Méthode d’équitation basée sur de nouveaux principes/Application de la Méthode au travail des chevaux Partisan, Capitaine, Neptune, Buridan

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APPLICATION DE LA MÉTHODE AU TRAVAIL DES CHEVAUX.




PARTISAN, CAPITAINE, NEPTUNE, BURIDAN.




J’ai monté en public 26 chevaux, et si, dans le principe, quelques personnes, étonnées de ce travail nouveau pour elles, en attribuèrent le mérite, les unes à la musique, les autres à des procédés puérils et en dehors du domaine de l’équitation, elles revinrent bientôt de leur erreur, et reconnurent que l’artiste n’avait fait qu’appliquer les principes de la méthode.

Voici la nomenclature de ces mouvements nouveaux, avec quelques mots sur les moyens qui permettront aux cavaliers habiles de les exécuter.

Flexion instantanée et maintien en l’air de l’une ou l’autre extrémité antérieure, tandis que les trois autres restent fixées sur le sol.

Le moyen de faire lever au cheval une des jambes de devant est bien simple, dès que l’animal est équilibré : il suffit, pour faire lever, par exemple, la jambe droite, d’incliner légèrement la tête à droite, tout en faisant refluer le poids du corps sur la partie gauche. Les deux jambes du cavalier seront soutenues avec énergie (la gauche un peu plus que la droite), afin que l’effet de la main qui amène la tête à droite ne réagisse pas sur le poids, et que la force qui sert à fixer la partie surchargée donne à la jambe droite du cheval assez d’action pour la faire soulever de terre. En répétant quelquefois cet exercice, on arrivera à maintenir cette jambe en l’air aussi longtemps qu’on le voudra.

Mobilité des hanches, le cheval s’appuyant sur les jambes de devant, pendant que celles de derrière se balancent alternativement l’une sur l’autre, la jambe postérieure qui est en l’air exécutant son mouvement de gauche à droite sans toucher la terre pour devenir point d’appui à son tour, afin que l’autre se soulève et exécute ensuite le même mouvement.

La mobilité simple des hanches est un des exercices que j’ai indiqués pour l’éducation élémentaire du cheval. On complétera ce travail en multipliant le contact alternatif des jambes, jusqu’à ce qu’on arrive à porter facilement la croupe du cheval d’une jambe sur l’autre, de manière que le mouvement de droite à gauche et de gauche à droite ne puisse excéder un pas. Ce travail est propre à donner au cavalier une grande finesse de tact, et prépare le cheval à répondre aux plus légères pressions de jambes. Il est bien entendu que tous ces airs de manège ne seront réguliers qu’autant qu’ils seront accompagnés de la légèreté.

Passage instantané du piaffer lent au piaffer précipité, et vice versâ.

Après avoir amené un cheval à déployer une grande mobilité des quatre jambes, on doit en régler le mouvement. C’est par la pression lente et alternée de ses jambes que le cavalier obtiendra le piaffer lent ; il l’accélérera en multipliant les pressions de jambes. On peut obtenir ces deux piaffers sur tous les chevaux.

Reculer avec une élévation égale des jambes transversales qui s’éloignent et se posent en même temps sur le sol, le cheval exécutant le mouvement avec autant de franchise et de facilité que s’il avançait et sans concours apparent du cavalier.

Le reculer n’est pas nouveau, mais il l’est certainement dans les conditions que je viens de poser. Ce n’est qu’à l’aide d’un équilibre exact que la répartition du poids est parfaitement régulière. Ce mouvement devient alors aussi facile et aussi gracieux qu’il est pénible et dépourvu d’élégance lorsqu’on le transforme en acculement.

Mobilité simultanée et en place des deux jambes par la diagonale ; le cheval, après avoir levé les deux jambes opposées, les porte en arrière pour les ramener ensuite à la place qu’elles occupaient, et recommencer le même mouvement avec l’autre diagonale.

Lorsque le cheval ne présente plus aucune résistance, il apprécie les plus légères actions du cavalier, destinées dans ce cas à ne déplacer que le moins possible de poids et de forces pour arriver à mobiliser les deux extrémités opposées. En réitérant cet exercice, on le rendra en peu de temps familier au cheval. L’habileté du mécanisme favorisera le développement de l’intelligence.

Trot à extension soutenue ; le cheval, après avoir levé les jambes, les porte en avant en les soutenant un instant en l’air avant de les poser sur le sol.

Les procédés qui font la base de ma méthode se reproduisent dans chaque mouvement simple, et à plus forte raison dans les mouvements les plus compliqués. Si l’équilibre ne s’obtient que par la légèreté, en revanche il n’est pas de légèreté sans équilibre ; c’est par la réunion de ces deux conditions que le cheval acquerra la facilité d’étendre son trot jusqu’aux dernières limites possibles, et, changera complètement son allure primitive.

Trot serpentin, le cheval tournant à droite et à gauche pour revenir à peu près sur son point de départ, après avoir fait cinq ou six pas dans chaque direction.

Ce mouvement ne présentera aucune difficulté, si l’on conserve le cheval dans la main en exécutant au pas et au trot des flexions d’encolure. On conçoit qu’un semblable travail est impossible sans cette condition.

Arrêt sur place à l’aide des éperons, le cheval étant au galop.

Lorsque le cheval, parfaitement assoupli, supportera convenablement les attaques et le rassembler, il sera disposé pour exécuter le temps d’arrêt dans les conditions ci-dessus. On débutera dans l’application par le petit galop, pour arriver successivement à la plus grande vitesse. Les jambes, précédant la main, ramèneront les extrémités postérieures du cheval sous le milieu du corps, puis un prompt effet de main, en les fixant dans cette position, arrêtera immédiatement l’élan. Par ce moyen, l’on ménage l’organisation du cheval, que l’on peut conserver ainsi toujours exempt de tares.

Mobilité continue en place de l’une des extrémités antérieures, le cheval exécutant par la volonté du cavalier le mouvement par lequel il manifeste souvent de lui-même son impatience.

On obtiendra ce mouvement par le même procédé qui sert à maintenir en l’air la jambe du cheval. À cet effet, les jambes du cavalier doivent exercer un appui continu pour que la force qui tient la jambe du cheval levée conserve bien son effet, tandis que, pour le mouvement dont il s’agit, il faut renouveler l’action par une multitude de petites pressions, afin de déterminer la mobilité de la jambe qui est tenue en l’air. Cette extrémité du cheval exécutera bientôt un mouvement subordonné à celui des jambes du cavalier, et si les temps sont bien saisis, il semblera, pour ainsi dire, qu’on fait mouvoir l’animal à l’aide d’un moyen mécanique.

10° Reculer au passage en arrière, le cheval conservant la même cadence et les mêmes battues que dans le passage en avant.

La condition première pour obtenir le passage en arrière est de maintenir le cheval dans une cadence parfaite et aussi rassemblé que possible ; la seconde est toute dans l’habileté du cavalier. Celui-ci doit chercher insensiblement par des effets d’ensemble à faire primer les forces du devant sur celles de derrière, sans nuire à l’harmonie du mouvement. On le voit donc : par le rassembler, on obtiendra successivement le piaffer, le passage en arrière, même sans le secours des rênes.

11° Reculer au galop, le temps étant le même que pour le galop ordinaire ; mais les jambes antérieures, une fois élevées, au lieu de gagner du terrain, se portant en arrière, pour que l’arrière-main exécute le même mouvement rétrograde aussitôt que les extrémités antérieures se posent sur le sol.

Le principe est le même que pour le travail précédent ; avec un rassembler complet, les jambes de derrière se trouveront tellement rapprochées du centre, qu’en élevant l’avant-main, la détente des jarrets ne fonctionnera plus, pour ainsi dire, que de bas en haut. Ce travail, qu’on pourra faire exécuter à un cheval énergique, ne devra pas être exigé de celui qui ne posséderait point cette qualité.

12° Changements de pied au temps, chaque temps de galop s’opérant sur une nouvelle jambe.

On comprend que, pour pratiquer ce travail difficile, le cheval doit être habitué à exécuter parfaitement, et le plus fréquemment possible, les changements de pied du tact au tact. Avant d’essayer ces changements de pied à chaque temps, on doit l’avoir amené à exécuter ce mouvement aux deux temps. Tout dépend de son aptitude, et surtout de l’intelligence équestre du cavalier : avec cette dernière qualité, il n’est pas d’obstacle qu’on ne puisse surmonter. Pour exécuter ce travail avec toute la précision désirable, le cheval doit rester léger, droit d’épaules et de hanches, conserver son même degré d’action ; de son côté, le cavalier évitera par-dessus tout les brusques renversements de l’avant-main.

13° Pirouettes renversées sur trois jambes, celle de devant, du côté vers lequel on tourne, restant en l’air ou tendue pendant toute la durée du mouvement.

Les pirouettes renversées doivent être familières à un cheval dressé d’après ma méthode, et j’ai indiqué plus haut le moyen de l’obliger à tenir élevée l’une de ses extrémités antérieures. Si l’on exécute bien séparément ces deux mouvements, il sera facile de les joindre en un seul travail. Après avoir disposé le cheval pour la pirouette, on équilibrera la masse de manière à enlever une jambe antérieure ; celle-ci une fois en l’air, on surchargera la partie opposée au côté vers lequel on veut tourner, en appuyant sur cette partie avec la main et la jambe. La jambe du cavalier placée du côté qui converse ne fonctionnera pendant ce temps que pour porter les forces en avant, afin d’empêcher la main de produire un effet rétrograde.

14° Reculer avec temps d’arrêt à chaque foulée, la jambe droite du cheval restant en avant immobile et tendue de toute la distance qu’a parcourue la jambe gauche, et vice versa.

Ce mouvement dépend de l’habileté du cavalier, puisqu’il résulte d’un effet de forces qu’il est impossible de préciser. Bien que ce travail soit peu gracieux, le cavalier expérimenté peut l’essayer, pour apprendre à modifier les effets de forces et acquérir toutes les nuances de son art.

15° Piaffer régulier avec un temps d’arrêt immédiat sur trois jambes, la quatrième restant en l’air.

Ici encore, comme pour les pirouettes renversées sur trois jambes, c’est en exerçant le piaffer et la flexion isolée d’une jambe qu’on arrivera à réunir les deux mouvements. On interrompra le piaffer en arrêtant la contraction des trois jambes pour la reporter exclusivement sur la quatrième. Il suffit donc, pour habituer le cheval à ce travail, de l’arrêter lorsqu’il piaffe, en le forçant à contracter une seule de ses jambes.

16° Changement de pied au temps, à des intervalles égaux, le cheval restant en place ou n’avançant qu’insensiblement.

Ce mouvement s’obtient par les mêmes procédés que ceux qui sont employés pour les changements de pieds au temps en avançant ; seulement il est beaucoup plus compliqué, puisque l’on doit donner une impulsion justement assez forte pour déterminer le mouvement des jambes sans que le corps se porte en avant. Ce mouvement exige, par conséquent, beaucoup de tact de la part du cavalier, et ne saurait être pratiqué que sur un cheval parfaitement dressé, mais dressé comme je le comprends.

Des cavaliers ont obtenu l’apparente exécution de quelques-uns de ces airs de manège. Fiers de ces résultats, il s’écriaient : Voilà du système Baucher !

Erreur ! non-seulement l’exécution n’était pas complète, mais elle était due au hasard, ou tout au moins à des moyens étrangers à ma méthode. Ainsi, le cheval mal placé, était contracté ; ses mouvements étaient heurtés, sans harmonie, sans grâce. Rien dans tout cela ne ressemble à mon système. Je ne demande jamais au cheval l’exécution d’un mouvement pour lequel je ne l’ai point placé, et je n’attends d’exécution facile qu’autant que l’équilibre est exact.