NOTE III.
MÉMOIRES SUR LA DÉTERMINATION DE LA PRÉCISION DES OBSERVATIONS.
PAR M. GAUSS
(Extrait du Zeitschrift für Astronomie und Verwandte Wissenschaften, tome I, page 185.)
1.
Pour établir les principes de la méthode des moindres carrés, nous avons admis que la probabilité d’une erreur
d’observation soit exprimée par la formule
où représente la demi-circonférence, la base des logarithmes hyperboliques, et une constante que l’on peut considérer [Theoria Motus Corporum cœlestium, art. 178[1]] comme la mesure de l’exactitude des observations. Il n’est pas nécessaire de connaître la valeur de pour déterminer, à l’aide de la méthode des moindres carrés, les valeurs les plus probables des quantités dont les observations dépendent, le rapport de l’exactitude des résultats à l’exactitude des observations est également indépendant de .
Toutefois, comme la connaissance de la quantité est très-intéressante et instructive, je vais montrer comment les observations peuvent servir à la déterminer.
2.
Commençons par quelques remarques qui éclairciront la question, et représentons par l’intégrale définie
Quelques valeurs particulières de cette fonction donneront une idée de sa marche :
La probabilité que l’erreur d’une observation soit comprise dans les limites et ; ou, abstraction faite des signes, qu’elle ne surpasse pas , sera égale à
elle sera le double de l’intégrale en question, lorsque celle-ci est prise depuis jusqu’à , et, par conséquent, elle sera égale à .
Ainsi la probabilité que l’erreur ne soit pas moindre que est égale à , ou égale à la probabilité du cas contraire. J’appellerai donc cette quantité l’erreur probable, et je la désignerai par .
Au contraire, la probabilité que l’erreur excède n’est que de 1/10 ; la probabilité que l’erreur surpasse n’est que de 1/100 ; et ainsi de suite.
3.
Supposons maintenant que les erreurs de observations réellement faites soient , , , etc., et cherchons quelles conséquences on en peut tirer relativement aux valeurs de et .
En faisant deux hypothèses sur la valeur exacte de , et la supposant égale à ou égale à , les probabilités qu’elles soient entachées des erreurs , , , etc., seront, pour les deux cas, dans le rapport de
à
c’est-à-dire comme
est à
Il est évident que les probabilités que ou soient les véritables valeurs de , sont dans le même rapport [Theoria Motus Corporum cœlestium, art. 176[2]] ; par conséquent la probabilité d’une valeur quelconque de est proportionnelle à
et la valeur de la plus probable est celle pour laquelle cette fonction devient un maximum. Mais on trouve par les règles connues que est alors égal à
donc la valeur de la plus probable sera alors
ou
Ce résultat est général, que soit grand ou petit.
4.
Il est facile de comprendre que les valeurs trouvées pour et pour sont d’autant moins certaines que le nombre est plus petit.
Développons maintenant le degré d’exactitude que l’on doit attribuer aux valeurs de et de lorsque est un nombre considérable.
Désignons par la valeur de la plus probable que nous avons trouvée,
et remarquons que la probabilité que soit la véritable valeur de , est à la probabilité que soit cette véritable valeur dans le rapport de
à
,
ou comme
Le second terme ne sera sensible par rapport au premier que si est une petite fraction, et, dans ce cas, nous pourrons remplacer le rapport indiqué par
Ce qui veut dire : La probabilité que la valeur véritable de soit comprise entre et est approximativement égale à
où est une constante telle, que l’intégrale
prise entre les limites admissibles de , devienne égale à l’unité.
Comme dans le cas actuel, à cause de la grande valeur de , devient excessivement petit lorsque cesse d’être une petite fraction, il sera permis de prendre l’intégrale depuis jusqu’à , et l’on obtient
Par conséquent, la probabilité que la véritable valeur de soit comprise entre et , sera égale à
et sera égale à lorsque .
Il y a donc un contre un à parier que la véritable valeur de soit entre
et
ou que la véritable valeur de soit entre
et
où désigne la valeur la plus probable de trouvée dans l’article précédent. Ces limites peuvent s’appeler les limites probables des véritables valeurs de et de . Il est évident que nous pourrons admettre ici pour limites probables de :
et
5.
Dans la discussion précédente, nous avons considéré , , , etc., comme des quantités définies et données, afin d’évaluer la probabilité que la véritable valeur de ou de soit comprise entre certaines limites.
On peut envisager la question sous un autre point de vue, en admettant que les erreurs des observations soient soumises à une loi déterminée de probabilité ; on peut alors évaluer la probabilité pour que la somme des carrés de erreurs d’observations tombe entre certaines limites. Laplace a déjà résolu ce problème dans le cas où est un nombre très-grand, ainsi que le problème de déterminer la probabilité que la somme de erreurs d’observations tombe entre certaines limites.
Il est facile de généraliser cette recherche ; je me bornerai à indiquer ici le résultat.
Désignons par la probabilité d’une erreur d’observation
, de manière que
Désignons encore par la valeur de l’intégrale
Soit ensuite
où , , , etc., représentent erreurs quelconques d’observation ; les termes de cette somme seront tous pris positivement, même si est impair.
sera alors la valeur la plus probable de , et la probabilité que la véritable valeur de tombe entre les limites et sera égale à
par conséquent, les limites probables de seront
et
Ce résultat s’applique, d’une manière générale, à toute loi des erreurs d’observation. En l’appliquant au cas particulier où
nous trouverons
où le signe caractéristique est pris dans la signification des Disquisitiones generales circa seriem infinitam[3] (Comm. nov. Soc. Gotting., tome III ; M. 5, art. 28.)
Ainsi
par conséquent la valeur la plus probable de sera
et les limites les plus probables de la véritable valeur de seront
et
Donc, si nous posons comme ci-dessus
,
où représente l’erreur probable d’observation, la valeur la plus probable de
sera évidemment ; et les limites probables de la valeur de cette quantité seront
et
Il y a donc aussi un contre un à parier que soit compris entre les limites
et
Pour , ces limites seront
et
ce qui s’accorde parfaitement avec celles que nous avons trouvées art. 4.
En général on aura, si est pair, les limites
et
et si est impair, les limites suivantes :
et
6.
J’ajoute ici encore les valeurs numériques pour les cas les plus simples :
Limites probables de .
On voit encore, par cette comparaison, que la deuxième manière de déterminer est la plus avantageuse ; car cent erreurs d’observation, traitées d’après cette formule, donnent un résultat aussi sûr que
114
|
erreurs
|
d’après
|
la
|
formule
|
I ;
|
109
|
»
|
»
|
»
|
»
|
III ;
|
133
|
»
|
»
|
»
|
»
|
IV ;
|
178
|
»
|
»
|
»
|
»
|
V ;
|
251
|
»
|
»
|
»
|
»
|
VI.
|
Cependant la formule I présente l’avantage de se prêter le mieux au calcul numérique ; et comme son degré d’exactitude est peu inférieur à celui de la formule II, on peut toujours s’en servir, à moins que l’on ne connaisse déjà la somme des carrés des erreurs ou qu’on désire la connaître.
7.
Le procédé suivant est encore plus commode, mais beaucoup moins exact. On peut démontrer (ce que nous ne ferons pas ici) que, pour un grand nombre d’observations, la valeur la plus probable de est , et que les limites probables de sont
et
ou que les limites probables de la valeur de sont
et
ou, en nombres,
Ce procédé n’est, par conséquent, pas beaucoup moins exact que l’application de la formule VI, et il faudrait mettre en compte 249 erreurs d’observation pour obtenir un résultat aussi certain qu’en appliquant la formule II à cent erreurs d’observation.
8.
L’application de ces méthodes aux erreurs commises dans 48 observations des ascensions droites de l’étoile Polaire, par Bessel[4], a donné
|
=
|
60″
|
,46,
|
|
=
|
110″
|
,600,
|
|
=
|
250″
|
,341118,
|
De là on a déduit les valeurs les plus probables de :
D’après la formule
|
I.
|
1″,065,
|
Erreur probable
|
= ± 0″,068,
|
»
|
II.
|
1″,024,
|
»
|
= ± 0″,070,
|
»
|
III.
|
1″,001,
|
»
|
= ± 0″,072,
|
et d’après l’article 7
|
1″,045,
|
»
|
= ± 0″,113 :
|
concordance de résultats qu’on pouvait à peine espérer. Bessel donne 1″,067 et semble, par conséquent, avoir calculé d’après la formule I.