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Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Livre 8/T3/ch. 1

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Texte établi par Jacques Alexandre Bixiola librairie agricole (Tome cinquièmep. 55-78).
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CHAPITRE 1er. — Pépinières, principes généraux.

Nous avons traité, au commencement du quatrième volume, des pépinières considérées dans leurs rapports avec l’économie forestière et la grande culture ; le nouveau point de vue sous lequel nous envisageons l’établissement et la conduite des pépinières exclusivement destinées aux arbres et arbustes du domaine de l’horticulture, nous oblige à entrer dans des détails beaucoup plus étendus ; nous renverrons le lecteur à l’article Pépinière, tome IV, pages 1re et suivantes, toutes les fois qu’il y aurait lieu à des répétitions, soit pour le texte, soit pour les figures.

La multiplication des végétaux ligneux vivaces, cultivés dans nos jardins, soit pour leurs fruits, soit pour la beauté de leurs fleurs ou de leur feuillage, est l’objet spécial de la profession du pépiniériste, l’une des plus importantes de celles qui se rattachent aux différentes brandies de l’horticulture. Des pépiniéristes, en très petit nombre, cultivent la plus grande partie des arbres et arbustes à l’usage des jardins ; le plus grand nombre s’en tient à une spécialité, déterminée, soit par la nature du sol, soit par la facilité du placement d’un genre particulier de produits. Ainsi la Normandie et la Bretagne ont leurs pépinières d’arbres fruitiers destinés à produire les fruits à cidre ; la Provence a ses pépinières d’oliviers et d’orangers, tandis qu’aux environs de Paris on trouve des pépinières où les arbres et arbustes de toute espèce, croissant en pleine terre sous le climat de la France centrale, sont offerts aux amateurs d’horticulture dans toute la perfection que peuvent leur donner les soins les plus assidus et les plus intelligents.

Après avoir esquissé les principes généraux qui régissent toute cette branche de l’horticulture, nous indiquerons séparément les détails relatifs aux pépinières d’arbres à fruit, et ceux qui ne concernent que l’éducation en pépinière des arbres et arbustes d’ornement.

Sect. I. Choix et préparation du terrain 
 56
Sect. II. Semis.
 
§ 1. 
Choix des semences 
 57
2. 
Semences d’arbres et d’arbustes classés selon l’époque de leur maturité.
 
A 
Cônes 
 58
B 
Glands, amandes, noix, noisettes, châtaignes 
 ib.
C 
Fruits et baies à noyaux 
 59
D 
Fruits, baies et capsules contenant des pépins 
 ib.
E 
Arbres et arbustes à semences légumineuses. 
 ib.
F 
Arbres et arbustes à petites semences molles 
 60
§ 3. 
Observations sur les semis de pépins et noyaux 
 ib.
A 
Pépins 
 ib.
B 
Noyaux 
 61
Sect. III. Marcottes et boutures.
 
§ 1. 
Marcottes 
 ib.
A Marcotte
simple 
ib.
B ——
chinoise 
62
C ——
incisée 
ib.
D ——
par amputat. 
ib.
E ——
par incision annulaire 
ib.
2. 
Boutures 
 63
A Bout.
simple, préparat. 
ib.
B ——
à bourrelet 
64
C ——
à crossette 
ib.
D ——
à l’étouffée 
ib.
E ——
de racines 
65
F ——
semées 
ib.
Sect. IV. Greffe 
 ib.
§ 1. 
Nomenclature 
 66
2. 
Greffes en approche 
 67
A Greffe
Magon 
ib.
B ——
Diane 
ib.
C ——
Sylvain 
68
D ——
hymen 
ib.
E ——
cauchoise 
ib.
F ——
Rozier 
ib.
G ——
Forsyth 
ib.
3. 
Greffe par scions 
 ib.
A ——
Adicus 
69
B ——
à l’anglaise 
ib.
C ——
Lee 
70
D ——
La Quintinie 
ib.
E ——
Pline 
ib.
F ——
Théophraste 
ib.
G ——
Liébault 
ib.
H ——
Richard 
ib.
4. 
Greffe par gemma 
 71
A Greffe
Lenormand 
ib.
B ——
Sickler 
72
C ——
Aristote 
73
D ——
par plusieurs gemma 
ib.
E Greffe
Jefferson 
74
F ——
par copulation 
ib.
5. 
Greffe herbacée ou à la Tschudy 
 ib.
6. 
Greffe herbacée des unitiges 
 ib.
7. 
Greffe herbacée des végétaux omnitiges et multitiges 
 75
8. 
Greffe herbacée des végétaux non ligneux 
 76
9. 
Résumé 
 77


Section 1re. — Choix et préparation du terrain.

Lorsqu’on crée une pépinière de quelque étendue, il doit presque toujours s’y rencontrer diverses natures de terrains ; on ne doit regarder comme absolument impropres à l’établissement d’une pépinière que les terres compactes et arides, formées d’argile pure ou de craie sans mélange ; hors ces deux conditions qui se rencontrent rarement partout où le débit des produits est assuré, une pépinière peut être formée avec avantage. Ceci s’applique aussi bien aux travaux du jardinier-marchand qu’à ceux du propriétaire qui, ayant à créer ou simplement à entretenir de vastes plantations quelle (lu’en soit la nature, trouvera toujours de l’avantage à joindre une pépinière à son domaine. Non seulement une terre riche et féconde, de première qualité, ne doit point être préférée pour une pépinière, mais encore elle doit être considérée comme essentiellement impropre à cette destination. Il en est des arbres comme des animaux ; s’il est vrai que dans la jeunesse une alimentation convenable leur assure un bon tempérament, il n’est pas moins certain qu’un arbre élevé en pépinière dans un sol trop fertile et transplanté ensuite dans un terrain moins riche pour y terminer sa croissance, languira, de même qu’un cheval nourri dans son premier âge avec trop de recherche et d’abondance, doit dépérir dès qu’il sera mis à un régime moins substantiel. Pour les arbres à fruits à noyaux une terre de fertilité moyenne, légère, peu compacte ; pour les arbres à fruits à pépins, une terre franche et profonde de 0m,40 à 0m,50, sont les plus convenables Si la terre avait des dispositions à retenir l’eau, elle devrait être assainie par des rigoles d’égouttement, et amendée avec du sable fin et des cendres de houille. Dans tous les cas, il importe qu’elle soit défoncée aussi profondément que le permet l’épaisseur de la couche de terre végétale. Ce défoncement ne saurait être opéré avec trop de soin ; tout en divisant la terre, on la nettoie le plus complètement possible des pierres de trop grosses dimensions, et des racines de plantes vivaces, telles que le chiendent, le liseron et les différentes espèces de patience, qui s’étendent avec une incroyable rapidité et dévorent la substance des jeunes arbres. Dans un travail de cette nature, nous ne pouvons trop le répéter, il y a économie à ne pas ménager la main-d’œuvre ; car rien n’est plus désagréable et plus dispendieux en même temps, que de voir percer, à travers les semis, des pousses de racines vivaces qui tuent le jeune plant si on les laisse, et qui pourtant ne peuvent s’arracher qu’en détruisant une partie des sujets obtenus de semis avec beaucoup de peine et de dépense.

Le sol, ainsi préparé est divisé en compartiments dont les uns, destinés aux premiers semis, sont choisis dans le meilleur terrain dont on dispose, et les autres, réservés pour les repiquages et transplantations, sont cultivés en légumes avec une fumure modérée, jusqu’à ce que les semis aient produit assez de plans pour les remplir.

Un terrain légèrement incliné au sud et à l’est, abrité du côté du nord, mais à une certaine distance de l’abri, est le plus favorable à l’établissement dune pépinière. Un terrain trop uni ne pourrait aussi facilement qu’une surface un peu accidentée, réunir, à proximité les uns des autres, des sols de nature diverse.

Les planches destinées aux semis peuvent être amendées selon le besoin avec une certaine quantité de marne ou de chaux ; jamais elles ne doivent recevoir une fumure d’engrais récent d’étable ou d’écurie, immédiatement avant les semis. Lorsqu’on juge à propos de faire alterner sur ces planches les semis d’arbres et d’arbustes avec une culture de légumes, dans le but d’appliquer à cette culture intercalée une fumure suffisante pour rétablir la terre que le plant fatigue beaucoup, il faut choisir les genres de légumes qui ne laissent pas de traces après eux, et exclure ceux qui, comme les pommes de terre et les topinambours, ne peuvent jamais être récoltés avec assez de soin pour qu’il ne reste pas en terre quelques tubercules dont, l’année suivante, la végétation dérange celle des semis.

La culture d’une pépinière n’exige aucun bâtiment qui lui soit spécialement consacré, si ce n’est un hangar pour mettre les instruments de travail à l’abri, et un cabinet pour la conservation des semences. Dans une pépinière complète, il est bon d’avoir un certain nombre de cloches et quelques châssis pour les semis et les boutures qui réussissent mal en plein air et en pleine terre. Un bassin, lorsqu’on dispose Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/69 espèce avec le pollen d’une autre ; il en résulte le plus souvent une variété intermédiaire. Le mode selon lequel s’opère ce croisement est des plus curieux. Le pollen, ou poussière fécondante, contenue dans les bourses des étamines. est composé de très petits globules creux dont l’intérieur est rempli d’un fluide dans lequel nagent des particules dont la forme varie du sphéroïde à l’ovale, et qui possèdent visiblement la faculté de se mouvoir spontanément, comme on peut s’en assurer en les observant au microscope. Le stigmate, extrémité du pistil ou organe féminin, est formé d’un tissu très lâche, dont les pores ou passages intercellulaires ont un diamètre plus grand que celui des atomes mouvants du pollen. Quand un grain de pollen vient en contact avec le stigmate, son enveloppe se brise, et il verse son contenu sur le tissu lâche du stigmate. Les particules mouvantes descendent à travers le tissu du stile, quelquefois une à une, quelquefois plusieurs ensemble, selon l’espace qu’elles trouvent ; elles arrivent, par des conduits que la nature a destinés à cet usage, jusqu’à une petite ouverture qui existe dans les téguments de l’ovule destiné à devenir une semence. Déposée dans cette ouverture, la particule s’enfle, grandit par degrés, se sépare en radicule et cotylédons, et finalement devient un embryon duquel, quand la semence mûre sera confiée à la terre, un nouvel arbre doit sortir.

L’action du pollen sur le stigmate, et par suite sur la semence, étant telle que nous venons de la décrire, il s’ensuit nécessairement que, dans tous les cas de croisement, la variété nouvelle participera de l’individu mâle qui aura fourni le pollen et de l’individu femelle fécondé. Cet effet très sensible dans les croisements entre des espèces distinctes a toujours lieu, quoique d’une manière moins sensible, pour les variétés améliorées de longue main ; c’est ce qu’il ne faut jamais perdre de vue dans la pratique.

Les limites dans lesquelles ces effets peuvent se produire sont assez étroites. La fertilisation est nulle ou très rare entre deux espèces, à moins qu’elles n’offrent entre elles les plus grands rapports ; les semences provenant de ce croisement sont stériles, ou si elles sont fertiles, c’est pour retourner à l’une des deux espèces dont elles dérivent. Tel est sans doute le motif pour lequel nous n’avons pas d’intermédiaire entre la poire et la pomme, le coing et la poire, la prune et la cerise, la groseille à grappes et la groseille à maquereau. Mais les variétés se croisent aisément, et leurs produits dépassent souvent la fertilité de leurs auteurs. Il suffit d’en citer pour exemple les nombreuses variétés de poires obtenues en Belgique depuis trente ans par le croisement entre des variétés peu productives ; leur descendance égale ou dépasse la fécondité des meilleurs arbres fruitiers de nos jardins.

Tels sont les principes qui doivent diriger le pépiniériste dans le choix des semences. Ces principes sont en général rarement appliqués ; nous les avons crus d’autant plus dignes de trouver place ici, qu’ils ont attiré l’attention toute spéciale des hommes les plus distingués dans cette branche de l’horticulture. Les notions qui précèdent sont extraites en grande partie des ouvrages du célèbre professeur anglais Lindley.

§ II. — Semences d’arbres et d’arbustes classés selon l’époque de leur maturité.


A. — Cônes.
Espèces. Époque de la maturité
Pin sylvestre 
Novembre.
Pin à pignons 
Décembre.
Pin weimouth 
Octobre.
Pin cembro 
Novembre.
Sapin épicéa 
Octobre.
Sapin baumier 
Septembre.
Mélèze (3 variétés) 
Décembre.
Cèdre du Liban 
Mars.
Genévrier de Virginie 
Décembre.
Cyprès (2 variétés) 
Janvier.
Thuya (2 variétés) 
Novembre.

Un grand nombre de conifères ne se cultivent point en pépinière, soit parce que ces arbres reprennent trop difficilement, soit parce qu’il est toujours facile d’en prendre du plant dans les bois où ils se sèment d’eux-mêmes. On peut récolter les cônes depuis le moment indiqué comme leur époque de maturité, jusqu’au mois d’avril de l’année suivante ; mais s’ils sont récoltés de bonne heure, les graines en valent mieux. Au moment d’en faire usage, on les sépare en les exposant à la chaleur modérée d’une étuve ; les écailles du cône s’ouvrent et laissent échapper les semences.

Les cônes du cèdre du Liban ne doivent point être chauffés ; on les conserve une année entière avant de les ouvrir, ce qu’on fait au moyen d’une lame de fer, mais avec précaution. Cet arbre, le plus précieux de tous les conifères pour la durée et l’incorruptibilité de son bois, aura bientôt disparu de ses montagnes natales par l’incurie des habitants du pays ; les pépiniéristes et les amateurs ont pris soin d’en conserver et d’en propager la race près de s’éteindre. On le sème dans une terre très meuble, soit en pots, soit en plates-bandes, à l’exposition du midi ; les semences doivent être peu recouvertes. Le plant du cèdre ne forme jamais de bons arbres lorsqu’il a passé plus de deux ans en pépinière ; celui qu’on élève dans des pots suffisamment profonds, et qu’on transplante ensuite en motte, est toujours le meilleur ; ce mode de semis doit être préféré par ceux qui n’en ont pas un trop grand nombre à la fois. Les autres variétés de cèdre, et toutes les variétés de cyprès, se traitent comme le cèdre du Liban. Tous ces semis aiment une position ombragée.

B. — Glands, amandes, noix, noisettes, châtaignes, etc.
Espèces. Époque de la maturité
Chêne-yeuse 
Novembre.
Chêne-liége 
Novembre.

Chêne écarlate 
Novembre.
Chêne Rouvre et tous les autres chênes d’Europe 
Décembre.
Châtaignier 
Novembre.
Frêne 
Novembre.
Hêtre 
Septembre et octobre.
Marronnier d’Inde 
Octobre.
Platane occidental 
Décembre.
Erable, faux platane et autres 
Octobre.
Noyer (2 variétés) 
Septembre et octobre.
Noisetier-aveline 
Octobre.
Amandier 
Septembre.
Bouleau 
Novembre.
Staphiléa 
Octobre.

Toutes les semences de cette section peuvent être semées à l’état frais ; on ne doit faire sécher que celles qui doivent être envoyées au loin. Si le climat ou d’autres motifs ne permettent pas de les semer immédiatement, mais qu’on ne les destine pas à voyager, il n’y a pas de meilleur mode de conservation que de les disposer par lits alternatifs, recouverts de sable fin mêlé de cendres tamisées ; c’est ce qu’on nomme stratifier les semences. Par ce procédé, quoiqu’elles ne soient point desséchées, leur végétation demeure comme endormie jusqu’au moment où l’on veut s’en servir. Les glands, marrons d’Inde, marrons, châtaignes, amandes, noix et noisettes, se sèment en lignes à la fin de février ; ces semences sont peu difficiles sur la qualité du sol ; cependant elles réussissent mieux dans une terre franche, mais bien ameublie, que dans un sol trop léger. Elles doivent être enterrées à la profondeur de 0m,04 ou 0m,05.

Les semis de frênes se font en sol léger et frais dans une situation très découverte ; on les recouvre de 0m,02 ou 0m,03 de terre tout au plus.

Le sycomore et le hêtre, dont le plant est très sensible à l’action du froid, ne se sèment pas avant la fin de mars ou les premiers jours d’avril, en terre légère, sablonneuse, à 0m,02 de profondeur.

Ces indications se rapportent uniquement aux semis en pépinière ; les chênes, les châtaigniers, les hêtres susceptibles de former, par le moyen des semis, de vastes forêts, sont soumis dans ce cas à un traitement différent. (Voir tome IV, page 68.)

C. — Fruits et baies à noyaux.
Espèces. Époque de la maturité
Prunier 
Octobre.
Abricotier 
Août, septembre.
Pêcher 
Août, septembre.
Cerisier 
Juillet.
Laurier 
Novembre.
Laurier-cerise 
Septembre.
Néflier 
Décembre.
Sorbier des oiseleurs 
Août.
Sorbier pinnatifide 
Octobre.
Sorbier terminal 
Novembre.
Aubépine 
Octobre.
Alisier 
Novembre.
Houx 
Novembre.
Alaterne 
Octobre.
Nerprun 
Septembre.
Daphné 
Juin.
Viorme 
Juin.
Phylliréa 
Février.
Rosiers 
Octobre.

Le mois de février tout entier, et pour quelques variétés les premiers jours de mars, sont les époques les plus convenables pour les .semis des noyaux de cette section. Il en est qui, comme le néflier, se sèment rarement, parce qu’il leur faut deux années pour lever, et que d’ailleurs on les multiplie facilement par d’autres moyens. L’aubépine et le houx, très usités l’un et l’autre pour clôture, se sèment en lignes à 0m,16 de distance entre elles, à 0m,03 ou Om,04 de profondeur ; il est bon de passer le rouleau par-dessus les semis, tant pour que la semence soit bien recouverte que pour raffermir le sol, condition favorable au plant d’aubépine et de houx. La même précaution doit être recommandée pour les semis de ces deux graines en place. On ne doit pas manquer de les préserver par un abri quelconque de l’action directe des rayons solaires pendant les ardeurs de l’été auxquelles le jeune plant ne peut résister s’il n’est ombragé.

D. — Fruits, baies et capsules contenant des pépins.
Espèces. Époque de la maturité
Poirier 
Octobre.
Pommier 
Octobre.
Cognassier 
Novembre.
Vigne 
Octobre.
Cornouiller 
Octobre.
Berberis épine-vinette 
Septembre.
Sureau 
Septembre.
Chèvrefeuille 
Août.
Jasmin 
Octobre.
Troëne 
Octobre.
Tilleul 
Novembre.

Les pépins, auxquels la profession de pépiniériste doit son nom, sont de tous les genres de semences le plus important dans les pépinières d’arbres fruitiers ; on plante en effet bien plus d’arbres fruitiers à pépins que d’arbres fruitiers à noyaux, les usages des fruits à noyaux étant beaucoup plus limités. Les semis de pépins ont besoin d’être préservés de la chaleur et de la sécheresse par quelques abris pendant le premier été que le jeune plant passe en pleine terre. Ces abris sont d’un effet plus certain quand les planches sont dirigées de l’est à l’ouest, que quand leur direction est du nord au sud, disposition facile à prendre, et qui n’est pas sans influence sur le bon résultat des semis de pépins.

E. — arbres et arbustes à semences légumineuses.
Espèces. Époque de la maturité
Baguenaudier 
Octobre.
Robinia, faux acacia 
Novembre.
Cytise 
Octobre.
Gléditzia, fèvier de la Chine 
Novembre.
Cercis siliquastrum 
Novembre.

Toutes les semences légumineuses peuvent être semées en février, en terre sablonneuse et légère, mais profonde, parce que, durant leur premier âge, les racines du jeune plant pénètrent plus avant dans le sol que celles des arbres et arbustes des sections précédentes. Les semences légumineuses manquent rarement de lever, en sorte que le plant se trouve exposé à périr si les semis sont trop serrés ; elles doivent donc être suffisamment espacées entre elles, afin de ne pas se nuire ; il ne faut pas les enterrer à plus de 0m,02 de profondeur. L’époque critique pour le plant provenant des semences de celte section est le mois d’août, ou, comme disent les jardiniers, la sève d’août. Il arrive assez souvent que le plant des semences légumineuses, bien levé au printemps, perd ses feuilles en juillet et n’a pas la force d’aspirer la sève d’août ; on prévient ces accidents en sacrifiant, sans hésiter, une partie du plant levé, lorsqu’il paraît trop serré, et en donnant à celui qu’on laisse en place plusieurs binages dans les mois de juin et de juillet.

F. — Arbres et arbustes à petites semences molles.
Espèces. Époque de la maturité
Orme 
Juin.
Aune 
Novembre.
Peuplier 
Mai.
Saule 
Juin.
Syringa 
Octobre.
Ciste 
Septembre.
Rhus Cotinus 
Juillet.

Les semences de cette section étant mûres de très bonne heure, peuvent être semées aussitôt qu’on les récolte ; livrées à elles-mêmes, sans culture, elles donnent déjà du plant très vigoureux avant l’hiver. On doit suivre cette indication de la nature, excepté pour les variétés sensibles au froid, dont on retardera les semis jusqu’au printemps de l’année suivante. Ces semences veulent tout au plus être recouvertes d’un ou deux centimètres de terre.

§ III. — observations sur les semis de pépins et de noyaux.

Les semis sont le meilleur de tous les modes de reproduction des arbres et arbustes fruitiers en pépinière ; les autres modes sont inférieurs sous tous les rapports ; des motifs d’économie de temps et d’argent peuvent seuls les faire préférer dans beaucoup de circonstances, bien que ceux-là même qui les adoptent ne contestent pas la supériorité des semis. Mais tous ceux pour qui nous écrivons ne cultivent pas dans des conditions identiques ; il en est beaucoup pour qui les considérations d’argent ne sont que secondaires, et qui, véritables amateurs, tiennent surtout à faire le mieux possible ; ceux-là ne balanceront pas a semer constamment, même au delà de leurs besoins, car c’est seulement ainsi qu’on peut, soit conquérir de nouveaux fruits, soit perfectionner les anciens, source de continuelles jouissances pour l’horticulteur. Nous croyons donc devoir ajouter quelques conseils aux observations qui précèdent.

A. — Pepins.

Le plus grand nombre des sujets de poiriers et pommiers, livrés au commerce par les pépiniéristes, ne provient pas de semis ; les poiriers destinés à être conduits en espalier ou en quenouille sont greffés sur cognassier ; les sujets de cognassier pour greffer s’obtiennent de vieilles souches (il y en a de plus que séculaires) qui n’ont pas d’autres fonctions que de fournir constamment des rejetons qu’on leur enlève à mesure qu’ils se développent pour les repiquer en pépinière et les cultiver jusqu’au moment de les greffer ; on nomme ces vieilles souches des mères. On conçoit quelle différence de vigueur et de durée doit exister entre ces sujets donnés par des souches depuis si longtemps épuisées, et ceux que donneraient des semis de pepins ; c’est la vie qui s’éteint, comparée à la vie qui commence. L’amateur et même le pépiniériste marchand s’il comprend bien ses intérêts, doivent donc semer chaque année des pépins de coings, choisis parmi ceux des plus beaux fruits des plus belles variétés. Les jeunes sujets craignent peu le froid, il est d’ailleurs facile de les en préserver par une légère couverture de paille ; les semis peuvent donc sans inconvénient se faire en automne, aussitôt que les coings sont arrivés à parfaite maturité. Pour les localités exposées à des hivers rigoureux, on fera bien, autant que possible, de conserver les coings entiers jusqu’au printemps, et de semer les pepins immédiatement au sortir du fruit. Les sujets retarderont d’un an ou deux sur ceux que donnent les souches-mères ; ce n’est réellement un inconvénient que pour le pépiniériste qui commence ; au bout de quelques années, il s’établit une rotation qui permet d’avoir toujours assez de sujets à greffer pour les besoins de l’établissement, et ces sujets sont de beaucoup supérieurs à ceux des souches-mères. Pour les variétés en grand nombre qui reprennent difficilement sur cognassier et ne forment jamais par ce procédé que des arbres défectueux, nous recommandons de semer une grande provision d’épine-blanche, sur laquelle tous les poiriers sans exception donnent, parla greffe, des arbres de la plus belle venue et de la plus grande durée.

Quant aux pommiers, rien ne peut jusqu’à présent remplacer, pour les arbres nains, les doucains, et les paradis, ce sont encore les meilleurs sujets pour les arbres qu’on se propose de tailler en quenouilles peu élevées ou bien en contre-espalier, à 1m,30 ou 1m,50 au plus de hauteur ; à la vérité ils durent peu, mais ils produisent promptement et ne s’emportent jamais. Pour tous les arbres en grandes quenouilles, en grands espaliers et à haute tige ou en plein-vent, les sujets obtenus de semis sont préférables.

On ne sème guère que les pépins des poires et pommes qui ont servi à faire du cidre ; ces Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/73 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/74 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/75 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/76 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/77 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/78 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/79 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/80 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/81 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/82 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/83 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/84 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/85 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/86 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/87 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/88 d’autres dans les pépinières d’arbres à fruit.

Nous devons faire observer que pas une de ces greffes n’est intrinsèquement la meilleure pour l’objet auquel on l’applique. Pour greffer en écusson à œil poussant et à œil dormant, les greffes Lenormand et Vitry sont inférieures sous tous les rapports au procédé de la greffe Aristote, plus facile à exécuter, en même temps qu’il est aussi plus sûr et plus solide, puisqu’il ne risque pas d’endommager l’aubier du sujet ; il n’a contre lui que d’être trop ancien et trop peu répandu ; les diverses greffes en fente seraient remplacées avec avantage par la greffe par copulation, qui met en contact de plus grandes surfaces susceptibles de soudure ; la greffe Jefferson vaut mieux que la greffe en flûte ordinaire et répond aux mêmes usages ; il y aurait aussi lieu, dans bien des cas, de lui substituer avec avantage la greffe herbacée à la Tschudy. Beaucoup d’horticulteurs partagent à ce sujet notre conviction ; mais, dans les pépinières, la coutume l’emporte ; les ouvriers tiennent trop aux anciens procédés, et ils ont trop de moyens de faire échouer les nouveaux. Nous avons néanmoins à signaler une importante innovation récemment introduite dans l’art de greffer, et déjà généralement en usage dans les pépinières de nos départements du midi ; c’est la greffe au coin du feu ou sur les genoux, qui ne constitue point un procédé à part, mais une application meilleure des procédés de greffe en fente, en écusson et par copulation. Il est évident qu’on opère mieux étant assis à son aise au coin de son feu, ayant près de soi sur une table les sujets, les greffes et les instruments nécessaires, que quand il faut greffer dehors, à genoux sur la terre humide, exposé au vent ou à la pluie. Voici ce qu’écrivait à ce sujet il y a quelques’ années, M. Van Mons.de Louvain, connu pour avoir peu d’égaux en Europe pour la culture des arbres à fruits :

« Le chancre du bout des branches et le cancer de la tige qui attaquent si fréquemment le poirier et le pommier greffés, surtout lorsque sur l’arbre en sève on exerce une taille de rapprochement, d’amputation ou d’abaissement, dépendent en grande partie de ce qu’on pose leur greffe sur des sujets en sève ou prêts à entrer en sève, et que l’opération oblige de rabattre tout près du sol ; le sujet acquiert une concentration de vie, et la vie de la greffe est suspendue ; on sent aisément ce que cette différence de condition peut produire.»

« La greffe du poirier sur franc et celle du pommier sur paradis doivent être exécutées sur des sujets levés de terre ; on opère sur ses genoux. Le poirier est greffé par copulation, le pommier est greffe en fente ; on rabat le sujet jusqu’à 0m,05 au-dessus de la naissance des racines. Les sujets doivent avoir été levés de terre et mis en jauge avant la saison des gelées. On peut commencer à greffer dès la suspension des gelées, et continuer jusqu’en mai. A moins d’accident, aucune greffe ne manque à la reprise, et la consolidation est si prompte que bientôt les traces de la plaie disparaissent. Le bien consiste en ce que l’état de souffrance est commun aux deux parties ; la vie végétale est suspendue dans le sujet comme dans la greffe ; si le sujet est sans branches, il est aussi, à peu de choses près, sans racines ; pour faire développer les yeux de la greffe, des racines courtes se mettent plus tôt à pousser que des racines longues ; un fort appareil de racines n’est pas mis hors d’équilibre avec un appareil nul de branches ; enfin, les deux parties se relèvent ensemble de leur langueur commune, et le sujet n’envoie pas à la greffe plus de sève que celle-ci n’en peut assimiler. Une fois reprise, la greffe marche plus rapidement qu’une autre ; elle subdivise son bois en raison de ce qu’elle pousse de courtes et nombreuses racines, et bien souvent, au bout de l’année, on a un arbre fait qui, l’année suivante ou la seconde année, porte déjà fruit.»

§ IX. — Résumé.

Avant de clore ce chapitre, résumons les principes généraux qui doivent présider à la création d’une pépinière.

Emplacement. — Le plus convenable est une plaine légèrement inclinée, à l’abri des vents violents de l’ouest et du nord ; tout local peut être rendu propre à l’établissement d’une pépinière, au moyen des brise-vents ou abris artificiels.

Qualité du sol. — Le sol doit être un peu moins fertile que celui où les arbres seront plantés à demeure. Le pépiniériste ne pouvant savoir d’avance où ses arbres iront quand il les vendra, ne doit pas préférer le sol le plus riche possible ; s’il en a de plusieurs qualités, il doit, à l’époque des ventes, avoir égard à ces différences, par rapport au sol dont disposent les acheteurs.

Fig. 219, 217.

Fig. 218.

Semis. — Ils doivent toujours être, préférablement à tout autre moyen, la base du repeuplement de la pépinière, pour obtenir des variétés nouvelles, régénérer les anciennes, ou seulement pour se procurer des sujets toujours meilleurs que ceux qu’on obtient par marcotte. Il vaut mieux semer en lignes qu’à la volée, à moins que, comme dans le Romois, on ne doive ensemencer en pépins de très grands espaces. Le sol, surtout s’il est léger, doit être raffermi par-dessus les semis au moyen d’un rouleau, ou mieux d’une planche qui permette de modifier la pression à volonté. Les figures 217, 218 et 219 montrent les planches généralement employées en Belgique pour cet usage, et la manière de s’en servir en avançant de côté.

Sentiers et planches. — Si le sol est argileux, les sentiers qui doivent séparer les planches de la pépinière seront de quelques centimètres plus bas que ces planches ; ils seront au contraire un peu plus élevés si le sol est léger et facilement perméable ; la largeur des planches et celle des sentiers seront combinées de manière à ce qu’on puisse sarcler sans être forcé de fouler la terre des semis.

Arrosages. — Quand les semis et le jeune plant auront besoin d’arrosages, une eau trouble ou même bourbeuse sera la meilleure pour eux. Les arrosages servent à préserver les semis des effets désastreux de la sécheresse de printemps (hâle de mars) et des grandes chaleurs de l’été ; on les donne au printemps le matin et en été le soir, mais jamais sans absolue nécessité. Dans le midi, lorsqu’on achète des oliviers ou des mûriers pour les planter, on a soin de s’assurer qu’ils n’ont point été arrosés en pépinière ; s’ils l’avaient été, et qu’ils fussent plantés à demeure dans un sol d’ailleurs convenable, mais dépourvu de moyens d’irrigation, on les perdrait presque tous.

Sarclages. — Quelque embarrassé que soit le terrain par la mauvaise herbe, on ne commence à sarcler que quand le plant est assez fort pour ne pas en souffrir ; tout ébranlement donne à sa racine pendant la première période de sa croissance peut lui être mortel.

Arrachage. — Chaque fois que le plant doit être arrache pour être repiqué, mis en place en pépinière et enfin vendu, l’arrachage doit toujours se faire à jauge ouverte, c’est-à-dire que l’on creuse en avant du premier rang, assez profondément pour être assuré de prendre les dernières racines en dessous, et ne pas avoir à craindre d’arracher leurs extrémités en les enlevant ; l’opération ne saurait être menée trop rapidement.

Habillage des tiges et des racines. — Il ne faut pas retrancher au tronc du plant ses rameaux inférieurs à l’époque du repiquage ; ces rameaux, qui seront supprimés plus lard, sont nécessaires pour appeler et retenir la sève, donner de la force au tronc et l’empêcher de s’emporter par en haut. Moins on touche aux racines, soit au premier repiquage, soit à la transplantation définitive en pépinière, plus l’arbre est assuré d’une bonne végétation ; il ne faut couper (jue les racines pourries ou endommagées, et dans ce cas couper très net. Au premier repiquage, on pineo, mais avec réserve, le bout du pivot des Iruitiers, principalement de ceux qui proviennent de pépins.

Espacement. — Le plant en pépinière ne doit point être gêné ; plus le sol est fertile, plus il faut de place aux racines pour s’étendre. On doit regarder les distances ci-dessous indiquées comme un minimum.

Arbres à fruits à pépins.
Arbres. Distance
des lignes.
Dist. des arbres
dans les lignes.
Poiriers hautes tiges 
0,70 0,60
Pommiers
id 
0,70 0,60
Poiriers, 2° grandeur 
0,80 0,80
Pommiers,
id 
0,80 0,60
Cognassiers enracinés 
0,80 0,60
Doucains
id 
0,65 0,50
Paradis
id 
0,60 0,50
Arbres à fruits à noyau.
Pruniers pour pêchers 
0,80 0,60
Amandiers
id 
0,80 0,60
Pruniers pour eux-mêmes 
0,70 0,40
Pruniers pour abricotiers 
0,70 0,50
Abricotiers pour eux-mêmes 
0,80 0,60
Cerisiers 
0,60 0,50

On indique un plus grand espace pour les poiriers et pommiers de seconde grandeur que pour ceux de première grandeur, parce que es premiers destinés à être conduits dans la suite en quenouille ou pyramide, ont besoin, pour être dirigés dans ce sens, après avoir été greffés, de commencer à étendre leurs branches inférieures , et prennent par conséquent plus de place que les sujets greffés à haute tige dans la pépinière.