Mémoires posthumes de Braz Cubas/Chapitre 037

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Traduction par Adrien Delpech.
Garnier Frères (p. 156-157).


XXXVII

Enfin !


Enfin nous arrivons à Virgilia ! Avant d’aller chez le conseiller Dutra, je demandai à mon père s’il y avait déjà quelque promesse de mariage, quelque arrangement préalable.

— Aucun, me répondit-il. Il y a quelque temps, comme nous parlions de toi, je lui ai avoué mon désir de te voir député. Je lui ai parlé avec tant d’éloquence, qu’il m’a promis de faire quelque chose pour toi, et je crois qu’il tiendra sa promesse. Quant au mot « fiancée », c’est le nom que je donne à une créature qui est un vivant bijou, une étoile, une chose rare… sa fille à lui. D’ailleurs, je pense que si tu l’épouses, tu seras bien plus vite député.

— C’est tout ?

— C’est tout.

Nous allâmes jusque chez Dutra. C’était une perle que cet homme, jovial, bon patriote, un peu irrité contre les malheurs du temps, mais ne désespérant pas d’en venir à bout. Il trouva ma candidature légitime ; il convenait pourtant d’attendre quelques mois. Et tout de suite il me présenta à sa femme, une estimable matrone, et à sa fille, qui ne démentit pas le panégyrique que mon père avait fait d’elle, je vous le jure. Relisez, d’ailleurs, le chapitre xxvii. Je la regardai comme quelqu’un qui a des idées préconçues. Je ne sais si elle en avait de son côté ; elle ne me contempla point différemment. Notre premier regard fut tout simplement conjugal. Au bout d’un mois, nous étions au mieux.