Magnétisme animal et Magie

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Traduction par Georges Platon.
Paul Leymarie, éditeur (p. 1-62).
Mémoires sur les Sciences occultes




I


Magnétisme animal et Magie.




Un chapitre de l’œuvre intitulée :
« De la Volonté dans la Nature »


Ou comment les sciences exactes sont venues confirmer la philosophie de l’auteur depuis le moment de son apparition.


Lorsque, en 1818, parut mon grand ouvrage, il n’y avait pas longtemps que le magnétisme animal avait conquis pour la première fois son droit à l’existence. Mais pour ce qui est de l’explication à en donner, — pour le côté passif, en ce qui concerne le rôle du patient, — un tout petit peu de lumière seulement s’était faite avec la théorie de Reil et l’opposition signalée par lui entre le système cérébral et le système ganglionnaire dont il faisait le principe d’explication. Le côté actif, la nature de l’agent particulier, par lequel le magnétiseur provoquait ces phénomènes, restait encore en pleine obscurité. On était encore à tâtonner, à choisir entre les principes d’explication matériels de toutes sortes depuis l’éther mondial pénétrant tout, comme le voulait Mesmer, jusqu’aux émanations de peau du magnétiseur dans lesquels Stieglitz voyait la cause du phénomène, et tant d’autres encore. Puis on en vint à un fluide nerveux (Nervengeist) ; mais ce n’est qu’un mot pour une cause inconnue. À peine quelques-uns, adonnés plus profondément à la pratique, pouvaient-ils commencer à entrevoir la vérité. Mais j’étais encore bien loin d’attendre du magnétisme une confirmation directe de ma doctrine.

Dies diem docet : depuis ce temps, l’expérience, ce grand maître, a mis en lumière que cet agent, si puissant, — qui, partant du magnétiseur, provoque des phénomènes si contraires, en apparence, au cours normal de la nature qu’il faut pleinement excuser le doute qu’ils ont suscité si longtemps, l’incrédulité obstinée, la condamnation portée contre eux par une commission comptant parmi ses membres Franklin et Lavoisier, tout en un mot ce qui s’est passé dans la première et seconde périodes d’hostilité contre le magnétisme — (tout sauf les préjugés grossiers et stupides, excluant toute recherche qui ont dominé presque jusqu’à maintenant en Angleterre) ; — depuis ce temps l’expérience, dis-je, a mis en lumière que cet agent n’est pas autre que la volonté du magnétiseur. Je ne crois pas qu’actuellement, parmi ceux qui joignent la pratique à quelque théorie, il subsiste le moindre doute sur ce point, et j’estime par suite superflu de citer les nombreuses déclarations de magnétiseurs qui sont dans ce sens[1]. Et c’est ainsi que la devise de Puységur et des anciens magnétiseurs français veuillez et croyez c’est-à-dire « veuillez avec confiance » a été non seulement confirmée par le temps mais est devenue une juste conception du cours des choses[2]. Du livre de Kieser le Tellurisme qui est bien encore le Manuel de Magnétisme animal le plus fondamental et le plus complet, il ressort à suffisance qu’aucun acte de magnétisme n’est efficace sans la volonté, qu’au contraire il suffit de la simple volonté, sans acte extérieur, pour provoquer l’action magnétique. La manipulation ne paraît être qu’un moyen de fixer l’acte de la volonté, d’arrêter sa direction et comme de l’incorporer. C’est dans ce sens que Kieser dit (Tellurismus, vol. I, p. 379) : « Il y a manipulation magnétique toutes les fois que le magnétiseur se sert, pour agir, de ses mains considérées comme les organes qui traduisent le plus nettement l’activité agissante de l’homme, c’est-à-dire la volonté. » Un magnétiseur français, de Lausanne, dit encore bien plus nettement sur ce point, dans les Annales du Magnétisme animal, 1814–1816, fascicule IV : « L’action du magnétisme dépend de la seule volonté, il est vrai, mais l’homme ayant une forme extérieure et sensible, tout ce qui est à son usage, tout ce qui doit agir sur lui, doit nécessairement en avoir une, et, pour que la volonté agisse, il faut qu’elle emploie un mode d’action. » Comme, d’après ma doctrine, l’organisme est la simple manifestation de la volonté, la volonté rendue visible, objectivée, ou même que ce n’est proprement que la volonté elle-même existant comme représentation dans le cerveau, il s’ensuit que l’acte extérieur, la manipulation, coïncide tout à fait avec l’acte intérieur de volonté. Quand l’acte extérieur fait défaut, il y a bien action ; mais l’action est alors jusqu’à un certain point artificielle, indirecte : l’imagination remplace l’acte extérieur, parfois la présence réelle, mais par suite aussi elle est beaucoup plus difficile ; le succès est moins fréquent. Aussi Kieser prétend-il que le mot « dors ! », « il faut que tu dormes » prononcé à haute voix par le magnétiseur, agit bien plus que son acte de volonté simplement intérieur. — Au contraire, l’acte extérieur, la manipulation sont proprement d’une manière générale un moyen immanquable de fixer la volonté du magnétiseur, de la mettre en activité, précisément parce qu’on ne peut agir extérieurement qu’autant qu’on veut, puisque le corps et ses organes ne sont rien que la volonté même devenue visible. On comprend par là que des magnétiseurs, parfois, magnétisent sans tension consciente de la volonté et presque sans pensée, et cependant agissent. D’une manière générale, ce n’est pas la conscience que la volonté a d’elle-même, le travail de réflexion dont elle est l’objet, qui agit magnétiquement ; c’est la volonté elle-même, la volonté pure, la volonté le plus possible séparée de toute représentation. C’est pour cela que dans les instructions que donne aux magnétiseurs Kieser (Tellur., t. I, p. 400 et suivantes), nous trouvons rigoureusement interdit tout ce qui est pensée et réflexion du médecin et du patient, action et réaction mutuelle de l’un sur l’autre, toute impression extérieure ayant pour effet d’éveiller la pensée, toute conversation entre eux, toute présence étrangère, jusqu’à la lumière du jour ; il faut que tout, autant que possible, se passe inconsciemment ; tout comme lorsqu’il s’agit de cures sympathiques. La véritable raison de tout cela c’est qu’ici la volonté agit comme chose en soi, dans son essence première : ce qui demande que la représentation, domaine distinct de la volonté, phénomène secondaire, soit le plus possible exclue. Les preuves de cette Vérité, que, ce qui agit réellement dans le magnétisme, c’est la volonté et que tout acte extérieur n’est qu’un véhicule, on les trouve dans tous les écrits les plus récents et les meilleurs sur le magnétisme, et ce serait une superfluité bien inutile de les reproduire ici. Je veux cependant en placer une, non qu’elle soit particulièrement frappante, mais parce qu’elle vient d’un homme extraordinaire et qu’elle a l’intérêt particulier qui s’attache à un tel témoignage. C’est Jean Paul qui dit dans une lettre (qu’on trouve dans l’ouvrage : Wahreit aus Jean Pauls Leben, t. VIII, p. 120) : « J’ai, dans une société nombreuse, par deux fois, mis presque en état de sommeil, par de simples regards chargés de volonté, dont personne ne se doutait, une dame de K., après lui avoir occasionné des coups au cœur et l’avoir fait pâlir, au point que S. dût lui venir en aide. » Même aujourd’hui encore, souvent, on trouve substituée avec un plein succès, à la manipulation ordinaire, le simple contact des mains du patient prises dans les mains du magnétiseur, à condition que ce dernier regarde le magnétisé fixement ; et tout simplement parce que cet acte extérieur est propre à donner à la volonté une certaine direction. Ce pouvoir immédiat, que notre volonté peut exercer sur autrui, est mis en lumière, mieux que par toute autre chose, par les merveilleuses expériences de Du Potet et de ses disciples ; expériences faites à Paris publiquement et dans lesquelles M. Du Potet, par sa seule volonté, accompagnée du moins de gestes possible conduit à sa fantaisie les pas et démarches d’une personne étrangère, la contraint aux contorsions les plus inouïes. Un court récit de ces faits nous est donné dans un petit écrit qui porte toutes les marques extérieures du plus grand sérieux : ce livre s’appelle « Erster Blick in die Wunderwelt des Magnetismus von Karl Scholl, 1853[3]. »

Une preuve d’une autre nature de la vérité, dont il s’agit ici, nous est fournie par les Mittheilungen über die Somnanbule Auguste K. in Dresden, 1843, où cette somnambule nous dit elle-même. « Je me trouvais dans un état de demi-sommeil ; mon frère voulait jouer un morceau de lui bien connu. Je le priai, le morceau ne me plaisant pas, de ne pas le jouer. Il essaya cependant ; mais je fis si bien en tendant contre lui toutes les forces de ma volonté, que malgré tous ses efforts il ne put plus se rappeler le morceau. » — Mais la chose est portée au comble quand ce pouvoir immédiat de la volonté va jusqu’à s’exercer sur des corps sans vie. Si incroyable que cela paraisse, nous avons cependant sur ce point deux témoignages qui nous viennent de côtés tout à fait opposés. Dans le livre que nous venons de citer, il est notamment rapporté p. 115 et 116, avec indication des témoins, que cette somnambule, sans faire usage de ses mains, par sa seule volonté, par la seule fixation de son regard sur l’objet, fit mouvoir, une fois de 7°, une autre fois de 4°, et cela en répétant l’expérience 4 fois, l’aiguille d’une boussole. — C’est ensuite le Galignani’s Messenger du 23 octobre 1851, qui nous rapporte, d’après le journal anglais Brittania, que la somnambule Prudence Bernard de Paris, en séance publique à Londres, en tournant alternativement la tête à droite et à gauche, forçait l’aiguille d’une boussole à suivre ce mouvement. Dans cette circonstance c’était M. Brewster, le fils du physicien et deux autres messieurs, pris parmi le public, qui formaient le jury (acted as jurors).

Si donc nous voyons la volonté que j’ai montrée être la chose en soi, la seule réalité de l’être, le cœur de la nature, produire par l’individu, dans le magnétisme animal et ailleurs, des choses qu’on ne saurait expliquer par les lois de la liaison causale, c’est-à-dire par les lois ordinaires de la nature ; qui même jusqu’à un certain point sont la négation de ces lois ; qui nous la montrent exerçant une réelle actio in distans ; qui donc mettent à jour la réalité d’une domination surnaturelle c’est-à-dire métaphysique sur la nature ; — s’il en est ainsi, je ne sais plus quelle autre confirmation par les faits il faudrait exiger de ma doctrine. — Je trouve pourtant qu’un magnétiseur, le comte Szapary, qui ne savait certainement rien de ma philosophie, a été amené, par son expérience, à ajouter comme explication au titre de son livre : « Ein Wort über animalischen Magnetismus, Seelenkorper und Lebenessenz », 1840, les mots suivants bien dignes d’attention : « oder physiche Beweise, dasz der animalisch-magnetische Strom das Element, und der Wille das Princip alles geistigen und Körperlichen Lebens sei », c’est-à-dire « preuve physique que la volonté est le principe de toute vie spirituelle et corporelle. » — Le magnétisme animal se présente donc, d’après cela, comme la métaphysique pratique, comme celle que déjà Bacon de Vérulam, dans sa classification des sciences (Instaur. magna, livre III) appelait la magie : c’est-à-dire la métaphysique empirique ou expérimentale. — Dans le magnétisme animal la volonté apparaît comme chose en soi : c’est aussitôt le principium individuationis (temps et espace) qui s’évanouit comme appartenant au simple monde des phénomènes ; les séparations qu’il élève entre les individus tombent : entre le magnétiseur et le somnambule plus de séparations résultant des lieux ; communauté complète des pensées et des mouvements de volonté. Par l’état de clairvoyance on se trouve en dehors de ces conditions qui sont du monde des phénomènes, qui résultent du temps et de l’espace et qui s’appellent proximité et éloignement, présent et avenir.

C’est pour cela qu’en dépit des nombreuses raisons et des préjugés opposés, l’opinion s’est répandue peu à peu et est même devenue une certitude, que le magnétisme animal et ses phénomènes sont les mêmes partiellement que l’ancienne magie, cet art occulte et maudit, de la réalité duquel ont été si convaincus non seulement peut être les siècles chrétiens qui l’ont si durement poursuivi, mais à toute époque tous les peuples du monde entier, y compris les peuples sauvages ; et dont l’emploi, dans un âge déjà reculé, est puni de la peine de mort par la loi des 12 tables[4], les Livres de Moïse et même le onzième livre des Lois de Platon. Mais avec quel sérieux on traitait la chose, même à l’époque la plus éclairée de Rome, sous les Antonins, on peut le voir par la belle défense, devant le tribunal, d’Apulée accusé de sorcellerie et courant de ce chef le risque de la vie (oratio de magiâ, p. 104, Bip.). Dans cette défense, on voit qu’il s’efforce uniquement de détourner de lui l’accusation de magie, sans songer un instant à nier la possibilité de la magie ; et il entre dans tout plein de détails, comme on a coutume d’en rencontrer dans les procès de sorcellerie du moyen âge. Seul, en Europe, le XVIIIe siècle fait exception en ce qui a trait à cette croyance, à la suite de Baltazar Becker, Thomasius et quelques autres, et cela dans la bonne intention de proscrire à tout jamais les cruels procès de sorcellerie en proclamant l’impossibilité de la magie. Cette opinion, favorisée par la philosophie du siècle, prit alors le dessus, mais dans les classes savantes et cultivées seulement. Le peuple n’a jamais cessé de croire à la magie, pas en Angleterre, il est vrai, ce pays dont les classes cultivées au contraire savent joindre à une foi de charbonnier dans les choses de religion, qui les rabaisse, un scepticisme inébranlable quand il s’agit des faits, qui dépassent les lois de l’action et de la réaction des acides et des alcalis, et qui voudraient bien que leur grand compatriote (Shakespeare) n’ait pas dit qu’il y a dans le ciel et sur la terre beaucoup plus de choses que leur philosophie ne se l’imagine. Une branche de l’ancienne magie est restée publiquement d’un usage quotidien parmi le peuple, ce qu’elle a pu faire étant donné son but bienfaisant : je veux parler des cures sympathiques dont on peut difficilement mettre en doute la réalité. Parmi les faits les plus habituels est la cure sympathique de la verrue, dont Bacon de Verulam, si positif et si prudent, nous confirme déjà la réalité en invoquant sa propre expérience (Silva Silvarum, § 997). Il y a ensuite la guérison par les paroles magiques de l’érésypèle facial, si fréquente qu’il est facile de se rendre compte de la réalité du fait. Souvent encore c’est la fièvre qu’on conjure avec succès[5] ! — Que ce qui agit là, ce ne soit pas proprement les paroles sans signification, qui sont prononcées, et les cérémonies, mais bien, comme dans le magnétisme, la volonté de celui qui fait la cure, je n’ai pas besoin, après ce qui vient d’être dit sur le magnétisme, de m’expliquer autrement. Des exemples de cures sympathiques, ceux qui n’ont encore aucune connaissance du sujet en trouveront dans l’Archiv für den Thierischen Magnetismus, t. V, IIIe fasc., p. 106; t. VIII, fasc. III, p. 145; t. IX, fasc. II, p. 172 et t. IX, fasc. I, p. 128. Il y a encore le livre du Docteur Most, « Uber sympathetische Mittel und Kuren, » 1842, qu’on peut utiliser pour se mettre au courant de la chose[6]. Ces deux faits, le magnétisme animal et les cures sympathiques, établissent donc empiriquement la possibilité d’une action magique, s’opposant à l’action physique ; cette action magique que le XVIIIe siècle avait rejetée si péremptoirement, ne voulant absolument admettre comme possible que l’action physique, réalisée par l’enchaînement des causes et des effets, la seule qu’il conçut.

Une circonstance heureuse, c’est que de nos jours, c’est la science médicale, elle-même, qui a eu l’initiative de cette façon nouvelle d’envisager les choses. C’est une garantie que le pendule de l’opinion n’ira pas trop maintenant en sens contraire et que nous ne serons pas rejetés dans les superstitions des époques grossières. Même, comme nous l’avons dit, ce n’est qu’une partie de la magie qui reçoit du magnétisme animal et des cures sympathiques une confirmation qui la sauve : elle embrassait beaucoup plus encore ; une grande partie doit, jusqu’à nouvel ordre, rester sous le coup des condamnations antérieures, ou tout au moins rester frappée de suspicion, tandis qu’une autre, par suite des analogies qu’elle présente avec le magnétisme animal, doit tout au moins être considérée comme possible. Le magnétisme animal et les cures sympathiques ne nous présentent que des effets bienfaisants, ayant pour but la guérison des malades, semblables à ceux que l’histoire de la magie nous montre comme l’œuvre de ces personnages qu’on appelle en Espagne les Saludadores (Delrio, Disquisitiones Magicæ, livre III. P. 2. 4. s. 7. — et Bodinus, Mag. daemon : III, 2) et qui ont également subi la condamnation de l’Église. La magie, au contraire, a été bien plus souvent employée dans des intentions mauvaises. Si l’on en juge par analogie, il est cependant plus que vraisemblable que la force intérieure qui, agissant immédiatement sur un individu étranger, peut exercer sur lui une influence salutaire, pourra tout aussi bien porter le trouble en lui et lui faire du mal. Si donc toute une partie de l’ancienne magie — outre celle qui correspond au magnétisme animal et aux cures sympathiques — se trouve représenter quelque chose de réel, il faut dire que c’est ce qu’on désigne par les termes de maleficium et de fascinatio et qui a donné lieu au plus grand nombre des procès de sorcellerie. Dans le livre, dont nous avons parlé plus haut, de Most, on trouve quelques faits qu’il faut décidément attribuer au maleficium (notamment p. 40, 41, et nos 89, 91 et 97). Dans l’histoire des maladies de Bende Bensen, parue dans l’Archiv de Kieser (du t. IX au t. XII), on trouve également des cas de maladies données, particulièrement sur des chiens, qui en sont morts. Que la fascinatio fût déjà connue de Démocrite comme un fait qu’il fallait chercher à expliquer, c’est ce que nous voyons par les symposiacae quaestiones de Plutarque ; question v. 7. 6. Si on tient ces récits pour vrais, on a alors la clé pour comprendre ce crime de sorcellerie, qu’on n’aurait pas ainsi poursuivi avec cette passion extrême absolument sans raison. S’il faut admettre que, dans la plupart des cas, ces poursuites n’ont eu d’autre fondement que l’erreur et l’abus, nous ne pouvons pourtant pas croire que nos ancêtres ont été aveuglés au point de poursuivre, pendant tant de siècles, avec une cruauté si grande, un crime qu’il aurait été réellement impossible de commettre. C’est en nous plaçant à ce point de vue, que nous pouvons encore comprendre pourquoi jusqu’à aujourd’hui, dans tous les pays, le peuple s’obstine à attribuer certains cas de maladies à un maleficium, et ne veut pas en démordre. Mais si nous nous sentons portés par les progrès du temps à ne pas traiter comme chose vaine, comme le faisait le XVIIIe siècle, une partie de cet art maudit, nous devons nous dire que nulle part, plus qu’ici, la circonspection n’est nécessaire pour pêcher dans cette mer de mensonges, de tromperies, d’absurdités que sont les écrits d’Agrippa von Nettesheim, de Wierus, de Bodin, de Delrio, de Bindsfeldt et autres, quelques rares vérités. Le mensonge et la tromperie, partout fréquents dans le monde, n’ont nulle part si beau jeu que là où, de l’aveu de tous, il y a infraction aux lois de la nature ou même absence de toute loi. On le voit, sur la base fragile du peu de vrai qu’il peut y avoir eu dans la magie, c’est un amas, haut comme le ciel, de légendes les plus extravagantes, de sornettes les plus grossières, qui s’est édifié et qui a eu pour conséquences, pendant des siècles, les cruautés les plus sanglantes. Quand on réfléchit à cela, le sentiment qui vient à l’esprit, c’est celui de la capacité de l’intelligence humaine à admettre toutes sortes d’absurdités incroyables et sans fond, et de la tendance naturelle du cœur humain à mettre le sceau à ces extravagances par des cruautés.

Ce qui a modifié aujourd’hui, en Allemagne, le sentiment des classes cultivées sur la magie, ce n’est cependant pas tout à fait uniquement le magnétisme animal. Ce changement était préparé tout à fait au fond par la transformation opérée par Kant dans la philosophie, transformation qui, sur ce point comme sur les autres, établit une différence fondamentale entre la culture allemande et celle des autres États européens. — Pour se moquer d’avance de toute sympathie occulte ou de toute action magique, il faut trouver que le monde se comprend bien, se comprend très bien. Mais cela n’est possible que si on jette sur le monde ce coup d’œil tout à fait superficiel qui ne laisse pas pressentir que nous sommes plongés dans une mer d’énigmes et de choses incompréhensibles et qu’au fond nous ne connaissons et ne comprenons directement ni les choses ni nous-mêmes. C’est justement la façon de sentir, opposée à celle-ci, qui fait que presque tous les grands hommes, peu importe l’époque et le pays, ont montré une certaine dose de superstition. Si le mode de connaissance qui nous est naturel, était tel que nous fussions capables de percevoir immédiatement les choses en soi, conséquemment les rapports et les relations absolument vraies des choses, nous serions alors absolument autorisés à rejeter a priori et conséquemment d’une manière absolue, tout pressentiment de l’avenir, tout fait relatif à l’apparition d’absents ou de mourants, ou même d’individus morts. Mais si, comme le veut Kant, ce que nous connaissons ce sont de simples apparences, dont les formes et les lois ne s’étendent pas aux choses en soi, il est alors manifestement téméraire de rejeter ainsi ces faits ; puisque, pour cela, on ne s’appuie que sur des lois dont l’apriorité ne dépasse pas le monde des phénomènes et n’a absolument rien de commun avec les choses en soi, parmi lesquelles il faut compter notre propre moi intérieur. Justement ces choses en soi peuvent avoir avec nous des rapports dont pourraient procéder les faits en question, faits pour lesquels la décision a posteriori est seule recevable et qu’on ne saurait préjuger d’avance. Que des Anglais et des Français persistent obstinément à rejeter a priori de tels faits, la cause en est au fond qu’ils en restent essentiellement à la philosophie de Locke, d’après laquelle, abstraction faite de la sensation, ce sont les choses en soi qui nous sont connues. Les lois du monde matériel sont tenues pour des lois absolues alors, et rien d’autre que l’influxus physicus n’est admis. Ils croient donc à une physique, pas à une métaphysique et ils décrètent en conséquence qu’il n’existe rien d’autre que ce qu’ils appellent la Magie naturelle : une expression qui renferme la même contradictio in adjecto que l’expression « Physique surnaturelle » et qui cependant est employée sérieusement un nombre incalculable de fois ; tandis qu’au contraire cette dernière de « Physique surnaturelle » n’a été employée qu’une seule fois par manière de plaisanterie par Lichtenberg. Le peuple au contraire, avec sa crédulité innée pour toutes les influences surnaturelles en général, exprime à sa façon moins intellectuelle que sentimentale la conviction que ce que nous percevons et embrassons, ce sont de simples phénomènes, nullement des choses en soi. Que cela ne soit pas trop dire, nous pouvons le prouver par un passage de Kant que nous empruntons à son livre Grundlegung zur Metaphysik der Sitten. « C’est une remarque, qui ne veut pas une bien grande subtilité de pensée, et dont on peut admettre qu’elle est à la portée de l’intelligence la plus commune procédant, il est vrai, à sa façon par cette obscure distinction de notre capacité de juger (Urtheilskraft) que l’intelligence appelle sentiment ; c’est une remarque, dis-je, qui ne veut pas une grande subtilité de pensée, que toutes les représentations qui nous viennent indépendamment de notre volonté (comme les représentations des sens) ne nous donnent à connaître les objets que comme ils nous affectent — ce qu’ils sont en eux-mêmes nous restant parfaitement inconnu ; que donc, en ce qui touche cette sorte de représentations, nous ne pouvons, même en prêtant l’attention la plus grande et en réalisant ce degré de clarté qu’il dépend toujours de notre raison d’atteindre, nous ne pouvons arriver qu’à la connaissance des phénomènes, jamais de la chose en soi. Dès qu’on a compris cela, on est forcément obligé d’admettre et de placer derrière les phénomènes quelque chose d’autre que le phénomène, différent de lui, à savoir la chose en soi » (3e édit., p. 105).

Quand on lit, sous le titre de Disputatio de quaestione quæ fuerit artium magicarum origo, M. rb. 1787, l’histoire de la magie de Tiedemann, un écrit couronné par la société de Göttingue, on s’étonne de l’obstination, qu’en dépit de tant d’échecs, l’humanité a mise, en tous temps et en tous lieux, à poursuivre l’idée de la magie ; et on conclura de là que cette idée doit avoir un fondement profond dans la nature de l’homme tout au moins, sinon dans la nature des choses, et que ce ne peut être nullement une lubie en l’air de son imagination. Quoique la définition de la magie se présente, chez les différents écrivains, tout à fait diverse, on ne saurait méconnaitre partout une même pensée fondamentale. À toutes les époques et dans tous les lieux on a nourri la croyance qu’en dehors de la manière normale dont les changements se produisent dans le monde par le moyen des relations causales des corps entre eux, il doit y en avoir une autre tout à fait différente, ne reposant nullement sur ces relations causales. Les moyens employés dans cette dernière paraissaient donc manifestement absurdes, envisagés du point de vue qui caractérise le premier mode d’action ; puisque la disproportion existante des causes en jeu aux buts poursuivis sautait d’abord aux yeux, et que toute relation causale entre les unes et les autres était impossible. Il fallait supposer seulement qu’outre la liaison extérieure établissant un nexus physicus entre les phénomènes de ce monde, il pût y en avoir une autre ayant son principe dans l’être en soi de toutes choses : une liaison, pour ainsi dire, souterraine, par laquelle un nexus metaphysicus fût établi d’un point à l’autre, une action immédiate pût se produire. Il fallait supposer ensuite et admettre qu’on pût agir sur les choses par le dedans, au lieu comme d’habitude, d’agir par le dehors ; il fallait admettre que le phénomène pût agir sur le phénomène par le moyen de la chose en soi, qui est dans tous les phénomènes une seule et même chose. Il fallait encore admettre que, de même que, dans le domaine de la causalité, nous agissons comme natura naturata, nous sommes tout aussi capables d’agir comme natura naturans et que le microcosme peut être, pour un moment pour nous, comme un véritable macrocosme. Il faudrait admettre que le mur de séparation, qui constitue le principe d’individuation et d’isolement, quelque réel qu’il soit, pourrait cependant permettre à l’occasion une communication entre les êtres comme derrière les coulisses ou sous la table à titre de jeu secret. Il faudrait admettre enfin que, comme dans la clairvoyance somnambulique il se produit une véritable suspension de l’activité individuelle isolée de la connaissance, on a ici la suspension de l’activité individuelle isolée de la volonté.

Une telle idée ne saurait avoir une origine empirique. Elle ne saurait non plus trouver sa confirmation dans l’expérience qui aurait su, s’il en était ainsi, la maintenir en tous temps, dans tous les pays. L’expérience, dans la plupart des cas, devrait lui être opposée. Je suis par suite d’avis que l’origine de cette pensée, si générale dans l’humanité, indéracinable en dépit de tant d’expériences opposées et du sens commun, doit être cherchée dans le sentiment intérieur de la toute-puissance de la volonté en elle-même, cette volonté qui fait l’essence intime de l’homme et de toute la nature, et dans la supposition qui s’y rattache qu’il se pourrait bien que cette toute-puissance fût mise en jeu de quelque manière par l’individu lui-même. On n’était pas capable de rechercher et de bien voir en particulier ce qui pouvait revenir à cette volonté considérée comme chose en soi, et ce qui pouvait lui revenir comme phénomènes particuliers ; mais on admettait, sans s’inquiéter autrement, que cette volonté peut, dans certaines circonstances, renverser les limites résultant pour elle du principe d’individuation. Et ce sentiment luttait obstinément contre la constatation imposée par l’expérience que « le Dieu qui habite en mon sein peut me troubler profondément au dedans de moi, lui qui domine du haut de son trône toutes les forces de mon être, mais qu’il ne peut rien remuer au dehors. »

Der Gott, der mir in Busen wohnt,
Kann tief mein Innerstes erregen,
Der über allen meinen Kräften thront,
Er Kann nach Auszen nichts bewegen.

Nous trouvons, comme nous venons de l’exposer, que toujours, quand il s’est agi de pratiquer la magie, le moyen physique employé n’a été pris que comme le véhicule d’un moyen métaphysique ; puisque, du reste, il pouvait manifestement n’avoir aucun rapport avec le but poursuivi : tels, par exemple, les mots étrangers, les actes symboliques, les figures dessinées, les images de cire, etc. Et, conformément à cette façon primitive de sentir, nous voyons que ce que le véhicule porte avec lui, c’est toujours finalement un acte de la volonté, qu’on lui attache. L’occasion naturelle de tout cela, c’était le sentiment qu’en ce qui concerne les mouvements propres du corps on avait à tout instant conscience d’une action de la volonté tout à fait inexplicable, donc manifestement métaphysique. Pourquoi, se disait-on, cette action ne pourrait-elle pas s’étendre aussi sur d’autres corps ? Trouver le moyen de faire cesser cet isolement de la volonté, qui existe pour tout individu, agrandir cette sphère d’action immédiate de la volonté, de manière à la faire dépasser le corps propre de l’individu voulant, voilà la tâche de la magie.

Il s’en faut cependant beaucoup que cette pensée fondamentale, dont paraît être née proprement la magie, ait été aussitôt clairement connue, qu’on en ait reconnu le caractère abstrait, in abstracto, et que la magie ait ainsi pris pleine connaissance d’elle-même. Ce n’est, dans les siècles passés, que chez quelques penseurs et savants que nous trouvons, comme je le montrerai bientôt par des citations, nettement exprimée la pensée que c’est dans la Volonté même que gît le pouvoir magique, et que les signes et les actes extraordinaires, tout comme les mots sans signification qui les accompagnent, qui tous sont censés les moyens par lesquels on conjure les démons et on leur commande, ne sont que le véhicule de la volonté, le moyen de la fixer : véhicule et moyen par lesquels l’acte de volonté qui doit agir magiquement cesse d’être un simple désir pour devenir un acte, revêt un corpus (comme dit Paracelse) ; par lesquels la volonté individuelle, jusqu’à un certain point, déclare expressément vouloir agir comme volonté générale, comme volonté en soi. Dans tout acte magique, cure sympathique ou tout autre chose de même nature, l’acte extérieur (le moyen sacramentel) est en effet, justement, ce qu’est la passe dans le magnétisme, donc en réalité non pas l’essentiel, mais le véhicule, ce par quoi la volonté, qui seule est l’agent proprement dit, se trouve, dans le monde des corps, dirigée et fixée et arrive à se faire sa place dans la Réalité ; — et c’est ce qui fait qu’il est, dans la règle, indispensable. Pour les autres écrivains de ce temps le but de la magie, — et ils ne s’écartent pas en cela de la pensée qui lui sert de fondement — le but de la magie, c’est simplement d’exercer à volonté une domination absolue sur la nature. Mais quant à la pensée, que cette domination peut être immédiate, ils ne purent pas s’y élever ; ils se la figurèrent comme ne pouvant exclusivement être qu’une domination médiate. Partout, en effet, les religions des différents peuples avaient mis la nature sous la domination des dieux et des démons. Diriger ces derniers à sa volonté, les mettre à son service, les contraindre à lui obéir, tel était le but des efforts du magicien ; et c’était aux démons qu’il attribuait les succès qu’il pouvait obtenir parfois ; exactement comme Mesmer, en commençant, attribuait les succès de ses magnétisations à la baguette magnétique qu’il tenait dans les mains, au lieu de l’attribuer à sa volonté, qui était le véritable agent. C’est ainsi que tous les peuples polythéistes prenaient la chose et que comprennent la magie Plotin[7] et Jamblique pour lesquels la magie est Théurgie, pour employer une expression dont Porphyre a usé le premier. À cette explication était favorable le polythéisme, cette aristocratie divine, qui partage la domination sur les diverses forces de la nature entre autant de dieux et de démons, qui, pour la plupart, ne sont que des forces de la nature personnifiées et dont le magicien sait se concilier les bonnes grâces, les bonnes grâces tantôt de celui-ci, tantôt de celui-là, ou qu’il sait faire servir à ses volontés. Ce n’est que dans la monarchie divine, où toute la nature obéit à un seul, qu’il eût été téméraire de penser pouvoir conclure avec le souverain maître un pacte privé ou de prétendre exercer sur lui une domination. Là, donc, où dominaient le Judaïsme, le Christianisme ou l’Islam, la toute-puissance du Dieu unique s’opposait à cette explication, le magicien ne pouvant guère se risquer avec ce dieu tout-puissant. Il ne lui restait plus alors que d’avoir recours au diable ; avec lequel alors, en qualité de prince des rebelles, de descendant immédiat d’Ahriman, auquel est resté toujours quelque pouvoir sur la nature, il conclut alliance pour s’assurer son aide : c’est là « Magie noire. » La « Magie blanche », son contraire, était caractérisée par ce fait que le sorcier ne faisait pas un pacte d’amitié avec le diable : c’était la permission ou la collaboration du Dieu unique lui-même qu’il sollicitait par l’intermédiaire des anges. Ou plus souvent encore, par l’emploi des noms et qualifications rares, hébraïques de Dieu[8], comme celle d’Adonaï, etc., il évoquait le diable et le contraignait à lui obéir, sans lui promettre lui-même en retour quoi que ce soit, ce qu’on appelait : contraindre l’enfer. — Mais tout cela, simples explications et voiles sous lesquels se dérobe la chose, était tellement pris pour la chose elle-même, pour sa réalité objective que tous les écrivains, qui ont connaissance de la magie non par la pratique même, mais de seconde main, — comme Bodin, Delrio, Bindsfeldt, etc., — tous ceux-là estiment qu’elle consiste essentiellement à agir, non par les forces de la nature ni par la voie naturelle, mais avec l’aide du diable ! Telle était et restait partout l’opinion générale dominante, modifiée selon les lieux et les religions du pays ; et cette opinion servait de base aux lois contre la sorcellerie, aux procès de sorcellerie. C’était d’ordinaire également contre elle qu’étaient dirigées les objections faites contre l’idée de la possibilité de la magie. Cette conception et cette explication objective de la chose devait nécessairement se produire déjà pour la raison seule du réalisme décidé qui, au moyen âge, comme dans l’antiquité, dominait en Europe et fut pour la première fois ébranlé par Descartes. Jusqu’alors l’homme n’avait pas encore appris à diriger sa spéculation sur les profondeurs mystérieuses de son propre être intérieur ; c’était en dehors de lui qu’il cherchait. Et faire de la volonté qu’il trouvait en lui la maîtresse de la nature était une pensée si audacieuse qu’on reculait effrayé devant. Du reste, les démons et les dieux de toute sorte sont toujours des hypostases par lesquelles les croyants de toute couleur et de toute secte s’expliquent à eux-mêmes le métaphysique, ce qui se cache derrière la nature, ce qui lui confère l’existence et la lui maintient et qui, par suite, la domine. Quand donc on dit que la magie agit par le moyen des démons, le sens profond de cette pensée c’est toujours qu’elle est un mode d’action qui se produit non par la voie physique, mais par la voie métaphysique, un mode d’action non pas naturel, mais surnaturel. Si maintenant dans les quelques faits certains qui parlent pour la réalité de la magie : magnétisme animal, cures sympathiques, nous ne reconnaissons rien d’autre que l’action immédiate de la volonté, — manifestant ici sa force en dehors de l’individu voulant, comme ailleurs seulement au dedans de ce même individu ; si nous voyons, d’autre part, comme je le montrerai bientôt et comme je le prouverai par des citations décisives qui n’ont rien d’équivoque, que les anciens les plus profondément versés dans la magie attribuent tous ses effets uniquement à la volonté du magicien ; — c’est là, pour ma doctrine, une preuve empirique très forte que, d’une manière générale, le métaphysique, ce qui seul existe en dehors de la représentation, la chose en soi qui remplit le monde, n’est rien autre que la Volonté que nous connaissons en nous.

Peu importe que les magiciens se soient représenté cette domination immédiate, que la volonté peut exercer parfois sur la nature, comme une domination simplement médiate, se réalisant à l’aide des démons. Cela ne saurait en rien lui enlever de son efficacité, quand et où il y a lieu, pour elle, de se manifester. Parce qu’en effet, dans les choses de cette sorte, c’est la volonté en soi, la volonté sous sa forme originaire, la volonté, par suite séparée de la représentation, qui agit ; les fausses conceptions de l’intelligence ne sauraient en rien compromettre son action. La théorie et la pratique sont tout à fait séparées ; la fausseté de l’une ne gêne en rien l’autre ; et la rectitude de la théorie ne rend pas apte à la pratique. Mesmer, au commencement, attribuait les effets produits par lui aux baguettes magnétiques qu’il avait en mains ; il expliquait les merveilles du magnétisme animal d’un point de vue matérialiste par un fluide subtil, pénétrant tout, et il n’en agissait pas moins d’une manière étonnante. J’ai connu un grand propriétaire dont les paysans de tout temps étaient habitués à faire soigner et guérir leurs attaques de fièvre par leur maître, grâce à quelques formules conjuratoires prononcées par lui. Bien que le propriétaire actuel soit convaincu de l’impossibilité d’une telle action, il fait cependant encore, par bonté d’âme et pour obéir à l’usage, ce que lui demandent ses paysans, et souvent avec succès : un succès qu’il attribue à la confiance des paysans, sans considérer que cette même confiance des malades devrait alors assurer le succès du traitement dans beaucoup de cas où le succès ne répond pas à leur attente.

La théurgie et la démonomagie ne sont donc, dans la mesure où nous venons de le dire, qu’une simple explication et une sorte d’enveloppement de la chose, auxquels la plupart sont restés. Il ne manque pourtant pas de gens dont le regard plus aigu a su reconnaître que ce qui agissait, toutes les fois qu’il était question d’influences magiques, ce n’était rien d’autre que la volonté. Mais ces penseurs profonds, il ne faut pas les chercher parmi ceux qui sont venus à s’occuper de la magie en étrangers ou même en ennemis ; or c’est à ces derniers qu’on doit la plupart des livres sur la magie : ce sont des gens qui ne connaissent la magie que par les salles d’audience et par ouï-dire ; ils n’en décrivent par suite que le côté extérieur ; ou même ils en taisent prudemment les procédés propres, si d’aventure ils sont arrivés à les connaître par certains aveux, de peur de contribuer à répandre le crime irrémissible de sorcellerie. Parmi eux figurent Bodin, Delrio, Bindsfeldt et d’autres. C’est au contraire aux philosophes et aux savants de ces temps de superstition qu’il nous faut demander des conclusions sur la nature propre de la magie. Mais ce qui ressort de plus clair de leurs déclarations, c’est que dans la magie, tout comme dans le magnétisme animal, ce qui agit proprement ce n’est pas autre chose que la volonté. Pour l’établir, je demande à faire quelques citations. Déjà Roger Bacon au XIIIe siècle, dit : « … Quod si ulterius aliqua anima maligna cogitat fortiter de infectione alterius, atque ardenter desideret et certitudinaliter intendat, atque vehementer consideret se posse nocere, non est dubium quin natura obediet cogitationibus animæ » (S. Rogeri Bacon Opus Majus, Londini, 1733, p. 252) : « Que si de plus quelqu’un qui a l’âme mauvaise songe fortement à nuire à autrui, le désire avec violence, en ait l’intention certaine, et croit fermement pouvoir lui nuire, il n’est pas douteux que la nature n’obéisse aux pensées de son âme. » — Mais c’est surtout Théophraste Paracelse qui, plus que tout autre, nous renseigne sur la nature propre de la magie et ne craint pas de nous en décrire exactement les procédés (v. l’édition de Strasbourg de ses Œuvres, 2 vol. in fol., 1603) : t. I, p. 91, 353 et suiv. et 789. — T. II, p. 362, 496. — Il nous dit t. I, p. 19 : « Des effigies de cire notez ceci : j’en veux à quelqu’un ; ma haine, pour se manifester, a besoin d’un medium, d’un corpus. Il est possible que mon esprit, sans l’aide de mon corps et de mon épée, perce cet autre ou le blesse par mon désir passionné. Il est possible aussi que par ma volonté je transporte l’esprit de mon ennemi dans l’effigie et qu’alors je l’envoûte, je le paralyse, à ma volonté. — Vous devez savoir que l’action de la volonté est un grand point dans la médecine. Quand quelqu’un ne veut pas de bien à un autre, qu’il le hait, — il se peut qu’il arrive à ce dernier le mal que le premier lui souhaite. La malédiction c’est l’esprit lâché. Il est donc possible, dans les maladies, que l’effigie du malade ait été ensorcelée, etc. — Toutes ces choses sont également possibles, en ce qui concerne le bétail ; et cela bien plus facilement, parce que l’esprit de l’homme se défend mieux que l’esprit d’une bête. » — P. 375. « Il suit de là qu’un individu ensorcelle un autre en effigie non pas grâce à tels ou tels caractères, ou autres choses de cette sorte, comme de la cire vierge ; mais l’imagination surmonte sa propre constellation de manière à devenir un moyen de réaliser la volonté de son ciel c’est-à-dire de son homme ».

Page 334. « Tout ce que l’homme imagine vient du cœur : le cœur est le soleil du petit microcosme qu’il est. Et tout ce que l’homme imagine et qui vient du petit soleil du microcosme va se perdre dans le soleil du grand monde, dans le cœur du macrocosme. Ainsi l’imagination du microcosme est une semence qui est matérialisée, etc.… »

Page 364. « Vous savez assez ce que fait une imagination puissante qui est le commencement de toutes les œuvres magiques. »

Page 789. « Penser une chose c’est porter son attention sur un but. Et je n’ai pas besoin alors d’employer mes mains pour tourner mes regards sur ce point ; mon imagination suffit à les tourner là où je désire. Il en est de même de l’action de marcher ; je veux une chose ; je me la propose : et mon corps se meut aussitôt ; et plus je désire fermement, plus les mouvements sont rapides. C’est donc mon imagination seule qui me meut, qui est le principe du mouvement. »

Page 837. « L’imagination d’autrui dont les ressources sont dirigées contre moi peut donc être assez forte pour que je puisse succomber à ses atteintes. »

Tome II, page 274. « L’imagination procède du plaisir et de la convoitise : le plaisir engendre l’envie, la haine : ces derniers font-ils défaut, tu te complais à cela. Et si tu éprouves du plaisir, alors entre en jeu ton imagination. Le plaisir sera alors forcément aussi prompt, aussi passionné, aussi vif que celui d’une femme enceinte, etc. — Une malédiction quelconque est ordinairement réalisée : pourquoi ? elle sort du cœur ; et dans ce fait qu’elle vient du cœur gît le secret de sa croissance future. La malédiction du père et de la mère va aussi du cœur. La malédiction des pauvres gens est aussi imagination. La malédiction des prisonniers qui est aussi pure imagination part aussi du cœur. — Également donc si quelqu’un veut poignarder autrui par l’imagination, ou le paralyser, etc., il lui faut commencer par attirer en soi la chose, l’instrument, pour pouvoir l’imprimer ensuite dans l’individu par la pensée — comme on ferait avec les mains. Les femmes dépassent les hommes en force d’imagination, aussi sont-elles plus excessives dans leur vengeance. »

Page 298. « La magie est une grande sagesse cachée ; la raison une grande folie publique… Aucune cuirasse ne protège contre le sorcier ; car c’est l’homme intérieur qu’il blesse, l’esprit de la vie. Quelques sorciers font une effigie représentant l’homme qu’ils haïssent et lui plantent un clou dans la sole du pied ; l’homme se trouve invisiblement atteint et paralysé, jusqu’à l’enlèvement du clou. »

Page 307. « Il nous faut savoir ceci : c’est seulement par la foi et notre force d’imagination que nous pouvons porter dans une image l’esprit d’un autre homme. On n’a pas besoin de conjuration ; les cérémonies, les cercles magiques, les parfums, les signes caballistiques, etc., ne sont que singeries pour donner le change. — Des Homunculi, des statuettes sont faites… — dans lesquelles se trouvent transportées toutes les manifestations de vie, toutes les forces et la volonté de l’homme. — C’est une grande chose que l’esprit de l’homme, une chose telle que personne ne saurait l’exprimer : comme Dieu lui-même est éternel et impérissable ; ainsi en est-il de l’esprit de l’homme. Si nous, hommes, nous connaissions bien notre esprit, rien ne nous serait impossible sur la terre… L’imagination parfaite, celle qui vient des astres — surgit dans notre cœur. »

Page 513. « Il faut, pour confirmer l’imagination et la parfaire croire fermement à la réalité des choses : car le moindre doute détruit aussitôt son œuvre. La foi doit confirmer l’imagination, puisque la foi endigue la volonté. Mais parce que l’homme ne peut jamais imaginer d’une façon parfaite, ou croire parfaitement, — il s’ensuit que les arts humains doivent toujours être réputés incertains dans leurs résultats, quelque certains et parfaits qu’ils puissent être. » Un passage de Campanella, dans son livre « de sensu rerum et magia » peut servir à expliquer cette dernière proposition : Efficiunt alii ne homo possit futuere, si tantum credat : non enim potest facere quod non credit posse facere (Livre IV, c. 18).

Agrippa von Nettesheim, de occulta philosophia, livre I, c. 66, s’exprime dans le même sens. Je commence par donner une traduction du passage, je donnerai le texte ensuite : « L’esprit d’autrui ne peut pas moins sur notre corps que son propre corps » ; et page 67 : « Tout ce qu’une haine violente peut inspirer à quelqu’un a la force de nuire, d’exercer un effet destructeur ; et de même pour toutes les choses que l’âme poursuit d’un désir violent. Tout ce qu’elle fait et dit alors : caractères gravés, figures, paroles, gestes et choses semblables, tout cela n’est que pour aider la passion de l’âme et acquiert alors des vertus singulières tant du fait de l’âme s’efforçant au moment où la passion la saisit le plus, que du fait de l’influx céleste qui porte alors l’âme dans cette direction. » — C. 68. « Il y a alors dans l’esprit de l’homme une certaine capacité de changer les choses et les hommes, de les attacher à ce qu’il désire : tous lui obéissent quand il est emporté par l’excès de quelque grande passion ou de quelque grande vertu, et il se montre alors supérieur à ceux qu’il contraint à faire ses volontés. Le principe de ce pouvoir de contraindre les autres c’est la passion de l’âme elle-même, la passion violente et sans frein. » Voici le texte : « Non minus subjicitur corpus alieno animo quam alieno corpori » et c. 67 : « Quidquid dictat animus fortissime odientis habet efficaciam nocendi et destruendi ; similiter in ceteris quæ affectat animus fortissimo desiderio. Omnia enim quæ tunc agit et dictat ex characteribus, figuris, verbis, gestibus et ejusmodi, omnia sunt adjuvantia appetitum animæ et acquirunt mirabiles quasdam virtutes, tum ab anima laborantis in illà horà, quando ipsam appetitus ejusmodi maximè invadit, tum ab influxu cælesti animum tunc taliter movente. » — C. 68 « Inest hominum animis virtus quædam immutandi et ligandi res et homines ad id quod desiderat, et ommes res obediunt illi, quando fertur in magnum excessum alicujus passionis, vel virtutis, in tantum ut superet eos quos ligat. Radix ejusmodi ligationis ipsa est affectio animæ vehemens et exterminata. »

J. Cæs. Vannini dit de même, de admirabilibus naturæ arcanis, livre IV, dialogue 5, p. 434 « qu’une imagination véhémente à laquelle l’esprit et le sang obéissent peut faire d’une chose simplement conçue par l’esprit une réalité, et cela non seulement en dedans de nous, mais au dehors » ; Vehementem imaginationem cui spiritus et sanguis obediunt, rem mente conceptam realiter efficere, non solum intra, sed et extra[9].

On trouve encore, parmi ceux qui ont parlé de la magie, Joh. Bapt. van Helmont qui s’est donné beaucoup de peine pour réduire le plus possible le rôle du diable dans la magie, au profit de la volonté. Du grand recueil de ses œuvres, Ortus medicinæ, j’extrais quelques passages en les rapportant chacun à l’écrit particulier où ils se rencontrent.

Recepta injuria, § 12. Lorsque l’ennemi de la nature (le diable) ne peut pas par lui-même venir à bout de ses fins, il suscite dans l’âme de la sorcière l’idée d’un violent désir, d’une forte haine, de manière, en recourant à ces moyens spirituels et libres, à transporter en elle son propre vouloir, ce vouloir par lequel il prétend nuire[10]. Dans ce but, c’est surtout aussi les exécrations, qu’en faisant naître l’idée du désir et de la terreur, il suggère à ses truies les plus odieuses. — § 13. Ce désir, en effet, qui est une passion du sujet imaginant, crée en même temps l’idée et non pas une idée vaine, mais une idée-force, une idée qui réalise l’incantation. — § 19. J’ai déjà démontré que la force du charme dépend surtout de l’idée telle qu’elle existe naturellement chez la sorcière.

De injectis materialibus, § 15. L’ordre de la nature veut que l’idée que la sorcière conçoit dans son imagination soit libre, naturelle, et puisse nuire… C’est la force de la nature que les sorcières mettent en jeu pour agir… L’homme, en effet, dégage un autre fluide qui émane de lui, propre à exécuter, à commander, à ensorceler l’homme. Ce fluide, ce moyen d’agir, est l’idée, le violent désir. Et, en effet, il est inséparable du désir de se porter vers son objet.

De sympatheticis mediis, § 2. Les idées de désir, en effet, par le moyen des influences célestes, sont jetées sur leur propre objet, quelque éloigné qu’il soit, conduites en cela par le désir lui-même sachant bien trouver l’objet qui lui convient.

De magnetica vulnerum curatione, § 76. Il y a donc dans le sang un certain pouvoir extatique capable, quand il lui arrive d’être mis en jeu par un désir ardent, d’être porté par le fluide (spiritu) de l’homme extérieur sur quelque objet absent. Mais ce pouvoir, dans l’homme extérieur, est à l’état latent, comme en puissance ; il ne passe à l’acte que sous le coup d’une excitation étrangère, quand l’imagination, par exemple, est enflammée par un désir ardent ou de tout autre manière semblable. — § 98. L’âme, disons l’esprit, ne pourrait nullement mouvoir et exciter l’esprit vital (qui est un esprit corporel), bien moins encore la chair et les os, si une certaine force naturelle, magique cependant et d’ordre spirituel, ne se communiquait de l’âme à l’esprit et au corps. De quelle manière en effet, l’esprit, l’esprit qui est corps, obéirait-il à l’ordre de l’âme, si cet ordre ne devait pas mouvoir l’esprit et ensuite le corps ? Mais à l’idée de cette force motrice magique tu objecteras aussitôt qu’elle est cantonnée dans son domaine naturel délimité, dans son domaine propre ; et c’est pourquoi nous avons beau la qualifier de sorcière, il n’y aura qu’un détournement de nom et un abus, si, en réalité et faussement magique, elle n’a pas son principe dans l’âme ; puisqu’elle ne peut rien mouvoir en dehors de son corps, rien changer ou déplacer que son corps. Je réponds qu’une force naturelle par laquelle l’âme peut agir au dehors, en vertu de sa ressemblance avec Dieu, une force magique elle aussi, existe déjà obscurément dans l’homme comme à l’état de sommeil (depuis le moment de la prévarication) et ayant besoin d’excitation étrangère. Cette force, du reste, serait en nous tous les jours comme dans un certain état de somnolence et d’ivresse, suffisante cependant pour l’accomplissement de ses devoirs envers le corps auquel elle est liée : la science et la puissance magiques sont donc là sommeillantes dans l’homme et n’entrent en action qu’à sa volonté. — § 102. C’est donc cette puissance magique, du reste sommeillante dans l’homme et empêchée par la science de l’homme extérieur[11], que Satan suscite dans ses serviteurs ; c’est cette force qui est à ces derniers à la manière d’une épée placée dans la main de qui sait s’en servir, dans la main de la sorcière. Satan, pour les homicides, n’a pas besoin d’autre chose que d’exciter en l’homme cette puissance sommeillante dont nous venons de parler. — § 106. La sorcière tue le cheval dans l’étable lointaine : une certaine force naturelle se dégage de son esprit, non de Satan, qui va opprimer l’esprit vital du cheval et qui l’étouffe. — § 139. Ce que j’appelle les esprits du magnétisme ce ne sont pas des esprits qui viendraient du ciel ; encore moins est-il question des esprits infernaux ; ce sont ceux qui ont leur principe dans l’homme lui-même, comme le feu sort de la pierre. De la volonté de l’homme se dégage, en effet, un petit peu d’esprit vital, qui se complétant, pour ainsi dire, par une forme déterminée, devient un être idéal. Et, dès lors, cet esprit vital se trouve, par sa nature, quelque chose d’intermédiaire entre les êtres corporels et les êtres incorporels. Et il va alors où le dirige la volonté : cet être idéal n’est donc soumis à aucune des lois qui régissent le lieu, le temps, l’espace ; ce n’est pas un démon, ce n’est pas un effet d’une puissance démoniaque : c’est une certaine action spirituelle de l’homme qui nous est tout à fait naturelle et propre. — § 168. J’ai différé jusqu’à maintenant de dévoiler ce grand mystère, de montrer que l’homme a en lui, à portée de sa main, une énergie, qui, par sa seule volonté et sa seule force d’imagination, peut agir en dehors et imprimer son action, exercer une influence capable de persévérer sur un objet absent et même très lointain.

Voici le texte :

Recepta injecta, § 12. Quum hostis naturæ (diabolus) ipsam applicationem complere ex se nequeat, suscitat ideam fortis desiderii et odii in sagâ, ut, mutuatis istis mentalibus et liberis mediis, transferat suum velle per quod quodque efficere intendit. Quorsum imprimis etiam execrationes, cum ideâ desiderii et terroris, odiosissimis suis serons prescribit. — § 13. Quippe desiderium istud, ut est passio imaginantis, ita quoque creat ideam non quidem inanem, sed executivam atque incantamenti motivam. — § 19. Prout jam demonstravi, quod vis incantamenti potissima pendeat ab ideâ naturali sagæ.

De injectis materialibus, § 15. Saga, per ens naturale, imaginative format ideam liberam, naturalem et nocuam… Sagæ operantur virtute naturali… Homo etiam demittit medium aliud executivum, emanativum et mandativum ad incantandum hominem ; quod medium est Idea fortis desiderii. Est nempe dessiderio inseparabile ferri circa optata.

De sympatheticis mediis, § 2. Ideæ scilicet desiderii, per modum influentarium cœlestium, jaciuntur in proprium objectum utcumque localiter remotum. Diriguntur nempe a desiderio objectum sibi specificante.

De magneticâ vulnerum curatione, §  76. Igitur in sanguine est quædam potestas extatica quæ, si quando ardenti desiderio excita fuerit, etiam ad absens aliquod objectum, exterioris hominis spiritu deducenda sit : ea autem potestas in exteriori homine latet velut in potentia ; nec ducitur ad actum, nisi excitetur accensâ imaginatione ferventi desiderio, vel arte aliquâ pari. — § 98. Anima, prorsùm spiritus, nequaquam posset spiritum vitalem (corporeum equidem), multo minus carnem et ossa movere aut concitare, nisi vis illi quæpiam naturalis, magica tamen et spiritualis, ex anima in spiritum et corpus descenderet. Cedo, quo pacto obediret spiritus corporeus jussui animæ, nisi jussus spiritum, et deinceps corpus movendo foret ? At extemplo contra hanc magicam, motricem objicies, istam esse intra concretum sibi, suumque hospitium naturale, idcirco hanc etsi magam vocitemus, tantum erit nominis detorsio et abusus, siquidem vera et superstitiosa magica non ex animà basin desumit ; cum eadem hœc nihil quidquam valeat, extra corpus suum movere, alterare aut ciere. Respondeo, vim et magicam illam naturalem animæ, quæ extra se agat, virtute imaginis Dei, latere jam obscuram in homine velut obdormire (post prævaricationem) excitationisque indigam : quæ eadem, utut somnolenta ac velut ebria, alioqui sit in nobis quotidie : sufficit tamen ad obeunda munia in corpore suo : dormit itaque scientia et potestas magica, et solo nutu actrix in homine. — § 102. Satan itaque vim magicam hanc excitat (secus dormientem et scientiâ exterioris hominis impeditam) in suis mancipiis et inservit eadem illis, ensis vice in mànu potentis, id est sagæ. Nec aliud prorsus Satan ad homicidium affert, præter excitationem dictæ potestatis somnolentœ. — § 106. Saga in stabulo absente occidit equum : virtus quædam naturalis a spiritu sagæ, et non a Satana, derivatur, quæ opprimat vel strangulet spiritum vitalem equi. — § 139. Spiritus voco magnetismi patronos non qui ex cœlo demittuntur, multôque minus de infernalibus sermo est ; sed de iis que fiunt in ipso homine, sicut ex silice ignis ; ex voluntate hominis nempe aliquantillum spiritus vitalis influentis desumitur, et id ipsum assumit idealem entitatem, tanquam formam ad complementum. Quà nactà perfectione, spiritus mediam sortem inter corpora et non corpora assumit. Mittitur autem eo quo voluntas ipsum dirigit : idealis igitur entitas… nullis stringitur locorum, temporum aut dimensionum imperiis, ea nec dœmon est nec ejus ullus effectus ; sed spiritualis quædam est actio illius, nobis plane naturalis et vernacula. — § 168. Ingens mysterium propalare hactenus distuli ostendere videlicet, ad manum in homine sitam esse energiam, quà, solo nutu et phantasià suà, queat agere extra se et inprimere virtutem aliquam, influentiam deinceps perseverantem, et agentem in objectum longissimè absens.

Pomponatius de son côté (de incantationibus, Opera, Basil. 1567, p. 44) dit : « Il arrive ainsi qu’il y a des hommes qui ont en puissance des forces de cette nature, et ils les mettent en acte par la force de l’imagination et du désir. Cette puissance passe à l’acte et elle affecte le sang et l’esprit, et ces deux choses s’évaporant vont au dehors et produisent les effets dont nous parlons : Sic contingit tales esse homines qui habeant ejusmodi vires in potentia, et per vim imaginativam et desiderativam cum actu operantur ; talis exitus exit ad actum et afficit sanguinem et spiritum, quæ per evaporationem petunt ad extra et producunt tales effectus. »

De très remarquables indications de cette nature nous ont été données par Jeanne Leade, une élève de Pordage, une anglaise mystique, théosophe et visionnaire du temps de Cromwell. Elle arrive à la magie par une voie tout à fait propre. Le trait caractéristique de tous les mystiques c’est que pour eux il y a union de leur propre moi avec le Dieu de leur religion : ainsi pense Jeanne Leade. Et maintenant, pour elle, par une conséquence toute naturelle de cette unification de la volonté humaine et de la volonté divine, la première en vient à participer à la toute-puissance de la seconde, à acquérir ainsi un pouvoir magique. Ce que d’autres magiciens attribuent au pacte avec le diable, notre mystique l’attribue donc à son union avec Dieu : sa magie est, au sens éminent du mot, une magie blanche. Du reste, comme résultat et au point de vue pratique, c’est tout comme. Son langage est très réservé et plein de sous-entendus, comme il le fallait à cette époque : on voit bien cependant que, pour elle, la chose n’est pas le corollaire d’une théorie, mais qu’elle procède de connaissances d’une autre sorte, d’expériences. On trouvera le passage principal dans sa « Offenbarung der Offenbarungen », traduction allemande de l’original, publiée à Amsterdam, 1695, de la page 126 à 151, particulièrement les pages intitulées « Des gelassenen Willens Macht. » C’est à ce livre que Horst, dans sa Zauberbibliothek, t. I, p. 325, emprunte le passage suivant, qui est pourtant plutôt un résumé qu’une reproduction littérale et qui est pris surtout des pages 119, § 87 et 88 : « La puissance magique met celui qui l’a à même de dominer et de renouveler la création c’est-à-dire le règne végétal, animal et minéral ; de telle sorte que si on était beaucoup à être unis dans l’exercice d’une seule et même force magique, la nature pourrait être transformée en paradis… »

Comment parvenons-nous à cette force magique ? Par la Régénération, par la foi, c’est-à-dire par l’accord de notre volonté avec la volonté divine. La foi, en effet, nous soumet le monde dans la mesure où l’accord de notre volonté avec la volonté divine « aboutit à cette conséquence que, comme dit St Paul, tout est nôtre et doit nous obéir. » — Ainsi s’exprime Horst. — À la page 131 de son ouvrage cité, Jeanne Leade explique que le Christ a accompli ses miracles par le pouvoir de sa volonté, comme lorsqu’il dit au lépreux : « Je le veux, soyez guéri. » Mais parfois, il laisse la chose à la discrétion de ceux qu’il remarque avoir la foi ; lorsqu’il leur dit par exemple : « Que voulez-vous que je vous fasse ? et il leur était fait précisément tout ce qu’ils voulaient dans leur volonté que le maître fit pour eux. » Ces paroles de notre Sauveur méritent de nous que nous les considérions avec soin. Puisque la plus haute magie a son principe dans la volonté, pourvu que cette volonté se trouve en union avec la volonté du Très-Haut, toutes les fois que ces deux rouages s’accordent parfaitement, et, pour ainsi dire, ne font qu’un, toutes les fois alors, dis-je, il y a magie, etc… » Elle dit page 132 : « Quelle chose donc pourrait s’opposer à une volonté qui est en union avec la volonté de Dieu ? Une telle volonté est si puissante qu’elle réalise de toute manière tout ce qu’elle veut. Ce n’est pas une volonté nue à laquelle manque son vêtement, la force : c’est une volonté qui porte en elle-même une toute-puissance invincible, par laquelle elle peut arracher ou planter, tuer ou donner la vie, lier ou délier, sauver ou perdre ; une puissance qui sera toute rassemblée et concentrée dans la volonté essentiellement libre et royale et que nous devons arriver à connaître lorsque nous ne ferons qu’un avec le Saint-Esprit, ou que nous serons unis de manière à ne faire qu’un esprit et qu’un être. » Il est dit page 133 : « Nous donc, les volontés multiples et diverses, mélange d’essences d’âmes, nous devons tous nous évaporer, nous noyer, nous perdre dans l’abîme sans fond, d’où se lèvera comme un soleil la volonté vierge qui, n’ayant été serve d’une chose quelconque appartenant à l’homme dégénéré, mais tout à fait libre et pure, se trouve en communication avec la force toute-puissante et produira immanquablement des fruits semblables ou analogues à elle, aura des effets de la même sorte ;… l’abîme sans fond d’où sort brûlante l’huile de l’Esprit Saint, entourée du nimbe éclatant, des étincelles de sa magie. »

Jacob Böhme, lui aussi, dans son Erklärung von sechs Punkten, parle, à l’article du cinquième point, tout à fait dans le même sens de la magie. Il dit entre autres choses : « La magie est la mère de l’être de tous les êtres : puisqu’elle se fait elle-même et qu’elle consiste dans le désir. — La vraie magie n’est pas un être, c’est le désir, l’esprit de l’être. — En résumé, la magie c’est l’action de l’esprit qui veut. »

Pour confirmer, ou tout au moins expliquer l’opinion exposée ci-dessus, d’après laquelle la volonté est le véritable agent de la magie, je veux citer ici une curieuse et rare anecdote que Campanella, de sensu rerum et magiâ, livre IV, c. 18, raconte d’après Avicenne. « Quelques femmes convinrent de se rendre dans un verger en partie de plaisir. L’une d’elles manqua au rendez-vous. Les autres, toutes ensemble, prirent une orange et la percèrent d’épingles sans nombre disant : ainsi nous faisons à une telle qui n’a pas voulu venir avec nous ; et elles s’en retournèrent ayant jeté l’orange dans la fontaine. Elles trouvèrent alors la susdite femme, se plaignant d’être comme si on lui avait planté des clous aigus dans tout le corps ; et cela juste depuis le moment où les autres femmes avaient percé l’orange d’épingles. Sa douleur persista jusqu’à ce que les femmes eussent retiré les épingles de l’orange en faisant pour la malade toutes sortes de bons souhaits. »

Une description, remarquable par sa précision, de la sorcellerie homicide qu’exercent les prêtres des sauvages des îles Noukahiva, semble-t-il avec succès, et dont les procédés sont tout à fait analogues à nos cures sympathiques, nous est donnée par Krusenstern, dans son Voyage autour du monde, édit. in-12, 1812, partie I, p. 249[12]. Cette sorcellerie mérite considération, surtout par la raison qu’elle se présente essentiellement la même que la sorcellerie européenne, bien qu’il ne puisse être question ici d’aucune influence de nos contrées. Qu’on compare à cela ce que raconte Bende Bendsen, dans l’Archiv für thier. Magnetismus, vol. IX, partie 1, remarque de la page 128–132), des maux de tête que lui-même a donnés à une personne étrangère au moyen de mèches de cheveux de cette personne, qu’il avait en sa possession. Il termine cette remarque par ces mots : « Ce qu’on appelle l’art de la sorcellerie, autant que j’ai pu m’en rendre compte par moi-même, ne consiste en rien d’autre qu’à se servir de moyens magnétiques, effectifs, pouvant véritablement nuire et mis en jeu par une action mauvaise de la volonté : c’est là proprement le pacte maudit avec Satan. »

Un phénomène encore digne de considération c’est la concordance de tous ces témoignages d’écrivains entre eux, leur concordance avec les idées, auxquelles nous a conduits ces derniers temps le magnétisme animal, et finalement avec les conséquences qu’on pourrait tirer, à ce point de vue, de ma doctrine spéculative. Ce qu’il y a de certain c’est que au fond de toutes les tentatives de magie qu’on peut relever, qu’elles aient été couronnées de succès ou non, il y a comme une anticipation de ma métaphysique, le sentiment net, que la loi de causalité n’établit de liaison qu’entre les phénomènes seuls, que la chose en soi reste indépendante d’elle ; qu’une action directe sur la nature est possible à l’homme et que cette action directe n’est réalisable que par la volonté seule. Veut-on maintenant, pour se conformer à la classification de Bacon, faire de la magie la métaphysique pratique ? Il est certain que la métaphysique théorique correspondante, qui lui convient le mieux, ne peut pas être autre que la mienne, qui résout le monde en ces deux choses : volonté et représentation.

Le zèle inhumain que de tous temps l’Église a mis à poursuivre la magie, et dont le Malleus maleficarum des Papes donne un témoignage redoutable, ne paraît pas seulement reposer sur les intentions souvent criminelles, qui sont souvent les siennes ni sur le rôle supposé que le diable y joue. Ce zèle vient en partie d’un pressentiment obscur et inquiet que la magie ne remette à sa vraie place la force originelle (Urkraft) ; tandis que l’Église l’avait au contraire reléguée en dehors de la Nature[13].

Cette conjecture trouve une confirmation dans la haine et les précautions du clergé anglais contre le magnétisme animal[14], comme aussi dans le zèle si vif qu’il déploie contre les tables tournantes, auxquelles, pour la même raison, en France et en Allemagne, le clergé n’a cessé de lancer l’anathème[15].

  1. Je ne veux citer qu’un écrit tout récent qui a manifestement la prétention de démontrer que la volonté du magnétiseur est proprement ce qui agit : Qu’est-ce que le magnétisme ? par E. Gromier, Lyon, 1850 (Addition à la 3e édition).
  2. Mais déjà dès 1784, Puységur dit : « Lorsque vous avez magnétisé le malade, votre but était de l’endormir, et vous y avez réussi par le seul acte de votre volonté ; c’est de même par un autre acte de volonté que vous le réveillez » (Puységur, magnétisme animal, 2e édition, 1820 ; Catéchisme magnétique, page 150–171).
  3. En l’année 1854, j’ai eu le bonheur de voir ici les faits extraordinaires que produisait dans cet ordre M. Regazzoni de Bergame, dans lesquels on ne saurait méconnaître le pouvoir immédiat, donc magique, de sa volonté sur autrui, et dont l’authenticité ne saurait être mise en doute que par une personne à laquelle on aurait refusé toute faculté de compréhension des états pathologiques. Je sais qu’il existe des sujets de cette sorte : il faut en faire des juristes, des hommes d’Église, des marchands ou des soldats ; mais, au nom du ciel, pas de médecins, le résultat serait funeste, vu que, en médecine, c’est le diagnostic qui est le principal. — La somnambule en rapport avec lui, il pouvait à volonté la mettre en état de catalepsie, par son simple vouloir ; sans geste, il pouvait, quand elle s’éloignait de lui, lui étant derrière elle, la faire tomber en arrière sur le dos. Il pouvait la paralyser, la jeter dans des crises spasmodiques, avec les pupilles agrandies, une insensibilité complète, les signes les plus manifestes d’un état de catalepsie complète. Il força une dame qui était dans l’assemblée à jouer du piano et, ensuite, se tenant à quinze pas derrière elle, par la volonté accompagnée du geste, il la paralysa au point qu’elle ne put plus jouer. Il la mit ensuite contre une colonne et le sortilège fut tel qu’en dépit de tous ses efforts, elle ne pût quitter la place. — Tous ces faits à mon avis peuvent s’expliquer de cette façon : ou bien il isole le cerveau de la moelle épinière complètement et alors tous les nerfs sensitifs et tous les nerfs moteurs sont paralysés et il y a catalepsie complète ; ou la paralysie touche simplement les nerfs moteurs, la sensibilité subsistant, et on a alors un cerveau, où la conscience subsiste, sur un corps qui a toutes les apparences de la mort. C’est ainsi qu’agit la strychnine : elle paralyse les nerfs moteurs seuls jusqu’à provoquer le tétanos, lequel amène la mort par étouffement ; au contraire, elle laisse intacts les nerfs sensitifs, donc aussi la conscience. Regazzoni provoque les mêmes effets par l’influence magique de sa volonté. Le moment où se produit cet isolement des nerfs est nettement marqué par une certaine commotion particulière qu’éprouve le patient. Sur les phénomènes obtenus par Regazzoni et leur authenticité que peut seul méconnaître quelqu’un auquel manquerait tout sens de la vie organique, je conseille de lire un petit écrit français de L.-A.-V. Dubourg : « Antoine Regazzoni de Bergame à Francfort-sur-Mein. Frankfurt, novembre 1854, 31 pages, in-8. »

    Dans le Journal du Magnétisme qu’édite Du Potet, no du 25 août 1856, un rédacteur, Morin, rendant compte d’un mémoire couronné sur la Catalepsie, 1856, in-4, écrit : « La plupart des caractères qui distinguent la catalepsie peuvent être obtenus artificiellement et sans danger sur les sujets magnétiques, et c’est même là une des expériences les plus ordinaires des séances magnétiques. » Addition de la 3e édition.

  4. Pline, hist. nat. L. 30, cap. 3. Addition à la 3e édition.
  5. Dans le Times du 12 juin 1855, p. 10, on trouve le récit suivant : [Je traduis] : Un charmeur de chevaux. — Se rendant en Angleterre, le vaisseau anglais Simla éprouva dans le golfe de Biscaye, un gros temps dont les chevaux souffrirent beaucoup, entre autres un cheval de guerre du général Scarlett, qui n’était plus bon à rien. La précieuse jument était en si mauvais état qu’on se mit en mesure de mettre fin à sa misère d’un coup de pistolet. Un officier russe recommanda alors qu’on envoyât chercher un cosaque également prisonnier, jongleur de profession (juggler) et capable par ses charmes et conjurations de guérir la maladie des chevaux. On l’envoya chercher et il dit qu’il pourrait guérir le cheval tout d’abord. On l’observa le plus attentivement possible ; la seule chose qu’on put constater, c’est qu’il sortit sa ceinture, et y fit un nœud trois fois. Cependant la jument en quelques minutes fut sur pieds, commença à manger avec plaisir et rapidement recouvra la santé. — Addition à la 3e édition.
  6. Déjà Pline donne dans le livre XXVIII, chapitres vi à xvii, une multitude de cures sympathiques. — Addition à la 3e édition.
  7. Chez Plotin se fait jour ici et là une vue plus juste de la chose : par exemple, Enn. II, livre III, c. 7. — Enn. IV, livre III, c. 12, et livre IV, et, 40, 43, et livre IX, c. 3.
  8. Delrio, disquis. mag. livre II, q. 2. — Agrippa a Nettesheym, de vanitate scient. c. 45.
  9. Ibid., 440, on ajoute cette parole d’Avicenne : « Il suffit que quelqu’un le veuille fortement, pour que le chameau tombe » ; « ad validam alicujus imaginationem cadit camelus. »

    Ibid., p. 478. Vannini parle des aiguillettes qu’on noue, « ne quis cum muliere coeat » et il dit : en Allemagne, je me suis entretenu plusieurs fois avec de ces gens qu’on nomme vulgairement des nécromanciens qui m’ont avoué ingénuement qu’ils croient assez que ce qu’on raconte ordinairement des démons ce sont de pures fables, et que cependant ils obtiennent eux-mêmes des résultats, soit en agissant sur l’imagination par la vertu de certaines herbes, soit par la seule force naturelle de l’imagination et de la foi très grande qu’ils savent susciter par leurs incantations prétendues et ridicules dans l’âme de femmes ignorantes, auxquelles ils persuadent qu’à la condition de réciter très dévotement quelques petites prières, le charme opérera aussitôt. Toutes crédules, et du fond de l’âme, elles répètent alors ces incantations et il arrive ainsi qu’elles fascinent effectivement les gens du voisinage, non qu’il faille attribuer cela à la vertu des mots dits, ou des caractères tracés mais aux esprits (esprits vitaux et animaux) qu’elles émettent dans le but de réaliser le charme. Il arrive par là que les Nécromanciens eux-mêmes, quand il s’agit d’eux-mêmes, ou même d’autrui, et qu’ils sont à opérer seuls, n’accomplissent parfois rien de remarquable : « Ils manquent, en effet, de la foi, l’agent qui fait tout ; » — aliquid tamen ipsos operari, vel vi herbarum commovendo phantasiam, vel vi imaginationis et fidei vehementissimæ, quam ipsorum nugacissimis confictis excantationibus adhibent ignaræ mulieres, quibus persuadent, recitatis magnâ cum devotione aliquibus preculis, statira effici fascinum, quare credulæ ex intimo cordis effundunt excantationes, atque ita, non vi verborum, neque caracterum, ut ipsæ existimant, sed spiritibus (sc. vitalibus et animalibus) fascini inferendi percupidis exsufflatis proximos effascinant. Hinc fit ut ipsi Necromantici, in causa propria, vel aliena, si soli sint operarii, nihil unquam mirabile præstiterint : carent enim fide quæ cuncta operatur. — Addition à la 3e édition.

  10. « Der Tenfel hat sie’s Zwar gelehrt ; Allein der Teufel Kann’s nicht machen. » Faust, v. 121.

    Le diable l’a instruite sur ce point ; mais le diable ne peut pas faire lui-même. — Addition à la 3e édition.

  11. Satan itaque vim magicam hanc excitat (secus dormientem et scientiâ exterioris hominis impeditam.
  12. Krusenstern dit notamment : Une croyance générale à la sorcellerie, considérée comme très importante par tous les insulaires, me paraît avoir rapport à leur religion ; leurs prêtres seuls, en effet, si on les croit, sont capables de cette sorcellerie, quoique quelques personnes du commun du peuple puissent prétendre en posséder le secret, pour se faire craindre et se faire faire des présents. Ce sortilège, qui chez eux s’appelle Kaha, consiste à tuer quelqu’un à qui l’on en veut, lentement ; vingt jours sont le laps de temps nécessaire pour cela. On procède de la manière suivante. Celui qui veut avoir recours à la sorcellerie pour se venger, cherche à se procurer de quelque façon de la salive, de l’urine ou des excréments de son ennemi. Il mêle ces choses à une certaine poudre, enferme le mélange dans une pochette tissée d’une certaine façon et enterre le tout. Le point important de la chose c’est l’art de tisser la pochette et de préparer la poudre comme il faut. Sitôt le sac enterré, les effets commencent à se faire sentir sur la personne de celui qui est l’objet du sortilège. Il devient malade, languissant de jour en jour, finalement perd toutes ses forces et meurt à coup sûr après 20 jours. Cherche-t-il, au contraire, à détourner la vengeance de son ennemi et à racheter sa vie par le don d’un porc ou tout autre présent, il y a pour lui possibilité de recouvrer le salut le 19e jour encore : à peine la pochette est-elle déterrée que les accidents de la maladie cessent aussitôt. Il revient peu à peu ; et après quelques jours il est entièrement rétabli. — Addition à la 3e édition.
  13. Tel est le sens du fameux :

    Nos habitat, non tartara sed nec sidera cœli ;
    Spiritus in nobis qui viget, illa facit.

    Il n’habite pas dans le ciel et il n’habite pas non plus dans les enfers ; c’est en nous-mêmes qu’il se meut. C’est l’esprit qui vit en nous qui, seul, fait cela.

    (Qu’on compare Johann Beaumont, Historisch Physiologisch und Theologischer Tractat von Geistern, Erscheinungen, Hexereyen und andern Zauber Händeln. Halle im Magdeburgischen, 1721, p. 281). — Addition à la 3e édition.

  14. Comparez Parerga, Bd I., p. 257.
  15. Le 4 août 1856, l’Inquisition Romaine a adressé à tous les évêques une lettre circulaire pour leur prescrire, au nom de l’église, de s’opposer de toutes leurs forces à la pratique du magnétisme animal. Les raisons données sont d’un vague et d’une obscurité remarquables. On sent là-dessous l’équivoque, et il est manifeste que le Sanctum officum ne veut pas donner la véritable raison. (La lettre circulaire a été imprimée dans le Journal de Turin en décembre 1856, puis dans le journal français l’Univers, et de là dans le Journal des Débats, le 3 janvier 1857.) — Addition à la 3e édition.