par former les quantités lesquelles sont les coefficients des séries qui expriment le

carré, le cube, la quatrième puissance, etc., de la série

et l’on poussera cette opération jusqu’à la ième puissance. On formera ensuite de la même manière les quantités jusqu’à la puissance et pour cela il suffira de changer, dans les valeurs correspondantesde les quantités en

Ayant ainsi toutes ces quantités, on les substituera dans la quantité

et l’on fera ensuite l’équation

en observant de rejeter tous les termes qui contiendraient des produits de de plus de dimensions, ou des produits de de plus de dimensions ; on aura, par ce moyen, l’équation qui résulte de l’élimination de l’inconnue dans les deux équations proposées.

IV.

À l’égard des coefficients on doit les déterminer à l’ordinaire par la formation des différentes puissances de mais, comme le calcul des puissances fort haute serait assez laborieux, on peut l’abréger par la formule suivante, dont la démonstration se tire du calcul différentiel. Soit, en général,

on aura

et il est très-aisé de voir la loi de cette série, et de la continuer autant qu’on voudra.

Si l’on ne voulait pas faire dépendre les coefficients les uns des autres, on pourrait les déterminer immédiatement de la manière suivante.

Qu’on cherche, par exemple, le coefficient de dans la puissance du polynôme

je dis :

1o Que ce coefficient sera formé de tous les termes qui peuvent être représentés par étant des nombres entiers positifs, et tels que

2o Que chacun de ses termes aura pour coefficients numérique

La démonstration de ce théorème est aisée à tirer de la théorie des combinaisons, et nous ne croyons pas devoir nous y arrêter.

V.

Exemple I. Que l’on ait à éliminer des deux équations

on trouvera, en faisant le carré de

et de même donc

donc

Donc, en négligeant les produits de et aussi bien que ceux de et qui seraient de plus de deux dimensions, on aura

Substituant donc ces valeurs dans l’équation

on aura

VI.

Au reste, on peut encore trouver la valeur de d’une manière plus simple sans être obligé de calculer les quantités

Pour cela, on remarquera que

de sorte que la difficulté se réduit à trouver les quantités et

Or il est facile de voir par l’Article I que

Qu’on différentie cette équation en faisant varier et l’on aura, après avoir divisé par

Donc, multipliant en croix et comparant les termes, on aura

d’où l’on tire

Ayant déterminé ainsi les quantités par les quantités on changera ces dernières en et l’on aura les valeurs des quantités

On se souviendra seulement de rejeter dans les expressions de les termes où formeraient des produits de plus de dimensions, et dans celles de les termes où formeraient des produits de plus de dimensions.

VII.

Si l’on met, pour plus de simplicité, au lieu de et de même au lieu de la valeur de deviendra

et l’on aura pour la détermination de les formules suivantes

Il en sera de même pour les quantités en changeant seulement en en en et l’équation sera, comme ci-dessus,

dans laquelle il ne faudra conserver que les termes où les dimensions des produits de seront égales ou plus petites que et ceux où les dimensions des produits de seront égales ou plus petites que

VIII.

Exemple II. On propose d’éliminer des équations

On trouvera d’abord

donc on aura

Or, en rejetant les termes où et sont des produits de plus de deux dimensions, et ordonnant les autres par rapport aux dimensions de ces mêmes quantités, on aurait

d’où je tire, en ne conservant que les produits de trois ou d’un moindre

nombre de dimensions,

et

de sorte que l’équation sera


Séparateur

  1. Lu à l’Académie le 29 octobre 1767.