Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Sur la manière de rectifier deux endroits des Principes de Newton relatifs à la propagation du son et au mouvement des ondes
SUR LA MANIÈRE DE RECTIFIER
DEUX ENDROITS DES PRINCIPES DE NEWTON
RELATIFS
À LA PROPAGATION DU SON ET AU MOUVEMENT DES ONDES.
de Berlin, année 1786.)
Parmi les différentes Théories que Newton a données dans le fameux Ouvrage des Principes mathématiques, les unes sont entièrement rigoureuses et ont toute la perfection dont elles sont susceptibles, les autres ne sont qu’approchées et laissent plus ou moins à désirer du côté de l’exactitude et de la généralité.
À la première classe appartiennent les Propositions sur le mouvement des corps isolés et regardés comme des points, c’est-à-dire toutes celles du premier Livre et une partie de celles du second. On doit rapporter à la seconde classe les Propositions qui concernent la résistance et le mouvement des fluides, et surtout celles qui ont pour objet l’explication des phénomènes des marées, de la précession des équinoxes et des différentes inégalités du mouvement de la Lune.
Ce n’est pas que Newton ne se montre aussi grand dans ces sujets que dans les autres ; on peut même dire que son génie inventeur y brille davantage. Mais, comme l’Analyse et la Mécanique de son temps ne pouvaient lui suffire pour résoudre des questions aussi compliquées, il s’est vu dans la nécessité de les simplifier par des hypothèses et des limitations précaires ; et il n’est parvenu ainsi qu’à des résultats incomplets et peu exacts. C’est ce qui a lieu surtout à l’égard des Théories de la propagation du son et du mouvement des ondes.
À mesure que ces deux sciences ont acquis de nouveaux degrés de perfection, on a été en état de suppléer plus ou moins au défaut des Théories que Newton avait laissées imparfaites ; et les sujets du Système du monde, comme les plus importants, ont déjà été discutés avec tant de soin par les premiers Géomètres de ce siècle, qu’il paraît difficile de pouvoir ajouter quelque chose à leurs travaux, si ce n’est peut-être plus de facilité dans les procédés et de simplicité dans les résultats. La Théorie des fluides a été également l’objet de leurs recherches, et, s’ils n’y ont pas fait des progrès aussi marqués, on doit l’attribuer uniquement aux grandes difficultés dont la matière est hérissée. Les lois générales du mouvement des fluides ont été découvertes et réduites à des équations analytiques ; mais ces équations sont si composées par la nature même de la chose, que leur résolution complète sera peut-être toujours au-dessus des forces de l’Analyse ; et il n’y a guère que le cas des mouvements infiniment petits qui soit susceptible d’un calcul rigoureux.
Heureusement les vibrations des particules de l’air dans la production du son, et celles des particules de l’eau dans la formation des ondes sont à peu près dans ce cas ; et par conséquent il est possible de déterminer les lois de ces vibrations d’une manière plus exacte que Newton ne l’a fait dans la Section VIII du second Livre des Principes. C’est ce que j’ai déjà fait voir ailleurs ; mais je me propose ici de faciliter aux Commentateurs les moyens d’éclaircir et de corriger cet endroit, qui a été regardé jusqu’ici comme un des plus obscurs et les plus difficiles de l’Ouvrage de Newton.
Je divise ce Mémoire en deux Sections. Dans la première, j’examine la Théorie de la propagation du son, telle qu’elle est contenue dans les Propositions XLVII et XLVIX du second Livre ; j’en montre l’insuffisance, et j’y donne l’exactitude et la généralité qui y manquent. Dans la seconde, je fais voir comment cette même Théorie peut s’appliquer aussi au mouvement des ondes.
1. Newton considère une ligne physique d’air ou d’un milieu élastique quelconque dont l’élasticité soit en raison directe de la densité ; et il imagine que tous les points physiques de cette ligne soient ébranlés successivement et agités par des mouvements semblables, en sorte qu’ils fassent chacun une oscillation entière, composée de l’allée et du retour. Il suppose ensuite que ces oscillations suivent les mêmes lois que celles des pendules suspendus entre les cycloïdes, et, comparant la force accélératrice de chaque point physique du milieu, due à l’élasticité, avec la force accélératrice du pendule correspondant, due à la gravité, il conclut de l’égalité de ces forces que la supposition est légitime, et que par conséquent le milieu doit être en effet mû de la sorte. C’est le sujet de la Proposition XLVII ; et voici comment il la démontre.
2. Soient (fig. 1) deux points physiques de la ligne tels que le point ne commence à s’ébranler que lorsque a fini son oscillation
et soient trois points quelconques intermédiaires, et placés à des distances égales supposées très-petites.
Soient maintenant les espaces égaux très-petits dans lesquels ces points vont et viennent à chaque oscillation par un mouvement réciproque, et les lieux quelconques intermédiaires de ces mêmes points ; de manière que les petites lignes physiques ou les parties linéaires du milieu qui sont entre ces points, soient transportées successivement dans les lieux, et
Cela posé, soit tirée (dit Newton) égale à la ligne (fig.2), et soit cette ligne partagée en deux parties égales au point et, du
centre et de l’intervalle soit décrit le cercle Que sa circonférence entière et ses parties représentent le temps entier d’une vibration avec ses parties proportionnelles ; en sorte que le temps quelconque ou étant écoulé, si l’on tire ou perpendiculaire sur et qu’on prenne égale à ou à le point physique se trouve en Suivant cette loi, un point quelconque allant de par à et revenant ensuite de par à achèvera chacune de ses vibrations avec les mêmes degrés d’accélération et de retardation que le pendule qui oscille, par la Proposition LII du Livre premier ; par conséquent sa vitesse sera comme l’ordonnée et sa force accélératrice devra être comme l’abscisse ou comme sa distance au point du milieu de la vibration. Ainsi il n’y a qu’à voir si la force accélératrice réelle du point suit en effet cette proportion.
Dans la circonférence soient pris les arcs égaux ou qui aient à la circonférence entière la raison que les droites égales ont à l’intervalle entier et ayant abaissé les perpendiculaires ou parce que les points sont successivement agités par des mouvements semblables (hypothèse), si ou représente le temps écoulé depuis le commencement du mouvement du point ou représentera le temps écoulé depuis le commencement du mouvement du point et ou le temps écoulé depuis le commencement du mouvement du point et par conséquent seront égaux respectivement à ou à le premier dans l’allée et le second dans le retour de ces points. D’où ou dans l’allée sera égal à et dans le retour à Mais est la largeur ou l’expansion de la partie du milieu dans le lieu et par conséquent l’expansion de cette partie dans l’allée est à son expansion moyenne comme à et dans le retour, comme ou à C’est pourquoi, étant à comme au rayon et étant à comme la circonférence à c’est-à-dire (si l’on prend pour le rayon du cercle dont la circonférence est égale à l’intervalle ) comme à par conséquent étant à comme à l’expansion de la partie ou du point physique dans le lieu est à l’expansion moyenne de cette partie dans son premier lieu comme à dans l’allée, et comme à dans le retour. D’où, la force élastique du point dans le lieu est à sa force élastique moyenne dans le lieu comme à dans l’allée, mais dans le retour elle est comme à Et par le même raisonnement les forces élastiques des points physiques et dans l’allée sont comme et à et la différence des forces à la force élastique moyenne du milieu comme à c’est-à-dire comme à ou comme à en supposant (à cause des limites étroites dans lesquelles se font les vibrations) et indéfiniment plus petites que la quantité
Comme cette quantité est donnée, la différence des forces est comme c’est-à-dire (à cause des proportionnelles à et à ou et des données et ) comme ou, ce qui revient au même, si est coupée en deux également à comme Et par le même raisonnement la différence des forces élastiques des points physiques et dans le retour de la ligne physique est comme Mais cette différence (c’est-à-dire l’excès de la force élastique du point a sur la force élastique du point ) est la force par laquelle la petite ligne physique du milieu, laquelle est entre deux, est accélérée dans l’allée et dans le retour ; et par conséquent la force accélératrice de la petite ligne physique est comme sa distance au point du milieu de la vibration.
Donc le temps est exprimé exactement par l’arc selon la Proposition XXXVIII du Livre premier ; et la partie linéaire du milieu se mouvra suivant la loi prescrite, c’est-à-dire comme les pendules oscillants. Il en est de même de toutes les parties linéaires dont le milieu entier est composé.
3. Dans la Proposition XLIX Newton détermine ensuite la longueur du pendule simple, dont les oscillations répondent à celles des particules du milieu élastique ; pour cela il suppose que ce milieu soit comprimé comme notre air par son propre poids, et que soit la hauteur du milieu homogène dont le poids est égal au poids comprimant, et dont la densité soit la même que celle du milicu et il trouve que le temps de l’oscillation de ce pendule est à celui d’une vibration des particules du milieu comme à de sorte que, puisque les longueurs des pendules sont comme les carrés des durées des oscillations, le pendule isochrone aux particules du milieu élastique aura pour longueur
Car, dit-il, les constructions de la Proposition XLVII étant conservées, si une ligne physique quelconque en décrivant à chaque vibration un espace est pressée dans les extrémités et de son allée et de son retour par une force élastique égale à son poids, elle achèvera chacune de ses vibrations dans le temps que cette même ligne pourrait osciller dans une cycloïde dont le périmètre serait égal à toute la longueur et cela parce que des forces égales doivent faire parcourir dans le même temps à des corpuscules égaux des espaces égaux. C’est pourquoi, comme les temps des oscillations sont en raison sous-doublée de la longueur des pendules, et que la longueur du pendule est égale à la moitié de l’arc de la cycloïde entière, le temps d’une vibration sera au temps de l’oscillation du pendule, dont la longueur est en raison sous-doublée de la longueur ou à la longueur Mais la force élastique qui presse la petite ligne physique lorsqu’elle est dans les extrémités et était, dans la démonstration de la Proposition XLVII, à la force élastique entière comme à c’est-à-dire (lorsque le point tombe sur ) comme à et cette force entière, c’est-à-dire le poids par lequel la petite ligne est comprimée, est au poids de cette petite ligne comme la hauteur du poids comprimant est à la longueur de la petite ligne ; donc la force, par laquelle la petite ligne est pressée dans les lieux et est au poids de cette petite ligne comme à ou comme à car était à comme à Ainsi, comme les temps dans lesquels les corps égaux sont poussés dans des espaces égaux sont réciproquement en raison sous-doublée des forces, le temps d’une vibration produite par Ia pression de la force élastique sera au temps d’une vibration produite par la force du poids en raison sous-doublée de à et ce temps est par conséquent au temps de l’oscillation du pendule dont la longueur est en raison sous-doublée de à et en raison sous-doublée de à conjointement, c’est-à-dire dans la raison entière de à
4. Maintenant, puisque le point ne doit commencer sa vibration que dans le moment où le point finira la sienne, ce qui est évident par la construction générale du no 2, suivant laquelle, si la circonférence entière représente le temps écoulé depuis le commencement du mouvement du point l’arc qui représentera le temps écoulé depuis le commencement du mouvement du point sera nul ; il s’ensuit que dans le temps d’une vibration entière le mouvement se trouvera propagé de la particule à la particule par l’espace et il est visible par la même construction que cette propagation se fait d’une manière uniforme.
Donc le temps de la propagation par sera à celui d’une oscillation du pendule comme est à c’est-à-dire comme est à la circonférence du cercle, dont le rayon est donc aussi, dans le temps d’une oscillation du pendule la propagation des ébranlements des particules se fera par un espace égal à la circonférence du cercle qui aurait la longueur pour rayon ; mais on sait par la Théorie des pendules que cette circonférence est égale à l’espace qu’un corps pourrait parcourir uniformément pendant une oscillation du pendule en se mouvant avec une vitesse égale à celle qu’il aurait acquise s’il était tombé librement de la hauteur Donc cette vitesse sera celle de la propagation des ébranlements dans le milieu élastique ; et par conséquent ce sera la vitesse du son, en prenant pour la hauteur de l’atmosphère supposée homogène.
5. Telle est la Théorie que Newton a donnée de la propagation du son, Théorie que les uns ont regardée comme inintelligible, que d’autres ont trouvée contradictoire, et qui dans le fond n’est défectueuse que parce qu’elle est trop particulière, mais qui renferme en même temps le germe de la véritable Théorie, découverte dans ces derniers temps par le moyen de l’Analyse. C’est ce que nous allons montrer avec tout le détail que la difficulté de la matière exige.
Et d’abord je remarque que les raisonnements de Newton sont exacts, et que si les particules du milieu élastique se meuvent dans un instant suivant la loi qu’il suppose, elles doivent continuer à se mouvoir suivant cette même loi, en faisant des oscillations analogues à celles de plusieurs pendules égaux, qu’on aurait mis successivement en mouvement. Mais si sa solution est bonne, mathématiquement parlant, on voit aussi qu’elle n’est guère applicable à la nature ; car comment imaginer que les ébranlements imprimés par le corps sonore aux particules de l’air suivent toujours la loi dont il s’agit ? D’ailleurs par la Théorie des pendules il est clair que les oscillations de ces particules devraient durer toujours, ou du moins jusqu’à ce que des obstacles étrangers les détruisent ; et même il est aisé de se convaincre, d’après la construction générale du no 2, que toutes les particules de la ligne physique prolongée indéfiniment de part et d’autre devraient être en mouvement à la fois, puisqu’on peut toujours prendre dans la circonférence d’un cercle des arcs de telle grandeur que l’on veut. Or c’est ce qui est contraire aux phénomènes connus de la production et de la propagation du son.
Il s’ensuit de là que, pour avoir une Théorie conforme à l’expérience et propre à expliquer les principales propriétés du son, on ne doit pas supposer que la courbe soit un cercle, ni même que ce soit une autre courbe rentrante quelconque ; au contraire il faudrait que cette courbe demeurât indéterminée et arbitraire, pour pouvoir représentera les ébranlements primitifs de la ligne sonore et fournir une solution générale, quels que puissent être ces ébranlements.
6. Il s’agit donc de voir jusqu’à quel point les propositions de Newton peuvent subsister, abstraction faite de la nature particulière de la courbe
Pour cela nous supposerons donc, en général, avec lui que les points de la ligne sonore parviennent en au bout d’un temps quelconque, représenté par l’arc de la courbe (fig. 3), en sorte
qu’ayant pris dans cet arc les parties égales lesquelles soient dans une raison constante avec les petites lignes égales et ayant mené les ordonnées on ait
on aura ainsi
de sorte que l’expansion de la partie dans le lieu sera à son expansion moyenne comme à et par conséquent la force élastique
du point ou de la particule dans le lieu sera à sa force élastique moyenne dans le lieu comme à puisque l’élasticité du milieu est supposée en raison directe de la densité.Par le même raisonnement (ayant mené encore les ordonnées et qui interceptent les arcs égaux à et ) les forces élastiques des points physiques seront à la force élastique moyenne comme et à et la différence des forces à la force élastique moyenne du milieu comme à c’est-à-dire comme à ou comme en supposant (à cause des limites étroites dans lesquelle se font les vibrations) et indéfiniment plus petites que Puisque la quantité est donnée, la différence des forces est comme or cette différence, c’est-à-dire l’excès de la force élastique du point sur la force élastique du point est la force par laquelle la particule physique du milieu est accélérée ; donc la force accélératrice de cette particule, ou du point physique du milieu, est comme Et l’on prouvera de la même manière que la force accélératrice du point c’est-à-dire celle du point dans le lieu, sera comme ayant mené l’ordonnée qui intercepte la portion d’arc
Mais, par l’hypothèse, les arcs représentent les temps que le point emploie à décrire les espaces donc, suivant cette hypothèse, ayant pris les portions d’arc égales entre elles et données, les portions de l’axe seront comme les vitesses dans les points et et leur différence sera comme l’accroissement de la vitesse, et par conséquent proportionnelle à la force accélératrice qui doit agir en Or nous venons de démontrer que la force accélératrice provenant de l’élasticité du milieu est effectivement proportionnelle à Donc l’hypothèse est légitime, et les particules peuvent se mouvoir suivant la loi supposée.
Comme cette démonstration est indépendante de la nature de la courbe on voit que cette courbe demeure arbitraire, comme nous avons trouvé que cela était nécessaire pour la bonté et la généralité de la solution. Ainsi la Théorie de Newton, présentée de cette manière, ne laisse rien à désirer.
7. À l’égard de la vitesse de la propagation, ou communication du mouvement, d’une particule à l’autre de la ligne sonore, il est clair que puisqu’au bout du temps le point a décrit et le point a décrit ce dernier point, dont le mouvement est représenté aussi, en général, par la même courbe aura décrit un espace égal à au bout du temps par conséquent le point aura après le temps le même mouvement que le point donc pendant ce temps le mouvement se propage de en par l’espace et la vitesse de cette propagation sera exprimée par le rapport constant de à ou
8. Pour évaluer cette vitesse on se rappellera que la force, par laquelle la particule physique est mue dans le lieu est à la force élastique moyenne du milieu comme à mais cette force élastique est égale au poids comprimant, et ce poids est à celui de la particule comme la hauteur de l’atmosphère supposée homogène à la longueur donc la force motrice de la particule en sera au poids de cette particule en raison composée de à et de à savoir en raison de à or la force motrice, divisée par la masse à mouvoir, donne la force accélératrice, et si l’on prend la force de la gravité pour l’unité, les masses sont égales aux poids ; donc la force accélératrice de ou du point du milieu sera exprimée par
et par le même raisonnement la force accélératrice du point en sera représentée par
Mais, par les principes de Mécanique, la force accélératrice nécessaire pour faire décrire les espaces dans les temps est exprimée par le rapport de la différence des vitesses à l’élément du temps donc, puisque cette force sera exprimée simplement par
laquelle devant être identique à celle que nous venons de trouver, il faudra que l’on ait
d’où l’on tire
c’est l’expression de la vitesse du son. En regardant cette vitesse comme engendrée par l’action constante de la force de la gravité que nous avons supposée égale à on sait que son carré est égal au double de la hauteur nécessaire pour la produire ; donc sera la hauteur due à la vitesse de la propagation du son ; ce qui s’accorde avec ce que Newton a trouvé dans l’hypothèse particulière des oscillations de l’air analogues à celles des pendules.
On voit par là que cette vitesse est constante et indépendante des ébranlements primitifs de la fibre sonore ; ce qui est parfaitement d’accord avec l’expérience.
9. En supposant avec la plupart des Physiciens l’air fois plus léger que l’eau, et l’eau fois plus légère que le mercure, on a à pour le rapport entre le poids spécifique de l’air et celui du mercure. Or, prenant la hauteur moyenne du baromètre de pouces de France, il vient pouces ou pieds pour la hauteur d’une colonne d’air uniformément dense et faisant équilibre à la colonne de mercure dans le baromètre. Donc la vitesse du son sera due à une hauteur de pieds, et sera par conséquent de pieds par seconde.
L’expérience en donne environ 1088 ; ce qui fait une différence de près, d’un sixième ; mais cette différence ne peut être attribuée qu’à l’incertitude des résultats fournis par l’expérience.
Sur quoi voyez un Mémoire de M. Lambert dans le Recueil de cette Académie pour 1768. On trouvera au reste une Théorie générale et complète sur la propagation du son dans les deux premiers volumes des Mémoires de la Société des Sciences de Turin, auxquels je me contenterai ici de renvoyer[1]. On peut voir aussi les Mémoires de cette Académie pour les années 1759 et 1765.
1. Newton détermine d’abord dans la Proposition XLIV du second Livre le mouvement d’un fluide qui balance dans un siphon ou canal trèsétroit et qui a ses deux branches verticales.
Il y démontre que ce mouvement est analogue à celui d’un pendule qui oscille entre des arcs cycloïdes, et dont la longueur serait égale à la moitié de celle de la colonne de fluide contenue dans le siphon. Car, dit-il, la force, par laquelle le mouvement de l’eau est alternativement accéléré et retardé, est l’excès du poids de l’eau dans l’une ou l’autre branche ; donc, lorsque l’eau monte dans l’une des branches au-dessus du niveau, et qu’en même temps elle descend d’autant dans l’autre, cette force est double du poids de l’eau qui est au-dessus du niveau, et est par conséquent au poids de toute l’eau comme la longueur de la colonne supérieure au niveau, à la moitié de la longueur de la colonne entière d’eau contenue dans le tube.
Mais la force, par laquelle un corps est accéléré et retardé dans la cycloïde à un lieu quelconque, est à son poids total comme l’arc compris entre ce lieu et le lieu le plus bas à l’arc entier ou à la demi-longueur de la cycloïde, c’est-à-dire à la longueur du pendule oscillant. Donc les forces motrices de l’eau et du pendule, lorsqu’ils parcourent des espaces égaux, sont comme les poids à mouvoir ; par conséquent, si l’eau et le pendule sont en repos dans le commencement, ces forces les feront mouvoir également dans des temps égaux, et feront que par un mouvement réciproque l’eau et le pendule aillent et reviennent dans le même temps.
2. Cela posé, Newton compare dans la Proposition XLVI les élévations et les abaissements alternatifs de l’eau dans les ondes qui se forment à la surface d’une eau stagnante aux oscillations perpendiculaires de l’eau dans un siphon. Car, dit-il, comme le mouvement des ondes se fait par la montée et la descente successive de l’eau, en sorte que les parties qui sont les plus hautes deviennent ensuite les plus basses, et que la force motrice qui fait monter les parties les plus basses et descendre les plus hautes est le poids de l’eau élevée, ces montées et descentes alternatives seront analogues au mouvement d’oscillation de l’eau dans un siphon dont la longueur horizontale serait égale aux distances entre les lieux les plus hauts et les plus bas des ondes ; et par conséquent, si ces distances sont égales au double de la longueur du pendule, les parties les plus hautes deviendront les plus basses dans le temps d’une oscillation, et dans le temps d’une autre oscillation elles deviendront les plus hautes. Donc il y aura le temps de deux oscillations entre chacune de ces ondes ; de sorte que chaque onde parcourra sa largeur dans le temps que le pendule emploiera à faire deux oscillations ; mais dans ce même temps un pendule dont la longueur serait quadruple, et qui par conséquent serait égale à la largeur des ondes, c’est-à-dire à l’espace transversal qui est entre leurs moindres ou leurs plus grandes élévations, ferait une oscillation ; donc, dans le temps d’une oscillation d’un pendule égal à la largeur des ondes, elles parcourront en avançant un espace égal à cette largeur.
3. Cette Théorie est, comme l’on voit, susceptible de beaucoup de difficultés, dont la principale est que Newton n’y tient compte que du mouvement vertical de l’eau et nullement du mouvement horizontal, qui doit nécessairement s’y joindre, puisque l’eau est supposée libre de se mouvoir en tout sens. Cette difficulté paraît même n’avoir pas échappé à Newton ; car, dans le Corollaire second de la Proposition citée, il remarque que cela est ainsi dans l’hypothèse que les parties de l’eau montent et descendent en ligne droite, mais que ces montées et descentes se font plutôt par des cercles, et qu’ainsi par cette Proposition le temps n’est déterminé qu’à peu près. Mais, en supposant même que l’eau se meuve par un arc de cercle ou d’une autre courbe quelconque, on n’approcherait pas davantage de la vérité ; car la comparaison du mouvement de l’eau dans les ondes avec les oscillations de l’eau dans des siphons est purement précaire, et ne saurait subsister avec les lois générales du mouvement des fluides dans des vases ou des canaux.
4. Il serait peut-être impossible d’établir une Théorie générale et rigoureuse sur les ondes ; mais, si l’on suppose d’un côté que les élévations et les abaissements successifs de l’eau au-dessus et au-dessous de son niveau soient infiniment petits, ce qui paraît conforme à l’expérience, et que de l’autre la profondeur du canal dans lequel les ondes se forment et se propagent soit assez petite, on peut déterminer les mouvements de l’eau qui les produisent, d’une manière approchée, et analogue à celle que nous venons de donner relativement aux mouvements de l’air dans le son.
Car soit (fig. 4) le fond horizontal d’un canal ou bassin rempli d’eau à une hauteur très-petite, la surface supérieure de l’eau en repos ou
sa ligne de niveau, et cette surface lorsque l’eau a été mise en mouvement par quelque cause que ce soit. Si l’on imagine toute la masse de
l’eau stagnante partagée en une infinité d’éléments rectangulaires égaux dont les hauteurs soient verticales, et dont les largeurs soient infiniment petites ; on pourra supposer sans erreur sensible que dans le mouvement de l’eau ces éléments parviennent en en conservant leur forme rectangulaire et leur capacité, à cause de l’incompressibilité de l’eau ; et il ne s’agira que de déterminer la loi du mouvement horizontal de chacun de ces éléments.5. Pour cela je suppose que la courbe (fig. 3, page 599) renferme cette loi d’une manière semblable à celle qui a lieu pour les particules de l’air, en sorte que pendant un temps quelconque représenté par l’arc le point ait décrit l’espace très-petit et que les points aient décrit les espaces très-petits en prenant les parties dans une raison constante avec
Or, en considérant les deux colonnes contiguës je remarque que, si leurs hauteurs étaient égales, elles exerceraient par l’action de la gravité une pression égale l’une contre l’autre, d’où il ne pourrait résulter aucun mouvement ; mais si la hauteur de l’une est plus grande que la hauteur de l’autre, l’excès doit produire, selon les lois hydrostatiques connues, dans tous les points de la ligne une pression contre le rectangle exprimée par cette même différence de hauteur en faisant la pression ou la force accélératrice de la gravité égale à l’unité. Ainsi la pression totale qui en résultera contre l’élément et qui tendra à lui imprimer un mouvement horizontal, sera donc, divisant par la masse à mouvoir on aura
pour la valeur de la force accélératrice horizontale de l’élément ou, ce qui revient au même, du point suivant la ligne
Maintenant, puisque
on aura
donc
puisque la différence des hauteurs sur les hauteurs primitives est supposée très-petite, et qu’ainsi ne diffèrent qu’infiniment peu de Donc, à cause de et de égal à très-peu près à on aura pour la force accélératrice du point l’expression
Mais
donc la force dont il s’agit sera
Et par le même raisonnement on trouvera la force accélératrice du point c’est-à-dire du point dans le lieu exprimée par
(ayant pris l’arc et abaissé l’ordonnée ), c’est-à-dire par
c’est la force qui fait parcourir l’espace dans le temps suivant l’hypothèse. Donc, pour que cette hypothèse soit légitime, il faut, selon les principes de Mécanique, que cette force soit égale au rapport de la
différence des vitesses à l’élément du temps c’est-à-dire (à cause de ) égale àCes deux expressions de la force accélératrice étant comparées donnent l’équation
laquelle est, comme l’on voit, indépendante de la figure de la courbe et sert seulement à déterminer le rapport constant lequel devient Ainsi la loi supposée est exacte, et la courbe demeure arbitraire, comme dans la Théorie de la propagation du son.
6. Il est visible que la détermination de la courbe dépend des ébranlements primitifs de l’eau, c’est-à-dire des déplacements des colonnes dus à la cause qui produit les ondes. La solution est donc générale, quels que puissent être ces ébranlements ; et la vitesse des ondes en est entièrement indépendante, comme celle du son ; car il n’est pas difficile de voir que cette vitesse sera exprimée aussi par le rapport constant de à puisque, selon la construction, après le temps les points et se trouveront avoir parcouru des espaces respectivement égaux à ceux que les points et avaient parcourus au commencement de ce temps, et qu’ainsi leur distance, et par conséquent la hauteur de la colonne qui y répond, sera la même après ce temps que celle de la colonne qui répondait aux points au commencement de ce temps ; de sorte que celle-ci pourra être censée avoir avancé pendant le temps d’un espace égal à sa base, qui est à très-peu près égale à
Or, ayant trouvé (numéro précédent)
il s’ensuit que la vitesse de la propagation des ondes sera celle qu’un
corps grave acquerrait en tombant de la moitié de la hauteur (no 8, Section première), c’est-à-dire de la moitié de la hauteur de l’eau dans le canal. De sorte qu’il y a à cet égard une parfaite analogie entre la propagation du son et celle des ondes, la vitesse de celle-là étant due à la hauteur de l’air supposé homogène, et la vitesse de celle-ci étant due à la hauteur de l’eau dans le canal.7. Au reste, quoique la Théorie précédente soit fondée sur la supposition que la profondeur de l’eau dans le canal soit très-petite, elle pourra néanmoins toujours avoir lieu, si dans la formation des ondes l’eau n’est ébranlée et remuée qu’à une profondeur très-petite ; ce qui paraît trèsnaturel à cause de la ténacité et de l’adhérence mutuelle des parties de l’eau, et ce qui se trouve d’ailleurs confirmé par l’expérience, même à l’égard des grandes ondes de la mer. Ainsi, la vitesse des ondes étant connue par l’expérience, on pourra déterminer réciproquement la profondeur à laquelle l’eau sera agitée dans leur formation, cette profondeur étant toujours double de la hauteur due à la vitesse observée. (Voyez nos Recherches sur le mouvement des fluides dans le volume de cette Académie pour l’année 1781[2], où la Théorie des ondes est traitée d’une manière plus directe et plus générale que nous ne l’avons fait ici.)