Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Livre 1/ch. 1

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Texte établi par Jacques Alexandre BixioLibrairie agricole (Tome premierp. 1-21).
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CHAPITRE PREMIER.— du climat et de son influence en agriculture.


Dans ses rapports avec les lois de la végétation et les principes de la culture, l’étude du climat comprend celle de l’atmosphère considérée d’abord en elle-même, puis sous l’influence en quelque sorte accidentelle ou variable, d’un petit nombre de circonstances principales, telles que les alternatives de sécheresse et d’humidité, les changemens de température, et la rupture de l’équilibre électrique ou, en d’autres termes, l’action de la foudre et des orages. Cette étude comprend encore la connaissance des influences de la situation plus ou moins éloignée des pôles ou de l’équateur, et plus ou moins élevée au-dessus du niveau de la mer, ainsi que celle de l’exposition, c’est-à-dire de l’aspect au nord, au midi, à l’est, à l’ouest, etc. Ce chapitre sera complété par l’indication des moyens de juger du climat d’un pays, par celle des signes et pronostics qui permettent de prévoir le temps plus ou moins long-temps à l’avance, et de régler en conséquence les travaux agricoles ; enfin, par un aperçu du climat de la France.

* Sommaire des sections de ce chapitre *

Section ire.De l’atmosphère et de son influence en agriculture.

Le milieu aériforme qui enveloppe de toutes parts le globe terrestre, et auquel on a donné le nom d’atmosphère, est formé d’air ; il contient en outre divers autres corps gazeux, une quantité toujours assez considérable d’eau, du calorique et du fluide électrique.

L’air, qu’on a considéré long-temps comme un élément, est cependant composé de gaz ou vapeurs légères invisibles et impalpables comme lui, qui agissent différemment sur la végétation, et que nous devons par conséquent étudier séparément. — Dans son état de pureté, il contient un peu moins d’un quart de gaz oxigène, et plus des trois quarts de gaz azote. Il est toujours mêlé à une certaine quantité de gaz acide carbonique. — Bien peu de lignes nous suffiront pour faire comprendre l’importance de ces trois gaz à ceux de nos lecteurs qui ne sont pas familiers avec la chimie.

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§ ier. — Action chimique.

L’air se décompose facilement. Son oxigène se combine naturellement avec une foule de corps. En les pénétrant, il cause leur combustion ; il donne naissance aux oxides ou terres qui font la masse du sol arable ; avec l’hydrogène il devient eau. Dans d’autres circonstances, il forme les oxacides, qui jouent dans la nature un rôle de première importance.

L’oxigène fait partie, sous mille formes, de la substance des animaux et des végétaux. Il alimente la respiration des uns, il préside à la germination et au développement des autres, et, même après la mort, en favorisant la décomposition et la transformation des produits du règne organique, il est un des agens les plus actifs de la vie. — Il se fait donc continuellement une consommation considérable de ce gaz, et cependant ses proportions ne semblent pas diminuer dans l’atmosphère. C’est aux végétaux, ainsi que nous le verrons tout-à-l’heure, qu’il a été donné de le régénérer.

L’azote est un gaz simple comme l’oxigène, mais ses effets sur la végétation sont beaucoup moins appréciables. On a pu faire germer et vivre des plantes dans des milieux qui en étaient dépourvus. Aussi suppose-t-on généralement qu’il est plutôt destiné à tempérer par sa présence la trop grande énergie de l’oxigène, et probablement des autres gaz nutritifs, qu’à agir par lui-même. — Cependant il abonde dans tous les animaux, et l’on sait qu’il existe dans un grand nombre de substances végétales.

Le gaz acide carbonique est le résultat de la combinaison de l’oxigène avec le carbone, ou l’élément du charbon. Il se forme journellement dans l’atmosphère, non seulement par suite de la fermentation, de la putréfaction, de la combustion et de la respiration, mais encore de la décomposition naturelle ou artificielle de certaines substances minérales. — Ce gaz est impropre à la respiration des animaux. Lorsqu’il surabonde dans l’air, il cause rapidement l’asphixie. — Sa destination principale est évidemment de concourir à la nutrition des végétaux. — En présence de tant de causes de production, il serait en effet difficile de trouver celles de l’absorption continuelle du gaz acide carbonique qui se fait à la surface du globe, si l’on n’avait découvert que, sous l’influence de la lumière, il est inspiré et décomposé par les organes foliacés des plantes, qui retiennent son carbone et émettent en grande partie son oxigène. Nous chercherons plus tard, en parlant de la nutrition des végétaux, à pénétrer dans ses détails ce phénomène, l’un des plus importans, je ne dirai pas seulement de la végétation mais de la nature entière.

Quant aux autres gaz, produits de la décomposition successive des corps, et qu’on voit, comme le gaz acide carbonique, se former et se transformer sans cesse, tels que l’hydrogène à divers états de combinaison, l’ammoniaque, etc., etc., leur influence générale sur la végétation est encore trop peu connue pour que nous ayons à les signaler ici. — Disons cependant que, quoique les expériences des chimistes aient démontré, d’une manière aussi précise que le permet l’état de la science, que les principes constituans de l’atmosphère sont sensiblement les mêmes à des hauteurs et dans des climats fort différens, on peut dans un assez grand nombre de cas trouver des exceptions à cette règle. — Sans parler de ces grottes dans lesquelles le gaz acide carbonique vicie l’air au point de le rendre mortel, de ces vallées dont le sol pestilentiel est en quelque sorte blanchi par les ossemens des animaux qui s’en sont approchés dans leur imprévoyance, personne n’ignore combien des contrées entières sont rendues malsaines par le voisinage de marais de quelque étendue.

À température égale, privés de l’air vif et léger des hautes régions, les végétaux des montagnes réussissent difficilement dans la plaine, et ceux de la plaine, lorsqu’ils peuvent croître à de grandes élévations, y végètent toujours moins vigoureusement ; souvent même ils y éprouvent des variations accidentelles, qui pourraient parfois faire douter de l’identité des espèces. — Les plantes des vallées profondes et abritées languiraient à une exposition découverte ; celles des localités marécageuses viendraient mal sur les bords des eaux courantes, et celles de l’intérieur des terres périraient sur les côtes, tandis que le petit nombre des plantes propres aux dunes cesseraient de prospérer, si on les privait des émanations salines des vents de mer.

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§ ii. — Action physique et mécanique.

Mais ces influences ne sont pas les seules que l’atmosphère exerce. — Comme on doit le conclure de la connaissance de sa composition, l’air est pesant. Sa pression, pour n’être pas sentie, parce qu’elle se compense en agissant en tous sens, et que la force élastique de nos organes lui est proportionnée, n’en équivaut pas moins au poids d’une colonne d’eau de 32 pieds environ, qui envelopperait de toutes parts le globe terrestre, et cette pression, démontrée jusqu’à l’évidence par le jeu des pompes et les phénomènes du baromètre, est une condition première de notre existence. — On a acquis la preuve, en s’élevant en ballon à de grandes hauteurs, et mieux encore, au moyen de la machine pneumatique, que si elle venait à cesser, les vaisseaux sanguins et ceux qui charrient dans les plantes les liquides séveux, se distendraient aussitôt au point de se rompre.

Lorsque l’atmosphère devient trop pesante, la santé des animaux parait en souffrir. — Lorsqu’elle se conserve pendant un certain temps dans un grand état de légèreté, on a cru remarquer que la végétation se ralentit. C’est à cette circonstance qu’on a attribué en partie la moindre élévation des végétaux sur les montagnes que dans la plaine. Ajoutons que le poids et le ressort de l’air, sa dilatation et sa condensation dans les changements de température, paraissent être un des moyens employés par la nature pour déterminer les mouvements de la sève.

Les variations dans la pesanteur de l’atmosphère sont presque nulles entre les tropiques ; elles deviennent de plus en plus sensibles en raison de la plus grande proximité des pôles. — Sous les mêmes latitudes, elles sont généralement moins considérables à une petite qu’à une grande élévation ; pendant la belle que pendant la mauvaise saison. Le baromètre a une tendance générale à descendre à l’époque de la nouvelle et de la pleine lune ; à monter, au contraire, aux approches des quartiers. — Enfin, les vents sont encore une des causes les plus directes des variations du poids de l’atmosphère.

Des vents. — Les physiciens les ont divisés : en généraux, ceux dont l’action est régulière et continue dans un même rhombe ; périodiques, ceux qui soufflent constamment pendant plusieurs mois dans une direction, et pendant plusieurs autres mois dans une direction contraire ; irréguliers, ceux qui se font sentir dans une même contrée sans observer une marche, une époque, ni une durée précise.

La dilatation de l’air par la chaleur solaire, sa condensation par le froid, les commotions électriques et les ébranlements qui en résultent dans l’atmosphère, peuvent servir à expliquer l’origine des vents. Il suffit, en effet, que par l’une de ces causes l’air ait été raréfié sur quelque point du globe, pour que celui qui n’a pas éprouvé le même effet se répande aussitôt de ce côté, avec d’autant plus de rapidité que la raréfaction est plus grande. — Les vents agitent sans cesse et mélangent les diverses parties de l’atmosphère ; sans eux, les gaz délétères retenus par leur propre poids à la surface de la terre la rendraient bientôt inhabitable ; des contrées entières seraient privées de pluie, etc., etc.

Selon les contrées qu’ils ont parcourues, ils possèdent des propriétés fort différentes. Quand ils sont saturés d’humidité, surtout lorsque cette humidité est accompagnée de chaleur, ils favorisent les progrès de la végétation, ils sont nourrissants, comme le disent les habitants des campagnes ; quand ils n’en contiennent pas, ils produisent un effet tout contraire ; sous leur influence désastreuse, on voit souvent, pendant le cours de la belle saison, le sol se dessécher plus rapidement que par l’effet d’un soleil ardent : la germination ne peut avoir lieu, les feuilles se flétrissent, les fleurs et les fruits tombent.

En France, les vents dominants sont, sur tout le littoral et jusqu’à une distance assez considérable des bords de l’Océan, ceux d’ouest et de sud-ouest ; dans les départements du nord, ceux du sud-ouest, et dans les départements méridionaux, ceux du nord-ouest et du nord-est. — Les deux premiers sont presque toujours pluvieux et parfois très-violents. — Les vents du midi charrient aussi fréquemment d’épais nuages. — Ceux du nord accompagnent d’ordinaire le beau temps. — Ceux de l’est et du nord est sont vifs et desséchants.

Si tout effort humain vient échouer devant les effets terribles des tempêtes et des ouragans, l’impétuosité des vents n’est pas toujours si grande qu’on ne puisse la contenir ou la modérer. — Les montagnes, les forêts, forment autant d’obstacles naturels qu’un cultivateur intelligent peut mettre à profit, lorsqu’il connaît bien le climat qu’il habite. — Des murailles, des massifs de plantation, de simples palissades, deviennent des abris suffisants pour la petite culture.

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§ iii. — Moyens de connaître la pression, la force et la direction de l’air.

De tous les instruments de météorologie, le baromètre est le plus utile pour le cultivateur. Quoique son but principal soit d’indiquer la pression de la colonne d’air, les variations de cette même pression sont, comme on le verra à la fin de ce chapitre, si étroitement liées avec les divers autres phénomènes atmosphériques, qu’on peut presque journellement recourir utilement à ses indications.

Le baromètre, en sa plus grande simplicité, est un tube recourbé en siphon (fig. 1), fermé par le haut, élargi en poire du côté opposé, complètement vide d’air et en partie rempli de mercure. — Lorsqu’on place ce tube verticalement, le métal, après quelques oscillations, se fixe à une hauteur qui représente le poids de l’atmosphère, et qui varie en plus ou en moins, selon que ce poids augmente ou diminue.

Au moyen d’un mécanisme ingénieux, Torricelli a adapté au baromètre à syphon un cadran (fig. 2) sur lequel une aiguille indique extérieurement les mouvements du mercure. Quoique le frottement des poulies qu’il a été obligé d’employer rende les résultats moins sensibles, comme on est parvenu à en diminuer beaucoup l’effet, cet instrument, assez répandu, peut néanmoins être

consulté avec fruit.

Le baromètre (fig. 3) offre, avec les précédens, cette différence, que le tube, au lieu d’être recourbé, plonge perpendiculairement dans une cuvette en partie remplie de mercure. Il est fixé à une planchette, graduée d’un côté en pouces et lignes, de l’autre en centimètres et millimètres.

Un bon baromètre à cuvette coûte 36 fr., celui à cadran 20 fr., et le baromètre à syphon de M. Gay-Lussac, très-commode pour les voyages, parce qu’il tient dans une canne, est du prix de 50 fr.

L’anémomètre fait connaître la force, la direction et la rapidité du vent. Il n’aurait guère, pour le cultivateur, plus d’utilité que les girouettes. — Les meilleures sont celles qui, sous le plus grand volume, offrent le moins de poids possible. Nous en donnons divers dessins (fig. 4, 5, 6). Leur construction est simple et peu dispendieuse ; l’essentiel est que leur pivot soit placé bien verticalement et qu’elles tournent facilement sur lui.

Section ii.De l’humidité, de la sécheresse, et de leur influence en agriculture.

J’ai dit que l’atmosphère contenait toujours une certaine quantité d’eau en vapeur. — Elle est aussi indispensable à la vie des plantes que l’air lui-même, dont nous connaissons maintenant les propriétés. — Les gaz oxigène et hydrogène, qui la composent, font partie de tous les végétaux et de toutes les substances végétales, comme de tous les animaux et de toutes les substances animales.

Diverses plantes végètent entièrement dans l’eau ; toutes sont susceptibles d’y vivre momentanément, et il n’en est probablement aucune dont les racines ne puissent trouver dans ce seul liquide, amené par la distillation à son plus grand état de pureté, un aliment suffisant pour entretenir plus ou moins longtemps leur existence. Concevoir un climat entièrement sec, c’est se faire l’idée d’une complète stérilité.

Dans un sens absolu, l’humidité, ce serait l’eau elle-même ; la sécheresse, l’absence totale de l’eau. Mais ici ces deux expressions ont une signification relative. — L’humidité excessive est produite dans le sol par une surabondance d’eau, et dans l’atmosphère par un excès de vapeur du même liquide, rendue sensible au moment où l’air, qui en était saturé, ne pouvant plus la dissoudre tout entière, en abandonne une partie.

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§ Ier. — De l’humidité et de la sécheresse du sol.

L’humidité du sol agit différemment selon les saisons. — À l’époque des chaleurs, elle favorise la germination ; — elle dissout les substances nutritives, produit de la décomposition des engrais et des terreaux ; — elle sert elle-même d’aliment aux racines ; — elle divise le terrain et le rend plus perméable à l’air et aux jeunes chevelus. — Mais, quand elle est surabondante, si elle ne fait pas pourrir les germes ou les autres parties souterraines des plantes, elle produit une végétation incomplète dans laquelle le développement excessif et le peu de consistance des organes foliacés, nuit à la production et encore plus à la qualité des fruits et des graines.

Pendant les froids, elle contribue à rendre l’effet des gelées plus funestes, comme l’observation l’a démontré de tout temps, même pour les arbres de nos climats, et comme ne l’éprouvent que trop souvent les propriétaires de vignobles plantés dans les lieux bas.

L’affinité plus ou moins grande, la capacité de certaines terres pour l’eau, et la force avec laquelle elles la retiennent, influent beaucoup sur leurs propriétés physiques. — Les sols humides sont froids, et conséquemment tardifs ; mais ils conservent mieux que d’autres leur fertilité à l’époque des sécheresses. — Ceux qui ne se pénètrent pas d’eau sont, au contraire, précoces ; mais les chaleurs de l’été arrêtent de bonne heure et détruisent souvent leur végétation. — Les premiers donnent ordinairement des produits plus volumineux ; — les seconds, des produits plus savoureux.

Dans tous les cas, le cultivateur a un égal intérêt à éviter une humidité excessive et à empêcher la diminution de celle qui se rencontre dans le sol en de justes proportions. — Pour atteindre le premier but, il peut recourir aux travaux de desséchement et d’écoulement, dont l’importance n’est pas assez généralement sentie dans nos campagnes ; — pour approcher le plus possible du second, aux arrosemens et aux divers moyens propres à retarder l’évaporation, tels que le paillage, les différentes couvertures utilisées en jardinage, et la culture de plantes dont l’épais feuillage couvre promptement le sol d’un ombrage salutaire.

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§ ii. — De l’humidité et de la sécheresse de l’atmosphère.

L’eau répandue dans l’atmosphère agit sur les feuilles à peu près de la même manière que celle de la terre sur les racines. Elle contribue à la nutrition des végétaux par elle-même et par les gaz qu’elle tient en dissolution.

Pendant la belle saison, une trop grande humidité de l’air peut devenir nuisible aux récoltes. En causant la coulure des fleurs, elle réagit sur la production des graines, et lors même qu’elle ne diminue pas la quantité des produits agricoles, elle nuit toujours à leur qualité et rend leur conservation très-difficile, parfois impossible.

L’excessive sécheresse n’est pas moins dangereuse. Elle entrave, plus encore qu’une humidité surabondante, les travaux importans des labours et des semailles. — Lorsqu’elle se prolonge, les organes foliacés des végétaux, ne trouvant plus dans l’air la nourriture habituelle, et perdant, par l’évaporation, leurs sucs les plus nécessaires, cessent d’exercer leurs fonctions conservatrices ; ils se flétrissent, et leur destruction entraîne souvent celle de la plante entière. — L’évaporation des feuilles dans une atmosphère desséchée par les effets du soleil ou du vent est parfois si grande que, malgré des arrosemens fréquens, elle arrête la végétation. L’humidité du sol ne peut donc suppléer qu’en partie à celle de l’air, et l’on comprend dès-lors de quelle utilité doivent être les arrosemens donnés sur les parties aériennes des végétaux.

C’est en empêchant l’évaporation produite par la sécheresse qu’on peut faire réussir les greffes, les boutures chargées de leurs feuilles ; — qu’on peut transplanter avec succès les plantes herbacées, même les arbres, au cœur de l’été ; — qu’on peut, enfin, rendre fertiles, par des plantations, des terrains arides et brûlans.

La sécheresse du sol augmente avec celle de l’atmosphère, et l’une et l’autre s’accroissent en raison de la force et de la durée de la chaleur ; aussi se font-elles sentir avec plus d’intensité dans le midi que dans le nord. Cette circonstance apporte des modifications importantes dans la végétation des divers climats. — Les régions intertropicales sont peuplées principalement de grands végétaux ligneux, dont les racines peuvent trouver encore, à l’époque des sécheresses, l’humidité qui s’est conservée à des profondeurs considérables. — À mesure qu’on se rapproche des pôles, on voit, au contraire, diminuer le nombre des arbres et augmenter celui des plantes herbacées, base des cultures les plus productives des climats tempérés.

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§ iii. — Des nuages et des brouillards.

La vapeur d’eau répandue dans l’atmosphère s’y rencontre sous forme de vésicules imperceptibles à l’œil nu, creuses comme des bulles de savon, qui se dilatent et se dissolvent dans l’air lorsque la température s’élève ; qui se condensent et se transforment en nuages, en brouillards et en pluie, lorsqu’elle se refroidit.

Les nuages, en raison de leur légèreté, s’élèvent plus ou moins au-dessus de la surface de la terre. Luke Howard, dans un travail curieux et qui ne manque pas d’intérêt pour les cultivateurs, a cherché à les déterminer et à les classer d’après leurs formes particulières et la place que leur assigne leur densité dans les basses ou les hautes régions de l’atmosphère.

Les nuages les plus simples affectent trois formes principales : — tantôt ce sont des espèces de filets parallèles, tortueux ou divergens, susceptibles de s’étendre dans toutes les directions (fig. 7, A, voir en tête de ce chapitre) ; tantôt des masses convexes ou coniques à base irrégulièrement plane (B) ; tantôt enfin, de longues lignes horizontales et continues dans toutes leurs parties (C). — En se réunissant de diverses manières, ils forment les nuages intermédiaires, dont on peut prendre une idée sur la figure précitée aux lettres D et E, et les nuages composés, qui résultent de la combinaison de tous les autres (Voy. F, G, H). — Les nuages simples de la première des modifications que je viens d’indiquer semblent être les plus légers ; ce sont aussi généralement les plus élevés. Ils varient beaucoup en forme et en étendue. On les voit paraître les premiers sur un ciel serein. Aux approches des tempêtes, ils s’épaississent et s’abaissent ordinairement du côté opposé à celui d’où soufflera le vent. — Ceux de la seconde modification sont les plus denses. Ils se rapprochent par conséquent davantage de la terre. Une petite tache irrégulière, qui paraît d’abord dans l’atmosphère, forme en quelque sorte le noyau autour duquel ils se condensent. Lors des beaux temps, ils commencent à paraître quelques heures après le lever du soleil, parviennent à leur maximum au moment de la plus forte chaleur, et se dispersent totalement aux approches de la nuit. Avant la pluie, ils s’accroissent rapidement ; leurs contours se dessinent en larges protubérances floconneuses. Leur agglomération sous le vent, lorsque l’air est fortement agité, présage du calme et de la pluie. Lorsqu’au lieu de disparaître ou de s’abaisser au moment du soleil couchant, ils continuent à s’élever, on doit s’attendre à de l’orage pour la nuit. — Enfin les nuages de la troisième modification, quoique d’une densité moyenne, sont cependant ceux qui s’élèvent le moins. Leur base repose communément sur le sol même. Ils se forment pendant la nuit de toutes ces vapeurs blanchâtres qu’on voit le matin se répandre comme une vaste inondation du fond des vallées ou de la surface des lacs et des rivières, et disparaître bientôt ou se transformer diversement sous l’influence des rayons solaires. On sait qu’ils sont un indice de beau temps.

Non seulement les nuages sont les dispensateurs de la pluie et les principaux moteurs des orages ; ils interceptent les rayons solaires ; — ils diminuent les effets de l’évaporation, et s’opposent à l’émission du calorique de la terre par le rayonnement.

Les brouillards sont de véritables nuages que leur densité plus grande retient dans les basses régions de l’atmosphère. Lorsqu’ils s’élèvent par l’effet de la dilatation, ils se transforment en nuages proprement dits, et lorsque les nuages s’abaissent par suite de leur condensation, ils forment les brouillards. — L’odeur fétide qui émane assez souvent de ces derniers prouve suffisamment qu’ils peuvent retenir et entraîner divers gaz, et donne à penser qu’ils doivent agir chimiquement sur la végétation. On a pu remarquer, en effet, qu’en général ils fertilisaient la terre ; mais, d’un autre côté, il est vrai qu’ils contribuent indirectement, en abaissant la température et en entretenant une humidité particulière, à faciliter la propagation de la rouille des blés, l’avortement des fleurs, la fermentation des fruits, etc., etc.

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§ iv. — De la pluie.

Les pluies sont dues principalement au refroidissement des couches d’air saturées de vapeurs d’eau, et à l’action électrique des nuages. — Elles contiennent une quantité souvent inappréciable d’électricité, de l’air, du gaz acide carbonique, et quelques sels minéraux.

Toutes choses égales d’ailleurs, on sait qu’il pleut plus souvent dans le voisinage des grandes masses d’eau que dans les contrées arides, sur les montagnes que dans les plaines, dans les localités couvertes de grands arbres que dans les lieux découverts. — Il est aussi démontré qu’il pleut plus abondamment dans les pays chauds que dans les pays froids, quoique, dans ces derniers, les pluies soient plus fréquentes. La quantité moyenne d’eau qui tombe annuellement à Saint-Domingue est environ de 308 centimètres ; à Calcutta, de 205 ; à Naples, de 95 ; à Paris, de 53, et à Saint-Pétersbourg de 46 seulement. — À mesure qu’on s’éloigne de l’équateur, les pluies sont donc moins abondantes ; mais, comme elles deviennent plus fréquentes, et comme l’évaporation diminue, il en résulte que les pays froids sont plus humides que les pays chauds, et que si, dans le midi, il n’est pas de cultures possibles sans arrosement, dans le nord il en est peu de productives sans dessèchement. — Dans quelques parties des vastes déserts de l’Afrique, des contrées septentrionales de l’Asie et de la côte occidentale d’Amérique, depuis le cap Blanc jusqu’à Coquimbo, il ne pleut presque pas ; mais partout où il existe de la végétation, des rosées abondantes et d’épais brouillards suffisent pour l’alimenter et l’entretenir.

Chez nous, les pluies les plus fréquentes et les plus favorables aux travaux et aux produits de la culture sont généralement celles de printemps et d’automne. — En hiver, elles pénètrent profondément le sol et régénèrent les sources. — En été, elles réparent les pertes occasionées par l’excessive évaporation.

Énumérer ici tous les avantages et les inconvéniens des pluies, ce serait répéter ce qui a été dit au commencement de ce chapitre, ou entrer, saison par saison, dans des détails que nous devons renvoyer à la pratique de chaque sorte de culture.

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§ v. — Des instrumens propres à déterminer l’humidité ou la sécheresse de l’air.
Fig. 8
Fig. 8
Fig. 9
Fig. 9

Pluviomètre. Un vase de forme carrée, au fond duquel on aurait adapté un robinet, et qu’on aurait placé dans des circonstances telles qu’il pût recevoir librement l’eau du ciel, serait le plus simple des instrumens de ce genre ; mais il aurait l’inconvénient d’offrir une trop grande surface à l’évaporation. — Pour éviter cet inconvénient, on emploie de préférence des vases à gouleau étroit, surmontés d’entonnoirs dont on connaît le diamètre. — Voici la description et la figure données par M. Bailly de Merlieux, dans sa Météorologie, d’un des pluviomètres à la fois les plus simples et les plus exacts : — « Il consiste en un entonnoir de cuivre ou de fer blanc (fig. 8) de 5 pouces de diamètre à son ouverture, et qui communique avec un tube de verre, muni d’un robinet à son extrémité inférieure. On examine l’instrument chaque jour à dix heures, et s’il a tombé de la pluie dans les 24 heures, on en mesure la quantité dans ce même tube d’un 5e de pouce de diamètre, et pourvu d’une échelle divisée en pouces et en 10es de pouce : de la sorte, la pluie tombée sur une aire circulaire de 5 pouces de diamètre, étant rassemblée dans un espace d’un 5e de pouce, les pouces et dixièmes de pouce d’eau du tube correspondent à des centièmes et à des millièmes de pouce de pluie tombée sur la surface de la terre. » Le pluviomètre de la fig. 9 fait connaître, sans mesurage, la quantité d’eau tombée, par la longueur dont la tige portée par un morceau de liège sort du vase.

Comme il a été démontré par de longues observations que la quantité moyenne des pluies est à peu près annuellement la même dans chaque pays, et comme les expériences faites mois par mois donnent des résultats assez variables, il ne faut pas s’exagérer l’importance des pluviomètres.

Les hygromètres sont sans contredit plus utiles. En indiquant la progression croissante de l’humidité ou de la sécheresse de l’atmosphère, ils mettent le cultivateur à même de prévoir et d’empêcher, dans plusieurs circonstances, les fâcheux effets de l’une et de l’autre.

L’hygromètre le plus répandu et le plus parfait, mais aussi le plus cher (il coûte 30 f.), est celui de Saussure (fig. 10) ; il est formé d’un cheveu préalablement lessivé, qui fait mouvoir, en se dilatant lorsqu’il s’humecte, en se contractant lorsqu’il se dessèche, une aiguille disposée de manière à marquer, sur un quart de cercle divise en cent parties, entre les deux extrêmes, le degré d’humidité ou de sécheresse de l’air environnant.

Tout le monde connaît ces autres hygromètres de cordes à boyaux adaptées au capuchon d’un moine (fig. 11) ou au sabre d’un Turc, etc., peints sur bois, et dont les effets, quoique grossiers, peuvent encore donner d’utiles indications. Leur prix est fort modique.

Section iii.De la température et de son influence en agriculture.

Le calorique est, aux yeux des physiciens, un fluide impondérable, abondamment répandu dans l’atmosphère, et dont une des principales sources est le soleil. Il agit sur les corps de deux manières bien distinctes et en quelque sorte indépendantes l’une de l’autre : d’une part, en s’interposant entre leurs molécules, il tend à les désunir et à les disséminer ; il liquéfie les solides, il vaporise les liquides, et augmente ainsi sensiblement leur volume ; — de l’autre, il produit la chaleur.

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§ Ier. — Effets généraux sur la végétation.

La chaleur. Lorsqu’au retour du printemps, la terre et l’atmosphère commencent à s’échauffer, la végétation, jusque là arrêtée et comme engourdie, reprend une nouvelle vigueur. C’est sous l’influence d’une chaleur douce et humide que se font dans la graine les modifications chimiques indispensables à la germination, que les matières fermentescibles qui se trouvent dans le sol donnent peu-à-peu aux racines leurs sucs fécondants, et que les gaz nourriciers commencent à se répandre dans l’air au profit des jeunes feuilles. — La chaleur active les mouvemens de la sève ; — elle aide aux transformations que ce liquide éprouve dans le végétal ; — elle ajoute à l’énergie reproductive des organes sexuels, et contribue plus que tout le reste à la maturité des fruits et des graines. D’un autre côté, lorsqu’elle se prolonge et qu’elle est accompagnée d’une excessive sécheresse (Voy. la sect. précéd.), elle devient nuisible à la santé des animaux, et destructive de la vie des plantes.

Le froid produit des effets tout contraires. Dans nos climats, lorsqu’il augmente progressivement d’intensité, il est peu dangereux. A son approche, la circulation se ralentit ; la sève abandonne les tiges ; — les feuilles tombent ; — la vie active disparaît, et ce sommeil léthargique, en quelque sorte analogue à celui de certains animaux pendant l’hiver, peut se prolonger fort long-temps sans altérer en rien l’organisation végétale. Mais, lorsque le froid survient d’une manière intempestive ou subite, il cause, comme nous l’expliquerons bientôt, des ravages souvent irrémédiables.

La température atmosphérique varie en raison de la latitude, de l’élévation plus ou moins grande au-dessus du niveau de la mer, de l’exposition, et de la succession des saisons.

Le changement de latitude la modifie d’une manière remarquable. S’il a été donné à quelques plantes de vivre dans tous les climats, et souvent à toutes les hauteurs, la plupart des végétaux que nous avons le plus d’intérêt à cultiver, resserrés par la nature dans des limites plus étroites, ne peuvent croître et prospérer au-delà de ces limites qu’à l’aide d’une température artificielle. — Depuis l’équateur, où la chaleur solaire s’élève, à l’abri des réverbérations, jusqu’à près de 40° du thermomètre de Réaumur (50° centigrades), et n’est jamais moindre de 12 à 15, jusqu’aux régions qui avoisinent les pôles et dans lesquelles l’intensité du froid n’a pu être déterminée faute d’instrumens, on voit la végétation suivre pour ainsi dire pas à pas chaque modification de température, et il est parfois aussi difficile de naturaliser une plante d’un pays froid dans un pays chaud, qu’une autre plante d’un pays chaud dans un pays froid.

La chaleur diminue dans l’atmosphère en raison de l’élévation du sol, et cela dans une proportion d’autant plus rapide que cette élévation est plus considérable. Sous la même latitude on peut donc, à diverses hauteurs, trouver une température fort différente, et réunir par conséquent les productions végétales de contrées souvent très-éloignées.

Enfin, sous une même latitude et à la même hauteur, la température peut encore varier selon l’exposition, comme le savent très-bien tous ceux qui s’occupent de la culture délicate des plantes exotiques ou des primeurs.

Mais une dernière cause, pour nous la plus importante, des changemens de température, c’est la succession des saisons.

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§ ii. — Durée des étés et des hivers.

Le printemps des astronomes commence à l’époque fixe où le soleil, traversant l’équateur, se rapproche de nos contrées. Il n’en est pas ainsi de celui du cultivateur ; car ses effets se font sentir plus tôt ou plus tard, non seulement de contrée à contrée en raison de la latitude, mais d’année en année au gré des météores atmosphériques. Il agit véritablement dès le moment où la sève se met ostensiblement en mouvement ; c’est-à-dire, pour le climat de Paris, vers le courant de février.

D’un autre côté, les chaleurs estivales se prolongent ordinairement dans l’automne, de sorte que, vers le centre de la France, la végétation peut conserver son activité pendant les deux tiers de l’année. Elle se repose pendant le troisième tiers ; encore son inaction n’est-elle vraiment complète que dans les temps de gelée.

Entre le printemps et cette dernière époque, les plantes annuelles commencent et achèvent, pour la plupart, leur courte existence. Cependant il en est qui peuvent résister aux froids de nos climats, et qu’il est profitable en pratique de semer en automne. Elles deviennent ainsi en quelque sorte bisannuelles. — On sait combien les céréales d’automne sont plus productives que celles de mars ; — combien il est préférable pour obtenir en jardinage des fleurs plus précoces et plus belles, des graines de meilleure qualité, de semer avant qu’après l’hiver.

Les plantes vivaces ne se distinguent des plantes annuelles que par la plus grande durée de leurs racines.

Les végétaux sous-ligneux et ligneux conservent seuls leurs tiges pendant l’hiver.

Sous l’influence des chaleurs et des pluies de printemps, les premières poussent leurs tiges florales, — les secondes lèvent et se développent rapidement, — les derniers ajoutent à leurs troncs et à leurs branches de nouveaux bourgeons. — Le soleil de l’été consolide chez tous cette organisation ébauchée, arrête la production des tiges et des feuilles au profit de celle des fleurs et des fruits. — L’automne complète la maturité des graines, et prépare progressivement les végétaux à supporter les froids de l’hiver. — Toutefois, dans les contrées tempérées, elle ne présente pas ce seul avantage ; car, sitôt que les pluies d’équinoxe rendent à la terre un peu d’humidité, le sol, encore échauffé, se prête au développement de la végétation. — Non seulement la germination de beaucoup de graines peut avoir lieu, mais, après le dessèchement de leurs tiges floréales, les plantes vivaces donnent immédiatement naissance à de nouvelles feuilles. Les yeux ou gemmes des arbres grossissent et se perfectionnent ; les racines poussent de jeunes chevelus ; enfin la vie végétale semble renaître, comme pour prendre l’avance sur le printemps suivant. Nous venons de voir que les semis d’automne sont une heureuse application de cette remarque. Ajoutons que l’avantage incontestable, dans le plus grand nombre de cas, des plantations faites de bonne heure, en est une autre conséquence non moins importante.

Pendant un long été, le cultivateur intelligent trouve les moyens d’augmenter son avoir par des récoltes tardives. — Les plantes exotiques ont le temps de donner leurs fleurs et de mûrir leurs fruits. — Les climats, enfin, semblent s’avancer vers le nord, tandis que les longs hivers les font rétrograder vers le sud.

Du reste, la durée d’un froid modéré ne paraît avoir d’autre inconvénient que de retarder les progrès de la végétation ; car l’état d’inaction dans lequel elle retient les organes des plantes de nos climats, lors même qu’il se prolonge au-delà du terme ordinaire, n’altère pas sensiblement leurs propriétés conservatrices. A. Thouin cite, à cet égard, un fait curieux dont on n’a pas, ce me semble, assez médité les conséquences. — Ce savant agronome avait fait en Russie un envoi de végétaux, parmi lesquels se trouvait un ballot d’arbres fruitiers qui tomba dans une glacière, où il fut oublié pendant vingt et un mois. — Après un si long hivernage, et dans de semblables circonstances, on devait croire que tous auraient péri. — Il en fut autrement. M. Demidoff, à qui ils avaient été adressés, remarquant que leur organisation ne semblait pas altérée, les fit planter avec soin. — Pas un ne mourut.

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§ III. — Intensité de la chaleur et du froid.

Quoique la température moyenne de chaque climat ne varie pas autant qu’on pourrait le croire, il n’en est pas moins vrai que l’intensité de la chaleur et du froid est loin d’être annuellement la même. — À Paris, le thermomètre est monté à 30° (38° centigrade) en juillet 1793. — Il est descendu à −19° (23° 1/2 cent.) au-dessous de 0° en janvier 1795. Et cependant, années communes, les chaleurs de l’été ne s’élèvent pas au-dessus de 20 à 26° (25° à 31 centig.), et les froids sont rarement de plus de −6 à 12° (7 1/2 à 15 centigrade).

Il est à peine besoin d’ajouter que les froids augmentent ou diminuent d’intensité en raison inverse des chaleurs, à mesure qu’on s’avance du point que je viens d’indiquer vers le nord et vers le sud.

D’après cette considération, Olivier de Serres divisait la surface entière de la France en quatre zones principales ; — Le climat de l’oranger, qui ne s’étend guère au-delà du littoral de la Méditerranée ; — Celui de l’olivier, qui se prolonge un peu au-dessus du 43e degré de latitude ; — Celui de la vigne, qui s’avance au nord jusque dans le voisinage du 49e degré ; — Enfin celui du pommier.

Sous le point de vue plus général de la grande culture, d’autres agronomes ont partagé le même pays en trois climats seulement : — Celui du midi, des Pyrénées à Bordeaux, et de Marseille à Valence ; — Celui du centre, de ces deux villes à Paris ; — Celui du nord, de Paris jusqu’aux frontières de la Belgique. Arthur Young, adoptant une division analogue, caractérise chaque région de la manière suivante : 1o celle du nord, où il n’y a pas de vignobles, et dont on peut tracer la démarcation par une ligne droite tirée depuis Guérande (Loire-inférieure) jusqu’à Coucy (Aisne) ; 2o celle du centre, où il n’y a pas de maïs, et dont la limite est assez exactement indiquée par une ligne droite tirée de Ruffec (Charente) jusqu’au pays entre Lunéville et Nancy (Meurthe) ; il est remarquable qu’elle est presque parallèle à la ligne qui marque la séparation des vignobles ; 3o celle du midi où l’on trouve les vignes, les oliviers et le maïs. (Le Cult. anglais, t. 17.)

L’intensité de la chaleur peut, dans certaines circonstances, remplacer sa durée. Linné, et, depuis lui, plusieurs naturalistes ont observé que, pour parvenir à la parfaite fructification, chaque plante exige une quantité particulière de chaleur. En Russie, où les étés sont plus courts mais plus chauds qu’en France, la végétation de l’orge s’accomplit parfois en moins de deux mois, tandis que chez nous elle se termine rarement avant cinq mois.

Quoique la seule intensité des froids, comme l’attestent quelques hivers extrêmement rigoureux, puisse causer de grands désastres en pénétrant le sol assez profondément pour atteindre l’extrémité des grosses racines ; cependant la durée et la rigueur des gelées sont moins à redouter que leur inopportunité. Nous allons en trouver la raison.

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§ IV. — Du refroidissement et de la congélation.

On sait que, pendant une nuit calme et sereine, les corps qui se trouvent à la surface du globe deviennent plus froids que l’atmosphère, parce que, dans l’échange de calorique qui s’établit par le rayonnement entre eux et le ciel, ils émettent plus qu’ils ne reçoivent. — Certains corps, mauvais conducteurs de la chaleur, jouissent particulièrement de cette propriété d’émission. Telles sont les parties herbacées des végétaux. Aussi la vapeur d’eau répandue dans l’air se condense à leur surface et produit, selon les saisons, la rosée ou la gelée blanche.

La rosée n’exerce qu’une influence heureuse sur la végétation. — Dans les climats et pendant les saisons où les pluies sont peu fréquentes, elle peut, jusqu’à un certain point, en tenir lieu.

La gelée blanche est d’autant plus à craindre qu’elle est ordinairement frappée par les rayons du soleil, et qu’en fondant rapidement, elle doit enlever aux parties des plantes avec lesquelles elle se trouve en contact assez de chaleur pour occasioner de graves désordres dans leur organisation.

La glace n’est qu’une modification de la gelée blanche. — Le même effet peut la produire par sa continuité. Le plus ordinairement, cependant, elle résulte de l’abaissement général de la température. Par suite d’une exception remarquable aux lois ordinaires de la physique, l’eau, en passant à l’état solide, augmente sensiblement de volume. Sa force expansive est telle en cet état qu’elle peut soulever des masses de rochers et briser des métaux. — Lors donc que les froids surprennent les végétaux en sève, celle-ci se dilatant tandis que les vaisseaux qui la contiennent diminuent de diamètre par la congélation, il en résulte nécessairement des lésions toujours fort graves et souvent mortelles.

Ce fait suffit pour expliquer d’une manière générale pourquoi les plantes les plus sensibles à la gelée sont celles dont la végétation, comme dans les pays chauds, est constamment active, et pourquoi celles de nos climats redoutent bien plus les alternatives de froid et de dégels subits que des gelées progressives et durables, fussent-elles beaucoup plus fortes. — Plusieurs de nos lecteurs se rappellent sans doute les froids qui se firent subitement sentir le 12 et le 13 octobre 1805. — L’année ayant été tardive, la végétation était encore en pleine activité ; le thermomètre descendit à peine, à Paris, au-dessous de deux degrés et demi, et pourtant une foule de végétaux indigènes ou cultivés en France depuis long-temps, et qui avaient supporté, par conséquent, des gelées incomparablement plus rigoureuses, furent atteints par celle-là. Beaucoup d’arbres perdirent leurs feuilles, leurs fruits et leurs rameaux encore mal aoûtés. Des vignobles entiers furent détruits jusqu’à rez-terre, tandis que les raisins dont ils étaient chargés, décolorés, sans saveur et même sans acidité, durent être en partie abandonnés sur les ceps.

Les effets de ces brusques gelées semblent être d’autant plus funestes que le soleil vient frapper immédiatement les parties qui en ont été saisies. Que cela soit dû au refroidissement considérable produit par l’évaporation, ce qu’on ne peut guère admettre que lorsque la surface du végétal est couverte de glaçons, ou à la température différente des parties qui sont ou ne sont pas en contact direct avec les rayons calorifiques, le fait est avéré, et les jardiniers mettent fréquemment à profit pour la conservation des végétaux la connaissance qu’ils en ont acquise. Lorsque les plantes sont en pot, ils les rentrent dans des lieux fermés quelques instans avant l’apparition du soleil. Privées pendant vingt-quatre heures de la grande lumière et de la chaleur du jour, elles dégèlent lentement, également, et éprouvent rarement les accidens qui se feraient sentir à l’air libre. — Si elles sont en pleine terre, ils cherchent à leur procurer de l’ombre ; ils enveloppent leur tige de paille. — Lors de la plantation, ils préfèrent, dans beaucoup de cas, l’exposition du nord à celle du midi, qui paraîtrait cependant plus favorable au premier aperçu. — Enfin, ils évitent un dégel subit avec autant de soin que la gelée elle-même.

Les agriculteurs n’ont pas les mêmes ressources. Dans un jardin, des paillassons, de simples toiles de canevas, des fanes sèches ou des feuilles peuvent arrêter jusqu’à un certain point les effets des gelées passagères, comme le sont presque toujours celles qui se font sentir à contre-saison. — Dans les champs, le mal est souvent irrémédiable. Cependant les brûlis d’herbages humides, en produisant une épaisse fumée qui intercepterait les rayons solaires, seraient sans doute parfois de quelque utilité et devraient être employés en pareil cas, comme on l’a recommandé, dans les localités cultivées en vignes, en oliviers et même en orangers. Un autre moyen applicable aux plantes herbacées cultivées en plein champ, consiste à faire traîner par deux personnes un cordage plus ou moins pesant, de manière à courber et frotter une ou plusieurs fois toutes les plantes du champ qu’on veut préserver des fâcheux effets des gelées blanches.

Indépendamment de ces inconvéniens, les gelées en ont encore un qui n’est que trop général dans certaines localités. En soulevant les terres d’une certaine nature, elles déracinent et détruisent en partie les céréales d’automne. — Mais aussi, par suite de la même action, elles ajoutent aux bons effets des labours dans les terres fortes, et elles rendent, d’ailleurs, un service réel en détruisant une foule de larves d’insectes et des générations entières d’animaux nuisibles.

La neige se forme lorsque les vapeurs aqueuses perdent, par suite du refroidissement subit de l’atmosphère, une quantité de calorique plus que suffisante pour se condenser en gouttes d’eau. — Il est certain que la présence prolongée de la neige à la surface du sol est avantageuse aux produits de la culture. Sans chercher, comme autrefois, à expliquer ce fait par des propriétés chimiques qu’elle ne peut pas posséder à un degré plus éminent que la pluie, il est naturel de penser qu’elle agit physiquement en empêchant les effets des gelées et en retenant au profit de la végétation la chaleur de la terre et le peu de gaz qui peuvent se dégager sous son influence. — C’est donc un véritable abri que la nature prévoyante a destiné aux pays froids.

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§ V. — Des moyens de déterminer la température.
Fig. 12.
Fig. 12.
Il importe fréquemment en agriculture de pouvoir apprécier les variations de la température. — Le thermomètre en offre les moyens. Cet instrument, base sur la propriété que nous avons reconnue au calorique de dilater les corps, se compose d’un tube en verre (fig. 12) terminé par une boule creuse, en partie rempli d’un liquide qui gèle difficilement, tel que le mercure ou l’esprit-de-vin, et duquel tube on a expulsé l’air le plus exactement possible. — L’instrument est gradué de manière que le zéro indique le terme de la congélation, et que l’espace qui se trouve entre ce point et celui de l’eau bouillante est divisé en 80 ou en 100 parties, selon qu’on veut obtenir un thermomètre de Réaumur ou un thermomètre centigrade. — Les mouvemens progressifs de la colonne liquide au-dessus et au-dessous de zéro indiquent l’augmentation de la chaleur ou du froid.

Le thermomètre de Réaumur est le plus répandu en France, quoique les physiciens fassent ordinairement usage du centigrade. En Angleterre et en Allemagne on emploie celui de Fahrenheit, qui est divisé en 212 parties, et dans lequel le nombre 32 correspond au zéro des deux autres.

Un bon thermomètre à mercure, monté sur bois ou sur ardoise, coûte 4 fr. ; à esprit-de-vin 3 fr. 50 c.

Section iv.De l’électricité et de son influence en agriculture.

Le fluide électrique, principe du tonnerre, abonde dans la nature entière. On le considère généralement comme composé de deux fluides différens, dont la manière d’agir est telle, que les molécules de chacun d’eux se repoussent et attirent celles du fluide contraire.

Dans l’état ordinaire des choses, c’est-à-dire dans l’état du repos, tous les corps paraissent retenir à leur surface une égale quantité de ces deux fluides qui se neutralisent mutuellement ; mais, d’après leur nature, ces mêmes corps sont prédisposés à se dessaisir de l’un plutôt que de l’autre. Selon qu’ils offrent sous ce rapport de l’analogie avec la résine ou le verre, ils émettent, dans certaines circonstances, de l’électricité qu’on a nommée résineuse ou vitrée.

L’équilibre électrique une fois détruit tend sans cesse à se rétablir. — De là les phénomènes terribles que présentent les orages. En effet, lorsque des nuages sont électrisés différemment, ou lorsque l’électricité dont ils sont surchargés a décomposé, dans sa sphère d’action, celle de la surface du globe, il s’établit aussitôt de ces nuages entre eux ou avec la terre, au moyen de la foudre, des échanges qui ne cessent d’avoir lieu que lorsque les deux électricités, de nouveau combinées en de justes proportions, se retrouvent à l’état d’électricité neutre.

On ne connaît encore que fort imparfaitement l’action directe du fluide électrique sur la végétation. À la vérité on sait que, communément, pendant les temps orageux, la germination se fait plus facilement, — le développement des tiges est plus rapide, — la maturité des fruits plus prompte, — la vie végétale plus active dans toutes ses parties ; mais, hors de ces généralités, lorsqu’on a cherché à pénétrer les causes d’un semblable phénomène, ou seulement à le suivre dans ses détails et à le reproduire artificiellement, on a rencontré le doute et souvent à sa suite la contradiction. Cependant, après les beaux travaux de Davy sur la décomposition des oxides terreux par l’action de la pile galvanique, M. Becquerel a fait voir, par de récentes expériences, que si les grandes forces électriques ne paraissent agir sur les plantes que d’une manière destructive, il n’en est pas ainsi des forces très-petites, dont l’étude fait en ce moment espérer des découvertes importantes pour la science, et par suite pour la pratique.

Les orages, fort rares dans les climats septentrionaux et pendant la saison des froids, sont d’autant plus fréquens et plus violens, qu’on se rapproche davantage de l’équateur. Ils exercent une influence tantôt heureuse, tantôt nuisible. — Sans eux, à l’époque des sécheresses, les régions intertropicales seraient inhabitables, et les climats tempérés eux-mêmes ne recevraient plus la quantité d’eau nécessaire au maintien de la santé des animaux et des végétaux. — Mais, sous d’autres rapports, on ne connaît que trop les désastreux effets du tonnerre, des ouragans, des torrens de pluie et des ondées de grêle qui l’accompagnent ordinairement.

La grêle surtout, dont on ne peut expliquer convenablement l’origine qu’à l’aide des théories électriques, est d’autant plus redoutable pour le cultivateur, qu’elle tombe particulièrement alors que le sol est couvert de ses plus riches produits. — Non seulement elle détruit en peu d’instans des récoltes entières, mais elle laisse sur les végétaux ligneux des traces que plusieurs années parviennent à peine à effacer.

On avait pensé que des espèces de paratonnerres, nommés paragrêles, placés de distance en distance dans les champs cultivés, pourraient, en soutirant le fluide électrique, arrêter la production de la grêle. — Malheureusement l’effet n’a pas répondu à l’attente. Ce qu’on peut conseiller de mieux aux cultivateurs, c’est d’avoir recours aux compagnies d’assurance contre la grêle, où, moyennant une prime légère payée annuellement, ils se trouveront indemnisés, en tout ou en partie suivant les conventions, des dégâts qu’ils éprouveront.

Les paratonnerres (fig. 13) sont ces verges métalliques qu’on voit dominer les édifices, et qui communiquent avec le sol jusqu’à une certaine profondeur, ou, mieux encore, avec l’eau d’un puits, au moyen de fils de fer ou de laiton roulés en corde. Leur théorie est basée sur la connaissance de deux faits également positifs : la propriété dont jouissent les pointes métalliques de soutirer peu à peu le fluide électrique, et d’empêcher ainsi dans leur sphère d’action les fortes détonations ; et cette autre propriété que possèdent particulièrement les métaux d’être d’excellens conducteurs de ce même fluide. — La puissance protectrice des paratonnerres ne s’étend pas beaucoup au-delà d’un rayon double de leur longueur. La connaissance de ce fait donne la distance à laquelle on doit les placer. — Un autre fait d’une égale importance, c’est que, toutes choses égales d’ailleurs, la foudre menace toujours les points les plus rapprochés d’elle, et que par conséquent plus les paratonnerres sont élevés, mieux ils remplissent leur destination. — C’est donc à la partie culminante des édifices qu’il faut les fixer.

La tige d’un paratonnerre vaut à Paris environ 2 fr. 70 c. le mètre. — On lui donne ordinairement 10 mètres de haut, ce qui fait 27 fr. La pointe en platine, garnie d’une enveloppe de cuivre, vissée sur celle de fer, est du prix de 18 à 20 fr. la corde, d’un diamètre de 8 à 9 lignes, coûte 2 fr. 50 c. le mètre ; on peut d’après cela calculer facilement pour chaque localité, et en raison de la hauteur, la dépense des matériaux et de la pose d’un paratonnerre.

L’électromètre sert à mesurer la quantité et à déterminer la nature du fluide électrique. Peut-être cet instrument, à peu près inconnu des cultivateurs, deviendra plus tard pour eux d’une grande importance. Dans l’état actuel de nos connaissances, j’ai dû me borner à l’indiquer ici.

Section V.Influence de la situation en agriculture.

Il ne faut que jeter un coup-d’œil sur les différentes formes et les différentes applications que l’art de cultiver la terre prend ou reçoit entre les mains qui l’exercent dans les diverses contrées du globe, pour être convaincu que chaque culture territoriale est principalement fondée sur une différence de position géographique qui constitue la situation générale. L’influence de la situation s’étend non seulement sur l’espèce de plantes et d’animaux que l’agriculture locale embrasse, mais encore sur la manière de les élever ; l’étude de cette influence doit précéder tout essai de naturalisation et de cultures nouvelles. Les principales causes sont la latitude et l’élévation, auxquelles on peut ajouter l’exposition et les abris. Les deux premières se modifient l’une l’autre : c’est-à-dire que sous le même climat, à des hauteurs diverses, et réciproquement, aux mêmes hauteurs, sous des climats différens, on ne retrouve pas les mêmes végétaux. En effet, plus on se rapproche de la ligne équinoxiale, ou équateur (fig. 14), plus il faut s’élever avant d’atteindre la région des neiges perpétuelles ; tandis qu’en s’éloignant de la zone torride ou des tropiques, dans la direction de l’un ou l’autre pôle, on rencontre, à des hauteurs de moins en moins grandes, le froid susceptible d’empêcher toute végétation.

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§ Ier. — De la latitude.

Peu des plantes utiles à l’homme viennent partout indifféremment ; et parmi celles qui appartiennent à l’agriculture, on n’en trouve guère qui soient dans ce cas, hors les graminées prairiales annuelles, qui donnent les pâturages et les foins, et les graminées céréales annuelles, telles que le blé, le seigle et l’orge. Mais, en même temps qu’on les retrouve en plus de lieux, leur courte durée et la nécessité de leur réensemencement artificiel empêchent de regarder comme tout-à-fait impossible l’hypothèse de leur disparition complète. D’un autre côté, l’avoine, les pois, les haricots, les navets, les pommes-de-terre et les graminées vivaces composant le fonds des prairies ne peuvent croître dans des régions ou trop chaudes ou trop froides ; il faut au maïs, au millet, au riz une contrée chaude, à l’avoine une région tempérée. Les racines et fruits de ce qu’on appelle les climats chauds, tels que le manioc, l’ygname, le bananier, l’arbre à pain, etc., y sont rigoureusement limités ; et il en est de même des grands arbres fournissant les bois de construction, tels que le chêne des pays tempérés, et l’acajou de la zone torride.

Les animaux sont soumis au climat aussi bien que les plantes ; et, parmi les animaux domestiques, il en est qu’on trouve partout, comme le bœuf, le cochon, tandis que d’autres sont confinés dans certaines contrées, comme le renne, le chameau, l’éléphant. Le cheval et l’âne suivent aussi l’homme à peu près sous toutes les latitudes. Le mouton peut vivre aussi dans l’Inde et au Groënland, mais il y perd ses qualités utiles : au Groënland, il a besoin d’être abrité pendant neuf mois de l’année ; dans l’Inde, la laine se transforme en poils, et la chair est trop maigre pour donner de bonne viande de boucherie.

La culture de chaque espèce de plantes, comme la conduite des animaux, sont donc matériellement subordonnées au climat ; la quantité et la valeur des productions d’un pays en dépendent dans quelques cas. La même espèce d’arbres qui, sous un climat tempéré, s’élève à une grande hauteur, ne produit qu’une tige petite et chétive dans une situation exposée aux vents froids. Sous un climat favorable et chaud, les sols les plus stériles, qui dans une contrée moins favorable resteraient incultes, peuvent avec avantage être livrés à la culture. La nature des produits dépend même du climat ; ainsi, sir J. Sinclair nous apprend que dans plusieurs des parties les plus élevées de l’Angleterre et de l’Ecosse, on ne peut pas cultiver le froment avec avantage. Dans plusieurs des comtés septentrionaux de l’Ecosse, on a trouvé nécessaire de semer, au lieu de l’orge à deux rangs, la petite orge quadrangulaire, quoique de qualité bien inférieure ; l’expérience a fait voir que l’avoine, à cause de sa rusticité, était d’un produit plus certain et plus profitable que toute autre espèce de grains ; dans les districts humides on ne peut cultiver les pois avec avantage à cause des pluies. Chaque localité offre des phénomènes de ce genre, qu’il est indispensable au cultivateur d’étudier, pour ne pas être trompé par les résultats de ses cultures.

Celui qui n’a pas voyagé se fera difficilement une juste idée des grandes variations que le climat apporte dans la culture des espèces de plantes. En Italie et en Espagne, où prévalent les cultures inondées, et où la plupart des récoltes, en grains ou en racines, demandent un copieux arrosage, il en est quelques unes cependant qui viennent de la manière ordinaire, dans la saison des pluies, telles que les melons en Italie, et les ognons en Espagne. — Mais en Arabie, en Perse et dans l’Inde, on ne peut entreprendre aucune culture sans eau, excepté sur les parties les plus élevées des montagnes. Dans ces contrées, le procédé fondamental de la culture est de préparer la surface du sol à recevoir l’eau, à l’y faire circuler dans des fossés ou rigoles, et à s’en procurer autant qu’il en faut, à l’aide de machines qui l’élèvent de la profondeur des puits ou du lit des rivières. Le manque d’eau nécessaire à l’irrigation des champs les prive de toute culture régulière, et s’oppose invinciblement à la production du blé. Mais la nature, dans de telles situations, produit spontanément des récoltes périodiques de plantes annuelles, succulentes ou bulbeuses ; et l’homme peut, jusqu’à un certain point, imiter la nature et tirer parti du climat en substituant, dans ces circonstances, des plantes annuelles bulbeuses utiles à des plantes de même nature qui ne le sont pas. Celles-ci, dans plus d’un cas, pourraient être avantageusement remplacées par les autres.

La culture, dans le nord de l’Europe, consiste au contraire, en grande partie, plutôt dans l’art de débarrasser les terres de leurs eaux superflues, que dans celui de leur en procurer artificiellement. Si l’on y a recours à l’irrigation, elle est limitée aux prairies, et c’est moins pour en accroître l’humidité, que pour en stimuler la végétation par la dissolution plus prompte des engrais qu’on leur donne, et pour augmenter ou diminuer la chaleur de la terre. Cette opération doit être conduite avec beaucoup de soins pour ne pas devenir plus pernicieuse qu’utile. — Elle n’offre, au contraire, aucun danger dans les pays chauds, et elle y sert à modérer plutôt qu’à augmenter la température du sol. L’eau, dans le nord de l’Europe, est fournie à la terre par l’atmosphère en quantité souvent plus que suffisante aux besoins de la végétation. Aussi le principal objet du cultivateur y est-il de maintenir le sol dans un parfait état d’égouttement à l’aide de rigoles superficielles et de conduits souterrains ; de le tenir bien ameubli pour que l’humidité s’évapore et que les racines s’y étendent à l’aise ; de lui fournir des engrais chauds et abondans ; de le tenir débarrassé des mauvaises herbes, et d’employer en un mot tous les moyens propres à faciliter l’accès de la lumière, de l’air, et de toutes les influences atmosphériques, aux plantes cultivées qui doivent en profiter.

Toutefois ces deux grandes divisions géographiques que l’on peut faire de l’agriculture, en agriculture du Midi et en celle du Nord, ne sont pas tellement rigoureuses qu’elles doivent être uniquement déterminées par des degrés de latitude. Elles sont, au contraire, très-souvent modifiées par des circonstances physiques, telles que l’élévation du pays au-dessus du niveau de la mer, l’aspect qu’il présente par l’abondance de ses eaux, de ses forêts, de ses montagnes ; son caractère topographique de continent, d’île ou de péninsule ; sa constitution géologique ; enfin la nature du sol cultivé.

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§ ii. — De l’élévation.

L’élévation, quand elle n’est pas considérable, ne nuit pas aux divers procédés de la culture, ni aux habitudes des animaux. Mais la valeur d’une ferme diminue si, par sa position et celle des terres, il est difficile et dispendieux d’y exécuter les transports.

La situation locale mérite donc, de la part du cultivateur, une sérieuse attention. Le maïs, le riz et le millet, qui donnent en Asie et en Afrique de si abondans produits, ne réussissent point dans le nord de l’Europe ; différentes espèces de grains, de légumes, de racines prospèrent dans certains cantons de la France et non dans d’autres. Les graminées vivaces se plaisent mieux aux lieux où la température et la lumière sont modérées pendant toute l’année, comme dans le voisinage des côtes, où la douceur du temps est due à l’influence de la mer, et la continuité de la lumière à l’absence ou à la courte durée de la neige. Dans le nord de l’Amérique et en Russie, où l’intensité du froid n’éprouve point de relâche durant tout l’hiver, et où le sol reste enseveli six ou sept mois sous une épaisse croûte de neige, toute la végétation herbacée périt.

Le froment, le seigle, l’orge, l’avoine, se cultivent avec profit, quoique la chaleur moyenne annuelle descende au-dessous de 2° centigrades, pourvu que la chaleur de l’été se maintienne entre 11 et 12°. L’orge, suivant Wahlemberg, donne en Laponie une bonne récolte partout où les mois d’été atteignent une température de 8 à 9° ; c’est pourquoi on trouve les céréales ainsi que les pommes-de-terre jusque dans les plaines de Lyngen, à 69° 1/2 de latitude, et, près de Munioniska, au 68° degré, mais à la hauteur de 116 toises. Dans la zone tempérée, par exemple à Edimbourg, le froment donne une abondante récolte, si, pendant 7 mois, du 20 mars au 20 octobre, la température moyenne est de 13° ; la chaleur moyenne de ce climat descend souvent à 10° 1/2 ; à 2° plus bas, l’orge, l’avoine et les autres céréales ne mûriraient pas. Dans les Alpes maritimes et auprès d’Alais, M. De Candolle a trouvé le seigle cultivé à la hauteur de 1100 toises, et le froment à celle de 900. Les diverses espèces de froment supportent difficilement les chaleurs de la plage équinoxiale. Cependant, par l’effet de causes locales particulières, non suffisamment observées, le froment se cultive dans la plaine de Caracasena, près de Victoria, à la hauteur de 270 toises ; et, ce qui est plus remarquable encore, dans la partie intérieure de l’île de Cuba, latitude 23°, près de Las Quattrovillas, dans une plaine peu élevée au-dessus de la mer. (Humboldt.)

Si, au contraire, l’élévation est considérable, elle exerce sur l’agriculture une influence rigoureuse ; elle oblige surtout l’agriculteur d’isoler son habitation, et de demeurer constamment au milieu de son exploitation ; c’est le cas de la Suisse et de la Norvège. En Suisse, les villages sont souvent situés à cinq mille pieds au-dessus du niveau de la mer. Les maisons sont construites en bois, avec un toit saillant, et couvertes en ardoises, tuiles ou bardeaux. L’extrême division des propriétés fait que chacun est obligé de cultiver la sienne, et cette obligation entraine celle de la résidence. Les pommes-de-terre et l’orge peuvent être cultivées en Savoie à 4,500 pieds ; le fromage, le lait, un peu de maïs pour le potage, complètent la nourriture des paysans. La moisson, qui se fait dans les plaines à la fin de juin, n’est mûre dans les montagnes qu’à la fin de septembre. Dans les régions montagneuses de la Norvège, les habitations rurales ne sont point non plus réunies en corps de villages, mais elles sont éparses et bâties séparément sur le terrain que le propriétaire cultive. Elles sont faites en planches, et couvertes d’écorces de bouleaux ou de gazons (fig. 15).

Toute élévation abaissant proportionnellement la température suivant qu’elle s’éloigne du niveau de la mer, son influence se fait aussi proportionnellement sentir sur les plantes et sur les animaux. Trois cents pieds de hauteur sont regardés comme équivalant à un demi-degré de latitude, et causent une différence de température analogue. Il suit de là que l’agriculture des zones tempérées peut quelquefois être introduite sous la zone torride, et quelques-unes des montagnes de la Jamaïque peuvent contenir, de la base à leur sommet, presque toutes les plantes du monde. Sous la latitude de 50°, l’élévation de 600 pieds environ est la plus grande à laquelle on puisse cultiver le froment avec profit ; et même là, le grain sera très-léger, et mûrira souvent un mois plus tard que celui semé au bas de la montagne. Sir J. Sinclair considère la hauteur de 6 à 800 pieds, en Angleterre, comme le maximum d’élévation pour les espèces de grains les plus rustiques, et encore, dans les saisons tardives, le produit sera de peu de valeur, et se bornera à la paille. Quelques localités font exception à ces règles.

En Europe, le point des neiges et des glaces perpétuelles est à au moins 1500 toises environ au-dessus du niveau de la mer. Immédiatement au-dessous, se trouvent des pâturages couverts de neige 7 ou 8 mois de l’année ; viennent ensuite les mélèzes, au-dessous desquels croissent les sapins, les pins, les hêtres, les chênes, etc. Il faut à ces plantes un degré de chaleur et d’humidité très-peu variable. M. de Humboldt a donné un tableau intéressant et curieux des limites des neiges perpétuelles dans diverses contrées.

L’élévation au-dessus du sol environnant expose aussi les plantes, les animaux et les édifices à l’action des grands vents, et doit influer par conséquent sur la disposition des champs, des clôtures, des plantations, des bâtimens d’exploitation, aussi bien que sur les plantes et les animaux eux-mêmes. Dans certaines localités, elle influe sur la densité de l’air, la formation des nuages, l’abondance des eaux, et, sous ce rapport, elle peut modifier le caractère même des opérations agricoles. En Suisse et en Norvège, les fermes établies sur les montagnes supérieures se trouvent tout-à-fait au-dessus de la couche la plus épaisse des nuages, et ceux qui les habitent sont souvent des semaines entières sans apercevoir les plaines et les vallées qui sont à leurs pieds.

La position soit maritime, soit intérieure, influe beaucoup sur le climat d’un pays : la première procure une température plus égale ; la chaleur y est modérée, parce qu’une moins grande étendue de terre est exposée aux rayons du soleil ; le froid y est moins intense, parce que la mer conserve toujours à peu près la même température et ne gèle que dans les régions polaires. Les îles et les côtes jouissent donc d’un climat plus égal, plus tempéré et plus humide que les parties intérieures des continens.

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§ iii. — Du sol et de la constitution géologique.

Que la nature du sol, celle du sous-sol, et même la constitution géologique du pays, observées à une certaine profondeur, influent puissamment sur l’agriculture, c’est ce que personne ne met en doute. Le voisinage des volcans, l’existence des sources minérales chaudes peuvent élever la température intérieure au point de réagir sensiblement à la surface. Les flancs du Vésuve nourrissent aujourd’hui le vin dit Lachryma-Christi, qui a succédé au Falerne.

Les productions de l’agriculture ne seront pas les mêmes sur un fond ayant au-dessous de lui de grands bancs d’argile, retenant des eaux profondes qui s’échapperont au dehors en sources multipliées, et dans un sol reposant sur d’épaisses masses de craie.

Le sol est la terre considérée comme base de la végétation. Ce sujet est si vaste et si important en agriculture qu’il fera l’objet du chapitre suivant. Nous dirons seulement ici que les plaines sablonneuses et sèches, les montagnes schisteuses sont plus précoces, toutes choses égales d’ailleurs, que les plaines argileuses et humides, que les montagnes granitiques.

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§ iv. — De l’exposition.

Si les montagnes jouent un grand rôle dans la géologie, elles influent prodigieusement sur l’agriculture même des pays qui en sont éloignés. C’est d’elles que sortent toutes les rivières ; elles déterminent la direction des vents, et par conséquent la chute des pluies fécondantes ; elles forment de puissans abris qui font varier singulièrement la température des climats, et elles protègent d’une manière efficace les essais de naturalisation.

C’est à la chaîne des Alpes et à ses prolongemens que la plus grande partie de la France, Paris surtout, doit la pluie que lui amène le vent du sud-ouest, et la sécheresse dont le vent du nord la frappe. Dans le bas Languedoc, c’est le vent nord-ouest qui donne les beaux jours.

Plus les montagnes sont élevées et les pluies abondantes, plus la superficie de leurs pentes rapides est exposée à être entrainée par les eaux dans le fond des vallons : de là le danger des défrichemens qu’on y a si inconsidérément pratiqués, et l’urgente nécessité de s’occuper de leur reboisement, seul moyen de parvenir à leur reconsolidation.

« La terre dépouillée dans une très-grande partie de la France des forêts qui la couvraient autrefois, ne présente plus qu’une surface nue que les nuages parcourent sans trouver d’obstacles qui les arrêtent et les résolvent en pluies. Le sol, exposé aux rayons d’un soleil brûlant, en est pénétré à une grande profondeur ; les sources tarissent et les fleuves remplissent à peine le tiers de leur lit pendant l’été. — Enfin les vents n’ayant plus à parcourir ces immenses forêts, sous l’ombrage desquels ils étaient rafraîchis, et où ils s’imprégnaient pendant la belle saison d’une humidité chaude qu’ils répandaient sur les campagnes, n’y portent plus la fraîcheur et la vie ; forcés au contraire de se diriger sur de grandes étendues de terrains brûlés par le soleil, ils s’échauffent et amènent avec eux le hâle et la stérilité. — Considérons ce qu’était l’Amérique septentrionale à l’arrivée des Européens. La terre, couverte d’épaisses forêts dans la plus grande partie de son étendue, n’offrait à ses habitans qu’un séjour de frimas et de glaces pendant la moitié de l’année ; mais les Européens changèrent cet état de choses ; l’écoulement procuré aux eaux stagnantes, et plus encore les grands abattis de bois qu’ils firent près de leurs établissemens, ne tardèrent pas à diminuer l’abondance des pluies, et par conséquent à dessécher le sol et à le rendre moins froid. Maintenant les Américains jouissent des avantages que leur ont procurés leur travail et leur industrie ; mais qu’ils se gardent de passer la ligne de démarcation qui règle la masse de bois qu’il convient de conserver pour avoir toujours la quantité d’eau nécessaire à la fertilité des terres, qu’ils se gardent surtout de toucher à ces grandes forêts qui, par leur position, se trouvent à portée d’arrêter les nuages. — Le mal qui menace la France de stérilité n’est cependant pas sans remède : des lois sages et réfléchies, dont l’exécution serait surveillée avec vigilance, pourraient prévenir ce malheur ; il faudrait qu’elles réglassent l’exploitation des forêts placées sur les montagnes ; qu’elles empêchassent leur dégradation et qu’elles fixassent les plantations à faire dans les lieux où elles sont nécessaires pour arrêter les nuages. La théorie de l’établissement de ces masses de plantations serait aisée à servir : la nature nous l’indique. Presque toute la France est composée de vastes bassins environnés de collines et de montagnes assez hautes ; ces lieux élevés semblent destinés par la nature à se couronner d’arbres, comme les collines à se tapisser de vignes et d’oliviers, et les plaines à se couvrir de moissons. — Ménager ces masses de forêts dans les lieux élevés où il s’en trouve déjà, les augmenter dans ceux où l’on a trop diminué leur étendue, et en former de nouvelles sur les points où elles manquent, c’est à quoi doit se réduire le plan d’amélioration de cette partie importante de l’agriculture. Dans les pays de plaines trop étendues et trop découvertes, il serait avantageux d’employer tous les mauvais terrains et même une partie des médiocres à la plantation des forêts. Mais ces grandes améliorations, auxquelles doit présider un esprit d’ensemble sagement combiné, ne peuvent avoir lieu que par une volonté constante des gouvernemens et d’après des établissemens proportionnés à ces importans objets.» (A. Thouin.)

Les inégalités et les variations de sol ou d’aspect qui existent à chaque pas dans les montagnes, rendent nécessairement le mode de leur culture différent de celui des plaines. L’agriculture des plus élevées est généralement chétive, et bornée au pâturage des troupeaux durant une partie de l’année. Leurs habitans sont ordinairement pauvres, et émigrent périodiquement ou pour un certain nombre d’années, dans des contrées plus riches, pour y gagner ce que refuse leur sol natal. Le défaut d’instruction, qui engendre et entretient la misère, fait aussi que les pays granitiques sont loin d’être cultivés comme ils pourraient l’être.

C’est dans les vallées, c’est-à-dire dans les grands intervalles de deux chaînes de montagnes à peu près parallèles, que la petite agriculture, c’est-à-dire celle qui se pratique par les propriétaires eux-mêmes, et le plus souvent à bras, montre tous ses avantages ; mais il faut d’abord considérer leur position géographique. Une vallée qui est tournée au midi acquiert un degré de chaleur très-supérieur à celui des plaines et des montagnes du même climat qui ne jouissent pas de cette exposition, en général très-avantageuse dans nos climats tempérés. Ces vallées se remarquent surtout dans les Cévennes et dans les Alpes maritimes, sur la limite de la culture de l’olivier et du figuier. Les vallées qui ont leur ouverture au nord présentent l’effet contraire ; on ne peut pas y cultiver fructueusement la vigne dans le climat de Paris, et même plus au midi. Les vallées exposées au levant jouissent d’une partie de la chaleur du jour ; celles au couchant n’en recevant presque pas, ne seront guère plus chaudes que celles exposées au nord ; mais, comme dans la plus grande partie de la France les vents du levant sont très-froids, et ceux de l’ouest passablement chauds, ces deux dernières sortes d’expositions seront entre elles, sauf quelques modifications, à peu près d’une égale température.

[1:5:5]
§ v. — De l’inclinaison et des abris.

Les inclinaisons plus ou moins rapides de la surface des sols cultivés, ainsi que les abris naturels ou artificiels qui entrecoupent cette surface, tels que les massifs de bois, le rideau des plantations en ligne, et même l’obstacle, léger en apparence, que de simples haies opposent au cours des vents bas et à la circulation des agens météoriques, produisent aussi des modifications dont le résultat assure le succès de diverses récoltes.

Nous avons vu précédemment que l’effet des inclinaisons ainsi que celui des aspects, se fait fortement remarquer dans les coteaux consacrés à la culture de la vigne ; et, quant aux bois, leur destruction par grandes masses peut forcer à changer toute l’agriculture d’une contrée. Soulange-Bodin.

Les plus puissans des abris naturels, ce sont les montagnes : Rozier cite, dans le climat de la France, un exemple bien frappant de cette influence sur la culture. Si l’on tire une ligne de Nice en Piémont jusqu’à Saint-Sébastien en Espagne, en traversant les provinces les plus méridionales de la France, on y trouve quatre climats bien caractérisés. (Voir la carte, fig. 16.) — Le premier est le pays des orangers, des oliviers et des vignes ; il a au sud la Méditerranée et les climats brûlans de l’Afrique, et immédiatement derrière lui les Alpes coupées presque à pic, qui l’abritent du nord. — Le second, depuis Toulon, le pays des oliviers et des vignes, sans orangers ; il a encore au sud la mer ; mais les montagnes qui lui servent d’abri sont éloignées de la côte. — Le troisième, depuis Carcassonne, est le pays des vignes sans orangers ni oliviers : il a en effet au sud les Pyrénées. — Le quatrième, à partir de Bayonne, le pays sans vignes, a au sud les Pyrénées, et elles sont si voisines qu’elles l’abritent entièrement de tous les vents du midi ; les pommiers y sont cultivés comme en Normandie, en Bretagne ; et cette contrée est cependant plus méridionale que Grasse et Nice. — En étudiant de cette manière, dans tout le reste du royaume, l’influence des abris naturels, on y trouvera très-souvent la cause physique déterminante de la culture de chaque pays, cependant subordonnée aussi à la nature du sol. On se mettra donc en garde contre les systèmes de culture qui embrassent le royaume entier, et, avant d’introduire de nouvelles cultures dans son exploitation, le cultivateur consultera les influences analogues qui agissent sur la localité qu’il habite. Perfectionnez les méthodes et les cultures de votre canton, mais ne les changez jamais complètement, quant au fond, sans avoir auparavant fait bien des expériences.

On reconnaît encore, dans la même contrée, l’influence des abris sous un autre point de vue. Le midi de la France est en général privé de pluies ; mais à Toulouse il pleut beaucoup : ce cas particulier provient de ce que cette ville est couverte au sud par les Pyrénées, et au nord, à peu près à égale distance, par les montagnes du Rouergue ; de sorte que les nuages, attirés d’une part ou d’une autre, se dégorgent dans l’espace qu’ils ont à parcourir, parce que la longueur du trajet d’une chaîne de montagne à l’autre, excède la force de leur direction. On peut appliquer cet exemple à toutes les contrées du royaume, et cela fera concevoir pourquoi un canton est pluvieux plus qu’un autre ; pourquoi tel ou tel terroir est, pour ainsi dire, chaque année abimé par la grêle, tandis que le terroir limitrophe en est exempt.

C’est surtout dans les régions froides que l’effet des abris artificiels est le plus efficace : sir J. Sinclair (Code of Agric.) assure que, dans les seules îles Hébrides, on a, par des clôtures bien entendues, augmenté infiniment le rapport de 800,000 acres de terre. Les Anglais ont depuis long-temps senti les avantages de garantir les terres des vents du nord et de l’est par la plantation de petits bois ou de haies, parce que le froid ralentit la végétation et nuit à la fertilité : de même que le bétail se tient plus volontiers sur le côté méridional des haies et des bosquets, ainsi les plantes poussent mieux à cette exposition. Les vents arrivant au sol sous un angle très-aigu, on peut admettre qu’un bouquet de bois (fig. 17) garantit les terres adjacentes à une distance décuple de sa hauteur, ou même davantage, s’il est sur une éminence ; si l’on y ajoute des haies vives de manière à enceindre tout le champ, l’abri sera bien plus efficace, parce qu’il conservera mieux le calorique accumulé à la partie méridionale du bosquet. Non seulement ces haies augmentent la température, mais encore elles empêchent le dessèchement du sol et l’évaporation des gaz fécondans. — C’est d’après ces considérations que M. Nebbien (Einrichtungskunst der Landgüter) conseille de diviser chaque domaine (fig. 18) en une certaine quantité d’enclos dont les angles seront arrondis ; il les enceint chacun d’une lisière d’arbres plantés très-serrés, et de 20 à 50 pieds d’élévation, qui, tout en abritant le sol, produisent du bois que l’on ne doit cependant exploiter que partiellement pour ne pas dégarnir les terrains enfermés. Entre ces pièces, il laisse une bande de 96 pieds de largeur environ, qui sert de pâturage et d’abri au bétail, et qu’on laboure et ensemence de temps en temps. Dans l’intérieur de ces clos on plante des rangées d’arbres fruitiers, que l’élévation de la température fait prospérer parfaitement. Les beaux produits qu’on obtient par une culture analogue dans le riche pays de Waes en Belgique, et dans la fameuse vallée d’Auge dans la Normandie, démontrent les avantages de ce système.

Dans les situations basses et plates, on doit, au contraire, écarter tout ce qui gênerait la libre circulation de l’air, en agrandissant les enclos, diminuant la hauteur des haies, et élaguant judicieusement les arbres ; car lorsqu’un canton est couvert de bois, il est plus humide. On peut donc améliorer le climat d’un pays qui est dans ces conditions, en abattant une partie de ses bois. L’accumulation des terres marécageuses et de tourbes inertes et spongieuses rend aussi le climat plus froid ; les desséchemens ont donc le double avantage de livrer à la culture des terrains presque sans valeur, et de rendre plus favorables les influences atmosphériques. C. B. de M.

Section vi.Moyens de juger du climat par les végétaux.

Nous avons vu combien est grande l’influence du climat sur les diverses cultures, et par conséquent de quelle importance il est pour le cultivateur de la connaître. À cet égard, il est difficile de suppléer aux notions que fournit une longue observation et une habitation prolongée dans un canton. Le propriétaire qui achète un domaine dans un pays nouveau pour lui, le fermier qui va y prendre une exploitation, ne sauraient donc se dispenser de consulter, sur cet important sujet, les habitudes et les pratiques des habitans du lieu, tout en les éclairant de leurs propres lumières. Ils peuvent aussi puiser quelques renseignemens dans l’étude des plantes qui croissent naturellement sur le sol, et qui, influencées aussi bien que les végétaux cultivés par le climat, peuvent le leur indiquer jusqu’à un certain point.

Nous n’essaierons pas de donner les caractères généraux de la végétation des tropiques, ni de celle des régions septentrionales, ce qui serait sans application pour le cultivateur français ; nous citerons seulement ce qui peut contribuer à indiquer la nature du climat local.

Dans les lieux et les situations où le vent est fréquent et violent, les arbres ont une forme trapue et peu d’élévation ; ils sont très-rameux, et indiquent, par une inclinaison générale et par le plus grand alongement des branches du côté opposé, le point de l’horizon d’où le vent souffle d’une manière prédominante. Dans les vallées et les lieux tranquilles, on voit, au contraire, des arbres bien filés élancer vers le ciel une tige grêle, peu rameuse, et couverte de feuilles énormes.

Le caractère général de la végétation d’un territoire indique aussi très-bien si l’humidité ou la sécheresse y domine. Les arbres y affectent, dans le premier cas, une grande vigueur ; dans le deuxième, au contraire, les pousses annuelles sont très-faibles. On y voit aussi dominer les arbres et les plantes des sols secs et humides, qui seront indiquées dans le chapitre suivant.

Les localités qui sont à la fois humides et mal exposées relativement au soleil, sont indiquées par des végétaux en quelque sorte étiolés. Les pousses sont alongées, mais faibles, d’une consistance aqueuse, jaunes ou d’un vert pâle ; les rameaux sont peu nombreux et espacés ; les fleurs, également peu nombreuses, avortent ou coulent souvent ; les boutons à fleurs tombent au moment de la floraison ou peu après avoir noué ; le tissu intérieur de ces végétaux est lâche ; leur épiderme est sans poils, quoique souvent il en présente dans leur état naturel.

Les lieux qui se rapprochent de la condition des montagnes offrent comme elles des plantes basses, ramifiées dès les racines, d’une nature sèche et dure ; leurs fleurs et en général tout l’appareil de la fructification est fort développé, comparé au reste de l’individu ; les graines sont grosses, bien mûres, et avortent rarement ; la surface des feuilles et des tiges est souvent couverte de poils, plus nombreux sur les sommités que sur le reste de la plante.

La couleur et les odeurs des plantes peuvent même servir à indiquer le climat. Dans les lieux bien exposés, dans ceux dont le ciel est généralement serein, peu couvert de nuages et où les brouillards sont rares, là où l’air est fréquemment renouvelé, les odeurs des plantes sont plus prononcées et plus pénétrantes, et leurs couleurs plus foncées que dans les contrées où le climat est dans des conditions opposées. Chez plusieurs plantes, on voit même les fleurs, blanches ordinairement, prendre une teinte plus ou moins foncée : les ombellifères particulièrement présentent ce phénomène ; plusieurs se teignent en rose sur les sommités, comme le cerfeuil, etc. Le vert des plantes alpines est généralement foncé ; celui des plantes de tourbières pâle et tirant sur le bleu ; celui des plantes de bois ou qui croissent dans les pays ombragés, d’un vert pâle tirant sur le jaune.

Section vii.Des moyens de prévoir le temps.

Les instrumens de météorologie indiqués dans les 1res sections de ce chapitre font apprécier plus exactement les influences atmosphériques et l’état actuel du temps ; mais ils ne contribuent qu’accessoirement à faire prévoir cet état à l’avance. Or, nul n’est plus intéressé à ce résultat que le cultivateur, le vigneron, le jardinier, qui pourraient alors modifier leurs cultures, hâter ou retarder leurs travaux, prendre des mesures pour se préserver ou tirer parti des météores dont ils auraient prévu l’arrivée prochaine. On peut dire sans exagération qu’une telle connaissance augmenterait de plus d’un quart les produits du sol ; et s’il est vrai que la plupart des habitans des campagnes acquièrent par leur expérience personnelle l’art de prévoir le temps dans leur localité, on ne saurait douter de l’importance qu’il y a pour eux à profiter de toutes les observations faites sur ce sujet, et à pouvoir éclairer à cet égard leur expérience, en quelque sorte instinctive, par la connaissance des signes qui sont de véritables indicateurs ou pronostics des divers changemens du temps. Dans un climat aussi variable que le nôtre, cet art est fort difficile et demande toujours la connaissance des localités, en outre de celle du résultat des observations générales que nous allons reproduire.


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§ Ier. — Pronostics fournis par les instrumens.

i. Tirés du baromètre. — Le baromètre monte ordinairement plus ou moins le matin jusqu’à 9 ou 10 heures, et descend jusqu’à 2 ou 4, pour remonter ensuite. Les mouvemens contraires à cette marche sont un indice probable de changement de temps. — Ces changemens s’annoncent presque toujours la veille au moins. — Lorsque le baromètre, étant déjà au variable ou au-dessous, descend, il annonce ordinairement la pluie. Le mercure monte quand le temps tourne au beau. — Les vents du nord ou du nord-ouest tiennent ordinairement le baromètre au-dessus de la hauteur moyenne ; ceux du sud-est et du sud-ouest le tiennent au-dessous. — Quand le temps est à l’orage, les agitations du baromètre sont plus marquées ; il remonte précipitamment quand l’orage est près de finir. — Lorsque le mercure baisse par un temps chaud, c’est signe d’orage ; — en hiver, lorsqu’il monte, c’est signe de froid. — S’il baisse pendant le froid, c’est signe de dégel. — Un gros temps accompagné de la baisse subite du baromètre ne sera pas de longue durée ; il en sera de même du beau temps accompagné d’une hausse subite ; de même si l’ascension a lieu par le mauvais temps et continue avec ce mauvais temps pendant deux ou trois jours, attendez un beau temps continu ; mais, si par un beau temps le mercure tombe bas et continue de tomber durant 2 ou 3 jours, cela présage beaucoup de pluie et probablement de grands vents.

ii. Tirés du thermomètre. — Le thermomètre n’indique rien autre chose que les variations de température ; mais il les indique de la manière la plus exacte et la plus certaine. On ne peut donc s’en servir pour prévoir le temps que d’après les conséquences souvent très-concluantes que fournit le changement de température. En général, lorsqu’il fait très-chaud et que le temps fraîchit, ou qu’il fait froid et que l’air se radoucit, cela indique de la pluie ou de la neige, selon la saison.

iii. Tirés des girouettes. — Les girouettes, en indiquant d’où vient le vent, sont des pronostics très-précieux à consulter. En parlant des vents, on a indiqué leurs caractères dominans et généraux pour la France. Personne n’ignore, après avoir habité un pays pendant quelque temps, quel changement dans le temps est indiqué par celui du vent.

iv. Tirés de l’hygromètre. — Les variations les plus importantes provenant de l’état d’humidité ou de sécheresse de l’atmosphère, cet instrument est un des plus utiles à consulter. En donnant une mesure ou une indication de l’humidité, il dénote assez souvent à l’avance la pluie ou les brouillards.

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§ ii. — Pronostics fournis par les astres.

i. Tirés du soleil. — Indices de vent : Le soleil se lève pâle et reste rouge ; son disque est très-grand ; il paraît avec un ciel rouge au nord ; il conserve une couleur de sang ; il demeure pâle, avec un ou plusieurs cercles obscurs ou des raies rouges ; il paraît concave ou creux. — Quand le soleil semble partagé ou quand il est accompagné d’une parhélie, c’est indice d’une grande tempête.

Signes de pluie : Le soleil est obscur et comme baigné d’eau ; il se lève rouge et avec des bandes noires entremêlées avec ses rayons, ou devient noirâtre ; il est placé au-dessus d’un nuage épais ; il se montre entouré d’un ciel rouge à l’est. — Les pluies subites ne sont jamais de longue durée ; mais quand le ciel se charge petit-à-petit et que le soleil, la lune ou les étoiles s’obscurcissent peu-à-peu, il pleut généralement pendant six heures.

Signes de beau temps : Le soleil se lève clair et le ciel l’a été pendant la nuit ; les nuages qui l’entourent à son lever se dirigent vers l’ouest, ou bien il est environné d’un cercle, pourvu que ce cercle s’en écarte également de tous côtés : alors on peut attendre un temps constamment beau ; il se couche au milieu de nuages rouges, d’où ce dicton populaire, que « rouge soirée et grise matinée sont signes certains d’une belle journée.»

ii. Tirés de la lune. — Indices de vent : La lune paraît fort grosse ; elle montre une couleur rougeâtre ; ses cornes sont pointues et noirâtres ; elle est environnée d’un cercle clair et rougeâtre. Si le cercle est double ou paraît brisé, c’est signe de tempête. À la nouvelle lune, il y a souvent changement de vent.

Signes de pluie : Son disque est pâle ; les extrémités de son croissant sont émoussées. Le cercle autour de la lune accompagné d’un vent du midi, annonce la pluie pour le lendemain. Lorsque le vent est sud et que la lune n’est visible que la 4e nuit, cela annonce beaucoup de pluie pour le mois.

Signes de beau temps : Les taches de la lune sont bien visibles ; un cercle brillant l’entoure lorsqu’elle est pleine. Ses cornes sont-elles pointues le 4e jour, c’est du beau temps jusqu’à la pleine lune. Son disque bien brillant trois jours après le changement de lune et avant qu’elle soit pleine, dénote toujours le beau temps. Après chaque nouvelle et pleine lune, il y a souvent de la pluie suivie d’un beau temps.

iii. Tirés des étoiles. — Signes de pluie : Elles paraissent grossies et pâles ; leur scintillation est imperceptible, ou elles sont environnées d’un cercle. Dans l’été, quand le vent souffle de l’est et que les étoiles paraissent plus grandes que de coutume, alors attendez-vous à une pluie soudaine.

Signes de beau temps et de froid : Les étoiles se montrent en grand nombre, sont brillantes et étincellent du plus vif éclat.

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§ iii. — Pronostics fournis par l’atmosphère.

i. Tirés des nuages. — Signes de vent : Lorsque les nuages fuient légèrement, qu’ils se montrent subitement au sud ou à l’ouest, qu’ils sont, ainsi que le ciel, rouges, notamment le matin. — Une giboulée après un grand vent est un indice certain que la tempête approche de sa fin, d’où ce dicton populaire : « Petite pluie abat grand vent. »

Indices de pluie : La source la plus féconde des pronostics météorologiques a toujours été l’apparence diverse et les changemens d’aspect des nuages ; cause prochaine de la pluie ou de la neige, on les a toujours regardés comme fournissant les signes les plus sûrs et les plus directs des changemens du temps. Malgré leurs changemens rapides et leurs formes fugaces, nous citerons les principaux renseignemens qu’on en peut tirer. — Par un temps nuageux, quand le vent souffle, la pluie doit s’ensuivre. Les nuages sont encore indices de pluie quand ils s’amoncèlent et ressemblent à des rochers ou à des montagnes qui s’entassent les unes sur les autres ; quand ils viennent du sud ou changent souvent de direction. Quand ils sont nombreux au nord-est le soir, quand ils sont noirs et viennent de l’est, c’est de la pluie pour la nuit ; s’ils viennent de l’ouest, c’est pour le lendemain ; quand ils ressemblent à des flocons de laine, c’est de la pluie après deux ou trois jours.

Lorsqu’il a beaucoup plu dans un endroit voisin de celui où l’on se trouve, dans l’été particulièrement, il se forme plusieurs couches de nuages ; on doit donc attendre de la pluie, mais de peu de durée, parce que l’humidité qui en avait été la cause était peu considérable, alors on a ce qu’on nomme des pluies d’orages. — La pluie est de peu de durée quand le ciel, couvert de nuages le matin, et l’air étant tranquille, les rayons du soleil viennent à percer les nuages ; car la chaleur, en dilatant alors l’air supérieur, le rend capable de contenir plus d’humidité, et le temps devient serein. Mais si plusieurs couches de nuages existent dans l’air et qu’il règne des vents humides, la pluie sera de longue durée. Il en sera de même, mais par ondées, si ces couches se meuvent avec des vitesses différentes, de façon à laisser des intervalles en passant l’une sur l’autre. — Si la pluie commence une heure ou deux avant le lever du soleil, il est à croire qu’il fera beau à midi ; mais s’il pleut une heure ou deux après le lever du soleil, en général il continuera à pleuvoir pendant tout le jour, et alors la pluie cessera. Quand la pluie arrive du sud avec un grand vent pendant deux ou trois heures, que le vent cesse et qu’il continue à pleuvoir, dans ce cas la pluie se prolongera durant 12 heures ou même davantage, et cessera ensuite. Ces longues pluies durent rarement plus de 24 heures.

Indices de beau temps : Quand, au coucher du soleil, les nuages paraissent dorés ou semblent s’évanouir ; que de petits nuages semblent descendre ou aller contre le vent ; qu’ils sont blancs ou que le ciel est ce qu’on appelle pommelé, le soleil étant élevé sur l’horizon. On a observé que le ciel pommelé, qui dénote un beau temps pour le jour où il se montre, est en général suivi de pluie deux ou trois jours après.

ii. Tirés des brouillards. — Signes de pluie : Lorsque les brouillards semblent attirés vers les sommets des hauteurs, il pleuvra dans un jour ou deux ; si, par un temps sec, les brouillards paraissent monter plus que de coutume, pluie subite.

Signes de beau temps : Si les brouillards se dissipent ou semblent descendre peu après la pluie ; si, après le coucher ou avant le lever du soleil, il s’élève, des eaux et des prairies, un brouillard blanchâtre, c’est pour le jour suivant de la chaleur et du beau temps. Le dépôt d’humidité à l’intérieur des carreaux de vitres est signe de beau temps pour la journée.

iii. Tirés du vent. — Dans presque toute la France les vents d’ouest et du nord-ouest donnent de la pluie ou des giboulées ; celui du sud et du sud-est y dispose le temps. Le vent d’ouest donne quelquefois de petites pluies, quoique le baromètre soit fort haut. — Quand le temps est orageux, il règne dans l’atmosphère plusieurs vents opposés ; la marche des nuages en divers sens, ou dans une direction contraire à celle indiquée par les girouettes, est donc signe d’orage.

[1:7:4]
§ iv. — Pronostics fournis par les végétaux.

Signes de pluie : Le Liseron des champs, le Mouron des champs, le Souci pluvial et beaucoup d’autres plantes, ferment leurs fleurs aux approches de la pluie ; ce qui a même fait appeler le Mouron, baromètre du pauvre homme.

[1:7:5]
§ v. — Pronostics fournis par les animaux.

L’air pénètre presque tout le corps des oiseaux, les organes de la respiration se continuant dans leurs os ; il n’est donc pas surprenant qu’ils paraissent plus sensibles aux variations et aux influences de l’atmosphère que les autres animaux. Ce sont eux que le navigateur, le chasseur et toute personne obligée de passer sa vie au dehors, consulte principalement : ils nous fourniront les indices les plus nombreux.

Indices du vent : Les oiseaux aquatiques se rassemblent sur le rivage et s’y ébattent, surtout le matin ; les Foulques et les Canards sont inquiets et criards ; les Corbeaux s’élancent dans l’air ou folâtrent sur les rivages. Les poissons de mer et d’eau douce, lorsqu’ils sautent souvent à la surface de l’eau, présagent un orage.

Indices de calme : Le retour de l’Alcyon à la mer quand le vent dure encore ; la sortie des Taupes de leurs trous ; le chant ordinaire des petits oiseaux ; les jeux des Dauphins sur l’eau pendant l’orage.

Signes de pluie : Les oiseaux d’eau quittent la mer pour venir à terre ; les oiseaux de terre, et notamment les Oies, les Canards, vont à l’eau et y font de grands mouvemens et de grands cris ; les Corbeaux et les Corneilles se rassemblent et disparaissent ensuite subitement ; les Pies et les Geais s’attroupent et jettent de grands cris ; les Corneilles crient le matin d’une manière entrecoupée ou plus que de coutume ; les Hérons, les Buses volent bas ; les Hirondelles rasent la surface des eaux ; les petits oiseaux oublient leur nourriture et fuient vers leurs nids ; les Pigeons gardent leurs demeures ; les Poules, les Perdrix, etc., se roulent dans le sable et secouent leurs ailes ; le Coq chante le soir et le matin et bat des ailes ; l’Alouette et les moineaux chantent très-matin ; le Pinçon fait entendre son cri de bonne heure près des maisons ; les Paons et les Hibous crient plus fort et plus souvent que de coutume pendant la nuit ; etc., etc. — Les Anes braient plus que de coutume ; les Bœufs ouvrent leurs naseaux, regardent du côté du sud, se couchent et se lèchent ; les Chevaux hennissent avec violence et gambadent ; les Moutons et les Chèvres sautent beaucoup et se querellent ; les Chats nettoient leur face et leurs oreilles ; les Chiens grattent la terre avec ardeur, et un grand bruit se fait entendre dans leur ventre ; les Rats et les Souris font plus de bruit que de coutume, etc., etc. — Les Grenouilles et les Crapauds croassent dans les fossés ; les Vers sortent de terre en abondance ; les Araignées travaillent peu et se retirent dans leurs coins ; les Mouches sont plus lourdes et plus piquantes ; les Fourmis gagnent à la hâte leur habitation, ainsi que les Abeilles ; les Cousins chantent plus que de coutume, etc.

Signes de beau temps : Les Milans, les Butors volent en criant ; les Hirondelles volent bien haut (parce qu’alors les insectes se tiennent dans les régions supérieures) ; les Tourterelles roucoulent lentement ; le Rouge-Gorge s’élève dans les airs et chante ; les Roitelets chantent le matin de 9 à 10 heures et l’après-midi de 4 à 5 heures, etc. — Les Cousins et les Mouches jouent dans les airs après le coucher du soleil ; les Frelons, les Guêpes paraissent le matin en grand nombre ; les Araignées se montrent dans l’air et sur les plantes, filent tranquillement, et étendent beaucoup leurs rêts.

[1:7:6]
§ vi. — Signes et pronostics divers.

Indices de pluie tirés des corps inanimés. — Ils sont sans nombre : on peut citer le gonflement du bois, le dépôt d’humidité sur les pierres et le fer qui semblent suer ; on voit alors les cordes des instrumens de musique se briser, les toiles des tableaux et les papiers de teinture se relâcher, le sel devenir humide, un cercle remarquable se montrer autour des lumières, les étangs devenir troubles et boueux, etc.

Signes d’orage : Quand le temps est étouffant et que le sol se fend, c’est toujours un présage que l’orage est proche ; dans l’été, quand le vent a soufflé du sud pendant 2 ou 3 jours, que le thermomètre est élevé et que les nuages forment de grands amas blancs, comme des montagnes qui s’entassent les unes sur les autres, accompagnés de nuages noirs en dessous : si deux nuages de cette espèce apparaissent des deux côtés. On a observé que c’est le vent du sud qui amène le plus d’orages, et le vent de l’est qui en amène le moins.

Signes de grêle et de neige : Les nuages d’un blanc jaunâtre et qui marchent lentement, quoique le vent soit fort. Si, avant le lever du soleil, le ciel vers l’est est pâle, et si les rayons réfractés se montrent dans des nuages épais, attendez alors à de grands orages avec grêle. Les nuages blancs dans l’été sont signes de grêle, mais dans l’hiver, de neige, surtout quand l’air est un peu adouci. Au printemps et dans l’hiver, quand les nuages sont d’un blanc bleuâtre et s’étendent beaucoup, on doit s’attendre à du grésil, qui n’est autre chose qu’un brouillard congelé.

Signes de froid et de gelée : L’apparition prématurée des Oies sauvages et autres oiseaux de passage ; la réunion des petits oiseaux en bandes ; l’éclat du disque de la lune, et l’aspect pointu de ses cornes après le changement de lune ; si le ciel est brillant d’étoiles ; si de petits nuages bas voltigent vers le nord ; si la neige tombe fine, tandis que les nuages s’amoncèlent comme des rochers.

Signes du dégel : La chute de la neige en gros flocons tandis que le vent souffle du sud, les craquemens qui se font entendre dans la glace ; si le soleil parait baigné d’eau, et les cornes de la lune émoussées ; si le vent tourne au sud ou est très-changeant. On voit que ce sont en général les mêmes indices que pour l’humidité.

Section viii.Du climat de la France.

L’Anglais Arthur Young rend ce témoignage en faveur du climat de la France, que de toutes les contrées de l’Europe il n’en est peut-être pas une qui soit dans des conditions pareilles de prospérité. Sachons donc profiter des avantages naturels de notre situation. Ceux qui tiennent au climat sont aussi essentiels que la qualité du sol, et il est impossible d’avoir une idée exacte de l’abondance et des ressources d’un État, si l’on ne connaît pas les avantages et les désavantages naturels de ses différens districts. Mais il faut avouer que, pour le cultivateur praticien, il n’en est pas tout-à-fait ainsi : des généralités sur le climat des différens bassins de la France auraient pour lui peu d’utilité, et il trouvera plus de profit à méditer les considérations consignées dans les sections précédentes, afin de les appliquer à la localité qui l’intéresse.

Qu’il nous soit permis de dire seulement que le climat général de la France est tempéré, et que, considéré dans l’ensemble, il n’est ni sec ni humide ; il se prête merveilleusement à toutes les tentatives des cultivateurs, qui le verront récompenser leurs efforts s’ils savent choisir avec discernement les cultures convenables à chaque localité. En effet, le territoire français est trop vaste et trop varié pour qu’il soit possible d’y prescrire une culture uniforme. Ainsi, la Normandie et une partie de la Bretagne sont mises, par le voisinage de la mer, dans des conditions analogues au climat de l’Angleterre, et il en résulte que l’air est plus humide et plus favorable aux pâturages, que la température y est plus égale, c’est-à-dire les étés moins chauds, et les hivers moins froids.

D’un autre côté, Arthur Young dit qu’en Angleterre, le fermier qui, ayant labouré en automne, sème en février, jette les semailles dans un bourbier ; tandis qu’il sème dans une terre de jardin, si après avoir labouré en février, il confie immédiatement ses semences à la terre. Il en est tout autrement dans la culture du midi : l’homme qui laboure en hiver et sème en février, travaille dans une terre de jardin ; celui dont les labours sont exécutés en février, ne sème le plus souvent que dans des mottes à peine brisées, et est obligé à un grand nombre de travaux préparatoires. La sécheresse de l’été oblige les cultivateurs des terres fortes en Provence à se servir beaucoup du rouleau après chaque labour ; un hersage qui suit l’action du rouleau, émiette parfaitement la terre ; lorsque les printemps sont secs, on est obligé d’employer d’énormes rouleaux de pierre, dont le travail difficile et pénible reste quelquefois imparfait. Les seconds labours d’été offrent dans ces régions un autre genre de difficultés, lorsqu’il ne pleut pas, ou que les pluies estivales sont peu abondantes, ce qui est le plus ordinaire : un labour fait imprudemment gâté la terre, et y fait croître une multitude de coquelicots et de crucifères qui épuisent le sol et le couvrent pour plusieurs années de leurs semences abondantes. — Ces considérations font sentir combien on doit insister sur l’influence des climats dans l’application des principes de l’agriculture.

Rozier fait remarquer que la France est divisée en 14 bassins, dont 4 grands et 10 petits : on entend par bassin tout le pays qui a pour ses eaux une même voie d’écoulement ; ainsi la portion du terrain qui sépare un bassin d’un autre est nécessairement plus élevée, puisqu’elle détermine la pente des eaux. Nous nous bornerons ici à nommer ces bassins.

Les 4 grands sont ceux du Rhône, de la Seine, de la Loire et de la Garonne, qui doivent être subdivisés chacun en un assez grand nombre d’autres. Les 10 petits bassins admis par Rozier sont ceux de la Basse-Provence ou du Var ; du Bas-Languedoc, formé par plusieurs petites rivières, et principalement par l’Aude et l’Hérault ; de la Navarre ou de l’Adour ; des Landes de Bordeaux ; de la Saintonge ou de la Charente ; de la Bretagne et de la Normandie, composé de la Bretagne proprement dite, où le principal cours d’eau est la Vilaine, et de la partie de la Normandie arrosée par la Vire, l’Orne, la Touque, etc. ; de la Picardie ou de la Somme ; de l’Artois ou de l’Escaut ; de la Meuse ; de la Moselle ; on peut encore y ajouter celui du Rhin pour la rive gauche de ce fleuve depuis Béfort. C. B. de M.