Madrigal (Corneille, II)
XLVIII
Madrigal.
Les pièces XLVIII et XLIX ont été imprimées pour la première fois sous ce titre et dans cet ordre à la page 94 de la cinquième partie des Poésies choisies, publiée en 1660. Elles avaient été composées vers la fin de 1659. En effet, dans le recueil manuscrit de Conrart, conservé à la bibliothèque de l’Arsenal (tome IX, p. 859), elles sont précédées de la lettre suivante :
« L’incomparable Sapho est suppliée de mander son avis à l’illustre Aspasie, touchant deux épigrammes faits[1] pour une belle dame de sa connoissance, qui, par un accès d’estime, avoit baisé la main gauche de l’auteur. Il y a partage pour juger lequel est le plus galant : l’un a plus d’effort de pensée, et l’autre a quelque chose de plus simple et plus naturel. »
Immédiatement après cette lettre le recueil de Conrart nous présente, sous le titre d’épigramme, la pièce qui commence par :
Je ne veux plus devoir à des gens comme vous.
Puis sous cette rubrique : Autre sur le même sujet, celle dont le premier vers est :
Mes deux mains à l’envi disputent de leur gloire.
Enfin on trouve à la page 860 une Réponse de l’incomparable Sapho à la seconde épigramme de M. Corneille, réponse qui n’est pas dans le recueil de Sercy. Granet, qui donne à la page 208, sous le titre de Madrigal à Mademoiselle Serment, la pièce commençant par : « Mes deux mains à l’envi…, » intitule la réponse, imprimée par lui pour la première fois : Réponse de Mademoiselle Serment. M. Paul Lacroix, qui a publié tout récemment dans le Bulletin du bibliophile
(no du 15 octobre 1864, 8e année, p. 556) la lettre que nous avons reproduite plus haut, dit qu’elle « fut probablement écrite par Corneille lui-même à Mlle de Scudéry, » et que « l’illustre Aspasie… n’était autre chose que Ninon de Lenclos. » Deux de ces trois assertions paraissent bien hasardées, mais je crois qu’il est certain que « l’incomparable Sapho » est en effet Mlle de Scudéry, et alors il devient très-probable qu’elle est aussi l’auteur de la réponse portant le nom de Sapho. Ce qui ajoute encore à cette vraisemblance, c’est que dans une Lettre de Sapho au Mage de Sidon, datée du 21 octobre 1658, qui se trouve à la page 863 du tome IX des Manuscrits de Conrart, on lit : « Allez, allez, vendez vos coquilles à d’autres qu’à ceux qui viennent du Mont-Saint-Michel. » Ceci explique et complète cette expression proverbiale qui forme le dernier vers de la Réponse :
Vendez vos coquilles à d’autres.
Pour ne pas allonger outre mesure cette notice déjà trop étendue, nous renvoyons à l’Appendice quelques détails sur Mlle Serment et la Réponse de l’incomparable Sapho.
Mes deux mains à l’envi disputent de leur gloire,
Et dans leurs sentiments jaloux
Je ne sais ce que j’en dois croire.
Philis, je m’en rapporte à vous ;
Réglez mon avis[2] par le vôtre.
Vous savez leurs honneurs divers :
La droite a mis au jour un million de vers ;
Mais votre belle bouche a daigné baiser l’autre.
Adorable Phiiis, peut-on mieux décider
Que la droite lui doit céder ?